Droit de rétractation : décision du 9 mars 2023 Cour d’appel de Douai RG n° 19/03433
Droit de rétractation : décision du 9 mars 2023 Cour d’appel de Douai RG n° 19/03433
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République Française

Au nom du Peuple Français

COUR D’APPEL DE DOUAI

CHAMBRE 1 SECTION 1

ARRÊT DU 09/03/2023

****

N° de MINUTE :

N° RG 19/03433 – N° Portalis DBVT-V-B7D-SNM4

Jugement rendu le 13 mai 2019 par le tribunal d’instance de Lille

APPELANTE

La SAS Solution Eco Energie

prise en la personne de ses représentants légaux

ayant son siège social [Adresse 3]

[Localité 7]

-en liquidation judiciaire-

représenté par Me Eric Laforce, avocat au barreau de Douai, avocat constitué

INTIMÉS

Monsieur [N] [W]

né le 31 mai 1977 à [Localité 8]

demeurant [Adresse 1]

[Localité 5]

représenté par Me Guillaume Ghestem, avocat au barreau de Lille, avocat constitué

assisté de Me Audric Dupuis, avocat au barreau de Paris, avocat plaidant

La SA Cofidis

prise en la personne de ses représentants légaux

ayant son siège social [Adresse 9]

[Localité 4]

représentée par Me Virginie Levasseur, avocat au barreau de Douai, avocat constitué

assistée de Me Xavier Hélain, avocat au barreau de Lille, avocat plaidant

Maître [P] [U] en qualité de liquidateur judiciaire de la SAS Solution Eco Energie

ayant son siège social [Adresse 2]

[Localité 6]

-assignée en reprise d’instance et en intervention le 15 octobre 2021 à personne habilitée-

n’ayant pas constitué avocat

DÉBATS à l’audience publique du 10 octobre 2022 tenue par Camille Colonna magistrat chargé d’instruire le dossier qui a entendu seule les plaidoiries, les conseils des parties ne s’y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la cour dans son délibéré (article 805 du code de procédure civile).

Les parties ont été avisées à l’issue des débats que l’arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe.

GREFFIER LORS DES DÉBATS : Delphine Verhaeghe

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ

Bruno Poupet, président de chambre

Céline Miller, conseiller

Camille Colonna, conseiller

ARRÊT CONTRADICTOIRE prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 09 mars 2023 après prorogation du 12 janvier 2023 (date indiquée à l’issue des débats) et signé par Bruno Poupet, président et Delphine Verhaeghe, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

ORDONNANCE DE CLÔTURE DU : 10 octobre 2022

****

EXPOSE DU LITIGE

Le 12 avril 2016, dans le cadre d’un démarchage à domicile, M. [N] [W] a souscrit auprès de la société Solution Eco Energie, suivant bon de commande n° 001344, une prestation de fourniture et pose de panneaux photovoltaïques 5 000W pour un montant de 23 500 euros, financé par un crédit n° L753394 du même montant remboursable en 180 mensualités précédées d’un différé de paiement de 11 mois, incluant les intérêts au taux nominal annuel de 4,64 %, souscrit le même jour auprès de la société Cofidis exerçant sous la dénomination Sofemo financement.

Aux fins d’obtenir l’annulation des contrats de vente et de crédit affecté, M. [W] a fait assigner la société Soleco, ainsi que la société Cofidis, puis la société Solution Eco Energie en précisant avoir commis une erreur en assignant la société Soleco devant le tribunal d’instance de Lille qui, par un jugement contradictoire du 13 mai 2019, a :

– constaté le désistement de l’instance engagée à l’encontre de la société Soleco,

– rejeté l’exception d’incompétence,

– prononcé la nullité du contrat de vente conclu le 12 avril 2016 suivant bon de commande n° 001344 entre M. [W] et la société Solution Eco Energie exerçant sous l’enseigne Soleco,

– constaté la nullité du contrat de crédit affecté n° L753394 conclu entre la société Cofidis et M. [W] en date du 12 avril 2016,

– condamné la société Codifis à lui restituer l’ensemble des sommes versées à quelque titre que ce soit en exécution du crédit affecté conclu le 12 avril 2016,

– ordonné à la société Solution Eco Energie de procéder à la désinstallation du matériel ainsi qu’à la remise en état de la toiture de M. [W],

– ordonné à la société Cofidis de procéder à la radiation de M. [W] du FICP,

– condamné la société Solution Eco Energie à payer à la société Cofidis la somme de 23 500 euros, avec intérêts au taux légal à compter du jugement,

– débouté les parties de toutes leurs autres demandes,

– condamné la société Solution Eco Energie aux dépens, à l’exception de ceux engagés à l’encontre de la société Soleco qui resteraient à la charge de M. [W].

La société Solution Eco-Energie a interjeté appel de ce jugement et, par conclusions notifiées le 19 septembre 2019, demande à la cour de l’infirmer et, statuant à nouveau, de :

– débouter M. [W], et par voie de conséquence la sociétés Cofidis, de l’intégralité de leurs demandes,

– dire et juger que l’opération en cause a une nature commerciale, en conséquence de quoi le tribunal d’instance devait se déclarer incompétent au profit du tribunal de commerce de Lille,

– dire et juger que le droit de la consommation n’a pas vocation à s’appliquer,

– débouter M. [W] de l’intégralité de ses demandes,

– à titre subsidiaire, si le droit de la consommation avait vocation à s’appliquer, débouter M. [W] de l’intégralité de ses demandes et la société Cofidis de ses demandes subséquentes,

– condamner M. [W] à payer à la Solution Eco Energie la somme de 3 000 euros par application de l’article 700 du code de procédure civile,

– condamner M. [N] [W] aux entiers dépens.

La société Cofidis, par conclusions du 3 mars 2020, a sollicité, outre les demandes accessoires, à titre principal l’infirmation du jugement déféré en toutes ses dispositions, le rejet des demandes de nullité, résolution ou déchéance du droit aux intérêts et la condamnation de M. [W] à lui payer la somme de 28’003,65 euros au taux contractuel de 4,64 % l’an à compter du 31 janvier 2018 et, à titre subsidiaire, la condamnation de M. [W] à lui rembourser le capital emprunté d’un montant de 23’500 euros, au taux légal à compter de l’arrêt à intervenir, subsidiairement, la condamnation de la société Solution Eco Energie à lui payer la somme de 34’646,40 euros, au taux légal à compter de l’arrêt à intervenir, à titre infiniment subsidiaire, sa condamnation à lui payer 23’500 euros, au taux légal à compter de l’arrêt à intervenir, et en toutes hypothèses, sa condamnation à la relever et la garantir de toute condamnation qui pourrait être mise à sa charge au profit de M. [W] à quelque titre que ce soit.

M. [W] a conclu le 16 décembre 2019 à la confirmation du jugement déféré et au débouté de la société Solution Eco Energie.

L’affaire a été mise en délibéré au 9 septembre 2021.

Par arrêt du 9 septembre 2021, la cour a ordonné la réouverture des débats et le renvoi à la mise en état de l’affaire, après que M. [W], intimé, eut produit copie de l’annonce n° 30 85 Bodacc A n° 20210099 publiée le 21 mai 2021, portant jugement d’ouverture de liquidation judiciaire de la société Solution Eco Energie et désignant Maître [U], en qualité de liquidateur de cette société.

Par acte d’huissier de justice du 15 octobre 2021, la SA Cofidis a assigné en reprise d’instance Maître [U] en qualité de liquidateur judiciaire de la société Solution Eco Energie.

Aux termes de ses dernières conclusions du 8 septembre 2022, la société Cofidis demande à la cour de réformer le jugement sur les conséquences de la nullité des conventions, et, statuant à nouveau, de condamner M. [W] à lui rembourser le capital emprunté d’un montant de 23 500 euros avec intérêts au taux légal à compter de l’arrêt à intervenir, à titre subsidiaire, si la cour venait à débouter l’ emprunteur de l’intégralité de ses demandes, le condamner à lui payer la somme de 28 003,65 euros au taux contractuel de 4,65 % l’an à compter du 31 janvier 2018, et, en tout état de cause, le condamner aux entiers dépens et à lui payer une indemnité d’un montant de 2 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

Aux termes de ses dernières conclusions du 19 septembre 2022, M. [W] demande à la cour de :

– in limine litis, confirmer le jugement du tribunal d’instance de Lille du 13 mai 2019 qui a rejeté l’exception d’incompétence ratione materiae soulevée par la SAS Solution Eco Energie et la SA Cofidis,

– à titre principal :

* confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a prononcé l’annulation des contrats qu’il a conclu avec la SAS Solution Eco Energie et la SA Cofidis le 12 avril 2016, et dit que l’annulation privait la SA Cofidis de son droit aux intérêts du contrat de crédit affecté, et le confirmer en ce qu’il a condamné la SA Cofidis à lui restituer le montant total des échéances du prêt affecté déjà remboursées par lui,

* infirmer le jugement en ce qu’il a ordonné à la société Solution Eco Energie de procéder à la désinstallation des matériels vendus et à la remise en l’état de son habitation antérieur à la conclusion du bon de commande annulé, et, statuant à nouveau, lui donner acte de ce qu’il procédera à ses frais à la désinstallation de ces biens et à leur remise au liquidateur de la SAS Solution Eco Energie, Maître [P] [U], à la simple demande de celui-ci,

– à titre subsidiaire, si la cour d’appel ne confirmait pas le jugement de première instance qui a prononcé l’annulation des contrats en cause à titre principal, statuer à nouveau et :

* prononcer la résolution judiciaire du contrat conclu entre lui et la SAS Solution Eco Energie pour inexécution suffisamment grave de ses obligations et en conséquence, prononcer la résolution judiciaire de plein droit du contrat de crédit affecté conclu entre lui et la SA Cofidis,

* juger que du fait de la résolution judiciaire de son contrat, la SA Cofidis est privée de son droit à restitution des intérêts prêtés et condamner la SA Cofidis à lui restituer le montant total des échéances du prêt affecté déjà remboursées par lui,

* lui donner acte de ce qu’il procédera à ses frais à la désinstallation de ces biens et à leur remise au liquidateur de la SAS Solution Eco Energie, Maître [U], à la simple demande de celui-ci,

– à titre très subsidiaire, si la cour d’appel ne confirmait pas l’annulation des contrats en cause ni ne prononçait subsidiairement la résolution judiciaire desdits contrats, prononcer la déchéance du droit aux intérêts de la SA Cofidis,

– en tout état de cause :

* confirmer le jugement en ce qu’il a jugé que la SA Cofidis a commis une faute dans le déblocage des fonds qui la prive de son droit à restitution du capital prêté, lui ayant causé un préjudice de 23 500 euros, à la exacte hauteur du montant de ce capital ;

* si par impossible la cour considérait que la faute de la SA Cofidis ne lui causait pas un préjudice de 23 500 euros, juger subsidiairement que cette faute lui a causé un préjudice de 23 265 euros,

– condamner solidairement la SAS Solution Eco Energie et la SA Cofidis à lui payer la somme de 3 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, outre le paiement des entiers dépens.

Il est renvoyé aux conclusions des parties pour le détail de leur argumentation.

MOTIFS DE LA DÉCISION

A titre liminaire, il est relevé que Maître [P] [U] en qualité de liquidateur judiciaire de la société Solution Eco Energie, régulièrement assignée, n’a pas constitué avocat, ni pris de conclusions, de sorte que la cour est saisie, concernant les demandes et moyens au soutien des intérêts de la société Solution Eco Energie, des conclusions initiales communiquées le 19 septembre 2019 par ladite société alors in bonis.

Sur la compétence du tribunal judiciaire de Lille

La société Solution Eco Energie soutient que l’opération en cause ayant une nature commerciale, le tribunal d’instance de Lille devait se déclarer incompétent au profit du tribunal de commerce du même lieu.

La société Cofidis ne critique pas, dans ces dernières conclusions du 8 septembre 2022, le rejet de l’exception d’incompétence.

M. [W] sollicite la confirmation du jugement du tribunal d’instance du 13 mai 2019 en ce qu’il a rejeté l’exception d’incompétence soulevée par la société Solution Eco Energie quand elle était in bonis, indiquant qu’il s’agissait pour la société Solution Eco Energie d’échapper à sa responsabilité.

C’est au visa des articles L. 721-3 et L. 110-1 du code de commerce et par de justes motifs que la cour adopte que le premier juge a rejeté l’exception d’incompétence soulevée, le jugement entrepris devant être confirmé sur ce point.

Sur le fond

Les contrats liant les parties ayant été conclus le 12 avril 2016, les dispositions légales antérieures à l’entrée en vigueur, le 1er juillet 2016, de l’ordonnance n°2016-301 du 14 mars 2016 sont applicables au litige.

Sur la nullité du contrat de vente

La société Solution Eco Energie soutient que le jugement entrepris doit être totalement infirmé, le bon de commande comportant toutes les caractéristiques des produits vendus, ainsi que les conditions de vente.

La société Cofidis a abandonné en cours de procédure sa contestation de l’ensemble des chefs du jugement et reconnaît, dans ces dernières conclusions du 8 septembre 2022, la nullité du bon de commande et la nullité subséquente du contrat de crédit et ne remet pas en cause le fait d’avoir financé un bon de commande entaché de causes de nullité flagrantes.

M. [W] soutient que la décision de première instance doit être confirmée, la nullité du contrat principal résultant de l’annulation du bon de commande pour défaut de conformité aux exigences légales en vigueur, ces vices n’ayant pas été couverts par lui et entraînant de plein droit l’annulation du crédit affecté.

Au visa des articles L.121-18-1, L.121-17 et L.111-1 du code de la consommation et par de justes motifs que la cour adopte, le premier juge a relevé que le bon de commande n° 001344 signé le 12 avril 2016 remis au consommateur présentait les défauts suivants :

-défaut de conformité du bordereau de rétractation

-défaut d’indication du prix HT de l’installation

-défaut d’indication du coût de la pose/des matériels

-défaut de mention du mode de paiement et du recours à un prêt

-défaut de précision concernant les modalités des travaux et leur durée

-défaut de lisibilité du bon de commande.

C’est également à juste titre qu’il en a déduit que le bon de commande était entaché de nullité relative, laquelle n’avait pas été couverte par les actes accomplis par M. [W], emportant en conséquence la nullité du contrat.

Le jugement sera donc confirmé en ce qu’il prononce la nullité du contrat de vente conclu le 12 avril 2016 entre M. [W] et la société Solution Eco Energie.

Sur la nullité du contrat de crédit

L’article L.311-32 du code de la consommation en vigueur du 1er mai 2011 au 1er juillet 2016 dispose notamment que le contrat de crédit est résolu ou annulé de plein droit lorsque le contrat en vue duquel il a été conclu est lui-même judiciairement résolu ou annulé.

La nullité du contrat de vente emporte donc en l’espèce la nullité du contrat de crédit et le jugement doit être confirmé en ce qu’il l’a constaté.

Sur les conséquences de la nullité du contrat principal

La société Solution Eco Energie sollicite le débouté de M. [W] et de la société Cofidis de toutes leurs demandes, sans développer de moyen autre que celui tiré de l’absence d’irrégularité du bon de commande.

Le premier juge a ordonné à la société Cofidis de procéder à la désinstallation du matériel ainsi qu’à la remise en état de la toiture de M. [W]. Ce dernier fait valoir que la situation de la société Cofidis l’empêche de procéder à la dépose et reprise de l’installation et à la remise en état de son habitation, justifiant qu’il y procède à ses frais sur simple demande du liquidateur.

Les annulations prononcées entraînent en principe la remise des parties en

l’état antérieur à la conclusion des contrats.

Considérant la procédure de liquidation judiciaire dont la société Solution Eco Energie fait l’objet, la remise de la société Solution Eco Energie et de M. [W] dans l’état antérieur à la conclusion du contrat de fourniture et pose de l’installation photovoltaïque implique :

– que soit ordonnée la restitution de l’installation à la société Solution Eco Energie, sous forme de sa mise à disposition du liquidateur judiciaire de la société Solution Eco Energie jusqu’à la clôture de la procédure collective, sur demande préalable de ce dernier, étant précisé qu’à compter de la clôture de la procédure collective, l’acquéreur pourra en disposer,

– que le prix payé par M. [W], soit la somme de 23 500 euros, lui soit restitué par la société Solution Eco Energie, sous la forme de la fixation d’une créance de restitution de ce montant, à faire valoir par M. [W] au passif de la liquidation judiciaire de la société Solution Eco Energie conformément aux dispositions de l’article L622-24 du code de commerce.

Sur les conséquences de la nullité du contrat accessoire

La société Cofidis soutient qu’il est de jurisprudence constante que la dispense de remboursement du capital emprunté suppose la démonstration par l’emprunteur d’un préjudice causé par la faute du prêteur.

M. [W] fait valoir qu’en réparation de son préjudice, la banque doit être privée de sa créance de restitution, faute d’avoir délivré les fonds avant l’expiration du délai de rétractation et sans s’être assurée de la réalisation des travaux, le raccordement de l’installation n’étant intervenu qu’après le déblocage des fonds et l’obtention d’un contrat de rachat d’électricité avec EDF n’étant jamais intervenu, l’attestation de livraison ne lui étant en outre pas remise par l’emprunteur mais par la société Solution Eco Energie. Il soutient subir un préjudice en l’absence de réalisation de la cause du contrat, à savoir, la vente d’électricité à EDF, lequel lui a occasionné un coût de 23 500 euros outre que la société Solution Eco Energie étant en liquidation judiciaire, il devra exposer les frais de désinstallation de l’installation et de remise en état de son habitation. Subsidiairement, il soutient que son préjudice réside dans la perte de chance de n’avoir pas pu bénéficier de l’entier délai de rétractation.

Le premier juge a estimé qu’en conséquence de l’irrégularité du bon de commande, la société Cofidis devait être privée de sa créance de restitution sans qu’il soit besoin pour M.'[W] de rapporter la preuve d’un quelconque préjudice résultant de la faute de la banque et l’a condamnée à restituer à M. [W] l’ensemble des sommes qu’il lui avait versées en exécution du crédit. Il a par ailleurs ordonné à la société Solution Eco Energie de payer à la société Cofidis la somme de 23 500 euros en application d’une convention de crédit vendeur conclue entre elles, la société Solution Eco Energie la garantissant des pertes résultant du non respect de ses obligations.

Aux termes de l’article L. 311-31 du code de la consommation, dans sa version applicable au litige, les obligations de l’emprunteur ne prennent effet qu’à compter de la livraison du bien ou de la fourniture de la prestation. En cas de contrat de vente ou de prestation de services à exécution successive, elles prennent effet à compter du début de la livraison ou de la fourniture et cessent en cas d’interruption de celle-ci.

Suivant l’article L121-21 du code de la consommation, dans sa version en vigueur du 8 août 2015 au 1er juillet 2016, le consommateur dispose d’un délai de quatorze jours pour exercer son droit de rétractation d’un contrat conclu à distance, à la suite d’un démarchage téléphonique ou hors établissement, sans avoir à motiver sa décision ni à supporter d’autres coûts que ceux prévus aux articles L. 121-21-3 à L. 121-21-5. Toute clause par laquelle le consommateur abandonne son droit de rétractation est nulle. Le délai court à compter du jour de la réception du bien par le consommateur ou un tiers, autre que le transporteur, désigné par lui, pour les contrats de vente de biens et les contrats de prestation de services incluant la livraison de biens. Pour les contrats conclus hors établissement, le consommateur peut exercer son droit de rétractation à compter de la conclusion du contrat.

Il est constant que la résolution ou l’annulation d’un contrat de crédit affecté, en conséquence de celle du contrat constatant la vente ou la prestation de services qu’il finance, emporte pour l’emprunteur l’obligation de restituer au prêteur le capital prêté.

Cependant, le prêteur qui a versé les fonds sans s’être assuré, comme il y était tenu, de la régularité formelle du contrat principal ou de sa complète exécution peut être privé en tout ou partie de sa créance de restitution dès lors que l’emprunteur justifie avoir subi un préjudice en lien avec cette faute (Cass 1ère civ 20 octobre 2021).

En l’espèce, le bon de commande signé le 12 avril 2016 stipule que le raccordement ERDF est à la charge de la société Solution Eco Energie et comporte des cases cochées libellées ‘revente totale: vous vendez l’intégralité de votre production à ERDF’, ‘obtention du contrat de rachat de l’électricité produite’ et ‘forfait: pose complète des produits. Mise en route. Livraison’.

Alors que le raccordement et la mise en service ne sont intervenus que le 1er décembre 2016 et qu’aucun contrat de rachat d’électricité n’a été conclu, suivant « attestation de livraison et d’installation- demande de financement » manuscrite et signée le 15 juillet 2016, M. [W] a confirmé ‘l’obtention et l’acceptation sans réserve des marchandises’, constaté ‘expressément que tous les travaux et prestations qui devaient être effectuées à ce titre avaient été pleinement réalisés’ et demandé ‘à Cofidis de bien vouloir procéder au décaissement du crédit et d’en verser le montant directement entre les mains de la société Solution Eco Energie’.

En revanche, la faute de la banque est caractérisée en ce qu’elle a délivré les fonds à la société Solution Eco Energie le 19 juillet 2016 au regard d’un bon de commande manifestement irrégulier et avant l’expiration du délai de rétractation prévu par l’article L.121-21 précité, quatorze jours après la livraison intervenue le 15 juillet 2016.

Cependant, M. [W] reconnaît que l’installation fonctionne et joint aux débats un rapport de diagnostic effectué par la société CapVent le 12 janvier 2017 décrivant une installation conforme à celle commandée, indiquant que les compteurs ont été mis en service le 1er décembre 2016 et que l’installation produit de l’électricité, admettant un rendement estimatif de 4450 kWh par an.

Si cette estimation est moindre que la prévision de rendement de 6845 kWh que mentionne l’imprimé ‘simulation de rendement photovoltaïque’ remis le 12 avril 2016 à M.'[W] par le ‘technicien’ de la société Solution Eco Energie ayant renseigné le bon de commande, M. [G], et s’analysant comme un document pré contractuel dans le cadre du contrat liant la société Solution Eco Energie et M. [W], cette prévision n’est pas opposable à la société Cofidis et la performance éventuellement décevante de l’installation n’est pas imputable à la société Cofidis. De même, les défauts de conformité de l’installation relevés par ce rapport de diagnostic n’empêchent pas son fonctionnement mais surtout ne résultent pas de la faute de la société Cofidis dans le déblocage des fonds.

Par ailleurs, M. [W] ne prouve pas avoir sollicité de la société Solution Eco Energie qu’elle renseigne l’attestation de conformité de l’installation jointe au contrat d’achat d’énergie électrique proposé par ERDF alors qu’entre la mise en service de l’installation le 1er décembre 2016 et la publication le 21 mai 2021 du jugement prononçant l’ouverture de la liquidation judiciaire de la société Solution Eco Energie, plus de cinq ans se sont écoulés. En outre, M. [W] ne démontre pas l’impossibilité de faire remplir ce document par une autre entreprise.

L’absence de revente de l’électricité produite, revente que M. [W] présente comme étant la cause du contrat, n’est donc ni définitive ni imputable à la banque, étant relevé que n’effectuant pas les diligences en supposant la réalisation, il en est responsable et qu’il pouvait remédier à cette situation, de sorte qu’il est mal fondé à en exciper d’un préjudice indemnisable.

M. [W] n’ayant pas déclaré sa créance, il n’est pas réellement confronté à une difficulté de recouvrement et, les restitutions consécutives à l’annulation ayant peu de chances de s’opérer, il conserve une installation produisant de l’électricité dont il n’est pas démontré qu’elle ne puisse pas être revendue à ERDF.

En ce qui concerne le préjudice résultant de la perte de chance de ne pas avoir pu se rétracter du fait de la délivrance des fonds intervenue dès le quatrième jour suivant la livraison de l’installation, son indemnisation est admise. Il sera réparé par une somme de 2 326 euros.

En conséquence, l’annulation du contrat entre M. [W] et la société Cofidis impliquant la remise des parties dans l’état antérieur à sa souscription, l’emprunteur sera tenu de restituer à la banque le capital emprunté déduction faite des mensualités perçues par Cofidis et de la somme allouée à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice causé par la faute de la banque.

Sur l’application de la convention de crédit vendeur

La convention de crédit vendeur du 8 mars 2011 entre la société Solution Eco Energie et la société Cofidis, prévoyant en son article 6 que ‘ le vendeur […] assume les conséquences financières qui pourraient découler du non respect de ces obligations par lui et par ses préposés et supportera toute perte pouvant en résulter pour les établissements de crédit, en capital, intérêt et frais’ ne trouve pas à s’appliquer concernant le capital dès lors qu’il est dû par l’emprunteur, ni concernant les intérêts contractuels, le premier juge ayant justement relevé qu’ils correspondent à un gain manqué pour la banque qui les aurait perçus si le contrat s’était poursuivi jusqu’à son terme, et non à une perte, seule visée par la convention.

Le jugement entrepris sera donc confirmé en ce qu’il écarte l’application de cette convention.

Sur la radiation du fichier des incidents de paiement des crédits aux particuliers

Aux termes de l’article L752-1 du code de la consommation, les informations relatives aux incidents de paiement sont radiées immédiatement à la réception de la déclaration de paiement intégral des sommes dues effectuée par l’entreprise à l’origine de l’inscription au fichier. Au cas présent, le contrat de crédit est annulé et, si la société Cofidis reste titulaire d’une créance de restitution à l’égard de M. [W], celle-ci ne résulte pas d’un crédit à la consommation, puisqu’il a été annulé, mais d’une décision de justice et le maintien de l’inscription au FICP ne se justifie pas. Le jugement sera confirmé en ce qu’il a ordonné à la société Cofidis de procéder à sa radiation dudit fichier.

Sur les demandes accessoires

En application des dispositions de l’article 696 du code de procédure civile, la société Solution Eco Energie, représentée par Maître [U] en qualité de liquidateur judiciaire, partie perdante, sera condamnée aux dépens.

L’équité commande que chaque partie supporte la charge des frais irrépétibles qu’elle a engagés.

PAR CES MOTIFS

La cour

confirme le jugement entrepris, sauf en ce qu’il a :

– ordonné à la société Solution Eco Energie de procéder à la désinstallation du matériel ainsi qu’à la remise en état de la toiture de M. [W],

– condamné ladite société à payer à la société Cofidis la somme de 23 500 euros, avec intérêts au taux légal à compter du présent jugement,

– débouté les parties de toutes leurs autres demandes,

l’infirme de ces chefs et, statuant à nouveau,

dit que la restitution par l’acquéreur du matériel installé par la société Solution Eco Energie au titre du bon de commande du12 avril 2016 sera opérée par sa mise à disposition par M. [W] au liquidateur judiciaire de la société Solution Eco Energie jusqu’à la clôture de la procédure collective, sur demande préalable de ce dernier et dit qu’à compter de la clôture de la procédure collective, M. [W] pourra disposer du bien,

fixe la créance de restitution à faire valoir par M. [W] au passif de la liquidation judiciaire de la société Solution Eco Energie conformément aux dispositions de l’article L622-24 du code de commerce à la somme de 23 500 euros,

condamne la société Cofidis à payer à M. [W] la somme de 2 326 euros en indemnisation du préjudice résultant pour lui de la perte d’une chance d’user de son droit de rétractation,

déboute M. [W] de sa demande tendant à voir priver la société Cofidis de sa créance de restitution des fonds prêtés,

condamne M. [W] à rembourser à la société Cofidis le capital emprunté pour un montant de 23 500 euros, sous déduction des sommes à lui restituer comme lui ayant été versées à quelque titre que ce soit en exécution du crédit n° L753394 conclu le 12 avril 2016 et des dommages et intérêts dus par la société Cofidis, outre les intérêts au taux légal à compter de la signification de la présente décision,

déboute les parties de leurs demandes d’indemnités pour frais irrépétibles,

condamne Maître [U] en qualité de liquidateur judiciaire de la société Solution Eco Energie aux dépens.

Le greffier

Delphine Verhaeghe

Le président

Bruno Poupet

 


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