Droit de rétractation : décision du 10 mars 2023 Cour d’appel d’Aix-en-Provence RG n° 19/04959
Droit de rétractation : décision du 10 mars 2023 Cour d’appel d’Aix-en-Provence RG n° 19/04959
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COUR D’APPEL D’AIX-EN-PROVENCE

Chambre 4-3

ARRÊT AU FOND

DU 10 MARS 2023

N°2023/ 41

RG 19/04959

N° Portalis DBVB-V-B7D-BEALN

[B] [N] épouse [R]

C/

SA LA CIGALE DOREE

Syndicat UNION LOCALE CGT D’AUBAGNE ET SA REGION

Copie exécutoire délivrée

le 10 Mars 2023 à :

-Me Amandine CHATILLON, avocat au barreau de MARSEILLE

– Me Gilles MATHIEU, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de MARSEILLE en date du 26 Février 2019 enregistré au répertoire général sous le n° F18/01848.

APPELANTE

Madame [B] [N] épouse [R], demeurant [Adresse 1]

représentée par Me Amandine CHATILLON, avocat au barreau de MARSEILLE

INTIMEE

SA LA CIGALE DOREE, demeurant [Adresse 3]

représentée par Me Gilles MATHIEU, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE substitué par Me Nathalie ROMAIN, avocat au barreau de MARSEILLE

PARTIE INTERVENANTE

Syndicat UNION LOCALE CGT D’AUBAGNE ET SA REGION, demeurant [Adresse 2]

défaillant

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions des articles 804 et 805 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 06 Décembre 2022 en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Madame Pascale MARTIN, Président de Chambre, et Madame Isabelle MARTI, Président de Chambre suppléant, chargées du rapport.

Madame Pascale MARTIN, Président de Chambre, a fait un rapport oral à l’audience, avant les plaidoiries.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Pascale MARTIN, Président de Chambre

Madame Ghislaine POIRINE, Conseiller faisant fonction de Président

Madame Isabelle MARTI, Président de Chambre suppléant

Greffier lors des débats : Madame Florence ALLEMANN-FAGNI.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 24 Février 2023, délibéré prorogé en raison de la survenance d’une difficulté dans la mise en oeuvre de la décision au 10 Mars 2023.

ARRÊT

REPUTE CONTRADICTOIRE

Prononcé par mise à disposition au greffe le 10 Mars 2023.

Signé par Madame Pascale MARTIN, Président de Chambre et Madame Florence ALLEMANN-FAGNI, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

* * * * * * * * * *

FAITS ET PROCÉDURE

Mme [B] [N] épouse [R] a effectué deux contrats de mission d’intérim auprès de la biscuiterie la Cigale Dorée le 27 janvier 2014 et du 29 juillet 2014 au 1er août 2014 pour accroissement temporaire d’activité.

Elle a été engagée par la même société en qualité d’opératrice de production par deux contrats à durée déterminée de remplacement du 27 mars 2014 au 4 avril 2014 puis du 5 avril 2014 au 18 avril 2014.

La relation contractuelle s’est poursuivie par un contrat à durée indéterminée du 11 août 2014 à temps complet niveau N1E1 avec un temps de travail annualisé défini par la convention collective et avec un horaire mensuel moyen de 151,67 heures pour une rémunération au taux horaire brut de 9,53 € équivalent au SMIC.

La convention collective nationale applicable était celle des Biscotteries, Biscuiteries, Chocolateries et Confiseries n° IDCC 3270.

Au dernier état de la relation contractuelle, son salaire brut s’élevait à 1 457,52 euros.

La salariée était en arrêt de travail du 17 décembre 2014 au 23 décembre 2014 puis du 20 janvier 2015 au 15 mai 2015. La société déclarait un accident du travail le 29 décembre 2014.

La caisse primaire d’assurance-maladie des Bouches-du-Rhône refusait le 25 février 2015 la prise en charge de l’accident au motif « qu’il est de jurisprudence constante que la législation sur les accidents du travail ne s’applique pas pour les lésions qui bien que contractées dans l’exercice de la profession n’ont pas pour origine un fait accidentel soudain et précis mais sont le résultat d’un processus à évolution lente » et par décision du 15 juillet 2015 rejetait le recours amiable.

Suite à la visite de reprise le médecin du travail la déclarait apte le 18 mai 2015.

La salariée faisait l’objet d’un avertissement le 11 juin 2015.

Elle était convoquée le 18 juin 2015 à un entretien préalable au licenciement fixé au 29 juin 2015 avec mise à pied conservatoire.

La salariée était licenciée par courrier du 21 juillet 2015.

Contestant la légitimité de la mesure prise à son encontre, Mme [R] saisissait le 11 septembre 2018 le conseil de prud’hommes de Marseille en rappel de salaire et en paiement d’indemnités.

Par jugement du 26 février 2019, le conseil de prud’hommes a statué comme suit :

«Constate une irrégularité dans la procédure de licenciement.

Condamne la Société La Cigale Dorée, prise en la personne de son représentant légal à verser à Mme [N] [B] épouse [R], la somme de 100 € (cent euros) à titre de dommages et intérêts pour irrégularité de la procédure de licenciement.

Dit et juge que le licenciement de Mme [N] [B] épouse [R] est dépourvu de cause réelle et sérieuse.

Condamne la Société La Cigale Dorée, prise en la personne de son représentant légal, à lui verser la somme de 500 € (cinq cents euros) a titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Confirme le bien-fondé de l’avertissement du 11 Juin 2015 et débouté Mme [N] [B] épouse [R] de sa demande de dommages et intérêts.

Déboute Mme [N] [B] épouse [R] de sa demande de dommages et intérêts pour exécution fautive du contrat de travail.

Déboute Mme [N] [B] épouse [R] de sa demande an titre de rappel sur complément d’indemnités journalières.

Déboute Mme [N] [B] épouse [R] de sa demande de rappel d’heures supplémentaires.

Déboute Mme [N] [B] épouse [R] de sa demande an titre d’indemnité pour travail dissimulé.

Condamne La Société La Cigale Dorée, prise en la personne de son représentant légal, à verser à Mme [N] [B] épouse [R] la somme de 200€ (deux cents euros) au titre de l’ article 700 du Code de Procédure Civile.

Déboute Mme [N] [B] épouse [R] du surplus de ses demandes fins et prétentions.

Déboute la Société La Cigale Dorée du surplus de ses demandes ainsi que celle formulée sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile .

Condamne la Société La Cigale Dorée aux entiers dépens».

Par acte du 26 mars 2019, le conseil de Mme [R] a interjeté appel de cette décision.

PRÉTENTIONS DES PARTIES

Aux termes de ses dernières conclusions communiquées au greffe par voie électronique le 15 novembre 2022, Mme [R] demande à la cour de :

« Infirmer le jugement rendu 26 février 2019 par le Conseil de prud’hommes de Marseille en ce qu’il a :

– Limité le montant des dommages et intérêts accordés à Mme [N] [B] épouse [R] au titre de l’irrégularité de la procédure de licenciement à 100 euros ;

– Limité le montant des dommages et intérêts accordés au titre de l’absence de cause réelle et sérieuse de licenciement à 500 euros ;

– Confirmé le bien-fondé de l’avertissement du 11 juin 2015 et débouté Mme [N] [B] épouse [R] de sa demande de dommages et intérêts ;

– Débouté Mme [N] [B] épouse [R] de sa demande de dommages et intérêts pour exécution fautive du contrat de travail ;

– Débouté Mme [N] [B] épouse [R] de sa demande de rappel d’heures supplémentaires ;

– Débouté Mme [N] [B] épouse [R] de sa demande au titre d’indemnité pour travail dissimulé ;

– Limité le montant des dommages et intérêts accordés à Mme [N] [B] épouse [R] au titre de l’article 700 du code de procédure civile à 200 euros ;

– Débouté Mme [N] [B] épouse [R] du surplus de ses demandes, fins et conclusions;

Dire et Juger que le licenciement prononcé est entaché de nullité ou à titre subsidiaire est dépourvu de cause réelle et sérieuse,

Annuler l’avertissement du 11 juin 2015 ;

Constater une dissimulation d’emploi salarié ;

Constater une exécution fautive du contrat de travail ;

Condamner la société La Cigale Dorée à payer à la concluante les sommes suivantes :

– Dommages et intérêts pour procédure de licenciement irrégulière : 1.500 euros

– Dommages et intérêts pour licenciement nul : 9.600 euros ; à titre subsidiaire : dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse : 7.500 euros ;

– Dommages et intérêts pour exécution fautive du contrat de travail : 4.000 euros ;

– Dommages et intérêts pour avertissement injustifié : 500 euros ;

– Rappel sur complément aux indemnités journalières : 1.566,05 euros bruts ;

– Rappel d’heures supplémentaires : 821,96 euros bruts ;

– Indemnité compensatrice de congés payés sur rappel de salaire : 82,20 euros bruts ;

– Indemnité pour travail dissimulé : 8.848,80 euros nets

Ordonner la remise d’un bulletin de paie et d’une attestation Pôle emploi rectifiés sous astreinte de100 euros par jour de retard et par document à courir lorsque 20 jours se seront écoulés à compter de la signification de la décision à intervenir ;

Dire et Juger que la Cour se réserve le droit de liquider l’astreinte ;

Ordonner la capitalisation des intérêts de droit à compter de l’acte introductif d’instance devant le conseil de prud’hommes pour les créances salariales, à compter de la décision pour les autres chefs de condamnation ;

Condamner l’intimée, la société La Cigale Dorée, à payer la somme de 2.500 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens ;

Débouter la société La Cigale Dorée de ses demandes, fins et conclusions contraires »

Dans ses dernières écritures communiquées au greffe par voie électronique le 19 janvier 2022, la société demande à la cour de :

« Réformer le jugement rendu le 26 février 2019 par le Conseil de prud’hommes de Marseille en ce qu’il a dit et jugé que le licenciement était dépourvu de cause réelle et sérieuse et a alloué à Mme [R] la somme de 500 euros de dommages et intérêts de ce chef, outre 200 euros d’article 700 du code de procédure civile .

Le confirmer en ce qu’il a déclaré l’avertissement du 11 juin 2015 a été bien fondé, débouté Mme [R] de sa demande de dommage est intérêts pour exécution fautive du contrat de travail, de sa demande de rappel de complément d’indemnités journalières,

Débouter Mme [R] de sa demande d’annulation de l’avertissement du 11 juin 2015, dûment notifié le 12 juin 2015 conformément à l’article L1332-2 du Code du Travail.

Confirmer le jugement entrepris de ce chef.

Sur le licenciement

Dire et juger que la société La Cigale Dorée n’avait pas à convoquer Mme [R] à un nouvel entretien préalable postérieurement à l’exercice de son droit de rétractation du 7 juillet 2015.

Dire et juger dans ces conditions que le licenciement est régulier.

Dire et juger, en tout état de cause, que l’absence d’entretien préalable avant la notification du licenciement n’a pas pour effet de priver le licenciement de cause réelle et sérieuse mais constitue une simple irrégularité de procédure.

Débouter Mme [R] de cette demande nouvelle tendant à voir déclarer nul son licenciement en raison de son caractère illicite.

Déclarer que le licenciement de Mme [R] repose sur une cause réelle et sérieuse.

Réformer le jugement entrepris en ce qu’il déclaré le licenciement de Mme [R] dépourvu de cause réelle et sérieuse

Débouter Mme [R] de l’intégralité de ses prétentions financières émises tant au titre de licenciement nul que de son licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse.

Condamner Mme [R] au paiement de la somme de 2000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile , et aux entiers dépens de première instance et d’appel.

Subsidiairement,

Faire une stricte application de l’article L 1235-5 du Code du travail.

Débouter Mme [R] du surplus de ses prétentions financières et indemnitaires.

Dire et juger n’y avoir lieu à astreinte et capitalisation des intérêts.

En tout état de cause

Rejeter la demande d’indemnisation formulée au titre « de l’exécution fautive du contrat de travail », qui ferait double emploi.

Sur le complément de salaire

Dire et juger que Mme [R] a été intégralement remplie de ses droits.

La débouter de ce chef de prétention et confirmer le jugement qui l’a déboutée de sa demande de rappel de salaire.

Sur les heures supplémentaires

Déclarer que Mme [R], dont la durée du travail, était annualisée, n’a accompli aucune heure supplémentaire.

Débouter en conséquence Mme [R] de sa demande de rappel de salaire émise au titre des heures supplémentaires et du travail dissimulé.

Confirmer le jugement entrepris de ce chef et en ce qu’il a débouté en tout état de cause Mme [R] de sa demande formulée au titre du travail dissimulé.»

La déclaration d’appel a régulièrement été signifiée le 19 juin 2019 à l’union locale des syndicats CGT d’Aubagne et de sa Région qui n’a pas constitué avocat.

Pour un plus ample exposé des faits et de la procédure, ainsi que des moyens et prétentions des parties, il convient de se référer à leurs écritures susvisées.

MOTIFS DE LA DÉCISION

A titre liminaire, la cour rappelle qu’en application des dispositions de l’article 954 du code de procédure civile , elle ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif et que les « dire et juger» et les «constater» ainsi que les «donner acte» ne sont pas des prétentions en ce que ces demandes ne confèrent pas de droit à la partie qui les requiert hormis les cas prévus par la loi; en conséquence, la cour ne statuera pas sur celles-ci, qui ne sont en réalité que le rappel des moyens invoqués.

I) Sur l’exécution du contrat de travail

A) Sur l’exécution fautive du contrat de travail

La salariée fait valoir que l’accord du 17 mai 2004 a été abrogé par la CCN des cinq branches industrie alimentaires diverses du 21 mars 2012 étendu le 24 mai 2013 et que l’employeur a mis en place des horaires flexibles sans l’accord des salariés concernés, qu’elle n’avait pas d’horaire collectif auquel se référer, que les plannings étaient confectionnés semaine par semaine et remis tardivement.

La salariée soutient qu’elle aurait dû bénéficier d’une pause dite de casse-croûte non fractionnable de 30 minutes lorsque son travail était organisé sur une amplitude journalière de huit heures et qu’elle n’a pas bénéficié de temps de pause lorsqu’elle était positionnée comme chef d’équipe, qu’elle a été contrainte d’écrire par deux fois à son employeur pour lui rappeler que sa date d’ancienneté était erronée.

La société fait valoir que suite à la dénonciation de l’accord relatif à la durée, l’aménagement et la réduction du temps de travail du 30 janvier 2002, un dispositif de modulation de type III a été mis en place au sein de la société avec application des dispositions conventionnelles du 17 mai 2004 relatif à l’emploi, l’aménagement et la rédaction du temps de travail.

La société souligne que ces dispositions sont légales et opposables au salarié embauché postérieurement au mois de novembre 2009, que les plannings ne sont pas modifiés au gré des désidératas de la direction puisqu’ils sont depuis des années, affichés le jeudi matin pour la semaine suivante.

Le contrat de travail doit être exécuté de bonne foi. La bonne foi se présumant, c’est la partie qui invoque une exécution déloyale d’en établir le manquement.

– Sur la convention collective : Il s’avère que le 26 juin 2008 la société la Cigale Dorée a dénoncé auprès de la DDTEFP des Bouches-du-Rhône de Marseille et l’union locale des syndicats FO l’accord collectif du 30 janvier 2002 en raison d’horaires inadaptés à l’évolution de l’entreprise.

Des réunions avec les délégués du personnel ont eu lieu les 25 juillet, 28 août et 30 septembre 2008 afin de parvenir à un nouvel accord, le contrôleur du travail indiquant le 23 novembre 2009 « qu’à l’issue du délai de préavis et en l’absence de nouvelles négociations l’accord cesserait de produire ses effets et la convention collective s’appliquerait de plein droit».

En l’absence de nouvel accord, la convention collective nationale du 17 mai 2004 s’est appliquée jusqu’en 2012 et la convention collective nationale des cinq branches industrie alimentaires du 21 mars 2012 s’est intégralement substituée à l’ensemble des conventions collectives applicables aux salariés des industries alimentaires diverses et en particulier à celle des biscotterie, biscuiterie, chocolaterie du 17 mai 2004.

Si le contrat de travail de Mme [R] du 11 août 2014 fait référence à la convention collective du 17 mai 2004, il n’en demeure pas moins qu’à la date de signature du contrat la convention nationale du 21 mars 2012 avait vocation à s’appliquer.

La convention collective prévoit dans les dispositions sur les mesures d’assouplissement dans l’organisation du travail de l’article 7.1.5 concernant les horaires atypiques :

«La mise en place d’horaires hebdomadaires flexibles ou cycliquement inégaux est subordonnée à une demande du personnel et à l’absence d’opposition du comité d’entreprise ou à défaut des délégués du personnel, et à l’information préalable de l’inspection du travail.

Si l’horaire hebdomadaire flexible entraîne des reports d’heure d’une semaine sur une autre, ces reports ne donnent pas lieu à majoration pour heures supplémentaires pourvu qu’ils résultent d’un libre choix du salarié concerné.

Ces reports ne peuvent excéder 8 heures par semaine et leur cumul ne peut avoir pour effet de porter le total des heures reportées à plus de 16 sans préjudice de l’article L. 3122-25 du code du travail.

Au cas où l’horaire de travail est établi dans le cadre d’un cycle régulier, les majorations d’heures supplémentaires s’appliquent dans le cadre de ce cycle aux heures effectuées au-delà de la durée moyenne hebdomadaire. La durée du cycle ne peut excéder 12 semaines.

Ces reports n’entraînent pas pour les heures en question d’imputation sur le contingent d’heures supplémentaires.

Dans le cas de travail posté en cycle continu, la durée moyenne hebdomadaire du travail est systématiquement fixée au maximum à 35 heures. Lorsqu’il est fait usage de cette faculté, les salariés concernés doivent obligatoirement bénéficier de 2 jours de repos consécutifs par semaine.

Chaque heure effectuée le dimanche ouvre droit à la majoration de salaire de 30 %, qui peut être transformée en temps de repos.»

La société a fonctionné sous le régime de la modulation à compter de 2008 après avis de l’inspection du travail et avec l’accord des représentants des salariés conformément à la convention collective de 2004 et a perduré après 2012 en l’absence d’opposition des délégués du personnel.

Le grief ne peut être retenu.

– Sur les pauses casse croûte et les temps de repos : L’article 7.3.2 de la convention collective prévoit que « le salarié dit ‘posté’, dont le travail est organisé sur une amplitude journalière de 8 heures, bénéficie d’une pause dite de « casse-croûte » non fractionnable de 30 minutes, étant entendu qu’aucun temps de travail quotidien ne peut atteindre 6 heures sans que le salarié bénéficie d’un temps de pause d’une durée minimale de 20 minutes. Les pauses définies dans cet article ne sont pas rémunérées. Elles ne constituent pas un temps de travail effectif dès lors que les trois conditions prévues à l’article L. 3121-1 du code du travail sont respectées».

Les feuilles de présence produites par l’appelante et les relevés de pointage mentionnent une amplitude journalière de 7 heures en tant qu’opératrice de production avec des pauses de 20 minutes. La salariée ne pouvait donc prétendre à une pause de casse-croûte.

En tant que chef d’équipe chargé de la coordination, la salarié ne pouvait être considérée comme salarié posté. Cette dernière bénéficiait toutefois des pauses de 20 minutes. Si les feuilles de présence de l’appelante ne les mentionnent pas expressément, il s’avère qu’un seul jour est mentionné comme sans pause.

Dans ces conditions, ce grief ne peut être opposé.

– Sur les plannings : L’employeur a produit les plannings du personnel auxquels la salariée pouvait se référer (pièce 62). Ces derniers étaient affichés la semaine précédente (jeudi).

Les plannings pouvaient être modifiés en début semaine afin de faire face aux impératifs de gestion et en cas de commande urgente avec l’accord des salariés.

En effet, il résulte des pièces produites que les commandes étaient reçues le lundi matin pour un départ le mardi matin.

L’employeur a évoqué lors de la réunion avec les délégués du personnel du 28 août 2008 le fait que les horaires du lundi du mardi étaient susceptibles d’être modifiés en fonction des commandes et de la production du lundi. Depuis cette date, ce point n’a jamais fait l’objet d’une contestation de la part des délégués du personnel.

Au contraire, l’employeur établit que ce point particulier a été vu avec le personnel de l’entreprise en l’état du témoignage de la déléguée du personnel Mme [H] qui atteste que « pour éviter les changements répétitifs de planning il a été convenu avec le personnel que le planning serait affiché le jeudi de la semaine précédente »

De même, l’employeur établit l’existence d’un roulement entre équipe du matin et équipe de l’après-midi au vu de l’attestation de Mme [H] qui indique « la directrice de production essaie de faire toujours les mêmes équipes en alternance si possible une semaine sur deux et en cas de rendez-vous personnel,elle est disponible pour que l’on consulte les horaires avant le jeudi si elle connaît les commandes et le planning » (pièce 60).

La salariée ne peut donc tirer argument de ce grief.

– Sur les courriers de rappel concernant l’ancienneté : la cour constate que la direction a répondu précisément à chaque demande de la salariée et a rectifié l’ancienneté de cette dernière par courrier du 21 janvier 2015 (pièce 47) , de sorte que cet argument ne peut être également retenu.

En conséquence, faute d’établir une exécution déloyale de la part de la société, la cour, par voie de confirmation, rejette la demande de dommages et intérêts à ce titre.

B) Sur le rappel de salaire au titre des heures supplémentaires

Il résulte de l’article L. 3171-4 du code du travail que la preuve des heures de travail n’incombe spécialement à aucune des parties. En cas de litige relatif à l’existence ou au nombre d’heures de travail accomplies, il appartient au salarié de fournir des éléments suffisamment précis pour permettre à l’employeur de répondre utilement, à charge pour ce dernier de justifier les heures de travail effectivement réalisées.

La salariée réclame le paiement de 69 heures supplémentaires sur la base d’un taux horaire de 9,53 € sur la période comprise entre le 11 août 2014 et le 12 juin 2015.

Elle indique que la mise en ‘uvre d’une modulation de type III était subordonnée à différentes conditions dont la réduction du temps de travail et que la société ne pouvait valablement décréter l’application de ce régime de modulation de type III, la référence erronée à cet ancien dispositif conventionnel dans son contrat de travail étant dépourvue de portée, l’accord n’ayant pas subsisté.

La salariée relève également qu’aucun avenant au contrat de travail n’a été conclu concernant le fait qu’elle aurait été soumise à un horaire hebdomadaire de 40 heures.

La salariée produit un décompte intitulé feuille de présence du mois d’août 2014 au mois de juin 2015 et un relevé d’heures par semaine pour l’année 2014 et 2015 ( pièces 37 et 38 ).

Les éléments apportés par le salarié sont suffisamment précis quant aux heures non rémunérées pour permettre à l’employeur de répondre en fournissant ses propres éléments.

Contestant la valeur probante de ces éléments, l’employeur soutient que la salariée a été remplie de ses droits et de son salaire. La société indique que grâce à la modulation, la durée du travail peut être diminuée en période de faible activité et augmentée en période de forte activité par un jeu de compensation des heures assurant la régularité des ressources mensuelles des salariés sur la base de l’horaire moyen de référence. Elle estime donc que l’annualisation du temps de travail exclue par hypothèse la notion d’heures supplémentaires

La société fait valoir également qu’elle a mis en place un système de contrôle du temps de travail en se dotant d’un système de pointage et qu’un tableau d’annualisation des heures de travail sur la base des relevés est rempli tous les mois en accord avec le salarié, les absences étant comptabilisées sur la base d’horaire moyen de référence.

Elle indique qu’un compte de compensation a été instauré pour chaque salarié, qu’il porte en positif les heures effectuées au-delà de l’horaire moyen de référence et en négatif des heures payées mais non travaillées lorsque la durée du travail est inférieure à l’horaire moyen de référence, une régularisation étant réalisée en fin d’année en fonction du compteur temps conformément aux dispositions conventionnelles (article7.1.5 de la convention nationale) et que la salariée a acquiescé à ce système de décompte. Elle précise également qu’un compte épargne temps a été mis en place.

Elle relève les anomalies du décompte de la salariée et le fait qu’elle n’a pas pris en considération les six jours de récupération rémunérés entre le 24 décembre 2014 et le 2 janvier 2015 sans puiser dans les congés qu’elle avait acquis, qu’elle inclut indûment dans ses calculs les temps de pause qui conventionnellement ne sont pas rémunérés et des dépassements d’heures qu’elle a effectuées lorsqu’elle remplaçait une chef d’équipe sur la base d’un horaire hebdomadaire de 40 heures avec dispense de pointage et attribution de 1,5 jours de RJTT moyennant le versement d’une prime et qui ont donc été compensées et rémunérées financièrement et qu’elle ne peut donc prétendre avoir accompli des heures supplémentaires au-delà de 35 heures.

La société produit notamment les éléments suivants :

– un tableau d’annualisation des heures de travail de la salariée pour la période du 1er juillet 2014 au 30 juin 2015 faisant apparaître un solde négatif d’heures de – 3,5 heures pour la société et -5 heures pour la salariée.(Pièce 57)

– un tableau des journées de récupération de la salariée en poste de chef d’équipe suppléante du mois de novembre 2014 au mois de décembre 2014 mentionnant la récupération de 1,5 jour au mois de janvier 2015 et un jour (deux journées solidarité en mai 2015 (pièce 58)

– les bulletins de salaire pour la période du mois d’août 2014 au mois d’août 2015 attestant qu’en janvier 2015 les congés payés acquis de 12,5 jours étaient restés intacts.

– un tableau comparatif pour l’année 2014 sur la base des relevés de pointage entre le calcul de la société le calcul de la salariée faisant apparaître que pour 2014 un décompte 13h17 supplémentaires alors que la salariée indique 50 heures 62 (pièce 76)

– un tableau comparatif pour l’année 2015 jusqu’à la rupture faisant apparaître un solde négatif d’heures (-27 h) compte tenu des 5 jour de JRTT en récupération du jour de travail en qualité de chef d’équipe suppléante et en exécution de moins d’heures de travail et un solde de 5,62 heures positives pour la salariée au préjudice de la société. (Pièce 77)

– les bulletins de salaire du mois de novembre 2014 et décembre 2014 faisant apparaître une prime exceptionnelle (pièce 75)

La cour constate que contrairement à ce qui est indiqué par la société, la salariée a bien déduit de son calcul les temps de pause non rémunérés et n’a pas compté des heures supplémentaires lors son arrêt de travail. Il existe une différence de 3h15 entre les horaires de pointage et les horaires de départ de la salariée.

Le tableau d’annualisation des heures de travail de la salariée sur la base des heures de pointage et de compensation réalisée sur la période d’août 2014 au mois de juin 2015 fait apparaître un relevé de -5 heures pour la salariée correspondant à une durée de travail inférieure à l’horaire moyen de référence.

Dans le tableau d’annualisation il a été tenu compte d’une compensation de 5 jours rémunérés entre le 24 décembre 2014 et le 2 janvier 2015 figurant au mois de janvier 2015 (soit-34,75), de sorte que ces heures ne peuvent être déduites du montant des heures supplémentaires réclamées.

Il est à noter que le tableau comparatif dont fait état la société ne présente pas les mêmes chiffres puisque notamment pour le mois de janvier 2015 il est noté- 28 au lieu de -34,75.

La salariée qui effectuait en qualité de chef d’équipe un remplacement provisoire de Mme [U] (conclusions p 8/42 de la société intimée) n’a comptabilisé que les heures supplémentaires au-delà des 40 heures prévues pour ce poste.

Par ailleurs, la prime exceptionnelle allouée en tant que chef d’équipe ne peut être considérée comme la contrepartie des heures supplémentaires, cette prime correspondant à la responsabilité de la fonction.

De même, si la salariée a effectivement bénéficié d’une journée au titre de la solidarité et de 1,5 jours de récupération pour avoir travaillé 20 jours en qualité de chef d’équipe, ces journées ne couvrent pas les heures supplémentaires et la société n’a pas tenu compte des 11 autres jours pendant lesquels la salariée a continué d’exercer cette fonction.

Dès lors, confrontant les éléments produits de part et d’autre, la cour a la conviction que la salariée a accompli des heures supplémentaires qui ne lui auraient pas été rémunérées mais pas dans la proportion réclamée.

La cour fixe le volume d’heures à 60 heures sur la période considérée et la créance salariale à la somme de 714,75 euros bruts (9,53 x 125% x 60 heures) outre la somme de 71,47 euros bruts au titre des congés payés y afférents.

La cour par voie d’infirmation condamne la société au paiement du rappel de salaire ainsi défini.

C) Sur le travail dissimulé

La salariée explique qu’au vu des dissimulations successives et cumulées d’heures supplémentaires elle a droit à l’indemnité forfaitaire au visa de l’article L. 8221-5 du code du travail.

La société soutient que le travail dissimulé n’existe que si l’employeur a eu la volonté d’effectuer une dissimulation d’emploi salarié et que l’élément intentionnel du délit ne peut se déduire de la seule absence de mention des heures supplémentaires sur les bulletins de paie.

Il résulte de l’article L.8221-1 du code du travail qu’est prohibé le travail totalement ou partiellement dissimulé par dissimulation d’emploi salarié.

Toutefois le travail dissimulé n’est caractérisé que s’il est établi que l’employeur a agi de manière intentionnelle. Ce caractère intentionnel ne peut résulter du seul défaut de mention des heures supplémentaires sur les bulletins de paie.

En l’espèce, la salariée ne démontre pas la volonté de dissimulation de la société et doit être débouté par voie de confirmation de l’indemnité réclamée.

D) Sur le rappel de complément aux indemnités journalières

La salariée explique qu’elle comptait plus de six mois d’ancienneté au 18 décembre 2014, qu’elle a été arrêtée du 20 janvier au 15 mai 2015 durant lequel elle a été hospitalisée.

La société réplique que le complément n’est accordé qu’au salarié disposant au moins d’un an d’ancienneté au 17 décembre 2014 et que la salariée ne justifie pas d’une hospitalisation.

L’arrêt de travail de la salariée relève de la maladie et non de l’accident de travail.

En application des dispositions des articles 9 et suivants de la convention collective, il est prévu en cas de ‘maladie sans hospitalisation ‘qu’il est versé au salarié des indemnités complémentaires si ce dernier a au moins un an d’ancienneté.

Les pièces produites par la salariée et en particulier le bulletin de situation du 15 juillet 2015 mentionne non pas une hospitalisation mais une simple séance à l’hôpital pour la matinée du 14 juillet 2015, de sorte que la salariée relèvait du régime ‘ maladie sans hospitalisation ‘.

La salariée qui n’avait que six mois d’ancienneté ne peut prétendre au bénéfice de ce complément aux indemnités journalières et par voie de confirmation, doit donc être déboutée de ce chef de demande et de l’indemnité subséquente.

E) Sur l’avertissement du 11 juin 2015

– sur la demande d’annulation

La salariée soutient que le non-respect des règles prévues par l’article L. 1332-2 dernier alinéa du code du travail doit entraîner la nullité de l’avertissement. Elle précise que la solution jurisprudentielle évoquée par la société pour écarter la nullité n’est pas transposable puisqu’elle concerne un licenciement et non pas une sanction moindre.

La société réplique que le non-respect de ce délai n’a pas pour effet de priver l’avertissement de ses effets puisqu’elle constitue une simple irrégularité de procédure en l’état de la jurisprudence de la Cour de cassation du 27 novembre 2011.

En vertu des dispositions de l’article L.1332-2 al 4 du code du travail « la sanction ne peut intervenir moins de deux jours ouvrables, ni plus d’un mois après le jour fixé pour l’entretien. Elle est motivée et notifiée à l’intéressé ».

En l’espèce, l’entretien préalable à une mesure de sanction a eu lieu le 9 juin 2015 et la notification de l’avertissement est intervenue le 11 juin 2015, soit moins de deux jours francs en contradiction avec les dispositions de l’article L. 1332-2 dernier alinéa du code du travail.

L’inobservation par l’employeur du délai de deux jours ouvrables constitue une irrégularité de forme qui ouvre droit à l’allocation d’une indemnité qui n’a pas été demandée.

La demande d’annulation de ce chef doit être rejetée.

– Sur le bien fondé de la sanction

L’avertissement était ainsi libellé :

« le 29 mai 2015, vous avez été positionnée sur le poste de conditionnement des babas. Le planning de production précisait que le conditionnement des babas carrés devait être fait dans des cartons blancs à l’intention de notre client Grand Moulin de [Localité 4]. Cette consigne vous a été rappelée verbalement par Mme [D] [C], directrice de production.

Le même jour vous avait décidé de votre propre chef, d’échanger le poste de travail avec Mme [E] [M]. Vous n’avez pas informé votre responsable de cette permutation et omis de transmettre les consignes à Mme [E] [M], ce qui a conduit cette dernière à stocker des babas dans un mauvais conditionnement – conditionnement au logo Coup de Pates qui le principal concurrent de Grand Moulin de [Localité 4].

Seul un contrôle de Mme [D] [C], directrice de production, a permis d’éviter d’adresser à notre client des produits qui auraient provoqué inévitablement un litige à nos torts, d’autant que cette production partait le jour même. Ce manque de vigilance, et ce non respect des consignes a eu pour conséquence de générer une reprise partielle des produits, provoquant ainsi des surcoûts pour l’entreprise.

J’ai bien noté que lors de notre entretien vous avez reconnu votre négligence et vous vous êtes engagés être plus vigilants et rigoureuse dans les opérations que vous effectuez mais aussi à respecter scrupuleusement les consignes données par votre responsable.

Néanmoins, compte tenu des conséquences financières de votre faute et du non-respect des consignes, j’ai décidé de vous notifier un avertissement qui traversait à votre dossier. Nous comptons sur vous pour que de tels faits ne se reproduisent plus afin de ne pas être amenés à prendre à votre encontre des sanctions plus graves ».

La salariée soutient le caractère disproportionné de la sanction puisqu’il lui est reproché une erreur dans le conditionnement des babas commise par une autre salariée Mme [M], l’erreur ayant pu être rapidement rectifiée au premier contrôle par la directrice de production.

Elle conteste également avoir permuté de poste sans en avoir informé sa hiérarchie puisque la salariée qui était positionnée comme chef d’équipe atteste avoir validé cette permutation.

Elle produit le témoignage de Mme [Y] attestant « (…) le 29 mai étant en poste de chef d’équipe, Mme [G] m’a demandé si elle pouvait permuter avec Mme [M] le poste. Je leur ai dit pas de souci l’essentiel étant que le travail soit fait » (pièce 48)

La société oppose que l’avertissement ne sanctionne pas une erreur de conditionnement mais un manquement aux consignes et un acte d’insubordination reconnue par la salariée dans son courrier du 25 juin 2015.

La société estime que le fait d’avoir permuté sur un poste sans demander l’autorisation préalable de sa responsable, ni l’avertir et de ne pas avoir transmis les consignes à Mme [E] [M] suffit en tout état de cause à justifier l’avertissement.

La société produit notamment les pièces suivantes :

– les feuilles de conditionnement du 29 mai 2015 des babas surgelés (pièce 42)

– la lettre de la salariée du 25 juin 2015 : «(…) Comme indiqué lors de l’entretien tenu le 9 juin dernier, j’ai effectivement reconnu mon erreur dans le conditionnement des babas le 29 mai 2015(..) Mais je dois vous rappeler que votre procédure (réf :FAB/BAB:ENR/cond) prévoit un contrôle conditionnement à réaliser au démarrage puis une fois par heure par le chef d’équipe. Comme vous le déclarez dans votre courrier ce n’est pas la chef d’équipe de la directrice de production qui a constaté l’erreur alors que déjà deux colis avaient été emballés. En conséquence mon erreur est ‘couverte’ par le comportement fautif de la chef d’équipe (…)» (pièce 15)

– le mail de Mme [D] [C] adressé à M. [X] le 23 décembre 2016 indiquant « je confirme avoir expliqué à Mme [R] sur le poste d’emballage afin qu’il n’y ait pas d’erreur de conditionnement.

Que Mme [R] dise à sa collègue Mme [M] d’emballer des produits destinés aux clients Grand Moulins de [Localité 4] dans des cartons Coup de Pate, son concurrent, c’est soit de la malveillance envers notre entreprise, soit envers sa collègue. Sachant que c’est Mme [R] qui a voulu changer de son plein gré de poste avec Mme [M]. Quand je suis repassée je vous confirme qu’il y avait une quinzaine de cartons car au moins quatre étages sur la palette (4 cartons par couche) faits dans le mauvais conditionnement.(…)

Le fait que Mme [R] accuse sa chef d’équipe de ne pas avoir fait son contrôle des colis est d’une lâcheté incroyable dans la mesure où nous demandons au chef d’équipe de faire son contrôle au démarrage, ce que moi j’ai fait en expliquant les consignes à Mme [R] puis toutes les heures et que comme la chef d’équipe était focalisée sur le début de ligne je suis moi-même allée faire un contrôle du chef d’équipe pour la décharger et c’est là où je me suis rendu compte de l’erreur (…).

Dire que c’est la faute du chef d’équipe qui n’a pas fait son contrôle me scandalise dans la mesure où j’ai fait le rôle du chef d’équipe au démarrage en la formant et lui désignant les cartons qu’elle devait utiliser et me scandalise car accuser son chef d’équipe de ne pas faire ces contrôles toutes les heures comme demandé sur la feuille de conditionnement alors qu’en moins d’une demi-heure j’ai fait le deuxième contrôle du chef d’équipe pour la partie conditionnement c’est tout simplement de la mauvaise foi (…) J’ai fait reconditionner immédiatement dans la mesure où la palette partait le jour même de fabrication »

Aux termes des articles L.1333-1 et L.1333-2 du code du travail, le juge apprécie si les faits reprochés au salarié sont de nature à justifier une sanction au vu des éléments fournis par l’employeur et par le salarié. Si un doute subsiste il profite au salarié.

Les pièces produites établissent que la salariée a changé de poste avec Mme [M], qu’elle en a certes averti la chef d’équipe mais n’a pas transmis les informations nécessaires au bon déroulement du conditionnement, à savoir les cartons blancs pour la société Grand Moulin, amenant ainsi sa remplaçante à se tromper dans le conditionnement des colis.

Le non-respect des consignes que la salariée dit être une erreur minime atteste cependant d’un manquement fautif caractérisé puisque les indications lui avaient été rappelées par la directrice de production le matin même et qu’elle ne les a pas transmises à celle qui devait occuper son poste.

Par ailleurs, tout en reconnaissant les faits Mme [R] estime « son erreur couverte par le comportement fautif de la chef d’équipe » alors que cette dernière l’avait autorisée à changer de poste sous réserve du travail fait impliquant en particulier le respect des instructions et que le contrôle a été réalisé dans les temps puisque la responsable de production est intervenue au soutien de la chef d’équipe à 9h25 et qu’elle a pu constater l’erreur.

Cette attitude révèle à tout le moins la déloyauté de la salariée.

En conséquence, l’avertissement du 11 juin 2015 doit être déclaré bien fondé et dès lors, la décision doit être confirmée en ce qu’elle a rejeté la demande indemnitaire de ce chef.

II) sur la rupture du contrat de travail

A) Sur la régularité du licenciement

La salariée soutient que l’employeur ne pouvait engager la procédure de licenciement postérieurement à l’entretien du 29 juin 2015, celui-ci n’ayant n’a pas porté sur les griefs de l’employeur mais sur l’éventualité d’une rupture conventionnelle, qu’il devait la convoquer à un nouvel entretien préalable dans le délai de deux mois suivant la date de la convocation au premier entretien.

L’employeur oppose qu’elle n’avait pas à convoquer à nouveau la salariée à un entretien préalable puisque l’entretien du 29 juin 2015, interruptif de prescription, était un entretien préalable à son éventuel licenciement et que malgré la signature d’une rupture conventionnelle l’employeur pouvait engager une procédure disciplinaire si le salarié avait usé de son droit de rétractation au titre de l’article L.1237-12 du code du travail.

Les dispositions de l’article L. 1332-4 du code du travail prévoient que « qu’aucun fait fautif ne peut donner lieu à lui seul à l’engagement de poursuites disciplinaires au-delà d’un délai de deux mois à compter du jour où l’employeur en a eu connaissance à moins que ce fait ait donné lieu dans le même délai à l’exercice de poursuites pénales.

Les dispositions de l’article L.1332-2 alinéa 3 prévoient qu’au cours de l’entretien l’employeur indique le motif de la sanction envisagée et recueille les explications du salarié et la sanction ne peut intervenir moins de deux jours ouvrables ni plus d’un mois après le jour fixé pour l’entretien. Elle est motivée et notifiée à l’intéressé ».

La signature par les parties au contrat de travail d’une rupture conventionnelle après l’engagement d’une procédure disciplinaire de licenciement n’emporte pas renonciation par l’employeur à l’exercice de son pouvoir disciplinaire. Il s’ensuit que si le salarié exerce son droit de rétractation de la rupture conventionnelle, l’employeur est fondé à reprendre la procédure disciplinaire.

En l’espèce, la chronologie des faits est la suivante:

Le 18 juin 2015 la salariée a été convoquée pour un entretien préalable à une mesure de licenciement pour le 29 juin 2015 avec une mise à pied conservatoire, la salariée étant dispensée de se présenter à son poste de travail jusqu’à la décision définitive.

Le 29 juin 2015 en présence de Mme [PK] [H], déléguée du personnel CGT, les parties ont convenu de rompre d’un commun accord le contrat de travail.(Pièce 45 de la société intimée)

Le même jour, un courrier a été remis en main propre à la salariée par la société pour un entretien le 7 juillet 2015 afin d’arrêter le principe de la rupture conventionnelle et d’en prévoir les modalités, ce courrier précisant « lors de notre entretien de ce jour et sur sollicitation, nous avons évoqué ensemble éventualité de rompre d’un commun accord votre contrat de travail(…) » (pièce 18 société intimée)

Le 7 juillet 2015 une convention de rupture conventionnelle soumise à homologation de l’administration était établie et signée par la salariée. (Pièce 19 société intimée)

Le même jour la salariée adressait une contre-proposition sur plusieurs points par un courrier recommandé sollicitant une nouvelle réunion pour le 15 juillet 2015. (Pièce 20 société intimée)

La salariée se rétractait par un courrier recommandé du 15 juillet 2015 et se présentait à son travail le 16 juillet 2015. ( Pièce 21 société intimée)

La société y répondait par un courrier remis en main propre le16 juillet 2015 indiquant qu’elle disposait d’un délai d’un mois pour signifier la décision et que la salariée n’avait pas à se présenter à quelque poste de travail jusqu’à la réception du courrier de décision, et lui demandait de quitter les lieux de l’entreprise.

La salariée a reçu la lettre de licenciement le 21 juillet 2015.

Le témoignage de la déléguée du personnel CGT présente lors de l’entretien du 29 juin 2015 atteste que « lors de cet entretien après une discussion un peu tendue, les deux parties sont arrivées à convenir qu’une rupture conventionnelle serait la meilleure façon de mettre un terme à cette relation conflictuelle. Mme [R] a alors dit qu’elle se sentait soulagée et tout le monde est reparti serein ».

Il s’ensuit que les griefs reprochés à la salariée ont bien été évoqués lors de l’entretien et que la salariée a pu en discuter avec l’employeur conformément aux dispositions des articles L.1332-2 du code du travail, la rupture conventionnelle n’ayant été évoquée qu’en fin d’entretien comme l’indique précisément la déléguée du personnel et la convocation au 7 juillet 2015 ayant été fixée pour en définir les modalités.

Ainsi, l’employeur n’avait pas comme l’indique l’appelante à reconvoquer la salariée pour l’entendre une nouvelle fois sur les griefs reprochés.

Par ailleurs à la date du 29 juin 2015, le délai de prescription n’était pas acquis au regard de la date des faits fautifs du 9 juin 2015 et du 12 juin 2015 et la sanction adressée le 21 juillet 2015 est intervenue dans le délai d’un mois après le jour fixé pour l’entretien.

En conséquence, la société a respecté les conditions posées par l’article L.1332-2 du code du travail et L.1332-4 du code du travail.

Par voie d’infirmation la cour dit la procédure de licenciement régulière.

B) Sur le licenciement

1) Sur la nullité du licenciement

La salariée soutient que le licenciement est entaché de nullité dans la mesure où il lui a été reproché d’avoir fait usage de sa liberté d’expression en ayant voulu défendre ses droits dans un contexte où le climat social était tendu sans qu’il soit fait état de propos excessifs diffamatoires ou injurieux. Elle explique qu’elle s’était rapprochée de la CGT pour répondre à des questions posées par les salariés sur leurs droits et que la direction a cherché à l’isoler.

Elle fait valoir également qu’elle a sollicité son employeur à plusieurs reprises concernant son propre contrat de travail, qu’elle était devenue gênante pour la société et qu’elle devait donc sortir des effectifs.

Elle produit notamment les éléments suivants :

– l’attestation de M. [F] [A], opérateur de production, qui indique « (…) Une partie du personnel lui avait demandé d’aller se renseigner à la CGT pour prendre connaissance de l’ensemble de nos droits sur le travail. Elle avait demandé à organiser une réunion à la CGT pour une action collective (…) toutes les copies étaient envoyées à l’ inspection du travail et qu’elle devait aussi se présenter aux élections en tant que déléguée du personnel mais n’avait pas assez d’ancienneté pour cela. Le 29 juin 2015 nous devions faire un débrayage à neuf heures du matin avec la CGT pour la soutenir lors de son entretien pour son licenciement mais nous l’avons passé car Mme [S] a fait un malaise(…) »(pièce 26)

– l’attestation de Mme [E] [M], manutentionnaire, indiquant : « J’atteste que Mme [R] a toujours fait son travail correctement(…) on lui a demandé de l’aide pour savoir nos droits sur le travail c’est elle-même qui allait se renseigner pour nous auprès de la CGT et qui a demandé pour organiser une réunion à la CGT et faire une action collective. Elle nous a tapé les courriers et envoyé toutes les copies des courriers à l’inspection du travail. Elle devait se présenter comme délégués du personnel mais n’ayant pas l’ancienneté requise elle n’a pas pu.(…) On nous a même dit lors d’une réunion par la direction Mme [C] qu’il fallait éviter de fréquenter Mme [R] ». (Pièce 27)

– l’attestation de Mme [J], employée, qui explique : « C’est elle qui nous a aidé pour faire valoir nos droits auprès de notre direction on allait voir la CGT. Elle s’est investie à fond et nous tapait nos courriers après avoir consulté le conseiller prud’homal. C’est elle aussi qui envoyait tous les doubles des courriers à l’inspection du travail. Elle n’a jamais eu de problème avec nos supérieurs, ni d’autres collègues. Elle est même devenue chef d’équipe au bout de deux mois de CDI. Moi à ce jour je suis en arrêt pour burnout total par rapport à la pression et chantage subi dans la société. » (Pièce 28)

– l’attestation de Mme [YY], opératrice de production, qui atteste : « (…) C’est vrai que je lui ai demandé de se renseigner auprès de la CGT pour savoir nos droits sur le travail et qu’elle nous tapait notre courrier pour le patron et qu’elle a demandé à organiser une réunion à la CGT pour faire une action collective. Les copies des courriers étaient envoyées à l’inspection du travail. Elle voulait se présenter aux élections en tant que déléguée du personnel mais elle n’avait pas l’ancienneté requise. (…) Nous faisons des heures supplémentaires qui ne nous sont pas payées. Lors d’une réunion avec la directrice de production, Mme [C] s’est permise de dire de ne pas fréquenter Mme [R]». (Pièce 29)

– l’attestation de Mme [I], intérimaire, qui indique : « lors d’une réunion de la direction nous a expliqué qu’il fallait éviter tout contact avec Mme [R] et une collègue s’est mise en arrêt pour dépression » .(Pièce 31)

– un tract de soutien de la CGT Aubagne du 29 juin 2015 pour le licenciement de Mme [R] et pour des revendications concernant les conditions de travail et la qualité de la production (pièce 32)

– son courrier du 7 janvier 2015 par lequel elle demande que son ancienneté soit être fixée à la date de sa première mission d’intérim soit le 27 janvier 2014 et les conditions de versement de la prime de fin d’année. (Pièce 19)

– son courrier du 15 juin 2015 indiquant que le calcul effectué par la société sur les jours d’intérim est erroné et sollicitant la rectification de la date d’ancienneté à compter des deux contrats à durée déterminée de remplacement du 27 mars 2014 au 4 avril 2014 du 5 avril 2014 au 18 avril 2014 correspondant à 23 jours.(Pièce 21)

-son courrier du 15 juillet 2015 sollicitant des explications sur les régularisations retenues, les absences accident de travail, les indemnités de sécurité sociale, les montants selon elle ne correspondant pas à ses indemnités journalières.

La société conteste les arguments de la salariée et soutient que tout salarié bénéficie de la liberté d’expression sur le plan professionnel sous réserve de ne pas manquer à son obligation de loyauté en abusant de cette liberté de parole.

Elle fait valoir que la salariée a été licenciée pour avoir adopté une attitude de défiance, volontairement perturbatrice, et pour avoir en cause le pouvoir de direction de l’employeur devant les autres salariés mais encore sa probité et son honnêteté, d’avoir fait preuve d’hostilité et de mépris à son égard, ce qui a entraîné un climat social délétère.

La société rappelle enfin qu’elle est dotée d’instances représentatives à savoir Mme [PK] [H] renouvelée dans son mandat de déléguée du personnel titulaire du syndicat CGT et Mme [W] [O] élue en qualité de déléguée du personnel suppléante, les salariés étant dûment représentés, que la salariée faisait passer des tracts de la CGT en dehors de tout cadre légal empiétant sur le mandat des déléguées du personnel, que Mme [PK] [H] n’était pas l’auteur du tract produit par l’appelante mais le syndicat CGT qui a mis son nom in fine et que les attestations dont elle fait état ont été obtenues alors qu’à l’époque la direction était en négociation avec les six opérateurs de production présents avant 2004 pour une modification de la répartition des heures de travail.

La société produit notamment les éléments suivants :

– le procès-verbal des élections des délégués du personnel mentionnant Mme [PK] [H] en tant que membre titulaire et Mme [W] [O] en tant que membre suppléant pour la CGT. (Pièce 32)

– le témoignage de Mme [PK] [H], déléguée du personnel, opératrice de production et chef d’équipe suppléante qui atteste que «Mme [R] [B] mettait des bâtons dans les roues à la société et à moi-même, car je suis déléguée du personnel depuis 5 ans.(…) Par exemple, en disant que les contrats récents n’avaient pas leur pose rémunérée, je m’étais renseignée et M. [X] , dirigeant de la société, était effectivement dans son droit mais Mme [R] faisait croire le contraire, ce qui a provoqué des tensions.

Deuxième exemple, elle fait croire aux gens que le dirigeant devait payer un panier repas et je me suis renseigné à la CGT et à l’inspection du travail et nous ne sommes pas concernés. Toutes ces histoires ont provoqué une mauvaise ambiance dans l’équipe des ouvriers, elle m’a à plusieurs reprises décrédibilisé auprès du personnel, alors que je défends les intérêts du personnel depuis cinq ans.(…) Mme [R] était correcte à son embauche mais après son AT non reconnu elle a développé un mauvais esprit dans la société et envers toute l’équipe encadrante, elle attaquait sur des raisons non fondées et réunissait les opérateurs dont elle était proche pour qu’ils adhèrent à ses idées. (…) Je pense que c’est une bonne chose que la direction s’en soit séparée pour le bien de l’entreprise. » (Pièce 34)

– le témoignage de Mme [W] [O], comptable, déléguée du personnel suppléante qui atteste « à la suite d’un accident de travail qui a été refusé par la sécurité sociale par manque d’éléments pour sa prise en compte, le comportement de Mme [B] [R] a changé, elle est devenue très pointilleuse et procédurière pour la moindre chose. Une mauvaise ambiance s’est progressivement installée au sein de la société, des clans se sont formés. Une partie des salariés ne s’adressait plus à notre déléguée du personnel titulaire élue depuis plus de quatre ans prétextant qu’ils étaient mal représentés. Bizarrement ils ne s’adressaient plus qu’à Mme [B] [R]. L’ambiance était de plus en plus pesante pour beaucoup (…) » (pièce 35)

– le témoignage de Monsieur [KV] [P], commercial, qui indique que « Mme [R] a changé son comportement envers la cigale dorée suite à la non reconnaissance par la sécurité sociale de son accident de travail entraînant la perte de la confiance placée en elle et ce malgré les efforts déployés pour la former et la faire évoluer rapidement vers un poste de chef d’équipe. Soudainement M. [X] a commencé à recevoir de nombreux recommandés concernant l’organisation du travail dont une bonne partie de Mme [R]. Mme [C] s’est trouvée bloquée dans la mise en place des améliorations de production dont notre société avait besoin alors que l’on se trouvait dans une période critique et que nos emplois étaient en péril et que M. [X] nous avait trouvé un partenariat nous donnant une dernière chance avec un confrère (…) Ne pouvant accomplir sa mission et la relation avec Mme [R] dans le travail n’étant ni saine ni dans la confiance j’ai senti Mme [C] au bord du renoncement et son départ aurait été une catastrophe pour la société (…) » (Pièce 36)

– le témoignage de M. [Z] [V], chef d’atelier ancien salarié de la société qui atteste «…) À la suite du refus de la sécu de la considérer comme en AT le climat à la cigale commence à devenir tendu, diverses personnes contestent les horaires, les conditions de travail etc. Et notamment les personnes facilement influençables. Menace de grève surprise, clans qui se créent dans l’usine, mauvaise ambiance. (…) M. [X] avait notifié à Mme [R] de ne pas se présenter à la cigale euros et pourtant un matin elle est venue quand même comme si de rien n’était. De mon point je pense que la cigale dorée a eu raison de licencier Mme [R] car elle avait été nuisible pour l’entreprise » (pièce 37)

– le témoignage de Mme [K], chargée de qualité dans la société, qui atteste « j’ai été amené à travailler avec Mme [R] [B] la veille de sa déclaration d’accident du travail j’étais présent avec elle et ce même jusqu’à la fin de la journée pour l’aider à terminer le nettoyage de la ligne. (…) Ce jour la [B] n’a eu aucun accident du travail ‘accident survenu par le fait’. L’enquête de la sécurité sociale a justement étudié le dossier n’a pas reconnu l’accident du travail. J’ai trouvé très surprenant de sa part d’avoir voulu profiter du système de santé pour un fait qui n’était pas avéré. Mme [R] exige de l’entreprise une exemplarité alors qu’elle n’applique même pas elle-même honnêtement la loi. Depuis ce jour j’ai vu des tensions monter parmi les opérateurs de l’entreprise et même de la haine encore présente parmi certains, ce qui n’est pas sain au quotidien. Je conçois qu’il est important de faire respecter les droits des opérateurs mais le faire en montant le personnel dans la haine et le mépris comme le fait [B], en préparant des grèves et en ne respectant pas le délégué du personnel, ce n’est pas constructif. Il était nécessaire de licencier cette personne qui obère autant une entreprise et semble souhaiter sa perte ». (Pièce 39)

– le témoignage de Mme [L] [T], secrétaire, qui indique «(…) Mais tout a changé suite à son arrêt de travail pour mal au dos que la sécurité sociale a refusé en accident de travail. À dater de ce jour, son comportement envers M. [X] et Mme [C] est devenue très procédurier et les lettres recommandées commencées à arriver. Tout était contesté : conditions, horaires, organisation du travail. Mais comment organiser un planning de production quand Mme [R] nous faisait parvenir ces arrêts de travail juste à la limite du délai légal ‘ Pourquoi ne pas prévenir de l’instant où l’on connaît sa prolongation ‘ Il est bien évident que c’était un casse-tête pour Mme [C] de préparer au mieux ses plannings de production.(…) Mme [R] jouait aussi le rôle de délégué du personnel occultant totalement Mme [H] en poste de titulaire depuis quelques années. Donc des clans se sont formés entre le personnel et l’ambiance s’est vite dégradée. Des tracts ont circulé dans l’entreprise et une grève a même été prévue. Il est bien évident que tout cela est nuisible pour notre petite société, le climat malsain allait à l’encontre de son bon fonctionnement et la sérénité de tous(…) » (pièce 40 )

– le témoignage de Mme [D] [C], directrice de production, qui atteste «(…) Puis un petit peu chaque jour, elle a commencé à se plaindre de douleurs au dos et un jour le 17 décembre, soit quatre mois après son embauche en contrat à durée indéterminée , elle était chef d’équipe remplaçante, la journée s’est mal passée à cause de petites pannes. Elle a terminé sa journée et elle est partie. Le lendemain on reçoit un arrêt pour accident du travail. Nous l’avons déclaré en AT comme il se doit mais nous l’avons contesté. Il y a eu une enquête par le médecin de la sécurité sociale qui a étudié son dossier(…) L’expert a jugé au vu de son dossier qu’il n’y avait pas d’accident travail et donc son arrêt est devenu un arrêt maladie. À partir de ce jour [B] n’a plus été la même (…) en ne respectant plus les règles de courtoisie, en ne prévenant plus dès que possible quand son arrêt était prolongé, elle attendait les 48 heurts légaux pour me dire qu’elle ne serait pas présente. (…)

On comprend qu’elle le fait pour nous rendre l’organisation de l’équipe difficile. Comment fait-on pour organiser l’équipe si on n’a pas de nouvelles d’une personne formée pendant 47 heures ‘ Ne pensez-vous pas que ce comportement est dans le seul but d’embêter la production et donc de nuire à l’organisation de cette entreprise. La loi est ainsi je le sais mais la loi n’empêche pas le respect de l’autre des autres qui sont soi-disant ses collègues.

[B] est revenue travailler et a commencé à changer radicalement d’attitude envers moi envers la direction en manipulant les opérateurs fragiles et facilement influençables, en leur disant que M. [X] les exploitait car il ne rémunérait pas les pauses et ne payait pas de panier repas, chose que notre déléguée du personnel [PK] [H] avait déjà vérifié. Elle a bloqué toute amélioration dans l’organisation du personnel qui visait à rendre les équipes plus autonomes et plus équitables(…) Mme [R] a épluché tous les contrats du personnel afin de chercher à bloquer M. [X] . Elle a monté le personnel pour qu’il ne ferme plus l’usine le soir alors qu’une organisation avait été mise en place avec une formation à la fermeture que chaque employé a signé de son plein gré. Elle a organisé des réunions afin de convaincre le personnel que la comptabilité était mal gérée et que c’était à cause de cela que l’usine avait des difficultés financières. L’ambiance s’est rapidement dégradée, les clans se sont formés (…) (Pièce 38)

En l’état des éléments produits la salariée ne démontre pas qu’il y ait eu quelconque une atteinte à la liberté d’expression de la salariée de la part de l’employeur pouvant justifier la nullité du licenciement.

La cour relève en effet que les témoignages produits par la salariée attestent seulement que cette dernière renseignait certains salarié sur leurs droits.

Si Mme [R] répondait à des demandes de renseignements, la cour constate toutefois qu’elle empiétait sur le rôle des délégués du personnel et qu’elle pouvait même être amené à les discréditer et à initier des actions sans le soutien de l’ensemble des salariés, de sorte que ses interventions n’ont pas favorisé un climat social serein.

La demande de nullité du licenciement doit être rejetée.

2) Sur le bien fondé du licenciement

La lettre de licenciement qui fixe les limites du litige en application des dispositions de l’article L.1235-2, alinéa 2 est libellée dans les termes suivants :

«Nous vous avons convoquée a un entretien préalable qui s’est tenu le 29 juin 2015, date à laquelle vous êtes présentée seule malgré le rappel de votre droit a assistance dans notre convocation du 18 juin 2015.

Nous avons constaté l’existence de faits fautifs consistant en des erreurs de comptes dans la production, qui ne sont pas acceptables.

Vous avez ainsi compté sept cartons dans la référence « Macarons Figer framboise », alors qu’il y en avait 8 de fabriqués et 13 cartons de « Macarons parfum framboise 69 mm » alors qu’il n’y en avait que 12 seulement de fabriqués.

Déjà, le 9 juin 2015, vous aviez fait une erreur de conditionnement. vous étiez alors engagée à être plus attentive.

Les erreurs dans les comptages ne permettent pas de livrer correctement les clients et d’assurer correctement la traçabilité des produits fabriqués.

Nous avons, lors de l’entretien préalable, évoqué la possibilité d’une rupture conventionnelle, à laquelle vous avez agréée. Vous avez ensuite exercé un droit de rétractation.

Il n’empêche que les faits qui vous sont reprochés sont établis et ne peuvent pas être acceptés. Ils le peuvent d’autant moins qu’ils s’accompagnent de critiques permanentes et systématiques sur l’entreprise et certains salariés, qui en perturbent le bon fonctionnement.

Au regard de ces éléments, nous avons pris la décision de prononcer votre licenciement ».

La société reproche à la salariée des erreurs de comptage et une attitude critique à l’égard de certains salariés et à l’égard de l’entreprise perturbant son bon fonctionnement et rendant impossible la poursuite de la collaboration.

La société indique que la salariée est taisante sur l’erreur de comptage et qu’elle plaide le doute arguant du fait qu’une procédure de rupture conventionnelle avait été envisagée par l’employeur et que l’erreur aurait pu provenir d’une autre personne.

La salariée conteste avoir commis une erreur de comptage précisant que la société lui reproche une erreur différente de celle indiquée dans la lettre de licenciement et estime que les faits ne sont pas établis.

Selon l’article L. 1235-1 du code du travail, en cas de litige, le juge, à qui il appartient d’apprécier la régularité de la procédure et le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l’employeur, forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties, après avoir ordonné, au besoin, toutes les mesures d’instruction qu’il estime utiles. Si un doute subsiste, il profite au salarié.

Sur le premier grief : La cour relève qu’une première erreur de conditionnement a été faite le 9 juin 2015 en raison de la non transmission d’informations essentielles de la part de la salariée ayant abouti à un avertissement le 11 juin 2015.

L’employeur établit la matérialité d’une deuxième erreur commise par la salariée au vu de la feuille de conditionnement des macarons du vendredi 12 juin 2015 alors que cette dernière était la personne devant emballer les colis. L’erreur a été constatée au moment du contrôle de détecteur de métal du lundi 15 juin 2015.

En effet, il résulte de la feuille de conditionnement des macarons du 12 juin 2015, de la feuille de passage aux détecteurs de métaux et de l’email de la responsable qualité Mme [K] adressé à M. [X] que « la quantité de cartons de macarons de la protection du 12 juin ne correspondait pas à la quantité notée sur l’ENR pour 2 références sur 7 références produites ».

Cette erreur a nécessité la correction de la fiche de conditionnement. À cet égard la cour constate que les références correspondant au macarons framboise et cacao ainsi que finger framboise ont été rectifiées laissant apparaître les précédents chiffres, objet des erreurs.

En conséquence, le fait que la lettre de licenciement ne vise qu’une partie des erreurs sur la référence macarons framboise (13 cartons mentionnés au lieu de 12) et finger framboise (7 cartons mentionnés au lieu de 8) sans prendre compte également les macarons cacao (13 cartons mentionnés au lieu de 14 ) est sans incidence.

Par ailleurs, en dépit de ces constatations objectives, la salariée a fait état de suspicion de malveillance concernant une autre salariée, mais n’apporte sur ce point aucun élément de nature à l’exonérer.

La répétition des erreurs de conditionnement et de comptage dans la production est matériellement avérée et constitue un comportement fautif de la part de la salariée.

Ce grief doit être retenu.

Sur le second grief : L’employeur établit que la salariée a eu un comportement critique envers la société et les salariés et qu’elle a remis en cause le pouvoir de direction en particulier au vu des éléments suivants non exhaustifs et non contredits par la salariée :

– le témoignage de Monsieur [KV] [P], commercial « J’ai vu M. [X] très affecté par tout ceci et la pression exercée sur lui. J’ai crains pour sa santé. (…) Lors d’une conversation entre elle et moi elle parlait du « maître » dans son sens esclavagiste. Pour moi il allait de soi que Mme [R] cherchait à faire plier la cigale dorée et M. [X] à tout prix avec des réclamations sans fondement (…) » (pièce 36)

– le témoignage de Mme [D] [C], directrice de production « l’amitié a disparu, les résultats de production s’en sont ressentis (…) Je n’ai jamais rencontré quelqu’un qui avait autant de haine et de méchanceté et qui en plus donne l’impression aux gens elle se bat pour leur cause (…) » (Pièce 38)

– le témoignage de Mme [L] [T] « Très dure période pour la responsable de production qui quoi qu’elle fasse était toujours contestée par une partie du personnel qui s’était rapproché de Mme [R] » (pièce 40).

Ce grief doit être également retenu.

En conséquence, la cour dit, par voie d’infirmation, que le licenciement de Mme [R] est justifié par une cause réelle et sérieuse.

La demande d’indemnité au titre d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse doit être rejetée.

III Sur les autres demandes

La créance salariale porte intérêts au taux légal.

La cour ordonne la capitalisation des intérêts en application de l’article 1343-2 du code civil.

Il convient d’accueillir la demande de Mme [R] de remise d’un bulletin de paie rectifié sans qu’il y ait lieu à une astreinte laquelle n’apparaît pas justifiée.

L’appelante qui succombe au principal, doit s’acquitter des dépens de la procédure d’appel, être déboutée de sa demande faite en application de l’article 700 du code de procédure civile, et à ce titre condamnée à payer à la la société intimée la somme de 500 €.

PAR CES MOTIFS

La Cour,

Statuant par arrêt réputé contradictoire, par mise à disposition au greffe, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l’article 450 du code de procédure civile, en matière prud’homale,

Confirme le jugement déféré SAUF s’agissant des heures supplémentaires, de la régularité du licenciement, du licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

Statuant à nouveau de ces chefs et Y ajoutant,

Condamne la société La Cigale Dorée à payer à Mme [B] [N] épouse [R] les sommes suivantes :

– 714,75 au titre du rappel de salaire pour les heures supplémentaires comprises entre le 11 août 2014 et 12 juin 2015

– 71,47 euros bruts au titre des congés payés y afférents

avec intérêts au taux légal à compter du 17 septembre 2019

Ordonne la capitalisation de ces intérêts dans les conditions de l’article 1343-2 du code civil;

Condamne la société La Cigale Dorée à remettre à Mme [R] un bulletin de salaire conforme au présent arrêt, mais dit n’y avoir lieu à astreinte,

Rejette la demande d’annulation de l’avertissement du 11 juin 2015 ;

Rejette la demande de nullité du licenciement ;

Dit la procédure de licenciement régulière ;

Dit le licenciement justifié par une cause réelle et sérieuse ;

Rejette la demande d’indemnité au titre du licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

Condamne Mme [B] [N] épouse [R] à payer à la société La Cigale Dorée la somme de 500 € au titre au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

Condamne Mme [B] [N] épouse [R] aux dépens d’appel.

LE GREFFIER LE PRESIDENT

 


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