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ARRET N° 23/56
R.G : N° RG 21/00222 – N° Portalis DBWA-V-B7F-CIPL
Du 17/03/2023
[C]
C/
S.E.L.A.R.L. LA BAIE DU MARIN
COUR D’APPEL DE FORT DE FRANCE
CHAMBRE SOCIALE
ARRET DU 17 MARS 2023
Décision déférée à la cour : jugement du Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de FORT-DE-FRANCE, du 14 Septembre 2021, enregistrée sous le n° F19/00451
APPELANTE :
Madame [W] [Y] [C] épouse [U]
[Adresse 3]
[Localité 1])
Représentée par Me Claude CELENICE de la SELARL LABOR & CONCILIUM, avocat au barreau de MARTINIQUE
INTIMEE :
S.E.L.A.R.L. LA BAIE DU MARIN
[Adresse 2]
[Localité 1]
Représentée par Me Pierre-xavier BOUBEE de la SELEURL PIERRE-XAVIER BOUBEE, avocat au barreau de MARTINIQUE
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DEBATS ET DU DELIBERE
En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue à l’audience publique du 20 janvier 2023, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Mme Emmanuelle TRIOL, Conseillère présidant la chambre sociale, chargée du rapport. Ce magistrat a rendu compte dans le délibéré de la cour composée de :
– Madame Emmanuelle TRIOL, Présidente
– Madame Nathalie RAMAGE, Présidente de Chambre,
– Madame Anne FOUSSE, Conseillère
GREFFIER LORS DES DEBATS :
Madame Rose-Colette GERMANY,
DEBATS : A l’audience publique du 20 janvier 2023,
Les parties ont été avisées, dans les conditions prévues à l’article 450 du code de procédure civile, de la date du prononcé de l’arrêt fixée au 17 mars 2023 par mise à disposition au greffe de la cour.
ARRET : Contradictoire
**************
EXPOSE DES FAITS ET DE LA PROCEDURE
Mme [W] [C] épouse [U] a travaillé dans la pharmacie de M. [J] [G] puis au sein de l’EURL PHARMACIE DE LA BAIE.
A compter du 1er avril 2015, elle a été employée en qualité de préparatrice en pharmacie au sein de la SELARL PHARMACIE LA BAIE DU MARIN.
Le 9 octobre 2016, la salariée a signé avec son employeur une rupture conventionnelle du contrat de travail, laquelle a été homologuée, le 15 novembre 2018.
Par courrier recommandé du 15 avril 2019, Mme [C] a dénoncé la rupture conventionnelle évoquant des pressions exercées par son employeur pour obtenir son consentement et a contesté également le solde de tout compte.
Le 12 novembre 2019, Mme [W] [C] a saisi le conseil de prud’hommes de Fort de France pour obtenir l’annulation de la rupture conventionnelle, la requalification de la rupture du contrat de travail en licenciement sans cause réelle et sérieuse et la condamnation de la SELARL PHARMACIE LA BAIE DU MARIN à lui payer différentes indemnités et un rappel de salaire du fait de son ancienneté et des indemnités kilométriques.
Par jugement contradictoire du 14 septembre 2021, le conseil de prud’hommes a dit que la rupture conventionnelle n’est entachée d’aucun vice du consentement et a débouté Mme [C] de sa demande d’annulation de cette rupture conventionnelle, outre de ses autres demandes.
Le conseil a, en effet, considéré que l’employeur avait satisfait aux dispositions des articles L 1237-11 et suivants du code du travail et que le montant de l’indemnité de rupture versée à la salariée était conforme au montant de l’indemnité légale. Il a encore estimé que la salariée ne versait aux débats aucun élément permettant de justifier du respect des conditions requises par la convention collective pour l’obtention du coefficient 330 et par conséquent de faire droit à sa demande de rappel de salaire. Il a enfin considéré que Mme [C] ne justifiait pas son déplacement professionnel par une note de frais kilométriques.
Par déclaration électronique du 20 octobre 2021, Mme [W] [C] a relevé appel du jugement.
L’ordonnance de clôture a été prononcée le 16 décembre 2022.
EXPOSE DES PRETENTIONS ET MOYENS DES PARTIES
Par conclusions notifiées par voie électronique le 20 octobre 2022, l’appelante demande à la cour d’infirmer le jugement en toutes ses dispositions et statuant à nouveau de :
annuler la rupture conventionnelle pour absence d’entretien préalable, absence de remise d’un exemplaire et vice du consentement,
requalifier la rupture du contrat de travail en licenciement sans cause réelle et sérieuse,
condamner la SELARL PHARMACIE LA BAIE DU MARIN à lui payer les sommes suivantes :
10 441,17 euros, à titre de complément d’indemnité de licenciement conventionnelle,
200 000,00 euros, à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
5 883,46 euros, à titre d’indemnité compensatrice de préavis,
18 102,79 euros, à titre de rappels de salaire et d’indemnités kilométriques du 1er avril 2015 au 14 novembre 2018,
ordonner à l’employeur de rectifier les bulletins de salaire pour la période du 1er avril au 14 novembre 2018 et de les lui remettre, sous astreinte de 50 euros par jour de retard à compter de la décision à intervenir,
ordonner à l’employeur la remise d’un certificat de travail rectifié mentionnant une ancienneté au 1er novembre 1981, sous la même astreinte,
condamner la SELARL PHARMACIE LA BAIE DU MARIN à lui payer la somme de 3 500,00 euros, au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
condamner la même aux dépens.
Au soutien de ses prétentions, l’appelante fait valoir qu’il n’y a pas eu d’entretien préalable. Elle indique encore que le 9 octobre 2018, elle ne se trouvait pas dans l’entreprise, mais à l’EHPAD de [Adresse 4]. Elle insiste sur le fait que l’employeur fait état de plusieurs entretiens informels sans en apporter la preuve. Elle souligne qu’avec deux enfants en étude et à 5 ans de la retraite, elle n’aurait jamais quitté son emploi de son plein gré.
Elle prétend ensuite ne pas avoir eu un exemplaire de la rupture conventionnelle à la signature et ne l’avoir récupéré que par la DIECCTE. Elle précise que de ce fait, elle n’a pu se rétracter dans les délais légaux.
Elle affirme encore que son consentement a été vicié. Elle souligne que depuis la reprise de la pharmacie par Mme [F], ses conditions de travail se sont dégradées. Elle expose qu’elle était dans une situation telle qu’elle a été en arrêt de travail à compter du 12 novembre 2018. Elle insiste sur le fait que son employeur connaissait sa fragilité.
Elle fait valoir encore que l’indemnité de rupture est infra-légale.
Elle souligne que la nullité de la rupture conventionnelle produit les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse.
Par ailleurs, elle expose qu’en application de la Convention collective nationale de la pharmacie d’officine, elle aurait eu, à la date de la rupture, le coefficient 330 ou le statut de cadre assimilé ce qui aurait eu des conséquences sur le montant de l’indemnité de licenciement.
S’agissant de l’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, elle insiste sur le fait qu’elle a subi un préjudice important du fait de la rupture, à 5 ans de l’âge de la retraite et après 2O ans de travail dans la même pharmacie, ses arrêts de travail ayant même été reconnus affection longue durée.
Sur son ancienneté, elle précise qu’elle a travaillé dans la pharmacie avec M. [G] de 1981 à 1989, puis avec M. [A] à compter de 2005, date à laquelle son contrat de travail a été transféré à l’EURL PHARMACIE DE LA BAIE DU MARIN. Elle affirme que Mme [F] a, intentionnellement, omis de reprendre son ancienneté lors de son rachat de la pharmacie. Elle indique qu’il convient donc d’appliquer les salaires en fonction du bon coefficient, soit coefficient 310, de novembre 2014 à novembre 2016 pour un salaire de 2 002,95 euros en novembre 2014, 2 031,16 euros, en novembre 2015 et 2 047,62 euros en novembre 2016; coefficient 330 à compter de novembre 2017 pour un salaire de 2 179,73 euros en novembre 2017 et de 2 214,76 euros en novembre 2018.
S’agissant des frais kilométriques, elle souligne qu’elle se rendait tous les mardis et jeudis aux EHPADS de [Adresse 4] et de [Localité 5] sans remboursement des frais kilométriques sur ses bulletins de paye.
Par conclusions notifiées par voie électronique le 22 mars 2022, l’intimée demande à la cour de confirmer le jugement entrepris et de condamner Mme [C] aux dépens et à lui verser la somme de 3 000,00 euros, en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.
L’intimée réplique que la procédure de rupture conventionnelle a été régulière avec un entretien préalable au 8 octobre 2018, date à laquelle Mme [C] était bien présente dans l’officine. Elle confirme que Mme [C] a signé la convention de rupture le 9 octobre 2018 et en a eu un exemplaire puisque c’est elle qui a demandé l’homologation à la DIECCTE.
Elle énonce encore que le consentement de la salariée n’a pas été viciée et que celle-ci ne saurait à juste titre invoquer un contexte de harcèlement moral. Elle fait valoir ensuite que Mme [C] ne prouve pas l’existence d’un trouble mental au moment de l’acte. Elle insiste que le premier arrêt de travail de la salariée intervient plus d’un mois après la signature de la rupture conventionnelle. Elle nie toute preuve rapportée d’une pression exercée par elle-même sur la salariée.
Elle ajoute ensuite qu’aucune erreur n’a été faite dans le calcul de l’indemnité de rupture. Elle conteste que le coefficient 330 puisse s’appliquer à Mme [C] puisqu’il correspond à un préparateur 9ème échelon, soit un préparateur breveté possédant des qualités techniques et commerciales exceptionnelles et qui exécute des travaux comportant une large initiative.
S’agissant de la réclamation au titre du salaire, elle soulève d’abord la prescription de l’action en répétition de la salariée pour partie de sa demande puisque Mme [C] ne peut réclamer des salaires pour une période antérieure au 14 novembre 2015. Elle insiste ensuite sur le fait que la salariée croit, à tort, avoir atteint le 7ème échelon correspondant à un coefficient 310.
Elle reprend la motivation du jugement sur les indemnités kilométriques, Mme [C] ne justifiant d’aucun justificatif, ni des dates et du montant des différents remboursements dus.
Sur la remise de document de fin de contrat mentionnant une ancienneté au 1er novembre 1981, elle soutient que la salariée ne justifie pas d’un exercice continu dans l’entreprise depuis cette date.
MOTIVATION
Sur la demande d’annulation de la rupture conventionnelle :
Aux termes de l’article L 1237-11 du code du travail, l’employeur et le salarié peuvent convenir en commun des conditions de la rupture du contrat de travail qui les lie.
La rupture conventionnelle, exclusive du licenciement ou de la démission, ne peut être imposée par l’une ou l’autre des parties.
Elle résulte d’une convention signée par les parties au contrat. Elle est soumise aux dispositions de la présente section destinées à garantir la liberté du consentement des parties.
Selon une convention intitulée Rupture conventionnelle du contrat de travail du 9 octobre 2018, la SELARL PHARMACIE LA BAIE DU MARIN et Mme [C] ont décidé de la rupture du contrat de travail de la salariée au 14 novembre 2018, après homologation par l’autorité administrative, avec la perception pour Mme [C] de la somme de 33 684,77 euros, à titre d’indemnité.
Cette convention a été homologuée par la DIECCTE, le 13 novembre 2018.
Par courrier recommandé du 15 avril 2019 adressé à son employeur, Mme [C] a dénoncé cette rupture conventionnelle.
La salariée remet en cause la régularité de la procédure de rupture conventionnelle et invoque un vice de consentement.
Sur la régularité de la procédure :
Aux termes de l’article L 1237-12 du code du travail, les parties au contrat conviennent du principe d’une rupture conventionnelle lors d’un ou plusieurs entretiens au cours desquels le salarié peut se faire assister :
1° Soit par une personne de son choix appartenant au personnel de l’entreprise, qu’il s’agisse d’un salarié titulaire d’un mandat syndical ou d’un salarié membre d’une institution représentative du personnel ou tout autre salarié ;
2° Soit, en l’absence d’institution représentative du personnel dans l’entreprise, par un conseiller du salarié choisi sur une liste dressée par l’autorité administrative.
Lors du ou des entretiens, l’employeur a la faculté de se faire assister quand le salarié en fait lui-même usage. Le salarié en informe l’employeur auparavant ; si l’employeur souhaite également se faire assister, il en informe à son tour le salarié.
L’employeur peut se faire assister par une personne de son choix appartenant au personnel de l’entreprise ou, dans les entreprises de moins de cinquante salariés, par une personne appartenant à son organisation syndicale d’employeurs ou par un autre employeur relevant de la même branche.
Mme [C] prétend qu’il n’y a eu aucun entretien préalable à la rupture.
Au soutien de son affirmation, elle indique d’abord ne pas avoir été présente dans l’entreprise, le 9 octobre 2018. Ce propos est sans intérêt sur le point de savoir si un entretien préalable s’est tenu la veille.
Elle mentionne encore que la convention du 9 octobre 2018 ne fait pas état de l’entretien préalable du 8 octobre 2018. Cependant, le document Cerfa intitulé Rupture conventionnelle d’un contrat de travail à durée indéterminée et formulaire de demande d’homologation, signé le 9 octobre 2018, renseigne sur le fait qu’un entretien préalable a bien eu lieu le 8 octobre 2018.
Au surplus, la SELARL PHARMACIE LA BAIE DU MARIN produit un document interne à l’officine qui établit la présence de Mme [C] dans la pharmacie le 8 octobre 2018. En outre, deux salariés attestent de la tenue de l’entretien entre la gérante de la société et la salariée.
En l’absence de toute preuve de la véracité des allégations de cette dernière sur ce point, cet élément de contestation ne saurait avoir pour effet d’annuler la rupture conventionnelle.
Selon les dispositions de l’article L1237-13 du même code, la convention de rupture définit les conditions de celle-ci, notamment le montant de l’indemnité spécifique de rupture conventionnelle qui ne peut pas être inférieur à celui de l’indemnité prévue à l’article L. 1234-9.
Elle fixe la date de rupture du contrat de travail, qui ne peut intervenir avant le lendemain du jour de l’homologation.
A compter de la date de sa signature par les deux parties, chacune d’entre elles dispose d’un délai de quinze jours calendaires pour exercer son droit de rétractation. Ce droit est exercé sous la forme d’une lettre adressée par tout moyen attestant de sa date de réception par l’autre partie.
L’article L 1237-14 du même code, à l’issue du délai de rétractation, la partie la plus diligente adresse une demande d’homologation à l’autorité administrative, avec un exemplaire de la convention de rupture. Un arrêté du ministre chargé du travail fixe le modèle de cette demande.
L’autorité administrative dispose d’un délai d’instruction de quinze jours ouvrables, à compter de la réception de la demande, pour s’assurer du respect des conditions prévues à la présente section et de la liberté de consentement des parties. A défaut de notification dans ce délai, l’homologation est réputée acquise et l’autorité administrative est dessaisie.
La validité de la convention est subordonnée à son homologation.
L’homologation ne peut faire l’objet d’un litige distinct de celui relatif à la convention. Tout litige concernant la convention, l’homologation ou le refus d’homologation relève de la compétence du conseil des prud’hommes, à l’exclusion de tout autre recours contentieux ou administratif. Le recours juridictionnel doit être formé, à peine d’irrecevabilité, avant l’expiration d’un délai de douze mois à compter de la date d’homologation de la convention.
Mme [C] affirme encore ne pas avoir reçu un exemplaire de la rupture conventionnelle au jour de sa signature.
Certes, la seule mention de la remise de la convention sans preuve d’une remise en main propre contre décharge est insuffisante à apporter cette preuve.
Cependant, la cour de cassation exige de l’employeur qu’il remette à la salariée un exemplaire du formulaire Cerfa et, le cas échéant, de la convention de rupture annexe.
En l’espèce, ce formulaire figure dans les pièces produites par Mme [C] et il ressort des termes de l’attestation d’homologation de la rupture conventionnelle envoyée à la salariée le 15 novembre 2018, qu’elle a, elle-même, formulé cette demande. Cette demande faite par la salariée atteste de ce qu’elle a reçu le document Cerfa pour l’adresser à l’administration, laquelle en a accusé réception le 25 octobre 2018, à l’issue du délai de rétractation de 15 jours.
La salariée ne saurait valablement prétendre ne pas avoir reçu un exemplaire de la rupture conventionnelle.
Sur le vice du consentement :
Aux termes de l’article 1129 du code civil, conformément à l’article 414-1, il faut être sain d’esprit pour consentir valablement à un contrat.
Selon les dispositions de l’article 414-1 du même code, pour faire un acte valable, il faut être sain d’esprit. C’est à ceux qui agissent en nullité pour cette cause, de prouver l’existence d’un trouble mental au moment de l’acte.
L’article 1130 du même code prévoit encore que l’erreur, le dol et la violence vicient le consentement lorsqu’ils sont de telle nature que, sans eux, l’une des parties n’aurait pas contracté ou aurait contracté à des conditions substantiellement différentes.
Selon la jurisprudence, la nullité de la convention ne peut intervenir en dehors des conditions de droit commun. Le consentement libre et éclairé du salarié est donc indispensable.
Mme [C] fait état de pression de la part de la gérante de la société pour la convaincre de signer la rupture conventionnelle. Elle se fonde ainsi sur le vice du consentement du fait de la violence exercée par le cocontractant. Il lui appartient de démontrer l’existence de cette violence, physique ou psychologique, voire l’existence d’un trouble mental au moment de l’acte.
Elle fait état de l’arrêt maladie dont elle a bénéficié à compter du 12 novembre 2018. Or, cet arrêt dont la cause n’est pas documentée est intervenu plus d’un mois après la signature de la rupture conventionnelle et alors que le délai de rétractation était expiré depuis le 24 octobre.
La salariée souligne ensuite une dégradation de ses conditions de travail et l’existence d’un contexte conflictuel et de harcèlement. Cependant, la cour de cassation considère qu’en l’absence de vice de consentement, l’existence de faits de harcèlement moral n’affecte pas, en elle-même, la validité de la convention de rupture intervenue en application de l’article L 1237-11 du code du travail. Au demeurant, Mme [C] ne présente aucun élément de fait laissant supposer l’existence d’un harcèlement de son employeur. En effet, les pièces produites aux débats n’établissent, au pire, que l’existence de difficultés relationnelles entre la salariée et ses collègues et le seul avertissement adressé à la salariée suite à une altercation avec une collègue ne saurait laisser présumer l’existence d’un harcèlement moral dont serait victime Mme [C].
La cour note enfin que le courrier de dénonciation de la rupture conventionnelle adressé par Mme [C] à son employeur, le 15 avril 2019 est tardif et n’a été précédé d’aucun élément de fait permettant d’apporter du crédit à la thèse de la salariée.
Les premiers juges avaient considéré que le formalisme de la rupture conventionnelle avait été respecté et qu’en conséquence, il démontrait le consentement éclairé de Mme [C] à sa signature. La cour ajoute que la salariée ne justifie d’aucun élément permettant de douter de sa sanité d’esprit lors de la conclusion de l’acte.
Il convient donc de confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a débouté Mme [C] de sa demande d’annulation de la rupture conventionnelle.
2- Sur l’ancienneté de la salariée et le coefficient à retenir :
L’ancienneté de la salariée est déterminée en tenant compte du travail effectué auprès du même employeur de manière ininterrompue, sauf disposition conventionnelle plus favorable.
Vu les dispositions de la Convention Collective Nationale de la Pharmacie d’Officine sur la classification et la définition des emplois,
Des pièces produites aux débats par la salariée, il est établi que :
elle a travaillé, en novembre et décembre 1981, comme apprentie dans la pharmacie de M. [G] (bulletins de salaire) et a été employée dans la pharmacie jusqu’au 25 novembre 1988 (attestation de M. [G] du 25 novembre 1988);
un courrier de Mme [T] [N] du 28 août 2003, permet d’apprendre qu’au décès de M. [G], l’officine a été fermée pour une période indéterminée mais que les employés ont continué à percevoir leurs salaires ;
M. [O] [A] l’a employée en qualité de préparatrice en pharmacie à compter du 1er novembre 2005 dans l’EURL PHARMACIE DE LA BAIE et elle travaillait dans la même entreprise depuis novembre 1981 sous contrat à durée indéterminée (attestation de M. [A] du 8 juillet 2014) ;
Mme [F] l’a employée en qualité de préparatrice en pharmacie dans la SELARL PHARMACIE LA BAIE DU MARIN, à compter du 1er avril 2015 et a précisé la présence de la salariée dans la pharmacie depuis novembre 1981 (attestation Mme [F] du 7 septembre 2016) ;
Mme [C] a obtenu son BP de préparatrice en pharmacie, le 24 février 1989.
Il est donc démontré la présence ininterrompue de Mme [C] dans la même officine, depuis novembre 1981. Le changement de forme juridique de l’entreprise importe peu. Il est certain que l’ancienneté de la salariée doit être calculée à compter de novembre 1981, faute pour l’intimée de rapporter la preuve d’une interruption de l’emploi de Mme [C] dans l’officine.
De novembre 1981 au 14 novembre 2018, Mme [C] compte donc une ancienneté de 37 ans dans la pharmacie. Titulaire du brevet professionnel en février 1989, elle a donc une ancienneté dans l’emploi de 29 ans. Cette ancienneté la positionne au coefficient 320, depuis le 1er mars 2016, coefficient qui correspond à la classification de préparateur 8ème échelon, atteint après 27 ans d’ancienneté dans les échelons précédents.
Mme [C] prétend avoir droit au coefficient 330 lequel correspond à la classification des emplois de préparateur suivante : préparateur 9ème échelon : préparateur breveté qui possède des qualités techniques et commerciales exceptionnelles et qui exécute des travaux comportant une large initiative.
Cependant, les attestations produites ne suffisent à justifier, ni des qualités techniques et commerciales de la salariée, ni de ce qu’elle jouissait d’une large initiative dans l’exécution de ses taches. Aucune preuve de suivis de formations régulières dans le but d’améliorer ou renouveler ses compétences techniques ou commerciales n’est ainsi apportée par Mme [C].
Dans ces conditions, la salariée ne démontre pas que ses compétences lui permettent de prétendre au coefficient 330 et à l’échelon 9.
3- Sur l’indemnité spécifique de rupture conventionnelle :
Selon les dispositions de l’article L1237-13 alinéa 1er du code du travail, la convention de rupture définit les conditions de celle-ci, notamment le montant de l’indemnité spécifique de rupture conventionnelle qui ne peut pas être inférieur à celui de l’indemnité prévue à l’article L. 1234-9.
Aux termes de l’article 21 de la convention collective applicable, le salarié titulaire d’un contrat de travail à durée indéterminée, licencié alors qu’il compte 8 mois d’ancienneté ininterrompus au service du même employeur a droit, sauf en cas de faute grave ou de faute lourde, à une indemnité de licenciement calculée comme suit :
‘ à compter de 8 mois et jusqu’à 10 ans d’ancienneté, 1/4 de mois de salaire par année d’ancienneté dans l’entreprise, à compter de la date d’entrée dans celle-ci ;
‘ à partir de 10 ans d’ancienneté, 3,34/10 de mois de salaire par année d’ancienneté dans l’entreprise à compter de la 11e année.
Pour l’ouverture du droit à l’indemnité de licenciement, l’ancienneté s’apprécie à la date de la rupture du contrat de travail, à savoir le jour de l’envoi par l’employeur de la notification du licenciement. Les périodes de suspension du contrat de travail sont prises en compte dans les conditions définies à l’article 11.
Pour le calcul du montant de l’indemnité de licenciement, l’ancienneté s’apprécie à la fin du préavis, y compris en cas de dispense de son exécution. Il est tenu compte des mois de service accomplis au-delà des années pleines.
En cas d’année incomplète, l’indemnité est calculée proportionnellement au nombre de mois complets.
Le salaire servant de base au calcul de l’indemnité de licenciement est, selon la formule la plus avantageuse pour le salarié :
‘ soit 1/12 de la rémunération brute des 12 derniers mois précédant la date d’envoi de la notification du licenciement, y compris gratifications, mois double ‘ ;
‘ soit 1/3 de la rémunération brute des 3 derniers mois précédant la date d’envoi de la notification du licenciement. Dans ce cas, toute prime ou gratification de caractère annuel ou exceptionnel, versée au salarié pendant cette période, sera prise en compte pro rata temporis.
Mme [C] laisse entendre que l’indemnité reçue est infra-légale.
Il est démontré que la convention de rupture a prévu une indemnité d’un montant de 33 684,77 euros, reprise dans le bulletin de salaire de novembre 2018. Le reçu pour solde de tout compte fait état d’une somme totale de 35 988,53 euros conforme au dit bulletin de salaire.
L’employeur fait la démonstration qu’il a comparé la rémunération mensuelle brute moyenne des douze derniers mois de salaire à celle des trois derniers mois pour retenir la moyenne la plus favorable à Mme [C] pour calculer l’indemnité spécifique de rupture conventionnelle, soit un salaire brut de 2 941,73 euros.
Au regard de son coefficient, le salaire brut mensuel de Mme [C] était de 2 147,65 euros et la prime d’ancienneté de 322,15 euros, en référence aux salaires des préparateurs en pharmacie au 1er janvier 2018.
La base servant au calcul de l’indemnité spécifique de rupture conventionnelle appliquée par l’employeur était donc en faveur de Mme [C] qui ne peut donc prétendre que l’indemnité était infra légale.
4- Sur les rappels de salaires et indemnités kilométriques :
Sur la prescription :
En application des dispositions de l’article L 3245-1 du code du travail, l’action en paiement ou en répétition du salaire se prescrit par trois ans à compter du jour où celui qui l’exerce a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l’exercer.
La demande peut porter sur les sommes dues au titre des trois dernières années à compter de ce jour ou, lorsque le contrat est rompu, sur les sommes dues au titre des trois années précédant la rupture du contrat.
La rupture du contrat de travail est intervenue au 14 novembre 2018. Toute demande antérieure au 14 novembre 2015 se trouve donc prescrite.
La demande de Mme [C] en paiement de salaires ou indemnités kilométriques du 1er avril 2015 au 14 novembre 2015 est donc irrecevable.
Sur les rappels de salaire :
Mme [C] n’explique pas comment elle effectue ses calculs pour obtenir la somme réclamée et ne la distingue d’ailleurs pas des indemnités kilométriques également sollicités.
Au regard des salaires mensuels bruts portés sur les fiches de salaire, à compter du mois de novembre 2015, le montant du salaire perçu par la salariée est supérieur à celui déjà annoncé conformément aux indications de la convention collective et du coefficient 320 applicable à Mme [C].
Dès lors, celle-ci est déboutée de sa demande.
Sur les indemnités kilométriques :
Ces indemnités ne sont justifiées par la salariée, ni dans leur principe, ni dans leur montant.
La demande est donc rejetée.
5- Sur la rectification des bulletins de salaire et du certificat de travail :
Il convient d’ordonner à la SELARL PHARMACIE LA BAIE DU MARIN la rectification du certificat de travail de sorte qu’il y soit précisé l’ancienneté de Mme [C] dans l’officine et des bulletins de salaire afin qu’il y soit inscrit le coefficient adéquat.
L’astreinte n’est pas nécessaire pour assurer l’exécution de l’obligation.
6- Sur les dispositions de l’article 700 du code de procédure civile et les dépens :
Mme [C] qui succombe sur l’essentiel de ses demandes est condamnée aux dépens et à verser à la SELARL PHARMACIE LA BAIE DU MARIN la somme de 2 000,00 euros, sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
La cour,
Confirme le jugement en ses dispositions soumises à la cour, sauf en ce qu’il a rejeté la demande de Mme [W] [C] en rectification des bulletins de salaire et du certificat de travail,
Statuant à nouveau,
Dit que Mme [W] [C] a atteint le coefficient 320 au 1er mars 2016,
Ordonne à la SELARL PHARMACIE LA BAIE DU MARIN la rectification du certificat de travail afin que l’ancienneté de 31 ans de la salariée dans l’officine y soit spécifiée et la rectification des bulletins de salaire à compter de mars 2016 afin que le coefficient 320 y soit précisé,
Déboute Mme [W] [C] de sa demande d’astreinte,
Y ajoutant
Condamne Mme [W] [C] aux dépens,
Condamne Mme [W] [C] à verser à la SELARL LA PHARMACIE LA BAIE DU MARIN la somme de 2 000,00 euros, sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.
Et ont signé le présent arrêt Mme Emmanuelle TRIOL, Présidente et Mme Rose-Colette GERMANY, Greffier
LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE