Droit de rétractation : décision du 13 avril 2023 Cour d’appel de Rouen RG n° 22/02090
Droit de rétractation : décision du 13 avril 2023 Cour d’appel de Rouen RG n° 22/02090
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N° RG 22/02090 – N° Portalis DBV2-V-B7G-JDQD

COUR D’APPEL DE ROUEN

CHAMBRE DE LA PROXIMITE

ARRET DU 13 AVRIL 2023

DÉCISION DÉFÉRÉE :

11-21-107

Jugement du TRIBUNAL JUDICIAIRE Juge des contentieux de la protection de LOUVIERS du 03 Mai 2022

APPELANTE :

S.A. BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE

RCS de PARIS n° 542097902

[Adresse 1]

[Localité 6]

représentée par Me Pascale BADINA de la SELARL CABINET BADINA ET ASSOCIÉS, avocat au barreau de ROUEN

INTIMES :

Monsieur [Y] [W]

[Adresse 4]

[Localité 3]

n’a pas constitué avocat bien que regulièrement assigné par acte d’huissier en date du 07 septembre 2022

S.E.L.A.R.L. ATHENA prise en la personne de Me [R], ès qualité de liquidateur judiciaire de la SASU SVH ENERGIE

[Adresse 2]

[Localité 5]

n’a pas constitué avocat bien que regulièrement assigné par acte d’huissier en date du 07 septembre 2022

COMPOSITION DE LA COUR  :

En application des dispositions de l’article 805 du code de procédure civile, l’affaire a été plaidée et débattue à l’audience du 06 Mars 2023 sans opposition des avocats devant Madame GERMAIN, rapporteur.

Le magistrat rapporteur a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour composée de :

Madame GOUARIN, Présidente

Madame TILLIEZ, Conseillère

Madame GERMAIN, Conseillère

DEBATS :

M. GUYOT greffier lors des débats

Mme DUPONT greffière lors de la mise à disposition

A l’audience publique du 06 Mars 2023, où l’affaire a été mise en délibéré au 13 Avril 2023

ARRET :

Défaut

Prononcé publiquement le 13 Avril 2023, par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de procédure civile,

signé par Madame GOUARIN, Présidente et par Madame DUPONT, Greffière lors de la mise à disposition.

Exposé des faits et de la procédure

M. [Y] [W] a signé le 10 août 2018, dans le cadre d’un démarchage à domicile, avec la société SVH Energie, un bon de commande d’installation d’une centrale solaire photovoltaïque avec pompe à chaleur, incluant une centrale de traitement de l’air, moyennant un prix total de

21 690 euros TTC.

Afin de financer ces travaux, M. [Y] [W] a signé le même jour une offre de prêt consentie par la société BNP Paribas Personal Finance agissant sous sa dénomination commerciale Cételem, pour un montant de 21 690 euros.

Se plaignant que la centrale photovoltaïque ne présentait pas le rendement attendu et ne permettait pas d’être autonome en énergie, M. [W] a adressé une mise en demeure à la société SVH Energie en octobre 2019, puis avec son épouse, il a assigné la société GSE Intégration anciennement dénommée SVH Energie et la SA BNP Paribas Personal Finance, devant le tribunal de proximité des Andelys, par actes des 12 et 17 mai 2021, aux fins d’obtenir l’annulation du contrat conclu avec la société SVH Energie et par voie de conséquence l’annulation du contrat de prêt.

Le dossier a été transféré au tribunal de proximité de Louviers, conformément au décret n°2020-1563 du 10 décembre 2020, transférant le siège du tribunal de proximité des Andelys à Louviers.

Par jugement réputé contradictoire du 3 mai 2022, le juge des contentieux de la protection du tribunal de proximité de Louviers a :

– déclaré irrecevable l’action de Mme [U] [W] née [H] à l’encontre de la société SVH Energie et de la SA BNP Paribas Personal Finance,

– débouté M. [Y] [W] de sa demande tendant au prononcé de la résolution du contrat conclu avec la société SVH Energie RCS n°833 656 218.

En revanche,

– prononcé la nullité du contrat conclu le 10 août 2018 entre M. [Y] [W] et la société SVH Energie RCS n°833 656 218,

– prononcé en conséquence, la nullité du contrat de crédit d’un montant de 21.690 euros en capital conclu le 10 août 2018 entre d’une part

M. [Y] [W] et d’autre part la SA BNP Paribas Personal Finance,

– condamné M. [Y] [W] à restituer l’intégralité du matériel à la société SVH Energie, pris en la personne de son liquidateur judiciaire la SELARL Athena, à charge pour cette dernière de venir le récupérer et d’en assurer la dépose à ses frais exclusifs,

– condamné la société SVH Energie pris en la personne de son liquidateur judiciaire la SELARL Athena à payer à M. [Y] [W] la somme en principal de 21 690 euros avec intérêts au taux légal à compter de la présente décision,

– débouté la SA BNP Paribas Personal Finance de sa demande tendant au remboursement du capital emprunté s’élevant à la somme de 21 690 euros,

– condamné la SA BNP Paribas Personal Finance à payer à M. [Y] [W] la somme de 22 383,12 euros avec intérêts au taux légal à compter de la présente décision,

– débouté M. [Y] [W] du surplus de ses demandes,

– débouté la SA BNP Paribas Personal Finance de sa demande tendant à voir fixer sa créance au passif de la société SVH Energie,

– débouté les parties de leurs demandes plus amples ou contraires,

– condamné la SA BNP Paribas Personal Finance à payer à M. [Y] [W] la somme de 1 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– débouté la société BNP Paribas Personal Finance de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– condamné la société BNP Paribas Personal Finance aux entiers dépens,

– rappelé que l’exécution provisoire de la présente décision est de droit.

La société BNP Paribas Personal Finance a relevé appel de cette décision suivant déclaration reçue le 22 juin 2022.

Suivant actes des 7 et 29 septembre 2022, la société BNP Paribas Personal Finance a signifié sa déclaration d’appel et ses conclusions à la SELARL Athéna ès qualités de mandataire à la liquidation judiciaire de la société SVH Energie suivant actes remis à la personne morale et à M. [W] suivant actes remis à l’étude.

La SELARL Athena et M. [W] n’ont ni conclu ni constitué avocat. La décision sera rendue par défaut.

L’ordonnance de clôture a été rendue le 21 février 2023

EXPOSE DES PRETENTIONS DES PARTIES

Par conclusions reçues le 19 septembre 2022, la société BNP Paribas Personal Finance demande à la cour de :

– infirmer le jugement déféré en toutes ses dispositions et statuant à nouveau,

– débouter M. [W] de l’intégralité de ses moyens et demandes,

A titre subsidiaire, dans l’hypothèse d’une annulation du contrat de prêt par accessoire :

– débouter M. [W] de ses demandes telles que dirigées contre la SA BNP Paribas Personal Finance,

– condamner M. [W] à payer à la SA BNP Paribas Personal Finance, au titre des remises en état et restitution du capital mis à disposition, la somme de 21 690 euros avec déduction des échéances déjà versées, avec garantie due par la SAS SVH Energie en application de l’article L. 312-56 du code de la consommation,

– fixer la créance de la SA BNP Paribas Personal Finance au passif de la SA SVH Energie pour la somme de 21 690 euros au titre de son engagement contractuel de restituer les fonds à première demande,

En toute hypothèse,

– condamner M. [W] à payer à la SA BNP Paribas la somme de 2 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens.

En application des dispositions de l’article 455 du code de procédure civile, il convient de se reporter aux dernières conclusions des parties pour l’exposé des moyens développés par celles-ci.

MOTIFS DE LA DECISION

Les dispositions du jugement ayant déclaré irrecevable l’action de Mme [U] [W] née [H] à l’encontre de la société SVH Energie et de la SA BNP Paribas Personal Finance et celles ayant débouté M. [W] de sa demande de résolution du contrat conclu avec la société SVH Energie ne sont pas dévolues à la cour qui statuera dans les limites de l’appel.

Sur la nullité du contrat conclu entre la société SVH Energie et M. [W]

La société BNP Paribas Personal Finance reproche au premier juge d’avoir annulé le contrat de vente aux motifs qu’il ne comportait pas la marque des panneaux et de la pompe à chaleur et qu’il n’indiquait pas le poids, la taille des panneaux ni la puissance de l’onduleur. Elle soutient que la marque des panneaux et de l’onduleur figurent bien sur le bon de commande, qu’en outre le tribunal n’explique pas en quoi le poids de chaque panneau, ses dimensions et sa couleur constitueraient des caractéristiques essentielles en ce sens qu’elles détermineraient le consommateur dans son acte d’achat.

Aux termes de l’article L. 221-9 du code de la consommation dans sa version applicable au litige, le professionnel fournit au consommateur un exemplaire daté du contrat conclu hors établissement, sur papier signé par les parties ou, avec l’accord du consommateur, sur un autre support durable, confirmant l’engagement exprès des parties.

L’article L. 221-5 du même code indique que ‘préalablement à la conclusion d’un contrat de vente ou de fourniture de services, le professionnel communique au consommateur, de manière lisible et compréhensible les informations suivantes :

1° Les informations prévues aux articles L. 111-1 et L. 111-2 ;

2° Lorsque le droit de rétractation existe, les conditions, le délai et les modalités d’exercice de ce droit ainsi que le formulaire type de rétractation, dont les conditions de présentation et les mentions qu’il contient sont fixées par décret en Conseil d’Etat ; […]

Aux termes de l’article L. 111-1 du code de la consommation dans sa version applicable au litige, avant que le consommateur ne soit lié par un contrat de vente de biens ou de fourniture de services, le professionnel communique au consommateur, de manière lisible et compréhensible, les informations suivantes :

1° Les caractéristiques essentielles du bien ou du service, compte tenu du support de communication utilisé et du bien ou service concerné ;

2° Le prix du bien ou du service, en application des articles L. 112-1 à

L. 112-4 ;

3° En l’absence d’exécution immédiate du contrat, la date ou le délai auquel le professionnel s’engage à livrer le bien ou à exécuter le service ;

4° Les informations relatives à son identité, à ses coordonnées postales, téléphoniques et électroniques et à ses activités, pour autant qu’elles ne ressortent pas du contexte ;

5° S’il y a lieu, les informations relatives aux garanties légales, aux fonctionnalités du contenu numérique et, le cas échéant, à son interopérabilité, à l’existence et aux modalités de mise en oeuvre des garanties et aux autres conditions contractuelles ;

6° La possibilité de recourir à un médiateur de la consommation dans les conditions prévues au titre Ier du livre VI.

La liste et le contenu précis de ces informations sont fixés par décret en Conseil d’Etat.

Les dispositions du présent article s’appliquent également aux contrats portant sur la fourniture d’eau, de gaz ou d’électricité, lorsqu’ils ne sont pas conditionnés dans un volume délimité ou en quantité déterminée, ainsi que de chauffage urbain et de contenu numérique non fourni sur un support matériel. Ces contrats font également référence à la nécessité d’une consommation sobre et respectueuse de la préservation de l’environnement.

L’article L. 242-1 du code de la consommation dans sa version applicable au litige prévoit que les dispositions de l’article L. 221-9 sont prévues à peine de nullité du contrat conclu hors établissement.

En l’espèce, il résulte du bon de commande signé le 10 août 2018, que celui-ci a été signé hors établissement dans le cadre d’un démarchage à domicile, concernant la vente et la pose de 6 modules photovoltaïque et une pompe à chaleur.

Comme l’a exactement relevé le premier juge, ce bon de commande ne mentionne pas les caractéristiques essentielles des biens vendus puisque, si la marque des panneaux est bien indiquée, la puissance de chaque panneau n’est pas précisée, ni même la puissance globale des 6 panneaux, de même que n’est pas indiquée la puissance des onduleurs, l’espace pour l’indication de ces caractéristiques étant prévu mais laissé vierge.

Quant à la pompe à chaleur, il est simplement indiqué : Pack GSE ‘pompe à chaleur A/E incluant une centrale de traitement de l’air, installation incluse’, sans autre précision.

C’est à bon droit que le premier juge a rappelé que l’absence de ces caractéristiques essentielles tant en ce qui concerne la centrale solaire que la pompe à chaleur, ne permettait pas au consommateur de se renseigner auprès d’autres professionnels afin de comparer cette offre avec d’autres propositions et d’exercer son droit à rétractation.

Le bon de commande méconnaît donc les dispositions de l’article L. 221-5 du code de la consommation.

Sur la confirmation de la nullité

La société BNP Paribas Personal Finance soutient qu’à supposer démontrées les causes de nullité du contrat de prestation et fourniture conclu avec la société SVH Energie, M. [W] a couvert ces nullités en exécutant volontairement et spontanément le contrat de prestation de service, en réceptionnant sans réserve ni grief les travaux et prestations accomplis qu’il a déclaré comme pleinement achevés au prêteur, en faisant procéder à la mise en service et en percevant depuis le 29 janvier 2019 et sans discontinuer les fruits de sa production énergétique, puis en procédant au remboursement anticipé du crédit, sans réserve en juillet 2019.

Aux termes de l’article 1182 du code civil applicable en l’espèce ‘la confirmation est l’acte par lequel celui qui pourrait se prévaloir de la nullité y renonce. Cet acte mentionne l’objet de l’obligation et le vice affectant le contrat.

La confirmation ne peut intervenir qu’après la conclusion du contrat.

L’exécution volontaire emporte renonciation aux moyens et exceptions qui pouvaient être opposés, sans préjudice néanmoins des droits des tiers’

La confirmation d’un acte nul exige à la fois la connaissance du vice l’affectant et l’intention de le réparer.

En l’espèce, la nullité encourue sur le fondement des articles L.221-5 et L. 111-1 du code de la consommation est relative.

Il importe de rappeler qu’en l’espèce la nullité encourue sur le fondement de ces textes est liée uniquement à l’absence d’indication de la puissance des panneaux et de l’onduleur.

Or en premier lieu, M. [W] a signé le 29 janvier 2019 un certificat sans réserve attestant que la livraison du bien à l’acheteur et/ou la réalisation de la prestation de service avait été réalisée conformément au contrat de vente conclu et que cette livraison était intervenue le même jour, reconnaissant que ses obligations au titre du contrat de crédit affecté prenait effet à compter de la livraison et demandant au prêteur de procéder à la mise à disposition des fonds.

L’installation a été ensuite mise en service, elle est devenue productive à compter du 29 janvier 2019 et elle est toujours productive d’électricité.

Enfin, le 23 juillet 2019, M. [W] a procédé au remboursement par anticipation du contrat de prêt à hauteur de 21 690 euros alors qu’il était prévu qu’il le rembourse en 175 échéances.

M. [W] a donc exécuté sans réserve le contrat principal mais aussi le contrat de crédit, en sachant parfaitement, pour avoir eu le temps de procéder à toute vérification utile, quel type de matériel avait été installé à son domicile de sorte qu’il a, par cette exécution, confirmé le bon de commande entaché de nullité.

M. [W] sera donc débouté de sa demande d’annulation du contrat principal pour violation des articles L. 221-5 et L.111-1 du code de la consommation et par voie de conséquence du contrat de crédit affecté à son financement et le jugement déféré infirmé de ce chef.

Sur les frais et dépens

Les dispositions du jugement déféré à ce titre seront infirmées.

La charge des dépens de première instance et d’appel sera supportée par M. [W] conformément aux dispositions de l’article 696 du code de procédure civile.

En outre, il serait inéquitable de laisser à la charge de la société BNP Paribas Personal Finance les frais irrépétibles exposés à l’occasion de l’instance de première instance et d’appel.

Aussi M. [W] sera-t-il condamné à lui verser la somme de 1 000 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Statuant dans les limites de l’appel,

Infirme le jugement du 3 mai 2022 en toutes ses dispositions,

Statuant à nouveau et y ajoutant,

Déboute M. [Y] [W] de sa demande de nullité du contrat de vente du 10 août 2018 et du contrat de prêt affecté,

Condamne M. [Y] [W] aux dépens de première instance et d’appel,

Condamne M. [Y] [W] à payer à la société BNP Paribas Personal Finance la somme de 1 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

La greffière La présidente

 


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