Augmentation de capital : décision du 18 octobre 2022 Cour d’appel de Montpellier RG n° 20/05495
Augmentation de capital : décision du 18 octobre 2022 Cour d’appel de Montpellier RG n° 20/05495
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COUR D’APPEL DE MONTPELLIER

Chambre commerciale

ARRET DU 18 OCTOBRE 2022

Numéro d’inscription au répertoire général :

N° RG 20/05495 – N° Portalis DBVK-V-B7E-OY4W

Décision déférée à la Cour :

Jugement du 04 NOVEMBRE 2020

TRIBUNAL DE COMMERCE DE MONTPELLIER

N° RG 2019 6273

APPELANTE :

S.A.R.L. AIR MIDI CENTRE prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié ès qualités au siège

Centre Commercial

[Adresse 6]

[Localité 1]

Représentée par Me Alexandre SALVIGNOL de la SARL SALVIGNOL ET ASSOCIES, avocat au barreau de MONTPELLIER substitué par Me Mathilde SEBASTIAN, avocat au barreau de MONTPELLIER, avocat postulant et par Représentée par Me Jean Baptiste ROYER, avocat au barreau de MONTPELLIER, avocat plaidant

INTIMES :

Monsieur [I] [N]

[Adresse 3]

[Localité 5]

Représenté par la SCP SVA, avocat au barreau de MONTPELLIER, avocat postulant et par Me Simon VANDEWEEGHE, avocat au barreau de PARIS, avocat plaidant

Société [N] DEVELOPPEMENT SC Société civile agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux, domiciliés en cette qualité au siège social sis

[Adresse 2]

[Localité 4]

Représentée par la SCP SVA, avocat au barreau de MONTPELLIER, avocat postulant et par Me Simon VANDEWEEGHE, avocat au barreau de PARIS, avocat plaidant

Ordonnance de clôture du 11 Août 2022

COMPOSITION DE LA COUR :

En application de l’article 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 01 SEPTEMBRE 2022, en audience publique, le magistrat rapporteur ayant fait le rapport prescrit par l’article 804 du même code, devant la cour composée de :

M. Jean-Luc PROUZAT, président de chambre

Mme Anne-Claire BOURDON, conseiller

M. Thibault GRAFFIN, conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Madame Hélène ALBESA

ARRET :

– contradictoire

– prononcé par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile ;

– signé par Monsieur Jean-Luc PROUZAT, président de chambre, et par Madame Hélène ALBESA, greffier.

* * * *

FAITS et PROCÉDURE – PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

La SARL Air Midi Centre (la société AMC) a pour objet social le transport aérien privé de personnes et la prise en location d’aéronefs, dont ses associés bénéficient en fonction de leur participation au capital social; fixé initialement à 22 200 euros divisé en 222 parts de 100 euros chacune, le capital social s’élève au 13 juin 2013 à 21 300 euros divisé en 213 parts de 100 euros chacune.

La société civile [N] développement détient 30 parts dans le capital de la société AMC, tandis que son gérant, [I] [N], détient personnellement une part sociale.

Contestant les décisions prises par l’assemblée générale de la société AMC le 10 juin 2010, qui ont modifié le tarif des heures de vol, créé un abonnement obligatoire d’heures de vol prépayées, décidé le versement par tous les associés d’une subvention d’équilibre pour couvrir les pertes constatées en 2008 et 2009, la société [N] a cessé de payer les factures émises par la société AMC à compter de mars 2012, dont le montant a été enregistré par l’expert-comptable de la société au compte-courant d’associé devenu ainsi débiteur.

L’assemblée générale des associés de la société AMC du 10 mai 2012 a par ailleurs décidé, dans une résolution n° 5, d’augmenter les forfaits annuels et les tarifs des heures de vol.

La société [N] a été assignée en paiement du montant de son compte-courant d’associé devant le tribunal de commerce de Montpellier qui, par un jugement du 22 septembre 2015, après avoir rejeté les demandes contraires des parties, a ordonné une expertise aux fins d’apurement des comptes ; après que l’expertise ordonnée par le tribunal eut été exécutée, cette cour, saisie de l’appel formé par la société [N], a, par un arrêt rendu le 23 janvier 2018, confirmé le jugement entrepris et, évoquant les points non jugés, a dit que les exceptions de nullité soulevées par la société appelante étaient irrecevables, a condamné celle-ci à payer à la société AMC la somme de 183 850,30 euros au titre des abonnements des années 2013 à 2016 et des débours avancés au titre des vols effectués courant 2012 et a ordonné à la société AMC de régulariser les écritures comptables de sorte que sa créance vis-à-vis de la société [N] ne soit plus inscrite en compte-courant.

Par lettre recommandée avec demande d’avis de réception en date du 3 avril 2018, la société [N] et M. [N] ont notifié à la gérance de la société AMC leur intention de faire usage de la faculté de retrait prévue à l’article 15. 1 des statuts et lui ont demandé de procéder au remboursement de l’intégralité des sommes qui leur seraient dues sur la base des comptes de l’exercice 2018 au titre des parts qu’ils détenaient, conformément aux dispositions de l’article 15. 3, alinéa 9, 10 et 11, des statuts.

La gérance a décidé de soumettre la demande de retrait au vote d’une assemblée générale au motif que « les sommes dues par la société [N] développement impactent fortement la trésorerie et les finances de la société Air Midi Centre ».

L’assemblée générale des associés de la société AMC du 21 juin 2018 a alors décidé, à l’unanimité des votants, dans une résolution n° 6, de refuser les retraits de la société [N] et de M. [N] ; la société AMC leur a ensuite réclamé le paiement de deux factures n° 18 06 00 07 et n° 19 01 00 07, éditées respectivement les 1er juin 2018 et 1er janvier 2019, l’une de 51 975 euros correspondant au « 2ème acompte abonnement 2018 – nombre minimal d’heures de vol pour associés seniors : 45 h », l’autre de 51 975 euros également, correspondant au « 1er acompte semestriel – abonnement 2019 -nombre d’heures de vol pour associés seniors : 45 h ».

La société AMC a, par lettre recommandée du 15 février 2019, mis en demeure la société [N] et M. [N] de s’acquitter de ces factures ; en réponse, ces derniers ont, par courrier recommandé du 21 février 2019, demandé à la gérance de la société AMC d’inscrire leur retrait à la date du 7 avril 2018, jour de réception de la lettre sollicitant le retrait, d’y donner effet à la date du 7 mai 2018, d’annuler toute facturation au titre des forfaits des vols au 7 mai 2018, notamment l’acompte n° 19010007 d’un montant de 51 975 euros au 1er janvier 2019, et de leur communiquer, dès son établissement, le bilan de l’exercice 2018 afin de procéder à la liquidation de leurs droits financiers.

Par exploit du 16 avril 2019, la société [N] et M. [N] ont fait assigner la société AMC devant le tribunal de commerce de Montpellier en vue d’obtenir l’annulation de la résolution n° 6 de l’assemblée générale du 21 juin 2018, la condamnation sous astreinte de la société AMC à inscrire la notification de leur retrait et à y donner effet au 4 mai 2018, la condamnation de la même à communiquer le bilan de l’exercice 2018 et l’annulation des factures des 1er juin 2018 et 1er janvier 2019.

Sur le pourvoi formé par la société [N] à l’encontre de l’arrêt du 23 janvier 2018, la Cour de cassation a, par arrêt du 18 mars 2020, cassé et annulé cet arrêt, sauf en ce qu’il a dit recevable l’appel et irrecevable l’exception de nullité portant sur l’assemblée générale du 10 juin 2010.

Postérieurement, le tribunal de commerce, par jugement du 4 novembre 2020, a notamment :

– condamné la société AMC à inscrire la notification du retrait de la société [N] et de M. [N] au 4 avril 2018 et à y donner ainsi effet au 4 mai 2018, sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter du 30ème jour de la signification du jugement,

– condamné la société AMC à communiquer à la société [N] et à M. [N] le bilan de l’exercice 2018, afin de procéder à la liquidation de leurs droits financiers, conformément à l’article 15. 3, alinéas 9 et 10 des statuts,

– annulé les factures n° 18 06 00 07 et n° 19 01 00 07,

– ordonné à la société AMC de ne plus émettre de factures subséquentes à l’ordre de la société [N] et de M. [N] au titre de l’abonnement des heures de vol,

– ordonné l’exécution provisoire,

– condamné la société AMC à payer à la société [N] et à M. [N] la somme de 2500 au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– débouté la société [N] et M. [N] du surplus de leurs demandes.

La société AMC a régulièrement relevé appel, le 3 décembre 2020, de ce jugement.

Par arrêt du 12 mai 2021, la cour d’appel de Nîmes, statuant comme juridiction de renvoi, a, entre autres dispositions :

– infirmé le jugement déféré (du 22 septembre 2015) en ce qu’il a rejeté les demandes contraires des parties et statuant à nouveau,

– dit que la 5ème résolution de l’assemblée générale de la société AMC du 10 mai 2012 augmente les engagements des associés et annulé en conséquence cette résolution,

– condamné la société [N] à payer à la société AMC la somme de 195 000 euros hors-taxes arrêtée au 31 décembre 2016, outre les débours d’un montant de 4090,30 euros au titre des vols effectués en 2012,

– débouté la société AMC de sa demande de dommages et intérêts pour résistance abusive,

– dit que les frais d’expertise resteront à la charge de la société AMC,

– condamné la société [N] à payer à la société AMC la somme de 3000 euros par application de l’article 700 du code de procédure civile.

Sur l’appel du jugement du 4 novembre 2020, la société AMC demande à la cour, en l’état de ses conclusions déposées le 20 août 2021 via le RPVA, de :

(‘)

– infirmer le jugement rapporté en ce qu’il :

‘ l’a condamnée à inscrire la notification du retrait de la société [N] et de M. [N] au 4 avril 2018 et à y donner ainsi effet au 4 mai 2018, sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter du 30ème jour de la signification du jugement,

‘ l’a condamnée à communiquer à la société [N] et à M. [N] le bilan de l’exercice 2018, afin de procéder à la liquidation de leurs droits financiers, conformément à l’article 15.3, alinéas 9 et 10, des statuts,

‘ a annulé les factures n° 18 06 00 07 et 19 01 00 07,

‘ lui a ordonné de ne plus émettre de factures subséquentes à l’ordre de la société [N] et de M. [N] au titre de l’abonnement des heures de vol,

‘ l’a condamnée à payer à la société [N] et à M. [N] la somme de 2500 au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

‘ a omis de statuer sur ses demandes,

Et statuant à nouveau,

– constater que les conditions tant légales que statutaires du retrait de la société [N] et de M. [N] ne sont pas réunies,

– débouter en conséquence la société [N] et M. [N] de l’ensemble de leurs demandes, fins et prétentions,

A titre reconventionnel,

– constater que la société [N] et M. [N] sont tenus au paiement des abonnements et tenant l’arrêt du 12 mai 2021 de la cour d’appel de Nîmes,

– condamner la société [N] à lui payer la somme de 70 200 euros au titre des factures du 1er semestre 2017 au 1er semestre 2018,

– la condamner à lui payer la somme de 163 800 euros au titre des factures du 2ème semestre 2018 au 2ème semestre 2020, outre la somme de 46 800 euros par année jusqu’à l’arrêt à intervenir,

En tout état de cause,

– condamner la société [N] et M. [N] à lui payer la somme de 5 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Au soutien de son appel, elle fait essentiellement valoir que :

– le droit de retrait, qui est réglementé par les dispositions de l’article 15. 3 des statuts, ne saurait, en l’espèce, être exercé, dès lors qu’il aurait pour effet de réduire le capital social en dessous du montant du capital social minimum fixé par les statuts, ce montant de 21 400 euros au 10 mai 2012 étant ainsi réduit, du fait de la reprise des apports, à 18 300 euros,

– la clause des statuts, selon laquelle les retraits ne pourront prendre effet par ordre d’ancienneté que dans la mesure où des souscriptions nouvelles ou une augmentation de capital permettraient la reprise des apports des associés retrayants, ne met pas en échec le droit de retrait, l’associé retrayant étant libre soit de proposer un nouvel associé, soit de céder ses parts, soit d’attendre qu’un nouvel associé vienne augmenter le capital, soit, enfin, de proposer une diminution du capital minimal,

– le retrait n’a pas été validé par l’arrêt de la cour d’appel de Nîmes, celle-ci n’ayant pas été saisie de cette prétention,

– le principe de l’estoppel ne peut être invoqué qu’au cours d’une procédure judiciaire et les décisions de retrait antérieures résultaient de décisions de l’assemblée générale des associés,

– le refus du retrait se justifie au regard du non-paiement des redevances,

– les associés sont tenus des factures émises jusqu’au 4 mai 2018, date du prétendu retrait, et postérieurement, dès lors que le retrait n’a pu produire d’effet,

– les demandes en paiement des factures dues pour la période du 1er semestre 2016 au 1er semestre 2018 et pour la période du 2ème semestre 2018 au 2ème semestre 2020 sont recevables en cause d’appel pour avoir été présentées en première instance,

– les demandes en paiement des factures 2017 et 2018 sont distinctes de celles qui ont donné lieu à l’arrêt de la cour de renvoi, celle-ci n’ayant pu statuer sur la demande de retrait et le paiement de redevances qui serait exigé à compter dudit retrait,

– conformément à l’arrêt de la cour d’appel de Nîmes, saisie sur renvoi, le montant des factures a été ramené aux stipulations de l’assemblée générale du 10 juin 2012.

La société [N] et M. [N], dont les conclusions ont été déposées le 25 mai 2021 par le RPVA, sollicitent de voir confirmer le jugement en toutes ses dispositions, juger que les demandes reconventionnelles de la société AMC sont irrecevables et en tout état de cause, les déclarer mal fondées et condamner la société AMC au paiement de 5000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Ils exposent en substance que :

– tout associé, d’une société à capital variable, dispose d’un droit légal de retrait prévu par l’article L. 231-6 du code de commerce et les statuts, lequel prend effet à la réception de sa notification par la gérance,

– la société AMC n’a pas respecté cette procédure,

– le refus du retrait invoqué par la société ne vise aucune clause statutaire, ni aucune baisse du capital social, mais la question des factures qui ont fait l’objet d’une procédure pendante devant la cour d’appel de Nîmes jusqu’au 12 mai 2021,

– l’arrêt de la cour d’appel de Nîmes, statuant comme cour d’appel de renvoi après cassation, a validé le retrait de la société [N] avec prise d’effet au 4 mai 2018,

– la société AMC n’est plus recevable à invoquer les dispositions statutaires résultant de l’article 15. 3 des statuts, qui n’ont pas été visées par le procès-verbal de l’assemblée générale du 21 juin 2018 portant refus du retrait,

– l’article 15 .3 des statuts ne vise par ailleurs que les « effets du retrait » et non l’exercice du droit de retrait, qui est d’ordre public,

– le droit de retrait peut d’ailleurs être exercé, alors même que le capital minimal fixé par les statuts serait atteint,

– la décision de l’assemblée générale crée une rupture d’égalité, dès lors que des retraits antérieurs ayant emporté diminution du capital social ont été autorisés, et méconnaît en outre le principe général du droit selon lequel nul ne peut se contredire au détriment d’autrui,

– la société AMC n’est pas fondée à réclamer le paiement des factures n°18 06 00 07 et n°19 01 00 07, compte tenu de l’exercice du droit de retrait ayant pris effet au 4 mai 2018,

– les demandes reconventionnelles en paiement de la somme de 259 875 euros présentées au titre des factures émises du 1er semestre 2016 au 1er semestre 2018 et celle de 207 900 euros au titre des factures postérieures au mois de mai 2018 ne sont pas recevables dès lors qu’elles sont nouvelles en cause d’appel,

– elles se heurtent au principe de concentration des moyens et des demandes, le paiement des factures sur les années 2017 et 2018 jusqu’au retrait n’ayant pas été formulées devant le tribunal de commerce ayant statué le 22 septembre 2015, et ayant donné lieu à la saisine de la cour d’appel de Nîmes,

– elles se heurtent à l’autorité de la chose jugée, dès lors que la société AMC fonde ses prétentions sur l’assemblée générale du 10 mai 2012 qui a été annulée par l’arrêt de la cour d’appel de Nîmes du 12 mai 2021.

Il est renvoyé, pour l’exposé complet des moyens et prétentions des parties, aux conclusions susvisées, conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile.

C’est en l’état que l’instruction a été clôturée par ordonnance du 11 août 2022.

MOTIFS de la DECISION :

L’article L. 231-6 du code de commerce dispose que chaque associé (d’une société à capital variable) peut se retirer de la société lorsqu’il le juge convenable à moins de conventions contraires et sauf application du premier alinéa de l’article L. 231-5 selon lequel les statuts déterminent une somme au-dessous de laquelle le capital ne peut être réduit par les reprises des apports autorisés par l’article L. 231-1.

En l’occurrence l’article 15. 1 des statuts de la société AMC énonce que tout associé a le droit de se retirer de la société et que le retrait doit être notifié par lettre recommandée avec demande d’avis de réception adressée à la gérance, un mois au moins avant la date de retrait.

Aux termes de l’article 15. 1 des mêmes statuts relatif aux effets du retrait : « Le retrait d’un associé (…) ne peut avoir pour effet de réduire le capital social à un montant inférieur à celui fixé à l’article 7. 1 des statuts. Si cette limite est atteinte les retraits (…) ne pourront prendre effet par ordre d’ancienneté que dans la mesure où des souscriptions nouvelles ou une augmentation de capital permettraient la reprise des apports des associés retrayants. Pour déterminer cet ordre d’ancienneté, la gérance inscrira par ordre chronologique, sur un registre spécial, les notifications de retrait (…). Le retrait prend effet à la réception de sa notification par la gérance. (…) Toutefois, pour déterminer les sommes à retenir aux associés sortants, ou à leurs ayants droits, au titre de leur participation aux pertes, les retraits (…) ne prendront pécuniairement effet qu’à la date de clôture de l’exercice au cours duquel ils ont eu lieu. Les retraits (…) qui n’auraient pu prendre effet au jour de la clôture de l’exercice, en raison de l’interdiction de réduire le capital en-dessous du montant minimal fixé à l’article 7. 1 ci-dessus, ne pourront prendre effet pécuniairement qu’à la date de clôture d’un exercice ultérieur. Tout associé sortant doit rembourser à la société toutes sommes pouvant lui être dues ainsi que, le cas échéant, sa quote-part dans les pertes sociales. L’associé qui se retire (…) a droit au remboursement de la somme versée sur le montant nominal de ses parts, ladite somme augmentée ou diminuée, selon le cas, de sa quote-part dans les réserves, primes et bénéfices ou dans les pertes ; après apurement des sommes qu’il serait susceptible de devoir à la société. Cette somme est déterminée sur la base du bilan de l’exercice au cours duquel est intervenu le retrait (…). Le remboursement des sommes dues aux associés sortants ou à leurs ayants droits doit intervenir au plus tard dans le délai de deux mois suivant la date de l’assemblée générale ayant approuvé le bilan servant de base à la détermination de ce remboursement. Toutefois, ce remboursement sera différé jusqu’à complète exécution par l’associé sortant de ses engagements en cours vis-à-vis de la société (…).

La faculté de retrait instaurée à l’article L. 231-6 susvisé est d’ordre public, mais des restrictions à son exercice peuvent y être apportées par la loi ou les statuts, ce qui est le cas en l’espèce puisque l’article 15. 3 des statuts prévoit que les effets du retrait sont reportés au jour ou des souscriptions nouvelles ou une augmentation de capital permettront la reprise des apports de l’associé retrayant, lorsque le retrait de l’associé, à la date à laquelle il est notifié, conduirait à réduire le capital social un montant inférieur à celui fixé à l’article 7. 1, soit la somme de 22 200 euros correspondant au capital social d’origine.

L’assemblée générale des associés de la société AMC du 21 juin 2018 ne pouvait ainsi, aux termes de sa résolution n° 6, refuser, même à l’unanimité, le retrait de la société [N] et de M. [N] sur la base du rapport de la gérance estimant que « les sommes dues par la société [N] développement impactent fortement la trésorerie et les finances de la société Air Midi Centre », alors qu’une dette de l’associé à l’égard de la société ne pouvait faire obstacle à l’exercice de son droit de retrait, d’ordre public, les statuts prévoyant expressément que le montant des apports repris par l’associé retrayant sera augmenté ou diminué de sa quote-part dans les réserves, primes, bénéfices ou pertes et après apurement des sommes qu’il serait susceptible de devoir à la société.

Certes, à la date de notification du retrait, par lettre recommandée du 3 avril 2018, le capital variable de la société AMC s’élevait à 19 600 euros divisé en 196 parts sociales, ainsi qu’il résulte du texte des résolutions proposées à l’assemblée générale mixte du 20 juin 2019, et le retrait de la société [N] et de M. [N], titulaires ensemble de 31 parts sociales de 100 euros chacune, conduisait à réduire le capital à une somme de 16 500 euros (19 600 euros – 3100 euros), inférieure au montant minimal de 22 200 euros fixé à l’article 7. 1 des statuts ; pour autant, cet élément, qui ne motive d’ailleurs pas la décision de refus prise par l’assemblée générale du 21 juin 2018, ne pouvait davantage interdire l’exercice du droit de retrait, mais seulement d’en différer les effets ; les intimés, qui soulignent que la société AMC a, par le passé, autorisé le retrait d’associés sans invoquer les dispositions de l’article 15. 3 des statuts sur la réduction du capital social à un montant inférieur à celui fixé à l’article 7. 1, font justement valoir que l’appelante opère une confusion entre l’exercice du droit de retrait et les effets du retrait.

L’article 15. 3 des statuts prévoit ainsi que lorsque le retrait d’un associé a pour effet de réduire le capital social à un montant inférieur à celui fixé à l’article 7. 1, le retrait ne prendra alors effet, par ordre d’ancienneté, que dans la mesure où des souscriptions nouvelles ou une augmentation de capital permettront la reprise des apports de l’associé retrayant, qu’en ce cas, le retrait ne prendra pas effet au jour de la clôture de l’exercice au cours duquel il a été notifié mais prendra effet pécuniairement à la date de clôture d’un exercice ultérieur au cours duquel le montant du capital permettra la reprise des apports et que la somme due à l’associé retrayant au titre du remboursement de ses droits sociaux, dont le montant est augmenté ou diminué de sa quote-part dans les réserves, primes et bénéfices ou dans les pertes et après apurement des sommes qu’il resterait devoir à la société, sera alors déterminé sur la base du bilan de l’exercice considéré.

Il résulte de ces dispositions statutaires que l’associé ayant exercé son droit de retrait, dont les effets sont différés au jour où, du fait de souscription de parts sociales nouvelles ou d’augmentation du capital, le montant minimal du capital sera atteint et permettra la reprise des apports, conserve nécessairement la qualité d’associé jusqu’à l’apurement des comptes et le remboursement éventuel de ses droits sociaux, ce dont il se déduit qu’il reste tenu de son obligation aux dettes et de ses engagements vis-à-vis de la société et qu’il conserve concomitamment le droit de participer à la répartition des bénéfices ; il n’est pas soutenu que les dispositions de l’article 15. 3 des statuts, qui reportent dans le temps les effets du retrait, porteraient une atteinte disproportionnée à l’exercice de ce droit et contreviendraient à l’article L. 231-6 du code de commerce et au principe selon lequel les statuts ne peuvent limiter l’exercice du droit de retrait que dans la mesure compatible avec le respect de la liberté individuelle.

Il convient en conséquence d’annuler la résolution n° 6 de l’assemblée générale des associés de la société AMC du 21 juin 2018, de dire que le retrait de la société [N] et de M. [N] a été valablement notifié par lettre recommandée du 3 avril 2018, reçue le 4 avril 2018, et qu’il prendra date au 4 juin 2018, mais que les effets du retrait seront différés au jour où, du fait de la souscription de parts sociales nouvelles ou d’augmentation de capital, le montant minimal du capital prévu à l’article 7. 1 des statuts sera atteint ; dès lors que l’apurement des comptes ne pourra intervenir que sur la base du bilan de l’exercice au cours duquel le montant minimal du capital exigé par les statuts sera ainsi atteint, il n’y a pas lieu de faire injonction à la société AMC de communiquer le bilan de l’exercice clos le 31 décembre 2018.

Contrairement à ce que soutiennent la société [N] et M. [N], la demande de la société AMC en paiement de la somme de 163 800 euros TTC au titre des abonnements correspondant aux heures de vol prépayées, du 1er semestre 2017 au 1er semestre 2020, ne peut être regardée comme une prétention nouvelle, irrecevable en application de l’article 564 du code de procédure civile, puisqu’une telle demande, sur laquelle le tribunal a omis de statuer, avait été faite en première instance, par des conclusions déposées le 9 septembre 2020, à hauteur de la somme de 363 825 euros, ensuite réduite devant la cour ; de même, les parties ont la faculté, conformément à l’article 566 du même code, d’ajouter aux prétentions soumises au premier juge les demandes qui en sont l’accessoire, la conséquence ou le complément nécessaire ; tel est le cas de la demande visant au paiement de la somme de 70 200 euros au titre des abonnements afférents aux 2ème semestre 2020, 1er et 2ème semestre 2021.

La cour d’appel de Nîmes, dans son arrêt du 12 mai 2021, a condamné la société [N] à payer à la société AMC la somme de 195 000 euros hors-taxes arrêtée au 31 décembre 2016, outre les débours pour un montant de 4090,30 euros au titre des vols effectués en 2012, après avoir annulé la résolution n° 5 de l’assemblée générale du 10 mai 2012 ayant décidé d’augmenter les forfaits annuels, ainsi que les tarifs d’heures de vol ; les intimés ne peuvent sérieusement prétendre, au prétexte que l’appelante aurait dû concentrer ses prétentions devant la cour de Nîmes, que sa demande en paiement des abonnements dus à compter de l’année 2017, est irrecevable.

La société AMC a ainsi recalculé les abonnements dus sur la base des décisions prises aux termes de l’assemblée générale du 10 juin 2010, n’ayant pas été annulée ; elle est donc fondée à réclamer le paiement de la somme totale de 234 000 euros TTC (23 400 euros TTC x 10) au titre des abonnements correspondant aux heures prépayées, pour la période du 1er semestre 2017 au 2ème semestre 2021, outre la somme semestrielle de 19 500 euros hors-taxes ou 23 400 euros TTC à compter du 1er semestre 2022, dès lors que la société [N] reste tenue de ses engagements à l’égard de la société tant que les effets de son retrait se trouvent différés.

Au regard de la solution apportée au règlement du litige, chacune des parties conservera à sa charge les dépens personnellement exposés en première instance et en cause d’appel ; il y a lieu, dans ces conditions, de rejeter les demandes présentées tant par la société AMC que la société [N] et M. [N] au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS :

La cour,

Statuant publiquement et contradictoirement,

Infirme le jugement entrepris dans toutes ses dispositions et statuant à nouveau,

Annule la résolution n° 6 de l’assemblée générale des associés de la société AMC du 21 juin 2018,

Dit que le retrait de la société [N] et de M. [N] a été valablement notifié par lettre recommandée du 3 avril 2018, reçue le 4 avril 2018, et qu’il prendra date au 4 juin 2018, mais que les effets du retrait seront différés au jour où, du fait de la souscription de parts sociales nouvelles ou d’augmentation de capital, le montant minimal du capital prévu à l’article 7. 1 des statuts sera atteint,

Déboute la société [N] et M. [N] de leur demande de faire injonction à la société AMC de communiquer le bilan de l’exercice clos le 31 décembre 2018,

Les déboute également de leur demande visant à l’annulation des factures n°18 06 00 07 et n°19 01 00 07,

Condamne la société civile [N] développement à payer à la SARL Air Midi Centre (la société AMC) la somme de 234 000 euros TTC au titre des abonnements correspondant aux heures prépayées, pour la période du 1er semestre 2017 au 2ème semestre 2021, outre la somme semestrielle de 19 500 euros hors-taxes ou 23 400 euros TTC à compter du 1er semestre 2022,

Rejette toutes autres prétentions,

Dit que chacune des parties conservera à sa charge les dépens personnellement exposés en première instance et en cause d’appel,

Rejette les demandes présentées au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

le greffier, le président,

 


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