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COMM.
CH.B
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 4 janvier 2023
Cassation sans renvoi
M. VIGNEAU, président
Arrêt n° 10 F-D
Pourvoi n° E 20-10.112
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 4 JANVIER 2023
La société Centrale automobile Strasbourg (CAS), société anonyme, dont le siège est [Adresse 2], a formé le pourvoi n° E 20-10.112 contre l’arrêt rendu le 7 novembre 2019 par la cour d’appel de Colmar (2e chambre civile, section A), dans le litige l’opposant au directeur régional des finances publiques d’Ile-de-France et du département de Paris, domicilié en ses bureaux, pôle fiscal parisien 1, pôle juridictionnel, [Adresse 1], agissant sous l’autorité du directeur général des finances publiques, défendeur à la cassation.
La demanderesse invoque, à l’appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Tostain, conseiller référendaire, les observations de la SCP Marlange et de La Burgade, avocat de la société Centrale automobile Strasbourg, de la SCP Foussard et Froger, avocat du directeur régional des finances publiques d’Ile-de-France et du département de Paris, agissant sous l’autorité du directeur général des finances publiques, et l’avis de M. Crocq, avocat général, après débats en l’audience publique du 8 novembre 2022 où étaient présents M. Vigneau, président, Mme Tostain, conseiller référendaire rapporteur, M. Mollard, conseiller doyen, et Mme Fornarelli, greffier de chambre,
la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l’arrêt attaqué (Colmar, 7 novembre 2019), le 15 septembre 2010, les membres de la famille [N], associés de la société civile immobilière GJH [Localité 3] (la société GJH), ont conclu avec la société Centrale automobile Strasbourg (la société CAS) une convention destinée à permettre le financement de la construction, sur un terrain appartenant à la société GJH, d’un immeuble devant être donné en location à la société CAS. Il était convenu qu’une certaine somme soit « confiée » par la société CAS aux associés de la société GJH, à charge pour ces derniers de souscrire à une augmentation de capital de la société GJH par augmentation de la valeur nominale unitaire des parts et de constituer, au profit de la société CAS, un usufruit temporaire sur lesdites parts.
2. Le 5 décembre 2013, soutenant que les actes passés en exécution de la convention du 15 septembre 2010 réalisaient une cession d’usufruit de parts sociales taxable au titre du droit d’enregistrement prévu à l’article 726, I, 2°, du code général des impôts, l’administration fiscale a notifié à la société CAS une proposition de rectification portant rappel de droits.
3. Après le rejet de sa réclamation, la société CAS a assigné l’administration fiscale en décharge des droits d’enregistrement mis en recouvrement.
Sur le moyen relevé d’office
4. Après avis donné aux parties conformément à l’article 1015 du code de procédure civile, il est fait application de l’article 620, alinéa 2, du même code.
Vu l’article 726 du code général des impôts, dans sa rédaction issue de la loi n° 2009-1674 du 30 décembre 2009, et l’article 578 du code civil :
5. Selon le premier de ces textes, les cessions de droits sociaux sont soumises à un droit d’enregistrement proportionnel.
6. Aux termes du second, l’usufruit est le droit de jouir des choses dont un autre a la propriété, comme le propriétaire lui-même, mais à la charge d’en conserver la substance. Il en résulte que l’usufruitier de parts sociales ne peut se voir reconnaître la qualité d’associé, qui n’appartient qu’au nu-propriétaire, de sorte que la cession de l’usufruit de droits sociaux ne peut être qualifiée de cession de droits sociaux.
7. Pour rejeter la demande de la société CAS en décharge des droits d’enregistrement, l’arrêt retient que l’opération litigieuse, vue sous l’angle des rapports entre les associés de la société GJH et la société CAS, réalise une cession de la valeur de l’usufruit des parts sociales de la société GJH, entrant dans le champ d’application de l’article 726, I, 2°, du code général des impôts.
8. En statuant ainsi, alors que la cession de l’usufruit de droits sociaux, qui n’emporte pas mutation de la propriété des droits sociaux, n’est pas soumise au droit d’enregistrement applicable aux cessions de droits sociaux, la cour d’appel a violé les textes susvisés.
Portée et conséquences de la cassation
9. Après avis donné aux parties, conformément à l’article 1015 du code de procédure civile, il est fait application des articles L. 411-3, alinéa 2, du code de l’organisation judiciaire et 627 du code de procédure civile.
10. L’intérêt d’une bonne administration de la justice justifie, en effet, que la Cour de cassation statue au fond.
11. Il résulte de ce qui précède que la constitution au profit de la société CAS de l’usufruit sur les parts sociales de la société GJH, réalisée en exécution de la convention du 15 septembre 2010, n’est pas soumise au droit d’enregistrement proportionnel de 5 % prévu à l’article 726, I, 2°, du code général des impôts.
12. En conséquence, il y a lieu d’annuler la décision du 22 janvier 2015 rejetant la réclamation de la société CAS et de confirmer le jugement uniquement en tant qu’il prononce la décharge des droits d’enregistrement mis en recouvrement le 24 septembre 2014 contre cette société et qu’il condamne la direction générale des finances publiques prise en la personne du directeur régional de la région Grand Est et du département du Bas-Rhin à payer à la société CAS la somme de 1 200 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile.