Augmentation de capital : décision du 5 décembre 2023 Cour d’appel de Rennes RG n° 23/06154
Augmentation de capital : décision du 5 décembre 2023 Cour d’appel de Rennes RG n° 23/06154
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Référés Civils

ORDONNANCE N°150

N° RG 23/06154 – N° Portalis DBVL-V-B7H-UG7B

M. [O] [W]

C/

M. [N] [F]

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE RENNES

ORDONNANCE DE RÉFÉRÉ

DU 05 DÉCEMBRE 2023

Monsieur Fabrice ADAM, Premier Président de chambre délégué par ordonnance de Monsieur le Premier Président,

GREFFIER :

Madame Marie-Claude COURQUIN, lors des débats et lors du prononcé

DÉBATS :

A l’audience publique du 21 novembre 2023

ORDONNANCE :

Contradictoire, prononcée publiquement le 05 décembre 2023, par mise à disposition date indiquée à l’issue des débats

****

Vu l’assignation en référé délivrée le 30 octobre 2023

ENTRE :

Monsieur [O] [W]

né le [Date naissance 2] 1980 à [Localité 7] (60)

[Adresse 5]

[Localité 4]

Représenté par Me Lucie MARCHIX de la SELARL ALIX AVOCATS, avocate au barreau de RENNES substituée par Me Thomas PERENNOU

ET :

Monsieur [N] [F]

né le [Date naissance 3] 1982 à [Localité 8] (63)

[Adresse 1]

[Localité 6]

Représenté par Me Sylvie PÉLOIS de la SELARL AB LITIS / PÉLOIS & AMOYEL-VICQUELIN, avocate au barreau de RENNES substituée par Me Aude MARQUIS

FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES :

En juillet 2017, M. [N] [F] a souscrit à hauteur de 50’000 euros à une augmentation réservée du capital de la société Virtual Driving Experience (ci-après VDE), société au capital de 5’000’euros constituée à parts égales entre les époux [O] [W] et [M] [J] le 15’avril 2016. Dans ce cadre, 4’900 parts nouvelles au nominal de 1 euro (représentant 49 % du capital) ont été émises, avec une prime d’émission de 9,20’euros par part (soit 45’080 euros).

Ultérieurement, M. [F] a effectué un apport en compte courant d’associé de 5’000’euros.

Par jugement du 1er avril 2020, le tribunal de commerce de Rennes a prononcé la liquidation judiciaire de la société VDE.

M. [F] a, le 29 avril suivant, vainement mis en demeure M. [W] de lui rembourser la somme de 55’000 euros.

Aussi, par acte du 24 juillet 2020, il l’a fait assigner devant le tribunal de commerce de Rennes sur le fondement du dol. Par jugement du 20 mai 2021, cette juridiction a relevé d’office son incompétence et a renvoyé la cause devant le tribunal judiciaire de Rennes qui a, par jugement du 23 janvier 2023, a notamment :

– condamné M. [W] à payer à M. [F] la somme de 50’000 euros à titre de dommages-intérêts, ainsi que la somme de 3’000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile,

– débouté les parties pour le surplus de leurs demandes,

– dit n’y avoir lieu à écarter l’exécution provisoire de droit.

M [W] a, par déclaration du 15 février 2023, interjeté appel de cette décision.

Le conseiller de la mise en état a, par ordonnance du 2 octobre 2023, ordonné la radiation de l’affaire pour défaut d’exécution du jugement.

Par exploit délivré le 24 octobre 2023, M [W] a fait assigner, au visa des articles 1130, 1131 et 1137 du code civil, l’article 223-22 du code de commerce et les articles 4, 12, 16 et 514-3 du code de procédure civile, M. [F] aux fins d’arrêt de l’exécution provisoire et en payement d’une somme de 1’500’euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Aux termes de ses dernières écritures, il sollicite très subsidiairement le cantonnement de l’exécution provisoire et l’autorisation de séquestrer la somme cantonnée sur le compte Carpa de son conseil.

Il rappelle tout d’abord avoir formulé des observations en première instance concernant l’exécution provisoire, fussent-elles concises.

Il prétend ensuite qu’il existe des moyens sérieux de réformation de la décision. Il estime d’abord que M. [F] n’a pas démontré les man’uvres ou les mensonges constitutifs du dol, puisque il lui a été communiqué deux études prévisionnelles, dont la seconde d’entre elles ayant été élaborée avec son concours. Il fait valoir sa bonne foi dans l’établissement du prévisionnel et dans la communication tardive des comptes sociaux. Il indique que M. [F] disposait d’éléments sur la situation financière de la société au moment de son entrée au capital, éléments qu’il était en mesure de comprendre au regard de ses compétences en matière de gestion comptable. Il se défend ensuite de toute faute de gestion détachable de ses fonctions. De même, il conteste toute faute délictuelle au titre de la complicité de dol.

Il fait également valoir une violation de l’article 16 du code de procédure civile par le juge de premier instance, qui a relevé d’office une faute détachable de la gestion et une faute délictuelle, sans que ces motifs aient été débattus par les parties. Il invoque, en outre, une violation des articles 4’et 12’du même code, le juge ayant statué ultra petita sur les demandes de M. [F] formulées au titre d’un prétendu dol.

Il estime enfin que l’exécution de la décision engendre des conséquences manifestement excessives, tant en raison de sa situation financière précaire (qui lui interdit de souscrire un prêt) connue de M.'[F], qui n’a engagé aucune mesure exécutoire préalablement à la demande de radiation que de l’absence de toute garantie sur les capacités financières de celui-ci en cas d’infirmation du jugement.

Très subsidiairement, il sollicite que l’exécution provisoire soit cantonnée à la somme de 5’000’euros et qu’il soit autorisé à consigner cette somme.

Par conclusions en date du 8 novembre 2023, M. [F] nous demande de :

– débouter M. [W] de sa demande d’arrêt de l’exécution provisoire,

– condamner ce dernier à payer la somme de 1 800 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux dépens,

– autoriser la Selarl AB Litis à les recouvrer en application de l’article 699 du code de procédure civile.

Il s’est opposé verbalement, lors de l’audience, aux demandes subsidiaires de cantonnement de consignation.

Il conteste que le tribunal ait statué ultra petite puisqu’il a, dans ses conclusions, évoqué divers fondements juridiques. Il ajoute que le juge n’a pas davantage méconnu le principe du contradictoire comme en témoignent les conclusions de M. [W] contestant l’existence de toute faute de gestion.

Il ajoute que ce dernier ne pouvait ignorer la distorsion entre le premier compte prévisionnel et les résultats de l’exercice 2016-2017, qu’il n’apporte aucune preuve de sa participation au second compte prévisionnel ni de sa connaissance de la situation financière de la société préalablement à l’augmentation de capital, ni ne justifie le montant de la prime d’émission laquelle était totalement infondée au regard de la mauvaise santé financière de la société.

Il expose ensuite avoir subi un préjudice personnel du fait de son investissement qui n’aurait pas eu lieu sans les agissements de M. [W] qui l’a trompé pour le convaincre de souscrire à l’augmentation de capital puis l’a privé de toute information financière en ne le convoquant à aucune assemblée générale.

Il reprend la motivation du tribunal pour qualifier une faute détachable de la gestion de la part de M. [W].

Il considère enfin qu’il n’existe pas de conséquences manifestement excessives à l’exécution de la décision, M. [W] ayant d’autres activités professionnelles.

Il s’étonne des nouvelles demandes de cantonnement et de consignation qui n’interviennent qu’in extremis et postérieurement à la radiation de l’appel prononcée par le conseiller de la mise en état.

SUR CE :

Sur la demande d’arrêt de l’exécution provisoire’:

Aux termes de l’article 514-3 du code de procédure civile :

«’En cas d’appel, le premier président peut être saisi afin d’arrêter l’exécution provisoire de la décision lorsqu’il existe un moyen sérieux d’annulation ou de réformation et que l’exécution risque d’entraîner des conséquences manifestement excessives.

La demande de la partie qui a comparu en première instance sans faire valoir d’observations sur l’exécution provisoire n’est recevable que si, outre l’existence d’un moyen sérieux d’annulation ou de réformation, l’exécution provisoire risque d’entraîner des conséquences manifestement excessives qui se sont révélées postérieurement à la décision de première instance’».

Il appartient à la partie qui entend se prévaloir de ces dispositions de rapporter la preuve de ce que les conditions cumulatives qu’elles prévoient sont satisfaites. Si l’une fait défaut, la demande doit être, suivant les hypothèses, déclarée irrecevable ou rejetée.

Il sera précisé que M. [W] ayant formulé des observations sur l’exécution provisoire devant le premier juge, les dispositions de l’alinéa 2 du texte précité sont, en l’espèce, inapplicables.

L’examen des écritures développées par les parties devant le premier juge révèle que les dispositions de l’article L 223-22 du code de commerce, relatives à la responsabilité personnelle du gérant d’une société à responsabilité limitée étaient dans le débat pour avoir été invoquées par M.'[F] et combattues par M. [W] (cf. sa pièce n° 37). La violation prétendue par le juge du principe du contradictoire n’est donc pas établie.

Par ailleurs et contrairement à ce qui est soutenu, le premier juge n’a nullement statué ultra petita, statuant sur les prétentions (55’000 euros à titre de dommages et intérêts et 3 600 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile) dont il était saisi, au regard des moyens de droit développés par le demandeur, c’est à dire conformément aux articles 4 et 12 du code de procédure civile. Ce second moyen de nullité n’est donc pas davantage fondé que le premier.

Au fond, le tribunal a considéré, aux termes d’un raisonnement rigoureux, que le consentement de M. [F] avait été surpris par la dissimulation volontaire de la situation financière réelle de la société VDE, largement déficitaire dès son premier exercice, contrairement à ce que les prévisionnels qui lui ont été présentés pouvaient laisser croire et a caractérisé une faute qu’il a imputé au gérant, M. [W], lequel aurait sciemment inversé l’ordre logique de la tenue des assemblées ordinaire (approbation des comptes) et extraordinaire (augmentation de capital) afin d’emporter le consentement du souscripteur lequel a réglé une prime d’émission dépourvue de tout fondement.

Ce raisonnement n’étant pas sérieusement critiqué par M. [W] qui, pour l’essentiel argue de sa bonne foi et de sa méconnaissance de la situation réelle de la société qu’il dirigeait, ce dernier ne justifie d’aucun moyen sérieux de réformation.

La première condition n’étant pas satisfaite, la demande d’arrêt de l’exécution provisoire doit être rejetée.

Sur la demande d’aménagement de l’exécution provisoire’:

L’article 521 du code de procédure civile donne le pouvoir discrétionnaire au premier président (2e Civ., 27 février 2014, pourvoi n° 12-24.873, Bull. 2014, II, n° 54 : « Le pouvoir, prévu à l’article 521 du code de procédure civile, d’aménager l’exécution provisoire [est] laissé à la discrétion du premier président ») d’autoriser la partie condamnée au paiement de sommes autres que des aliments, des rentes indemnitaires ou des provisions à consigner, pour éviter que l’exécution provisoire soit poursuivie, des espèces ou valeurs suffisantes pour garantir, en principal, intérêts et frais, le montant de la condamnation.

Il est constant que le premier président peut également aménager l’exécution provisoire en en cantonnant le montant à la somme qu’il détermine en fonction des capacités financières du débiteur.

Pour justifier d’une situation financière précaire, M. [W] verse aux débats des avis d’impôts anciens (portant sur ses revenus de 2017 à 2021 ‘ 1 634 euros bruts par mois en 2021). Il indique qu’il exercerait les activités de coaching et de formateur dans le domaine de la course automobile et d’agent commercial Capcar. Sa situation actuelle est, en fait, opaque puisque seules sont produites des déclarations de chiffres d’affaires Urssaf entre les mois de janvier et août 2023 pour une activité non précisée (agent commercial Capcar’) dont le total s’élève à la somme de 13 595 euros pour huit mois (1 133 euros / mois).

M. [W] fait longuement état de ses charges, mais est logé gracieusement par sa mère, Mme [P] [S], qui a mis une maison à sa disposition et partage les charges de la vie courante avec sa nouvelle compagne. Il a eu de sa précédente union un enfant, [U], dont la résidence serait alternée.

Il disposerait d’environ 8’000’euros d’avoirs bancaires sur ses comptes.

Au regard de ces éléments bien qu’incomplets, il apparaît que si M. [W] n’est pas en mesure de régler la totalité du condamnation, il peut, en revanche, en régler dès à présent une fraction qu’il convient de fixer à la somme de 10’000’euros.

L’exécution provisoire sera cantonnée à cette somme.

Rien ne justifie, en revanche, la consignation sollicitée.

Chaque partie conservera à sa charge les frais, compris ou non dans les dépens, par elle exposés.

PAR CES MOTIFS :

Statuant par ordonnance rendue contradictoirement :

Vu les articles 514-3 et suivants du code de procédure civile’:

Rejetons la demande d’arrêt de l’exécution provisoire dont est assortie la décision rendue le 23’janvier 2023 par le tribunal judiciaire de Rennes.

Cantonnons les effets de l’exécution provisoire à la somme de 10’000’euros.

Rejetons la demande de consignation.

Disons que sur justification du règlement par M. [W] à M. [F] de la somme ainsi cantonnée, l’affaire pourra, sur autorisation du conseiller de la mise en état être ré-enrôlée.

Disons que chaque partie supportera la charge des frais, compris ou non dans les dépens, par elle exposés.

Déboutons M. [F] de sa demande de distraction des dépens au profit de son conseil.

Rejetons les demandes fondées sur les dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT

 


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