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MINUTE N° 581/23
Copie exécutoire à
– Me Joseph WETZEL
– Me Guillaume HARTER
Le 20.12.2023
Le Greffier
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D’APPEL DE COLMAR
PREMIERE CHAMBRE CIVILE – SECTION A
ARRET DU 20 Décembre 2023
Numéro d’inscription au répertoire général : 1 A N° RG 22/01482 – N° Portalis DBVW-V-B7G-H2BW
Décision déférée à la Cour : 08 Mars 2022 par le Tribunal judiciaire de STRASBOURG – 3ème chambre civile
APPELANT :
Monsieur [Y] [Z] [B]
[Adresse 3] [Localité 6]
Représenté par Me Joseph WETZEL, avocat à la Cour
INTIMES :
Monsieur [G] [R]
[Adresse 2] [Localité 4]
Monsieur [U] [J]
[Adresse 7] [Localité 5]
S.C.I. LE 36
prise en la personne de son gérant M. [G] [R]
[Adresse 1] [Localité 4]
Représentés par Me Guillaume HARTER, avocat à la Cour
Avocat plaidant : Me SCHACH, avocat au barreau de STRASBOURG
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l’article 805 modifié du Code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 23 Octobre 2023, en audience publique, les parties ne s’y étant pas opposées, devant M. ROUBLOT, Conseiller, un rapport de l’affaire ayant été présenté à l’audience.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
M. WALGENWITZ, Président de chambre
M. ROUBLOT, Conseiller
M. FREY, Conseiller
qui en ont délibéré.
Greffier, lors des débats : Mme VELLAINE
ARRET :
– Contradictoire
– prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de Procédure Civile.
– signé par M. Franck WALGENWITZ, président et Mme Régine VELLAINE, greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Vu l’assignation délivrée le 29 juin 2018, par laquelle M. [Y] [Z] [B] a fait citer M. [G] [R], en qualité de gérant de la SCI Le 36, ladite SCI et M. [U] [J] devant le tribunal de grande instance, devenu le 1er janvier 2020, par application de l’article 95 de la loi n° 2019-222 du 23 mars 2019 et de ses décrets d’application n° 2019-965 et 2019-966 du 18 septembre 2019, le tribunal judiciaire de Strasbourg,
Vu le jugement rendu le 8 mars 2022, auquel il sera renvoyé pour le surplus de l’exposé des faits, ainsi que des prétentions et moyens des parties en première instance, et par lequel le tribunal judiciaire de Strasbourg a statué comme suit :
‘DEBOUTE [Y] [Z] [B] de ses demandes ;
DEBOUTE M. [G] [R], M. [U] [J] et la SCI LE 36 de leur demande de dommages et intérêts ;
CONDAMNE [Y] [Z] [B] aux dépens, et à payer 3.000 € (trois-mille euros) à [G] [R], 3.000 € (trois-mille euros) à la SCI le 36 et 3.000 € (trois-mille euros) à [U] [J] au titre de l’article 700 du Code de Procédure Civile ;
ORDONNE l’exécution provisoire.’
Vu la déclaration d’appel formée par M. [Y] [Z] [B] contre ce jugement, et déposée le 8 avril 2022,
Vu la constitution d’intimée de M. [G] [R], la SCI Le 36 et M. [U] [J] en date du 15 juillet 2022,
Vu les dernières conclusions en date du 9 janvier 2023, auxquelles est joint un bordereau de pièces récapitulatif qui n’a fait l’objet d’aucune contestation des parties, et par lesquelles M. [Y] [Z] [B] demande à la cour de :
‘DECLARER l’appel formé par Monsieur [Y] [Z] [B] recevable et bien fondée [sic] ;
INFIRMER le jugement du Tribunal judiciaire de Strasbourg du 08/03/2022 sauf en ce qu’il a DEBOUTE M. [G] [R], M. [U] [J] et la SCI LE 36 de leur demande de dommages et intérêts ;
Statuant à nouveau,
CONSTATER les multiples fraudes aux droits de Monsieur [B] et faute de gestion engageant la responsabilité de la gérance ;
Avant dire droit,
DESIGNER un expert de gestion pour réaliser les vérifications sur la période qui s’est écoulée depuis le 11 juin 2016.
L’expert judiciaire de gestion devra dans son rapport :
Rechercher les anomalies de gestion et de comptabilité concernant la rémunération des gérants et de la véracité des frais remboursés par rapport à l’intérêt social à compter de juin 2016 ;
Rechercher et constater l’intérêt personnel des gérants dans la gestion de la SCI LE 36 ;
Démontrer que la rémunération des gérants n’est pas justifiée ;
Contrôler les virements bancaires effectués de la SCI LE 36 depuis le 11 juin 2016 ;
Rechercher les justificatifs de ces virements relatifs aux frais de gestion ;
Identifier la SCI 3T, son activité réelle avec la SCI Le 36 ;
Déterminer et contrôler l’objet et les fondements de ces virements au profit de la SCI 3T ;
Contrôler les chèques émis par SCI LE 36 depuis le 11 juin 2016 ;
Rechercher les destinataires de ces chèques ;
Qualifier les fautes de gestion caractérisées et rechercher les preuves de celles-ci ;
Qualifier si d’autres infractions pénales ont été commises, telles que l’abus de bien
social, ou l’abus de confiance
Relever toutes les informations de comptabilité et de gestion qui n’ont pas été communiquées aux associés.
DONNER ACTE à Monsieur [B] de ce qu’il est disposé à supporter l’avance des frais d’expertise ;
DIRE que les dépens suivront ceux de la procédure principale ;
DIRE que la décision à intervenir sera exécutoire par provision de plein droit ;
Au fond,
PRONONCER la révocation de la gérance collective de la SCI LE 36 ;
DECLARER qu’il appartient à la première chambre civile cabinet 5 du Tribunal judiciaire de Strasbourg (RG : 21/06476) de statuer sur la nullité de la délibération de l’assemblée générale du 31/12/2020 ;
NOMMER tel administrateur provisoire ou un mandataire qu’il plaira à la Cour aux fins de réunir une Assemblée qui désignera une nouvelle gérance ;
CONDAMNER solidairement les gérants à rembourser les salaires perçus abusivement ainsi que les frais non justifiés et engagés dans un intérêt étranger à celui de la société ;
CONDAMNER solidairement les gérants au paiement de 10.000 € de dommages et intérêts au bénéfice de M. [B] en raison de l’appauvrissement excessif de la société de par leurs décisions abusives ;
DECLARER irrecevables les demandes des intimés tendant à voir Monsieur [B] déclaré irrecevable en ses demandes
DECLARER l’appel incident mal fondé ;
DEBOUTER les intimés de leurs entiers fins, moyens et conclusions ;
CONDAMNER solidairement les intimés au paiement de 4.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
CONDAMNER les intimés aux entiers frais et dépens’
et ce, en invoquant, notamment :
– une rémunération injustifiée de la gérance, telle que votée lors de l’assemblée générale du 11 juin 2016 ayant évincé le concluant, et notamment la perception d’une rémunération par M. [J] qui n’est plus associé, les gérants se voyant reprocher un enrichissement personnel au détriment de la SCI, ainsi que des comptes ‘artificiellement gonflés’, et présentant un solde négatif au titre du premier trimestre 2018, avec notamment plusieurs prêts alors que la SCI ne possède qu’un bien,
– l’absence d’informations reçues par le concluant, et l’interdiction, même lorsqu’il se déplaçait, accompagné d’un huissier, de consulter les documents, notamment les pièces comptables et financières, qu’il n’aurait obtenues qu’à la suite d’une décision d’injonction de faire, le concluant contestant avoir reçu les pièces jointes aux courriers de convocation,
– sur l’assemblée générale du 31 décembre 2020, sa volonté de souscrire à l’augmentation du capital et l’absence de contradiction dans les instructions de vote données dans son courrier informant la société et son gérant de son absence, le défaut de prise en compte de ces éléments ressortant du procès-verbal de délibération affectant son authenticité, et ayant eu pour effet de diluer la participation du concluant au capital sans contrepartie financière, constituant une fraude à ses droits, et le comportement de M. [R] une faute lui ayant causé un préjudice avéré,
– une responsabilité ‘incontestablement tenue’ des co-gérants, au regard des fautes commises, alors que déjà la régularité des déclarations fiscales de 2007 à 2013 est contestée, et qu’une plainte pénale a été déposée contre MM. [R] et [J] dans le cadre de la SCI, le concluant contestant, en outre, avoir jamais validé les comptes, et cette situation justifiant de la nomination d’un administrateur à défaut d’impartialité du fils de M. [R] comme troisième co-gérant,
– la critique de l’argumentation adverse, le concluant réfutant les griefs qui lui sont faits et mettant en cause le comportement adverse qu’il explique par un refus de répondre à des questionnements, selon lui légitimes sur la gestion de la société, de même que la pertinence de l’attestation de M. [J] ayant cédé ses parts à M. [R] après avoir soutenu le concluant, lequel conteste également tout quitus donné à la gestion de la société pour 2013 et 2014, dans l’attente des conclusions d’un rapport d’expertise qui se seraient avérées sans équivoque, ainsi que le déroulement de l’assemblée générale de 2015 tel que présenté par M. [R],
– sa recevabilité à engager une action ut singuli,
– la révocation de la gérance collective au regard de sa gestion,
– sur les demandes reconventionnelles des intimés, la contestation de toute fin dilatoire, et de tout défaut d’intérêt ou de qualité à agir, au demeurant non évoqué au dispositif des conclusions adverses, tout abus de droit étant, par ailleurs, réfuté envers la SCI, dont la défense des intérêts serait en cause, comme envers les gérants, au regard de leur responsabilité dans les fautes de gestion relevées, étant rappelé, s’agissant des sommes demandées par M. [R], qu’il sollicite déjà dans chacune de ces procédures des dommages et intérêts ainsi qu’une indemnisation au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
Vu les dernières conclusions en date du 11 octobre 2022, auxquelles est joint un bordereau de pièces récapitulatif qui n’a fait l’objet d’aucune contestation des parties, et par lesquelles M. [G] [R], la SCI Le 36 et M. [U] [J], demandent à la cour de :
‘IN LIMINE LITIS
DECLARER irrecevable Monsieur [B] pour défaut d’intérêt et de qualité à agir au regard de la période de gestion critiquée, de sa validation des comptes après expertise judiciaire et du quitus donné au gérant
JUGER Monsieur [B] irrecevable à plaider par procureur, ne démontrant aucun préjudice personnel ni préjudice au détriment de la société.
JUGER la demande de Monsieur [B] sans objet au regard de la désignation d’un nouveau gérant, la société disposant en tout état de cause d’un gérant en sus de Monsieur [R]
JUGER que Monsieur [B] n’apporte la preuve d’aucuns faits nouveaux postérieurs au 11 juin 2016
JUGER qu’aucune demande n’a été formée à l’encontre de la SCI LE 36, régulièrement assignée.
En conséquence,
CONFIRMER le jugement en toutes ses dispositions.
DEBOUTER Monsieur [B] de l’intégralité de ses fins, moyens et prétentions
JUGER l’action de Monsieur [B] comme constitutive d’un abus de droit au regard des comptes qu’il a validés et de la connaissance du caractère mensongers de ses allégations
En tout état de cause,
CONDAMNER Monsieur [B] au paiement à titre de dommages et intérêts pour procédure manifestement abusive :
– 5 000 € à la SCI LE 36
– 5 000 € à Monsieur [U] [J]
– 20 000 € à Monsieur [G] [R]
CONDAMNER Monsieur [B] au paiement des frais et dépens y compris ceux de l’exécution de la décision à intervenir.
CONDAMNER Monsieur [B] au paiement de la somme de 4.000,00 euros à chacun des intimés au titre de l’article 700 du CPC’
et ce, en invoquant, notamment :
– l’irrecevabilité de la demande avant dire droit, relevant d’un comportement qualifié d’abusif et ayant déjà fait l’objet d’un rejet au titre de la période précédente,
– l’absence de demande formulée à l’encontre de la SCI Le 36, qui serait fondée à solliciter une indemnisation au titre de la désorganisation de l’entreprise pour abus de droit de M. [Z] [B],
– sur la période antérieure au 11 juin 2016 :
*l’autorité de chose jugée du jugement du 19 novembre 2019,
*l’absence de faute de gestion invoquée, sur l’ensemble des périodes, à l’encontre de M. [J],
*l’absence d’objet de la demande de désignation d’un administrateur provisoire, alors que la SCI est dotée de trois co-gérants dont l’un n’est pas visé par l’assignation et resterait gérant en cas de révocation des deux autres co-gérants,
*l’irrecevabilité de la contestation, par M. [Z] [B], de comptes qu’il aurait approuvés, ainsi que des comptes de la société pour une période antérieure à son entrée dans le capital, ou encore de la contestation de la gestion de M. [R] sur une période pour laquelle il n’était ni associé, ni gérant,
*l’absence de bien-fondé de la demande de M. [Z] [B], qui n’a pas engagé la responsabilité du cabinet d’expertise comptable, la SARL [R], désignée par M. [D] [J], alors gérant, dont les prestations auraient, par ailleurs, donné satisfaction, l’argumentation de l’appelant quant à l’absence de compte-rendu annuel de la gestion et de consultation des associés étant, en outre, réfutée, de même que celle relative au non-respect des obligations juridiques statutaires relatives à la répartition du résultat entre les associés, compte tenu de l’approbation des comptes par l’appelant pour les périodes où il avait qualité à le faire, de sorte qu’il serait irrecevable même à les contester, de même que les comptes courants d’associé, également approuvés, sans contestation, par ailleurs, de l’administration fiscale, et dont les associés auraient reçu remboursement intégral, les démarches ayant, pour le surplus, été effectuées par le gérant au titre de la rectification d’une erreur d’enregistrement au titre des droits d’enregistrement, et de la fixation du montant du loyer renouvelé avec la Coop,
– sur la période postérieure au 11 juin 2016 :
*la régularité de vote de l’assemblée générale extraordinaire du 11 juin 2016 ayant révoqué M. [Z] [B] et fixé la rémunération du gérant, sans contestation de la délibération dans un délai de deux mois, sans explication, en outre, quant à l’existence d’une faute de gestion dans l’application de cette délibération, le caractère suspect des inscriptions relatives aux salaires étant contesté,
*l’absence d’anomalies comptables, l’ensemble des éléments contestés étant justifié et présent en comptabilité,
*le classement sans suite de la plainte pénale déposée par l’appelant contre MM. [R] et [J], et portant sur des comptes qui auraient été validés par l’intéressé en assemblée générale,
*le caractère infondé des accusations formées par M. [Z] [B] dans son courrier du 29 septembre 2017 adressé à MM. [R] et [J], au regard des réponses qu’il aurait pu obtenir à l’occasion de chaque assemblée générale ou lors des procédures intentées au titre desquelles son comportement abusif est relevé,
*concernant l’assemblée générale du 31 décembre 2020, la conformité de l’attitude du gérant à la loi et aux statuts, compte tenu de l’absence de M. [Z] [B] à l’assemblée générale et en l’absence de tout pouvoir régulier confié à l’un des associés, ce que n’aurait pas constitué le courrier aux termes contradictoires adressé par l’appelant, qui n’a pas contesté dans le délai de deux mois la délibération de l’assemblée générale, ayant permis de décider d’une augmentation de capital mettant en conformité le capital à l’aune du refus formel de M. [Z] [B] de participer, à hauteur de sa participation dans le capital, au règlement des frais et charges de la société,
– une indemnisation au titre du préjudice résultant du comportement adverse, qualifié de ‘psychopathie judiciaire’, l’appelant se voyant reprocher d’avoir déclenché des procédures ‘multiples, diffamantes, infamantes et dirimantes’, tant envers la SCI, comme déjà invoqué, qu’envers M. [U] [J], jamais mis en cause jusqu’à la présente procédure sans qu’aucune faute de gestion ne soit caractérisée, ou encore de M. [R], qui revendique un préjudice ‘particulièrement important et distinct de la seule procédure engagée’.
Vu l’ordonnance de clôture en date du 13 septembre 2023,
Vu les débats à l’audience du 23 octobre 2023,
Vu la note en délibéré déposée, avec l’autorisation de la cour, le 24 octobre 2023 pour le compte de M. [Y] [Z] [B],
Vu le dossier de la procédure, les pièces versées aux débats et les conclusions des parties auxquelles il est référé, en application de l’article 455 du code de procédure civile, pour l’exposé de leurs moyens et prétentions.
MOTIFS :
Sur la recevabilité des demandes de M. [Z] [B] :
Conformément à l’article 122 du code de procédure civile, constitue une fin de non-recevoir tout moyen qui tend à faire déclarer l’adversaire irrecevable en sa demande, sans examen au fond, pour défaut de droit d’agir, tel le défaut de qualité, le défaut d’intérêt, la prescription, le délai préfix, la chose jugée.
Par ailleurs, aux termes de l’article 1843-5 du code civil, outre l’action en réparation du préjudice subi personnellement, un ou plusieurs associés peuvent intenter l’action sociale en responsabilité contre les gérants. Les demandeurs sont habilités à poursuivre la réparation du préjudice subi par la société ; en cas de condamnation, les dommages-intérêts sont alloués à la société.
Ainsi qu’il a été rappelé, M. [Z] [B] sollicite que soit ordonnée, avant dire droit, une expertise, et conclut à la révocation de la gérance collective ainsi qu’à la nomination d’un administrateur provisoire ou d’un mandataire. Il forme également une demande indemnitaire à hauteur de 10 000 euros à l’encontre ‘des gérants’ et à son bénéfice ‘en raison de l’appauvrissement excessif de la société de par leurs décisions abusives’.
Il affirme être recevable à agir, indépendamment, le cas échéant, de tout quitus donné lors d’une assemblée, en vertu d’une action individuelle ou ut singuli, en raison d’un préjudice résultant des fautes de gestion qu’il dénonce et l’affectant de manière distincte du dommage collectif qu’aurait subi l’ensemble des associés.
Il ajoute que cette question a déjà été tranchée par le juge de la mise en état durant la procédure de première instance, et qu’en tout état de cause, la cour n’étant pas saisie d’une demande d’infirmation du jugement, mais de ‘confirmation du jugement en toutes ses dispositions’, elle ne pourrait donc pas statuer sur les fins de non-recevoir soulevées par les intimés.
Pour leur part, les parties intimées soulèvent l’irrecevabilité de M. [Z] [B] pour ‘défaut d’intérêt et de qualité à agir au regard de la période de gestion critiquée, de sa validation des comptes après expertise judiciaire et du quitus donné au gérant’, d’une part, et en raison de l’absence de démonstration d’un préjudice personnel et d’un préjudice de la société, d’autre part.
Ceci rappelé, la cour précise, à l’instar du juge de première instance, qu’elle n’est saisie que des griefs relatifs à la période postérieure au 11 juin 2016, la période antérieure ayant fait l’objet d’une procédure distincte, ayant donné lieu à un jugement du tribunal judiciaire de Strasbourg en date du 19 novembre 2019, confirmé par la cour de céans, dans une autre formation, par arrêt du 27 mai 2022. Dans ces limites, les développements des parties, en particulier des intimés, mais aussi de M. [Z] [B], il est vrai essentiellement en réponse mais pas uniquement, en ce qui concerne la période antérieure, ne peuvent qu’être pris en compte à titre d’éléments de contexte, servant à éclairer les griefs portant sur la période ultérieure, et ce dans le respect des décisions rendues, qui sont versées aux débats. Toutefois, cela relève de l’examen de fond et ne prive pas, en soi, de recevabilité les demandes de l’appelant.
Quant à la démonstration d’un préjudice, elle doit également donner lieu à un examen de fond, et ce alors que M. [Z] [B] invoque un tel préjudice pour lui-même comme pour la société intimée, même s’il ne formule, en l’état, aucune demande au profit de cette dernière.
En tout état de cause, comme le relève la partie appelante, les intimés concluent à la confirmation en toutes ses dispositions, fût-ce par voie de conséquence, du jugement entrepris, lequel a statué au fond sur les demandes de M. [Z] [B]. Dès lors, la cour, tout en notant que l’ordonnance du juge de la mise en état invoquée par la partie appelante ne traite que de la question de la litispendance entre le présent litige et le litige précité, constate qu’elle ne pourrait pas faire droit aux chefs de demandes qui lui sont soumis tirés de l’irrecevabilité des demandes de M. [Z] [B], sans infirmer les dispositions de la décision déférée.
Si cela n’affecte pas la recevabilité des fins de non-recevoir soulevés de ce chef par les intimés, mais la saisine de la cour, il n’en demeure pas moins que ces fins de non-recevoir seront écartées.
Sur les demandes de M. [Z] [B] :
Comme cela vient d’être rappelé, M. [Y] [Z] [B] entend saisir la cour, sur le fondement des fautes de gestion et ‘fraudes à ses droits’ qu’il impute aux parties adverses, à la fois d’une demande révocatoire visant la gérance de la SCI Le 36 et d’une demande indemnitaire à son bénéfice, tout en sollicitant avant dire droit que soit ordonnée une expertise portant principalement sur la recherche des ‘anomalies de gestion et de comptabilité’, sous l’angle de l’intérêt personnel qu’aurait pris la gérance, dont l’examen de la rémunération et de la gestion des frais, ainsi que sur certains mouvements de fonds.
À cet égard, il sera rappelé qu’aux termes de l’article 263 du code de procédure civile, l’expertise n’a lieu d’être ordonnée que dans le cas où des constatations ou une consultation ne pourraient suffire à éclairer le juge.
Par ailleurs, conformément à l’article 146 du même code, en aucun cas une mesure d’instruction ne peut être ordonnée en vue de suppléer la carence de la partie dans l’administration de la preuve.
En application de ces dispositions, s’il appartient à l’expert de se prononcer sur l’existence d’anomalies, en particulier d’ordre comptable, susceptible d’affecter la situation, et partant la gestion de la SCI, il n’est pas de son ressort de ‘qualifier les fautes de gestion caractérisées et rechercher les preuves de celles-ci’ ou encore de ‘qualifier si d’autres infractions pénales ont été commises, telles que l’abus de bien social, ou l’abus de confiance’, étant également rappelé que la procédure en cause n’est pas de nature pénale, et que l’expert, comme le juge civil et comme tout un chacun, est tenu au respect de la présomption d’innocence en la matière.
Au demeurant, si M. [Z] [B] a déposé plainte, le 13 avril 2017, auprès de la brigade de gendarmerie de Wasselonne pour ‘fausse déclaration’, cette plainte concerne, non pas les documents comptables ou de gestion de la SCI mais l’établissement supposé d’une fausse attestation par M. [J] en procédure. Du reste, les suites de cette plainte, dans le cadre de laquelle les intimés affirment n’avoir jamais été entendus, sont inconnues. L’autre plainte, versée aux débats par les intimés remonte au 18 mai 2016 et donc n’intéresse pas les faits dont la cour est saisie.
Dès lors, la cour ne peut que rejoindre l’appréciation du tribunal en ce qu’il a été rappelé que ‘le tribunal ne peut que constater que [Y] [Z] [B] lui demande de faire à sa place le travail procédural qui lui appartient. Une expertise peut se justifier si la partie manque de moyens techniques pour établir un grief invoqué’.
C’est également à juste titre que le juge de la mise en état, dans son ordonnance du 22 septembre 2020, a rappelé qu’une mesure d’instruction n’a pas à être ordonnée dans le seul but de suppléer la carence d’une partie dans l’administration de la preuve qui lui incombe, rappelant que les anomalies constatées antérieurement au 11 juin 2016 ne sauraient suffire à justifier la réalisation d’une expertise portant sur les exercices postérieurs, M. [Z] [B] proposant, par ailleurs, de confier au technicien dont il sollicitait la désignation des missions excédant, pour certaines, largement celles qu’un expert judiciaire était susceptible de recevoir.
En conséquence de ce qui précède, il revient donc à la cour d’apprécier si les griefs formulés par M. [Z] [B] sont de nature à justifier, au-delà du simple soupçon, que soit ordonnée une expertise, dans le cadre de missions appropriées à ce type de mesure, ou le cas échéant à justifier le bien-fondé des demandes de M. [Z] [B].
Or, en l’espèce, il apparaît que M. [Z] [B] met, tout d’abord, en cause la justification de la rémunération de la gérance, telle que votée lors de l’assemblée générale du 11 juin 2016, ainsi que la situation des comptes au premier semestre 2018, s’interrogeant sur un possible enrichissement personnel.
Sur ce point, la cour ne peut que relever, à l’instar des juges de première instance, que la rémunération de la gérance a fait l’objet d’une décision dont la régularité n’est pas à remettre en cause, puisqu’elle n’a fait l’objet d’aucune contestation.
Quant aux griefs tirés de la production d’un relevé de compte bancaire portant essentiellement sur la période du mois de mars 2018, et en vertu duquel M. [Z] [B] entend dénoncer des mouvements de fonds qui seraient anormaux et injustifiés, la cour relève qu’il est justifié de l’emploi des fonds par la production de l’extrait du compte syndic qui permet, notamment, d’identifier outre des remboursements de crédit, des appels de charges de copropriété. S’agissant des rémunérations, auxquelles sont attachées, comme l’indiquent les intimés, des cotisations sociales, les éléments produits ne font apparaître aucune anomalie au regard de l’application de la décision votée en assemblée générale, et ce alors que M. [Z] [B] se borne à faire référence à des ‘frais’ ou à des ‘sorties d’argent troublantes’ sans relever d’autres éléments de nature à éclairer la cour sur les soupçons dont il fait état.
S’agissant des griefs tirés de l’absence d’information et d’accès aux documents comptables ou encore de l’absence de mise à disposition des documents devant censément être joints aux convocations en assemblée générale, la cour rappelle que cette question a fait l’objet d’un contentieux dans le cadre de l’injonction de faire sollicitée par M. [Z] [B], ayant donné lieu à la remise des documents sollicités, le jugement contradictoire ayant suivi mentionnant, cependant, que cette injonction ne s’imposait pas, comme n’ayant permis, en sus de documents déjà remis, que la remise d’une liasse fiscale n’apportant que peu d’informations supplémentaires. L’arrêt confirmatif de la troisième chambre civile de la cour de céans, sous réserve de l’infirmation des dispositions du jugement condamnant M. [Z] [B] à une amende civile et à des dommages-intérêts pour procédure abusive, devait néanmoins relever que M. [Z] [B] n’établissait pas, comme il l’aurait dû, l’absence de certains documents contenus dans les envois avec accusé de réception concernant sa convocation à l’assemblée générale devant examiner les comptes pour 2018. L’arrêt relève, en outre, que M. [Z] [B] avait la possibilité de prendre connaissance au siège de la société de l’inventaire des valeurs actives et passives de celles-ci, ce dont il n’établit pas avoir été empêché, le procès-verbal de carence d’huissier qu’il produit ne concernant que le refus, opposé à l’officier ministériel, d’assister à l’assemblée générale du 27 juin 2019, le document relatant qu’il a été répondu que les pièces pourront être consultées par M. [Z] [B] hors la présence de l’huissier.
Au regard de ce qui précède, aucune faute de la gérance de la SCI n’apparaît caractérisée au titre de ces griefs.
Concernant, enfin, l’assemblée générale du 31 décembre 2020, M. [Z] [B] reproche à la gérance, et plus particulièrement à M. [R], d’avoir, en fraude de ses droits, décidé d’une augmentation de capital ayant fortement dilué sa participation financière dans la société, alors que lui-même s’y opposait sur le principe, mais avait remis un chèque pour y souscrire, le cas échéant.
Cela étant, la cour rappelle que ces griefs relèvent de l’appréciation de la validité de l’assemblée générale, question dont était saisi le tribunal judiciaire de Strasbourg dans le cadre d’une autre procédure ayant donné lieu à la décision du 23 mai 2023 communiquée par note en délibéré, et dans le cadre de laquelle M. [Z] [B] formait une demande de dommages-intérêts pour préjudice moral qui a été rejetée. M. [Z] [B] ne justifie pas davantage devant la cour d’un préjudice résultant des fautes de gestion qu’il impute à la gérance. Ainsi, tout d’abord, il n’établit pas avoir valablement donné pouvoir pour être représenté à ladite assemblée générale à laquelle il était absent, la cour rejoignant sur ce point, l’appréciation faite par tant par la juridiction strasbourgeoise dans le jugement précité, que par les juges de première instance dans la présente procédure, à savoir qu’il ne pouvait être tenu compte, à titre de pouvoir, d’un simple courrier, comportant des instructions qui pouvaient être perçues comme contradictoires, accompagné d’un chèque. À cela s’ajoute le fait que M. [Z] [B] a obtenu l’annulation, pour défaut d’information, de l’ensemble des délibérations adoptées le 31 décembre 2020, même si le caractère définitif de ce jugement n’est pas établi à ce jour.
Il n’en demeure pas moins, au regard de l’ensemble de ce qui précède, que les demandes formées tant avant dire droit qu’au fond par M. [Z] [B] doivent être rejetées, le jugement entrepris devant, par voie de conséquence, être confirmé à ce titre.
Sur les demandes reconventionnelles des parties intimées :
La cour observe que les parties entendent voir confirmer ‘en toutes ses dispositions’ le jugement entrepris, qui a pourtant rejeté leurs demandes indemnitaires dirigées contre la partie dorénavant appelante, tout en sollicitant la condamnation de cette dernière à des dommages-intérêts au titre d’une procédure qu’ils qualifient de manifestement abusive.
En tout état de cause, et tout en adoptant, sur ce point, les motifs développés par les juges de première instance, la cour ajoute, s’agissant au moins de la procédure d’appel, que les parties intimées ne démontrent de manière suffisante, aucune mauvaise foi ou erreur grossière de la partie adverse, quand bien même elle aurait succombé en ses demandes, étant, en outre, rappelé qu’il n’appartient pas, en l’espèce, à la cour de se prononcer sur le bien-fondé ou la pertinence des autres actions intentées par M. [Z] [B]. En conséquence, il convient de rejeter les demandes formées à ce titre tant par M. [R] que par M. [J] et par la SCI Le 36.
Sur les dépens et les frais irrépétibles :
M. [Z] [B], succombant pour l’essentiel, sera tenu des dépens de l’appel, par application de l’article 696 du code de procédure civile, outre confirmation du jugement déféré sur cette question.
L’équité commande en outre de mettre à la charge de l’appelant, une indemnité de procédure pour frais irrépétibles de 2 000 euros au profit de chacun des intimés, tout en disant n’y avoir lieu à application de l’article 700 du code de procédure civile à l’encontre de ces derniers et en confirmant les dispositions du jugement déféré de ce chef.
P A R C E S M O T I F S
La Cour,
Rejette les fins de non-recevoir soulevées par M. [G] [R], M. [U] [J] et la SCI Le 36,
Confirme en toutes ses dispositions le jugement rendu le 8 mars 2022 par le tribunal judiciaire de Strasbourg,
Y ajoutant,
Déboute M. [G] [R], M. [U] [J] et la SCI Le 36 de leurs demandes en dommages-intérêts,
Condamne M. [Y] [Z] [B] aux dépens de l’appel,
Condamne M. [Y] [Z] [B] à payer à M. [G] [R], M. [U] [J] et la SCI Le 36, chacun, la somme de 2 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
Dit n’y avoir lieu à application de l’article 700 du code de procédure civile au bénéfice de M. [Y] [Z] [B].
La Greffière : le Président :