Conflits entre associés : décision du 25 mai 2023 Cour d’appel de Rouen RG n° 22/03429

Conflits entre associés : décision du 25 mai 2023 Cour d’appel de Rouen RG n° 22/03429

N° RG 22/03429 – N° Portalis DBV2-V-B7G-JGMI

COUR D’APPEL DE ROUEN

CHAMBRE CIVILE ET COMMERCIALE

ARRET DU 25 MAI 2023

DÉCISION DÉFÉRÉE :

22/00250

TRIBUNAL JUDICIAIRE D’EVREUX du 21 septembre 2022

APPELANTS :

M. [V] [Z]

né le [Date naissance 1] 1966 à [Localité 11]

[Adresse 10]

[Localité 5]

S.C.E.A. LE MARTIN PECHEUR

[Adresse 10]

[Localité 5]

représentés et assistés de Me Guillaume DES ACRES DE L’AIGLE de la SCP BONIFACE DAKIN & ASSOCIES, avocat au barreau de ROUEN

INTIMES :

Mme [D] [P]

née le [Date naissance 3] 1969 à [Localité 11]

[Adresse 7]

[Localité 8]

M. [U] [P]

né le [Date naissance 6] 1967 à [Localité 11]

[Adresse 7]

[Localité 8]

représentés par Me Emmanuelle BOURDON de la SELARL EMMANUELLE BOURDON-CÉLINE BART AVOCATS ASSOCIÉS, avocat au barreau de ROUEN, et assistés de Me Valentin GONZALEZ, avocat au barreau de PARIS, plaidant

PARTIE INTERVENANT VOLONTAIREMENT :

S.E.L.A.R.L. FHB en sa qualité d’administrateur provisoire de la SCEA LE MARTIN PECHEUR

[Adresse 2]

[Localité 4]

représentée par Me Aurélie BLONDE de la SELARL CABINET THOMAS-COURCEL BLONDE, avocat au barreau de L’EURE et assistée de Me Philippe THOMAS COURCEL de la SELARL CABINET THOMAS-COURCEL BLONDE, avocat au barreau de PARIS, plaidant

COMPOSITION DE LA COUR  :

En application des dispositions de l’article 805 du code de procédure civile, l’affaire a été plaidée et débattue à l’audience du 22 février 2023 sans opposition des avocats devant M. URBANO, Conseiller, rapporteur,

Le magistrat rapporteur a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour composée de :

Mme FOUCHER-GROS, Présidente

M. URBANO, Conseiller

Mme MENARD-GOGIBU, Conseillère

GREFFIER LORS DES DEBATS :

Mme DEVELET, Greffière

DEBATS :

A l’audience publique du 22 février 2023, où l’affaire a été mise en délibéré au 4 mai 2023 puis prorogée au 17 mai 2023 puis prorogée à ce jour.

ARRET :

CONTRADICTOIRE

Rendu publiquement le 25 mai 2023, par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile,

signé par Mme Foucher-Gros, Présidente et par Mme Riffault, Greffière lors de la mise à disposition

*

* *

EXPOSE DES FAITS ET DE LA PROCEDURE

 

La société civile d’exploitation agricole Martin Pêcheur a été constituée le 10 décembre 1995 et ses associés sont M. [Z], à hauteur de 50% des parts, sa s’ur Mme [P] à hauteur de 25% des parts et M. [P], époux de cette dernière, à hauteur de 25% des parts.

 

M. [V] [Z] est le gérant statutaire de la SCEA Martin Pêcheur laquelle est preneuse à bail rural de 88 ha 68 a 78 ca de terres situées dans les départements de l’Eure et de l’Oise.

 

Depuis l’année 2012, des désaccords persistent entre M. [Z], d’une part et M. et Mme [P], d’autre part, de sorte que les comptes n’ont plus été approuvés depuis cette date.

 

Le 30 juin et le 19 juillet 2021, Mme [B] [Z], mère de M. [V] [Z] ainsi que MM. [N], [G] et [X] [O] et Mme [L] [M] ont fait délivrer trois congés à la SCEA Martin Pêcheur portant sur 21% des terres exploitées par cette société à effet au 30 janvier 2023, ces congés étant motivés par la reprise des terres au bénéfice de M. [C] [Z], petit-fils de [B] [Z] et fils de M. [Z], exploitant par l’intermédiaire de l’EARL [Z], au sein de laquelle il est associé avec Mme [E] [Z] et M. [V] [Z], ses parents.

 

M. [Z] ès qualités de gérant de la SCEA Martin Pêcheur a contesté les congés en saisissant le tribunal paritaire des baux ruraux de Louviers le 14 octobre 2021 puis s’est désisté des trois instances.

 

Par courrier recommandé du 4 mai 2022, M. [Z] a convoqué M. et Mme [P] à une assemblée générale devant se tenir le 19 mai suivant et les a avisés de l’existence des congés et des suites qui y avaient été données.

 

Estimant que M. [Z] avait adopté une position contraire à l’intérêt social dans un but personnel, M. et Mme [P] ont saisi le juge des référés du tribunal judiciaire d’Evreux par acte d’huissier du 11 juillet 2022 en sollicitant la révocation de M. [Z] et la désignation d’un administrateur provisoire en la personne de Me [A] afin que soit convoquée une assemblée générale désignant de nouveaux dirigeants au cours de laquelle le droit de vote de M. [Z] serait exercé par l’administrateur et que soient contestés les congés délivrés à la M. [Z].

 

Par ordonnance de référé du 21 septembre 2022, le président du tribunal judiciaire d’Evreux a:

 

– dit n’y avoir lieu à référé sur la demande de révocation de Monsieur [V] [Z] de ses fonctions de gérant,

 

– fait droit à la demande de désignation d’un administrateur provisoire de la SCEA Le Martin Pêcheur formée par Madame [D] [Z] et Monsieur [U] [P],

 

– désigné en qualité d’administrateur provisoire de la SCEA Le Martin Pêcheur dont le siège social est situé [Adresse 10], Maître [K] [A], SELARL FHB, [Adresse 2],

 

– dit que les missions de l’administrateur provisoire seront de :

 

– gérer et administrer la SCEA Le Martin Pêcheur avec les pouvoirs du gérant,

 

– convoquer une assemblée générale des associés dont l’ordre du jour portera sur la nomination de nouveaux dirigeants de la SCEA Le Martin Pêcheur,

 

– prendre toutes mesures de gestion que l’intérêt social commande en vérifiant que les intérêts, droits et obligations de chacun des associés soient bien respectés,

 

– engager toute procédure de nature à préserver l’intérêt social de la SCEA Le Martin Pêcheur,

 

– veiller à la pacification et l’apaisement du conflit entre les associés, en favorisant une sortie amiable du conflit afin d’assurer le fonctionnement normal de la SCEA Le Martin Pêcheur, ou, dans le cas contraire, d’engager sa dissolution et sa liquidation,

 

– rendre compte dans les 3 mois de sa nomination de l’état de la SCEA Le Martin Pêcheur, des causes de la situation actuelle et des perspectives d’évolution de sa situation et établir un compte-rendu de sa situation,

 

– référer de toute difficulté à la présente juridiction,

 

– fixé la durée de la mission à six mois renouvelable à compter de la présente décision,

 

– fixé à 2 500 euros la provision que devront verser Madame [D] [Z] et Monsieur [U] [P] à l’administrateur judiciaire,

 

– dit qu’à défaut du versement de cette provision dans le délai d’un mois à compter de la présente décision, la nomination de l’administrateur sera caduque et privée de tout effet,

 

– dit que les frais et honoraires de l’administrateur provisoire seront, in fine, à la charge de la SCEA Le Martin Pêcheur et à défaut, à la charge de Monsieur [V] [Z], Madame [J] [Z] épouse [P] et Monsieur [U] [P], en proportion de leurs parts dans la SCEA Le Martin Pêcheur, et donc à hauteur de :

 

– 50 % pour Monsieur [V] [Z]

 

– 25 % pour Madame [J] [Z] épouse [P],

 

– 25 % pour Monsieur [U] [P],

 

– rejeté les demandes des parties formées sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

 

– débouté les parties de leur demande plus ample ou contraire,

 

– dit que chacune des parties conservera la charge de ses dépens,

 

– rappelé l’exécution provisoire de la présente décision.

 

Monsieur [V] [Z] et la SCEA Le Martin Pêcheur représentée par son gérant ont interjeté appel de cette ordonnance par déclaration du 19 octobre 2022.

 

L’ordonnance de clôture a été rendue le 22 février 2023.

 

EXPOSE DES PRETENTIONS

 

Vu les conclusions du 22 février 2023, auxquelles il est renvoyé pour exposé des prétentions et moyens de Monsieur [V] [Z] et la SCEA Le Martin Pêcheur qui demandent à la cour de :

 

In limine litis :

 

– déclarer irrecevable la constitution de Maître [S] du 16 février 2023, aux fins de représentation de la SCEA Martin Pêcheur et en conséquence,

 

– déclarer irrecevables les conclusions signifiées par Maître [S] pour le compte de la SCEA Martin Pêcheur signifiées le 17 février 2023 et déclarer nul le désistement d’appel de la SCEA Martin Pêcheur ;

 

– déclarer irrecevables les conclusions de la SARL FHB représentée par Me [A] signifiées le 21 février 2023 et la condamner à payer à M. [Z] et la SCEA Martin Pêcheur une somme de 2.000 € sur le fondement de l’article 700 du CPC et une somme de 5.000 € pour action abusive ;

 

– réformer et/ou infirmer l’ordonnance du 21 septembre 2022 rendue par Monsieur le président du tribunal judiciaire d’Evreux statuant en référé, en ce qu’elle a :

 

– fait droit à la demande de désignation d’un administrateur provisoire de la SCEA Le Martin Pêcheur formée par Madame [D] [Z] et Monsieur [U] [P],

 

– désigné en qualité d’administrateur provisoire de la SCEA Le Martin Pêcheur dont le siège social est situé [Adresse 10], Maître [K] [A], SELARL FHB, [Adresse 2],

 

– dit que les missions de l’administrateur provisoire seront de :

 

– gérer et administrer la SCEA Le Martin Pêcheur avec les pouvoirs du gérant,

 

– convoquer une assemblée générale des associés dont l’ordre du jour portera sur la nomination de nouveaux dirigeants de la SCEA Le Martin Pêcheur,

 

– prendre toutes mesures de gestion que l’intérêt social commande en vérifiant que les intérêts, droits et obligations de chacun des associés soient bien respectés,

 

– engager toute procédure de nature à préserver l’intérêt social de la SCEA Le Martin Pêcheur,

 

– veiller à la pacification et l’apaisement du confit entre les associés, en favorisant une sortie amiable du conflit afin d’assurer le fonctionnement normal de la SCEA Le Martin Pêcheur, ou, dans le cas contraire, d’engager sa dissolution et sa liquidation,

 

– rendre compte dans les 3 mois de sa nomination de l’état de la SCEA Le Martin Pêcheur, des causes de la situation actuelle et des perspectives d’évolution de sa situation et établir un compte-rendu de sa situation,

 

– référer de toute difficulté à la présente juridiction,

 

– fixé la durée de la mission à six mois renouvelable à compter de la présente décision,

 

– fixé à 2 500 euros la provision que devront verser Madame [D] [Z] et Monsieur [U] [P] à l’administrateur judiciaire,

 

– dit qu’à défaut du versement de cette provision dans le délai d’un mois à compter de la présente décision, la nomination de l’administrateur sera caduque et privée de tout effet,

 

– dit que les frais et honoraires de l’administrateur provisoire seront, in fine, à la charge de la SCEA Le Martin Pêcheur et à défaut, à la charge de Monsieur [V] [Z], Madame [J] [Z] épouse [P] et Monsieur [U] [P], en proportion de leurs parts dans la SCEA Le Martin Pêcheur, et donc à hauteur de : 50 % pour Monsieur [V] [Z], 25 % pour Madame [J] [Z] épouse [P], 25 % pour Monsieur [U] [P],

 

– rejeté les demandes des parties formées sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

 

Et statuant à nouveau :

 

A titre principal,

 

– déclarer recevable et bien-fondé l’appel interjeté par M. [Z] et par la SCEA Martin Pêcheur;

 

– déclarer irrecevables la constitution devant la cour de Me [S] au soutien des intérêts de la SCEA Martin Pêcheur; Déclarer irrecevables les conclusions de désistement signifiées au soutien des intérêts de Me [A] ès qualités ; Déclarer nul et en tout état de cause, non parfait, le désistement d’appel de Me [A] ès qualités ;

 

– déclarer irrecevables les demandes de Monsieur et Madame [P],

 

– par conséquent, les en débouter et dire n’y avoir lieu, ni à révocation de M. [Z] en tant que gérant, ni à désignation d’un administrateur provisoire ;

 

A titre subsidiaire,

 

– déclarer irrecevable la demande nouvelle de M. et Mme [P] de voir « ordonner que ladite assemblée générale délibère, en présence d’un motif de suspicion légitime, sans que les parts de M. [V] [Z] ne soient prises en compte pour le calcul du quorum et de la majorité » ;

 

– débouter Monsieur et Madame [P] de toutes leurs demandes, fins et conclusions, et notamment, de toute demande de révocation de Monsieur [Z] en qualité de gérant, ainsi que de toute demande de désignation d’un administrateur provisoire,

 

En tout état de cause,

 

– exclure que la rémunération de l’administrateur provisoire soit à la charge de Monsieur [V] [Z] et/ou de la SCEA Le Martin Pêcheur,

 

– mettre fin à la mission de Maître [K] [A], SELARD FHB en qualité d’administrateur provisoire de la SCEA Le Martin Pêcheur,

 

– condamner in solidum Monsieur et Madame [P] à régler à Monsieur [V] [Z] et la SCEA Le Martin Pêcheur une somme de 3 000 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens de première instance et d’appel.

 

Vu les conclusions du 20 février 2023, auxquelles il est renvoyé pour exposé des prétentions et moyens de Monsieur [U] [P] et Madame [D] [Z], épouse [P], qui demandent à la cour de :

 

A titre principal,

 

– Constater que la SCEA Le Martin Pêcheur, représentée par Me [A] ès qualités d’administrateur provisoire, s’est valablement désistée sans réserve de l’appel interjeté ;

 

– Constater qu’il s’agit d’un désistement partiel et que l’instance se poursuit entre les Intimés et M. [V] [Z] ;

 

– Donner acte aux intimés de leur acceptation pure et simple de ce désistement partiel ;

 

A titre subsidiaire

 

– recevoir les intimés en leur appel incident,

 

– infirmer l’ordonnance de référé de Monsieur le président du tribunal judiciaire d’Evreux du 21 septembre 2022 en ce qu’elle a dit n’y avoir lieu à référé sur la demande de révocation de Monsieur [V] [Z] de ses fonctions de gérant,

 

– révoquer Monsieur [V] [Z] de la gérance de la SCEA Le Martin Pêcheur,

 

– ordonner la convocation d’une nouvelle assemblée générale de la SCEA Le Martin Pêcheur en vue de délibérer sur la nomination d’un nouveau gérant ;

 

– ordonner que ladite assemblée générale délibère, en présence d’un motif de suspicion légitime, sans que les parts de M. [V] [Z] ne soient prises en compte pour le calcul du quorum et de la majorité ;

 

– confirmer l’ordonnance de référé du président du tribunal judiciaire d’Evreux du 21 septembre 2022 pour le surplus ;

 

A titre très subsidiaire

 

– confirmer l’ordonnance de référé du président du tribunal judiciaire d’Evreux du 21 septembre 2022,

 

Et y ajoutant en tout état de cause,

 

– condamner Monsieur [V] [Z] à verser à Monsieur et Madame [P]

10 000 euros à titre de dommages-intérêts en réparation de son préjudice matériel et moral pour procédure abusive,

 

– condamner Monsieur [V] [Z] au paiement d’une amende civile d’un montant qu’il plaira à la cour de bien vouloir fixer,

 

– débouter les appelants de l’ensemble de leurs demandes, fins et conclusions,

 

– condamner Monsieur [V] [Z] à payer à M. et Mme [P], chacun, la somme de 3 500 euros au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,

 

– condamner Monsieur [V] [Z] aux entiers dépens.

 

Vu les conclusions du 21 février 2023, auxquelles il est renvoyé pour exposé des prétentions et moyens de la SCEA Martin Pêcheur représentée par la SELARL FHB prise en la personne de Me [A] qui demande à la cour de :

 

Vu l’article 329 du Code de Procédure Civile,

 

Juger la SELARL FHB, représentée par Maître [K] [A], agissant en sa qualité d’administrateur provisoire de la SCEA Le Martin Pécheur, recevable en son intervention volontaire.

 

Vu l’article 117 du Code de Procédure Civile,

 

Juger que la SELARL FHB, représentée par Maître [K] [A], a seule qualité pour représenter la SCEA Le Martin Pêcheur en justice.

 

Annuler la déclaration d’appel régularisée au nom de la SCEA Le Martin Pêcheur.

 

Sur l’appel de Monsieur [V] [Z],

 

Donner acte à la SCEA Le Martin Pêcheur de ce qu’elle s’en rapporte à justice sur le mérite de l’appel.

 

Condamner toute partie succombante à payer à la SCEA Le Martin Pêcheur la somme de 1.500 € au titre de l’article 700 du Code de Procédure Civile, outre les dépens de l’instance.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur la qualité pour représenter la SCEA Martin Pêcheur :

Moyen des parties :

M. [Z] et la SCEA Martin Pêcheur soutiennent que :

– seul M. [Z], gérant de droit de la SCEA peut agir au nom de cette dernière 

M. et Mme [P] soutiennent que :

– dès la nomination de Me [A] ès qualités d’administrateur légal de la SCEA Martin Pêcheur, seule celle-ci avait qualité pour représenter la société

– l’appel interjeté par M. [Z] en qualité de gérant de la SCEA Martin Pêcheur est irrecevable pour défaut de qualité ;

Réponse de la cour :

Par ordonnance de référé du 21 septembre 2022, le président du tribunal judiciaire d’Evreux a désigné en qualité d’administrateur provisoire de la SCEA Le Martin Pêcheur Maître [K] [A] avec pour mission de gérer et administrer la SCEA Le Martin Pêcheur avec les pouvoirs du gérant. La décision entreprise, rendue en référé est exécutoire à titre provisoire.

 La nomination d’un administrateur provisoire par une décision exécutoire entraîne le dessaisissement immédiat des organes sociaux jusque-là en place, lesquels n’ont plus qualité pour engager la société et exercer une voie de recours en son nom .

Si M. [Z], gérant provisoirement évincé et également associé de la SCEA Martin Pêcheur, avait qualité et intérêt pour interjeter appel en son nom personnel, il ne pouvait agir en qualité de représentant de la SCEA et interjeter appel en son nom.

 

Il en résulte que l’appel de M. [Z] en qualité de gérant de la SCEA Martin Pêcheur ayant été interjeté par une personne n’ayant plus qualité pour la représenter, est irrecevable.

 Sur la recevabilité de la constitution et des conclusions de Me Leboucher (selarl FHB) :

Exposé des moyens :

M. [Z] soutient que :

– il a seul qualité pour représenter la SCEA ; Me [A] ès qualités de représentante de la SCEA est irrecevable à agir pour interjeter appel, s’en désister ou intervenir à l’instance et à supposer que l’intervention de Me [A] soit recevable, elle ne le serait qu’à titre personnel et non en qualité de représentante de la SCEA ;

 

– les conclusions de Me [A] ont été notifiées hors délai alors qu’elle devait les faire déposer pour le 5 février 2023 au plus tard ;

M. et Mme [P] soutiennent que :

-le désistement d’appel de Me [A] ès qualités est valable et parfait ;

Me Leboucher et la SCEA Martin Pêcheur soutiennent que :

– M. [Z] ne pouvait pas associer la SCEA Martin Pêcheur à son recours, cette dernière étant représentée seulement par Me [A] depuis que l’ordonnance, exécutoire de droit, a été rendue ;

Réponse de la cour :

Aux termes de l’article 554 du code de procédure civile : « Peuvent intervenir en cause d’appel dès lors qu’elles y ont intérêt les personnes qui n’ont été ni parties ni représentées en première instance ou qui y ont figuré en une autre qualité »

Aux termes de l’article 555 du même code : « Ces mêmes personnes peuvent être appelées devant la cour, même aux fins de condamnation, quand l’évolution du litige implique leur mise en cause. »

Il résulte des dispositions de l’article 905-2 de ce code que « L’intervenant forcé à l’instance d’appel dispose, d’un délai d’un mois à compter de la notification de la demande d’intervention formée à son encontre à laquelle est jointe une copie de l’avis de fixation pour remettre ses conclusions au greffe. L’intervenant volontaire dispose, sous la même sanction, du même délai à compter de son intervention volontaire.»

La SELARL FHB n’était pas partie en première instance. Monsieur [Z] lui a fait signifier la déclaration d’appel par acte du 21 novembre 2022. L’acte de signification reprend les dispositions des articles 905 à 905-2 du code de procédure civile, et l’invite à constituer avocat. Il y est joint la déclaration d’appel et l’avis de fixation.

Il résulte de cette signification que la SELARL FHB a été appelée à la cause par M. [Z], agissant à titre personnel, en qualité d’intervenant forcé.

Contrairement à ce que soutient M. [Z], la Selarl FHB a seule qualité pour représenter la SCEA Martin Pêcheur, de sorte que sa constitution est recevable.

La Selarl FHB a conclu pour la première fois le 17 février 2023, postérieurement au délai d’un mois à compter de la signification de la déclaration d’appel. Elle ne se prévaut d’une intervention volontaire que dans ses deuxièmes conclusions du 21 février 2023. Dès lors qu’elle a été attraite à la cause le 21 novembre 2022 en qualité d’intervenant forcée, la Selarl FHB était déjà en la cause et ne pouvait déclarer intervenir volontairement. Ses premières conclusions étaient postérieures au délai qui lui était imparti, sans pouvoir être régularisées par celles du 21 février 2023, il en résulte que ses conclusions sont irrecevables.

En tout état de cause, dès lors que par l’effet de l’irrecevabilité de la déclaration d’appel, aucun appel n’est interjeté au nom de la SCEA, la demande tendant à la nullité du désistement d’appel est sans objet.

Sur la demande de dommages et intérêts présentés par M. [Z] à l’encontre de la Selarl FHB :

Il résulte de ce qui précède que la demande en dommages et intérêts présentées par M. [Z] au nom de la SCEA Martin Pêcheur est irrecevable.

Monsieur [Z] présente en son nom personnel une demande de dommages et intérêts à l’encontre de la Selarl FHB pour résistance abusive. M. [Z] a appelé la Selarl FHB par la signification de sa déclaration d’appel du 21 novembre 2022. Il ne démontre pas que la constitution de la Selarl FHB, faite consécutivement à cet appel en cause présente un caractère fautif et sera débouté de sa demande.

Sur la recevabilité de la demande formée par M. et Mme [P] tendant à ce que les parts de M. [Z] ne soient pas prises en compte dans le calcul du quorum et de la majorité de l’assemblée générale à venir :

 

Exposé des moyens :

 

M. [Z] soutient que M. et Mme [P], dans des conclusions du 17 février 2023, ont formé une demande tendant à ce que les associés lors de l’assemblée générale à venir puissent délibérer sans que les parts de M. [Z] ne soient prises en compte alors que cette demande est irrecevable aux termes des articles 905-2, 910-4 et 954 du code de procédure civile ;

 

M. et Mme [P] n’ont émis aucune observation sur ce point ;

 

Réponse de la cour :

 

L’article 910-4 du code de procédure civile dispose qu’à peine d’irrecevabilité, relevée d’office, les parties doivent présenter, dès les conclusions mentionnées aux articles 905-2 et 908 à 910, l’ensemble de leurs prétentions sur le fond. L’irrecevabilité peut également être invoquée par la partie contre laquelle sont formées des prétentions ultérieures.

Monsieur [Z] a déposé ses conclusions d’appelant le 9 décembre 2022, il en résulte que toutes les prétentions de M. et Mme [P] devaient être présentées au plus tard le 9 janvier 2023.

La prétention portant sur l’exclusion des parts de M. [Z] dans le calcul du quorum et de la majorité ne figurait pas dans les conclusions initiales de M. et Mme [P] du 9 janvier 2023. Elle a été présentée pour la première fois dans les conclusions du 17 février 2023, postérieurement au délai prévu à l’article 910-4 précité. Il en résulte qu’elle est irrecevable.

Sur la recevabilité de l’action en justice de M. et Mme [P] :

 

Exposé des moyens :

 

M. [Z] soutient que les statuts prévoient la saisine préalable d’un conciliateur en cas de contestation entre associés et que faute d’avoir saisi préalablement un conciliateur, M. et Mme [P] sont irrecevables à agir ;

 

M. et Mme [P] soutiennent que la demande de désignation d’un administrateur provisoire peut être formée en référé malgré l’existence d’une clause de conciliation préalable et la fin de non-recevoir soulevée par M. [Z] est dilatoire et doit entraîner sa condamnation à des dommages et intérêts ;

 

Réponse de la cour :

 

Il résulte des dispositions de l’article 834 du code de procédure civile que dans tous les cas d’urgence, le président du tribunal judiciaire peut ordonner en référé toutes les mesures qui ne se heurtent à aucune contestation sérieuse ou que justifie l’existence d’un différend.

 

Il résulte des dispositions de l’article 835 du code de procédure civile que le président du tribunal judiciaire peut toujours, même en présence d’une contestation sérieuse, prescrire en référé les mesures conservatoires ou de remise en état qui s’imposent, soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite.

 

Aux termes de l’article 31 des statuts de la SCEA Martin Pêcheur: « Toute contestation qui pourrait s’élever pendant la durée de la société ou lors de la liquidation, entre les associés, relativement aux affaires sociales, sera soumise à un conciliateur désigné d’un commun accord entre les associés. À défaut d’accord entre eux, le litige sera soumis à la juridiction des tribunaux compétents du lieu du siège social. »

 

Le juge des référés étant juge du provisoire, des dispositions contractuelles prévoyant un préalable obligatoire de conciliation ne font pas obstacle à sa saisine en cas de trouble manifestement illicite ou de dommage imminent

La fin de non-recevoir soulevée par M. [Z] sera rejetée.

 

Sur la demande de révocation formée en référé par M. et Mme [P] :

Exposé des moyens :

 

M. [Z] soutient que :

 

– jusqu’en 2012, les associés de la SCEA familiale se sont entendus et ce n’est qu’à compter de 2012-2013 qu’un différend est né et que M. et Mme [P] ont voté systématiquement contre toutes les résolutions proposées y compris au détriment des intérêts de la SCEA tout en laissant M. [Z] gérer la société et en bénéficiant des sommes alimentant leur compte courant d’associés ;

 

– M. et Mme [P] ne justifient pas de l’urgence visée par l’article 834 du code de procédure civile  dès lors que les congés qui ont été délivrés à la SCEA ont pris effet au 30 janvier 2023, qu’ils sont définitifs, le délai pour les contester ayant expiré au 30 octobre 2021 et le tribunal paritaire des baux ruraux de Louviers ayant rendu trois décisions de désistement le 8 mars 2022 ;

 

– toute action en relevé de forclusion s’agissant de la contestation des congés devant le tribunal paritaire des baux ruraux est vouée à l’échec ;

 

– M. et Mme [P] ne justifient d’aucun dommage imminent alors que la SCEA n’a jamais été défaillante et que toutes ses dettes ont été ;

 

– la demande de révocation d’un gérant excède les pouvoirs du juge des référés dès lors qu’il serait amené à apprécier l’existence d’une faute du représentant légal de la société ;

 

– la révocation d’un gérant ne constitue pas une mesure conservatoire ou de remise en état ;

 

 

M. et Mme [P] soutiennent que :

 

– ils n’ont plus approuvé les comptes depuis 2012 et n’ont plus donné quitus au gérant pour des raisons objectives ;

 

– ce n’est que le 4 mai 2022, lors d’une assemblée générale, que M. et Mme [P] ont découvert que la SCEA Martin Pêcheur avait reçu trois congés délivrés par des bailleurs portant sur 21% des terres exploitées par la SCEA dont l’existence avait été dissimulée par le gérant de même que la saisine du tribunal paritaire des baux ruraux en contestation de ces congés et le désistement qui s’en était suivi ;

 

– M. et Mme [P] ont découvert également que les congés étaient motivés par la reprise des terres par le petit-fils de Mme [B] [Z], lequel exploite par l’intermédiaire d’une EARL [Z] au sein de laquelle il est associé avec ses parents, [E] et [V] [Z], ce dernier étant précisément le gérant de la SCEA Martin Pêcheur ; le conflit d’intérêts de M. [Z] est manifeste ;

 

– ils ont découvert que l’un des propriétaires des terres, M. [G] [O], avait donné congé alors qu’étant sous curatelle, son curateur ne l’ayant pas assisté et que ce congé était nul ;

 

– Me [A] a d’ores et déjà déposé six requêtes devant le tribunal paritaire des baux ruraux en relevé de forclusion et afin de reprendre la procédure de contestation des congés qui ont été délivrés ;

 

– M. [Z], en dissimulant l’existence des congés alors qu’il était personnellement intéressé au succès de ces actes, a commis des fautes de gestion constituant une cause légitime de révocation au sens de l’article 1851 du code civil ; par ailleurs, M. [Z] méconnaît la décision entreprise exécutoire de droit en continuant à effectuer des règlements au nom de la SCEA Martin Pêcheur ; l’urgence est constituée par le fait que la SCEA Martin Pêcheur est sur le point de perdre le quart de sa superficie de terres exploitées ; Me [A] a de nouveau saisi le tribunal paritaire des baux ruraux en fondant ses demandes sur l’existence d’une fraude ; le péril imminent est constitué par le risque de perte de ces terres ;

 

Réponse de la cour :

 

L’article 1851 du code civil dispose que le gérant est révocable par les tribunaux pour cause légitime, à la demande de tout associé.

 

C’est par des motifs pertinents que la cour adopte que le premier juge a considéré que la révocation de M. [Z] ne pouvait être prononcée sur le fondement de l’article 834 du code de procédure civile en ce que :

 

– il n’existe plus aucune urgence dès lors que les congés délivrés à la SCEA Martin Pêcheur les 30 juin et 19 juillet 2021 devaient prendre effet au 30 janvier 2023 et que par application des articles L411-54 et R411-11 du code rural et de la pêche maritime, le délai de quatre mois pour les déférer à peine de forclusion devant le tribunal paritaire des baux ruraux est expiré ;

 

– le conflit entre associés qui perdure depuis 2012 ne caractérise pas l’urgence ;

 

– M. et Mme [P] ne démontrent aucune autre situation d’urgence.

 

Par ailleurs, l’urgence s’apprécie à la date à laquelle se prononce la juridiction des référés tant en première instance qu’en appel, et la cour constate que la date d’effet des congés est désormais acquise.

 

Enfin, dès lors que Me [A], ès qualités, a déposé des requêtes en relevé de forclusion et en contestation des congés litigieux, les actes qui, selon M. et Mme [P], devaient être réalisés en urgence l’ont été. Il en résulte que l’urgence à révoquer M. [Z] n’est pas caractérisée.

 

C’est par des motifs pertinents que la cour adopte que le premier juge a considéré que la révocation de M. [Z] ne pouvait être prononcée sur le fondement de l’article 835 du code de procédure civile en ce qu’elle ne constitue ni une mesure conservatoire ni une mesure de remise en état et qu’elle excède les pouvoirs du juge des référés en ce qu’elle suppose l’analyse du fonctionnement de la gérance afin de déterminer l’existence de la cause légitime visée par l’article 1851 du code civil qui ne pouvait être établie que par la preuve d’un comportement fautif imputable à M. [Z] mettant en péril la SCEA Martin Pêcheur.

 

L’ordonnance entreprise sera confirmée en ce qu’elle a dit n’y avoir lieu à référé sur la demande de révocation de Monsieur [V] [Z] de ses fonctions de gérant.

 

Sur la demande de désignation d’un administrateur provisoire formée par M. et Mme [P] :

 

Exposé des moyens :

 

M. [Z] soutient que :

 

– la désignation d’un administrateur provisoire est une mesure exceptionnelle supposant que soit rapportée la preuve de circonstances rendant impossible le fonctionnement de la société et menaçant celle-ci d’un dommage imminent mettant en péril les intérêts sociaux ; ni le refus d’approbation des comptes sociaux depuis des années ni le prétendu blocage sociétaire avancé par M. et Mme [P] n’ont rendu impossible le fonctionnement de la société ;

 

– le premier juge ne pouvait, sans se contredire, refuser de le révoquer et s’appuyer sur les faits qu’il a retenus pour désigner un administrateur provisoire ;

– la condition tenant à l’impossibilité de fonctionnement normal de la société fait défaut ;

 

– à supposer qu’un administrateur provisoire soit désigné, il ne pourrait voter au nom et pour le compte de M. [Z], s’agissant de droits attachés à la qualité d’associé et non de gérant ;

 

– la situation économique dégradée de la SCEA Martin Pêcheur est contestée et ne peut s’apprécier que par rapport aux entreprises agricoles de la même région autour de [Localité 9] ; elle ne peut être imputée à faute à M. [Z] ;

 

– la rémunération de 400 euros par mois versée à M. [Z] résulte des statuts et n’a jamais été modifiée par aucune assemblée générale ; cette argumentation ne pourrait concerner qu’une éventuelle action en abus de majorité qui n’a jamais été exercée par M. et Mme [P] ;

 

– M. et Mme [P] ne démontrent pas en quoi le fait d’avoir réglé des travaux facturés par une entreprise ETA Mesangere ‘ [V] [Z], dont les tarifs sont dans la moyenne, serait fautif ;

 

– M. et Mme [P] ne peuvent à la fois reprocher à M. [Z] de ne pas avoir sollicité le renouvellement de son mandat de gérant et demander sa révocation ; son mandat a été tacitement reconduit ; M. et Mme [P] n’ont jamais sollicité d’être désignés ;

 

– le fait que M. [Z] ait obtenu le 13 avril 2016 le remboursement de son compte courant d’associé à hauteur de 20 000 euros n’est pas fautif ; la SCEA Martin Pêcheur ne s’est jamais trouvée en difficultés économiques à la suite de ce paiement ; au surplus, ce remboursement a correspondu à un apport de trésorerie que M. [Z] avait consenti à la SCEA Martin Pêcheur le 17 décembre 2015 ; par ailleurs, il s’agit là de l’acte d’un associé et non de l’acte d’un gérant ;

  

– Me [A] n’ayant convoqué aucune assemblée générale, ayant agi au nom de la SCEA Martin Pêcheur et ayant pris le parti de M. et Mme [P], il conviendrait de désigner une autre personne si un administrateur devait être désigné ;

 

M. et Mme [P] soutiennent que :

 

– la désignation d’un administrateur provisoire n’est pas soumise à la révocation du gérant ; le fonctionnement anormal de la SCEA est patent eu égard à la mésentente entre associés ; le blocage sociétaire et la perte d’affectio societatis interdisant la poursuite sont manifestes ;

 

– la situation comptable de la SCEA Martin Pêcheur s’est dégradée entre 2012 et 2021 et est passée de positive à négative entre ces deux dates alors que dans le même temps le compte courant d’associé de M. [Z] a augmenté et ne respecte plus la proportion des associés dans le capital ;

 

– aucune assemblée générale ne s’est tenue entre 2012 et 2016 et les comptes ne sont plus approuvés ;

 

– le rendement de la SCEA Martin Pêcheur est inférieur à celui des sociétés similaires ‘uvrant dans le même secteur et M. [Z] n’a jamais expliqué cette anomalie ;

 

– M. [Z] a procédé à des échanges de terres et s’est accordé une rémunération de 4 800 euros par an sans l’accord des associés ;

 

– M. [Z] est le dirigeant de l’ETA [V] [Z] qui effectue des travaux agricoles pour le compte de la SCEA Martin Pêcheur qu’il lui facture à des prix excessifs et qui portent également et de façon injustifiée sur les terres en jachères ;

 

– les factures injustifiées de l’ETA [V] [Z] ont entraîné la cessation des paiements de la SCEA Martin Pêcheur en 2016 et M. [Z] a imputé les factures de son entreprise sur son compte courant d’associé de la SCEA Martin Pêcheur ;

 

– M. [Z] a imputé une facture personnelle de « conseil juridique » sur les comptes de la SCEA Martin Pêcheur ;

 

– le mandat de gérant de M. [Z], d’une durée initiale de 5 ans selon les statuts, n’a jamais été renouvelé ;

 

– M. [Z] a procédé au remboursement de son compte courant d’associé à hauteur de 20 000 euros lors de l’exercice 2016 alors que la trésorerie de la SCEA Martin Pêcheur était obérée ;

 

– M. [Z] a omis de réclamer aux bailleurs qui avaient donné congé l’indemnité de sortie prévue par l’article L411-69 du code rural et de la pêche maritime ;

 

– M. [Z] a reconnu devant Me [A] que l’essentiel des terres ayant fait l’objet d’un congé ne serviraient pas à l’installation de son fils mais à une vente au profit d’un tiers souhaitant aménager un camping et ce en fraude de la SCEA Martin Pêcheur et en méconnaissance des dispositions de l’article L411-59 du code rural et de la pêche maritime faisant obligation au bénéficiaire de la reprise d’exploiter pendant neuf ans au moins;

 

– les agissements de M. [Z] caractérisés par la poursuite de son intérêt personnel au détriment de celui de la SCEA Martin Pêcheur ainsi que les dissensions entre associés depuis des années rendent nécessaires la nomination d’un administrateur ;

 

– il y a urgence à confirmer la désignation de Me [A] afin qu’elle poursuive la procédure de contestation des congés.

 

 Réponse de la cour :

 

La désignation d’un administrateur provisoire est une mesure exceptionnelle supposant que soit rapportée la preuve de circonstances rendant impossible le fonctionnement de la société et menaçant celle-ci d’un dommage imminent mettant en péril les intérêts sociaux. Elle peut être ordonnée dans les conditions des articles 834 et 835 du code de procédure civile.

 

M. [Z] ne produit pas de procès verbaux d’assemblées générales pour la période comprise entre l’année 2012 et l’année 2016. M. et Mme [P] versent aux débats les procès-verbaux des assemblées générales pour les années 2010 à 2012 et 2016 à 2022 dont il apparaît qu’après l’exercice 2012, du fait de l’exact partage des droits de vote entre M. [Z], d’une part et M. et Mme [P], d’autre part, aucune résolution soumise au vote des associés n’a pu être adoptée.

 

La mésentente entre les parties qui durait depuis l’année 2012 et qui a entraîné l’impossibilité de toute décision de l’organe délibérant portant sur le quitus donné à la gérance, sur l’existence de conventions réglementées, sur l’approbation des dépenses, des charges et des comptes ainsi que sur l’affectation des résultats, a été aggravée par l’absence de révélation de M. [Z] à M. et Mme [P] de l’existence des congés portant sur près d’un quart des terres exploitées par la SCEA Martin Pêcheur, de l’action judiciaire diligentée par la SCEA, du désistement de cette dernière et enfin, par le fait que M. et Mme [P] ont appris que, dans les faits, le congé avait été donné en faveur du propre fils de M. [Z] et, plus précisément encore, devait bénéficier à une société dans laquelle étaient associés le fils de M. [Z] mais également ce dernier.

 

Par ailleurs, il est constant que les associés ne se sont plus prononcés sur la désignation d’un gérant à l’expiration de la désignation de M. [Z] pour la durée initiale de cinq ans visé à l’article 15-1 des statuts. Il n’apparaît pas des statuts que le gérant puisse être tacitement reconduit de sorte que M. [Z] ne peut soutenir utilement que son mandat a été tacitement reconduit.

 

Devant le juge des référés, juge de l’évidence, il apparaît de ces faits une situation manifestement anormale caractérisée par une opposition totale entre deux blocs d’associés égalitaires, la non-adoption systématique de décisions en assemblée générale, la méconnaissance des règles statutaires relatives à désignation de la gérance et la perte de confiance à l’égard du gérant qui est directement ou indirectement intéressé à une opération aboutissant à une perte de terres initialement exploitées par la société qu’il dirige.

 

C’est par des motifs pertinents que le premier juge a considéré que ces circonstances rendaient impossible le fonctionnement normal de la SCEA Martin Pêcheur.

 

La perte par une société d’exploitation agricole de 21% des terres qu’elle exploite constitue un dommage imminent mettant en péril ses intérêts sociaux .

 

L’ordonnance entreprise sera confirmée en ce qu’elle a fait droit à la demande de désignation d’un administrateur provisoire de la SCEA Le Martin Pêcheur formée par Madame [D] [Z] et Monsieur [U] [P].

 

Me Leboucher a diligenté des procédures afin de contester les congés délivrés. Le fait que les consorts [P] aient souhaité ces procédures n’est pas suffisant à caractériser une partialité du mandataire, l’ordonnance entreprise sera confirmée en ce qu’elle a désigné en qualité d’administrateur provisoire de la SCEA Le Martin Pêcheur dont le siège social est situé [Adresse 10], Maître [K] [A], SELARL FHB, [Adresse 2].

 

Sur la répartition des frais de l’administrateur provisoire entre les associés :

 

Dès lors que la désignation de l’administrateur est destinée à sauvegarder les intérêts de la SCEA Martin Pêcheur, les frais et honoraires de Me [A] seront à la charge de la SCEA Martin Pêcheur et leur répartition entre associés se fera en proportion de chacun des associés dans la répartition du capital social de la SCEA Martin Pêcheur.

 

L’ordonnance entreprise sera confirmée sur ce point.

Sur les dommages et intérêts réclamés par M. et Mme [P] :

M. et Mme [P] soutiennent que la fin de non-recevoir soulevée par M. [Z] est dilatoire et doit entraîner sa condamnation à des dommages et intérêts ;

Réponse de la cour :

Il résulte des dispositions l’article 123 du code de procédure civile que les fins de non-recevoir peuvent être proposées en tout état de cause, à moins qu’il en soit disposé autrement et sauf la possibilité pour le juge de condamner à des dommages-intérêts ceux qui se seraient abstenus, dans une intention dilatoire, de les soulever plus tôt.

 

M. et Mme [P] ne démontrent pas que c’est dans une intention dilatoire que M. [Z] s’est abstenu de soulever plus tôt l’existence de la clause de conciliation préalable.

Par ailleurs, l’exercice d’une action en justice constitue un droit et ne dégénère en abus pouvant donner naissance à une dette de dommages et intérêts que dans le cas de malice, de mauvaise foi ou d’erreur grossière équipollente au dol. Un tel comportement de la part de l’appelant n’est pas caractérisé, la demande indemnitaire de M. et Mme [P] sera rejetée.

 

Sur l’amende civile :

La demande d’amende civile ne peut être formée par aucune partie dans une instance et ne relève que du pouvoir de la juridiction. Il n’y a pas lieu, en l’espèce, de prononcer une amende civile.

PAR CES MOTIFS

 

La cour statuant par arrêt contradictoire;

Déclare irrecevable l’appel interjeté par la SCEA Martin Pêcheur représentée par M. [Z] ;

Déclare irrecevable la demande de dommages et intérêts présentées par la SCEA Martin Pêcheur représentée par M. [Z] à l’encontre de la SELARL FHB ;

Déclare recevable la constitution de la SELARL FHB prise en la presonne de Me [A] ès qualités d’administrateur provisoire de la SCEA Martin Pêcheur ;

Déclare irrecevables les conclusions des 17 et 21 février 2023 déposées au nom de Me [A] ès qualités d’administrateur provisoire de la SCEA Martin Pêcheur ;

Déclare irrecevable la demande formée par M. et Mme [P] tendant à ordonner que l’assemblée générale délibère, en présence d’un motif de suspicion légitime, sans que les parts de M. [V] [Z] ne soient prises en compte pour le calcul du quorum et de la majorité ;

 

Rejette la fin de non-recevoir soulevé par M. [Z] portant sur l’existence d’une clause de conciliation préalable ;

 

Confirme l’ordonnance de référé du 21 septembre 2022 en toutes ses dispositions ;

 

Y ajoutant :

 

Déboute M. [Z] de sa demande de dommages et intérêts formée contre Me [A] ès qualités ;

 

Déboute M. et Mme [P] de leur demande de dommages et intérêts présentée contre M. [Z] ;

 

Déboute M. et Mme [P] de leurs demandes de dommages et intérêts et d’amende civile pour procédure abusive formées contre M. [Z] ;

 

Condamne M. [Z] aux dépens de la procédure d’appel ;

 

Condamne M. [Z] à payer à M. et Mme [P] la somme unique de 4 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

La greffière, La présidente,

 


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