Conflits entre associés : décision du 14 septembre 2023 Cour d’appel d’Amiens RG n° 22/04049

Conflits entre associés : décision du 14 septembre 2023 Cour d’appel d’Amiens RG n° 22/04049

ARRET

[G]

C/

[N]

[F]

[C]

FLR

COUR D’APPEL D’AMIENS

CHAMBRE ÉCONOMIQUE

ARRET DU 14 SEPTEMBRE 2023

N° RG 22/04049 – N° Portalis DBV4-V-B7G-IRMT

ORDONNANCE DU TRIBUNAL DE COMMERCE DE AMIENS EN DATE DU 10 AOUT 2022

PARTIES EN CAUSE :

APPELANT

Monsieur [Z] [G]

[Adresse 2]

[Localité 6]

Représenté par Me Safia ABDERLKRIM substituant Me Imad TANY de la SELARL DORE-TANY-BENITAH, avocat au barreau d’AMIENS, vestiaire : 26

ET :

INTIMES

Madame [X] [Y] [N] agissant en qualité d’associés et cogérants de la SELARL CENTRE DE TRAITEMENTS DES HAUTES ENERGIES.

[Adresse 4]

[Localité 7]

Monsieur [A] [P] [F] agissant en qualité d’associés et cogérants de la SELARL CENTRE DE TRAITEMENTS DES HAUTES ENERGIES.

[Adresse 3]

[Localité 6]

Monsieur [D] [L] [C] agissant en qualité d’associés et cogérants de la SELARL CENTRE DE TRAITEMENTS DES HAUTES ENERGIES.

[Adresse 1]

[Localité 5]

Représentés par Me Naldi VARELA FERNANDES de la SCP DELARUE VARELA MARRAS, avocat au barreau d’AMIENS, vestiaire : 29

DEBATS :

A l’audience publique du 11 Mai 2023 devant :

Mme Françoise LEROY-RICHARD, Présidente de chambre,

Mme, Cybèle VANNIER Conseillère,

et Mme, Véronique CORNILLE Conseillère,

qui en ont délibéré conformément à la loi, la Présidente a avisé les parties à l’issue des débats que l’arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe le 14 Septembre 2023.

Un rapport a été présenté à l’audience dans les conditions de l’article 785 du Code de procédure civile.

GREFFIER LORS DES DEBATS : Mme Sophie TRENCART, adjointe administrative faisant fonction et assistée de Mr Mickael LEBAS, greffier

PRONONCE :

Le 14 Septembre 2023 par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au 2ème alinéa de l’article 450 du Code de procédure civile ; Mme Françoise LEROY-RICHARD , Présidente de chambre a signé la minute avec Mme Charlotte RODRIGUES, Greffier.

DECISION

Par ordonnance du 21 juin 2022, le Président du tribunal de commerce d’Amiens saisi à la requête de M. [Z] [G] en qualité de co-gérant de la Selarl CTHE (centre de traitements des hautes énergies), a désigné au visa de l’article L.611-3 du code de commerce la Selarl R et D représentée par maître [I] [B] en qualité de mandataire ad’hoc de ladite société.

Par assignation en date du 5 juillet 2022, M. [A] [F], M. [D] [C] et Mme [X] [N] en qualité de co-gérants et associés de la société CTHE ont assigné M. [Z] [G] aux fins de voir ordonner la rétractation de ladite ordonnance.

Par ordonnance de référé du 10 août 2022 le président du tribunal de commerce a renvoyé les parties à se pourvoir, rétracté l’ordonnance et condamné M. [G] à payer à chacun des requérants la somme de 1’000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile et à supporter les dépens.

M. [Z] [G] a interjeté appel de cette décision.

Par conclusions remises le 19 décembre 2022 auxquelles il convient de se reporter pur un exposé détaillé des moyens développés, il demande à la cour de prononcer la nullité de l’ordonnance dont appel et subsidiairement de la réformer.

Statuant à nouveau il demande à la cour de déclarer M. [A] [F], Mme [X] [N] et M. [K] [C] irrecevables en leur demande de rétractation et subsidiairement mal fondés.

En tout état de cause il demande de débouter M. [A] [F], Mme [X] [N] et M. [D] [C] de leurs demandes et de les condamner solidairement à lui payer 5’000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile et à supporter les dépens de première instance et d’appel.

Par conclusions remises le 18 novembre 2022, auxquelles il convient de se reporter pour un exposé détaillé des moyens développés, M. [A] [F], Mme [X] [N] et M. [D] [C] demandent à la cour de déclarer M. [G] recevable mais mal fondé en son appel et en conséquence de le débouter de ses demandes et de confirmer l’ordonnance dont appel.

Y ajoutant ils demandent de condamner M. [G] à leur payer à chacun 2’000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile e à supporter les dépens.

SUR’CE’:

Sur la demande d’annulation de l’ordonnance

L’appelante soutient que l’ordonnance dont appel doit être annulée au motif que le premier juge a commis un excès de pouvoir en considérant qu’il pouvait écarter l’application de l’article L’611-3 du code de commerce. Il ajoute que c’est également à tort que le premier juge a considéré que les demandeurs à la rétractation auraient dû recevoir notification chacune de l’ordonnance désignant un mandataire ad hoc.

Il soutient que les règles du code de procédure civile (article 496 et 497 du code de procédure civile) ne trouvent pas à s’appliquer mais l’article R.661-1 du code de commerce dans la mesure où l’ordonnance a été rendue sur le fondement de l’article L.611-4 du code de commerce et que les demandeurs à la rétractation ne pouvaient contester l’ordonnance que par la voie de la tierce opposition dans les délais ce qu’ils ont été défaillants à faire.

Les intimés soutiennent que l’ordonnance dont appel est régulière et ne peut être annulée dans la mesure où ils étaient bien fondés à en demander la rétractation car M. [G] a agi sans les tenir informés et en demandant la désignation d’un mandataire ad’hoc au visa des articles L.611-3 et 4 du code de commerce inapplicables à l’espèce au regard de la bonne santé financière de la société CTHE, de sorte que les dispositions fondant la demande ont été utilisées de façon dévoyée car elles ne peuvent s’inscrire que dans le cadre de la prévention des difficultés des entreprises.

L’ordonnance dont appel a été signifiée à la société CTHE et M. [A] [F], Mme [X] [N] et M. [D] [C] en ont demandé la rétractation en leur qualité de co-gérants et associés et non en qualité de tiers afin de rétablir le contradictoire de sorte que le juge statuant sur la demande de rétractation, a pu prendre connaissance du conflit existant entre co gérants et associés et n’a pas excédé ses pouvoirs en renvoyant les parties à se pourvoir, étant observé qu’une ordonnance de référé n’a pas autorité de la chose jugée, de sorte que l’application de certaines dispositions n’ont pas pu être écartées définitivement.

Il convient de débouter M. [G] de sa demande de nullité.

Sur la recevabilité de la demande de rétractation

M. [G] soutient que la demande de rétractation est irrecevable pour avoir été présentée devant un juge incompétent et sur le fondement des articles 496 et 497 du code de procédure civile inapplicables à l’espèce.

Les intimés soutiennent que leur demande de rétractation est recevable au motif que l’assignation a été délivrée en référé aux fins de rétractation d’une ordonnance sur requête pour rétablir le contradictoire.

Aux termes de l’article 497 du code de procédure civile, le juge a la faculté de modifier ou de rétracter son ordonnance même si le juge du fond est saisi de l’affaire.

Il est admis que le référé afin de rétractation ne constitue pas une voie de recours mais s’inscrit dans le nécessaire respect du principe du contradictoire qui commande qu’une partie à l’insu de laquelle une mesure urgente a été ordonnée puisse disposer d’un recours approprié contre la décision qui lui fait grief. L’article 497 du code de procédure civile n’exige pas que le juge de la rétractation soit la même personne physique que celle qui a ordonné la mesure critiquée.

En l’espèce, il résulte de l’assignation que trois des associés co-gérants de la société CTHE ont assigné M. [G] pris en ses mêmes qualités par acte intitulé ainsi’: «’assignation en référé devant le tribunal de commerce d’Amiens aux fins de rétractation d’une ordonnance rendue sur requête’».

Il est admis qu’il importe peu l’intitulé de l’assignation dans la mesure où le juge qui a statué l’a fait en exerçant les pouvoirs du juge des référés conférés par l’article 496 alinéa 2 du code de procédure civile.

En l’espèce il est établi que le juge qui a statué l’a fait en application des articles 496 alinéa 2 et 497 du code de procédure civile, en référé pour rétablir le principe de contradictoire suite à une ordonnance rendue sur requête et il importe peu qu’il ne soit pas celui qui a rendu l’ordonnance sur requête dès lors qu’il remplit les mêmes fonctions.

Comme déjà rappelé la voie de la tierce opposition prévue par l’article R 661-2 du code de commerce n’était pas applicable à l’espèce à défaut pour les opposants d’être des tiers de la société CTHE dans la mesure où ils en sont co-gérants et associés rappelant que classiquement la tierce opposition des décisions rendues en matière de difficulté des entreprises sont ouvertes à des tiers tels que les créanciers afin de préserver leurs droits dans leur relation à l’égard du débiteur, que tel n’est pas le cas en l’espèce les parties demanderesses à la rétractation étant toutes associées et gérantes de la société.

Contrairement à ce que soutient l’appelante il ne s’agit pas d’une action de la société CTHE contre la société CTHE mais d’une action d’une partie des associés co-gérants habiles à représenter la société CTHE contre un associé co-gérant habile à représenter la même société. Cette action caractérise un conflit entre associés co-gérants sur le sort de la personne morale et sur le diagnostic de sa pérennité dont ils détiennent tous des parts et qu’ils sont tous en capacité de représenter à l’égard des tiers.

La demande de rétractation est en conséquence recevable.

Sur le bien-fondé de la demande de rétractation

In limine litis les demandeurs à la rétractation ont envoyé avant l’audience de première instance un courrier au président du tribunal afin de soulever son incompétence en raison de la nature de leur activité.

A supposer que l’article L.611-3 du code de commerce trouve à s’appliquer au profit de la Selarl CTHE ce qui n’est pas démontré dans la mesure où dans sa requête M. [G] fait principalement état d’un conflit entre associé et étant observé que cette question doit faire l’objet d’un débat contradictoire compte tenu du conflit aigü non contredit, il ressort de cet article que le tribunal compétent est le tribunal de commerce si le débiteur est une société commerciale ou artisanale et le tribunal judiciaire dans les autres cas.

La société CTHE étant une société d’exercice libéral de sorte que le tribunal de commerce et partant son président n’était pas compétent pour statuer sur la requête ayant abouti à l’ordonnance frappée de rétractation.

Par ailleurs l’article 19 des statuts de la société convient que la volonté des associés s’exprime par des décisions collectives de sorte que M. [G] ne pouvait déposer une requête seul sans avoir au préalable au moins tenter d’obtenir une décision collective.

Partant, sans qu’il soit nécessaire de statuer sur le bien-fondé de l’ordonnance sur requête, la rétractation de cette dernière s’impose comme prise par un juge incompétent matériellement et c’est à juste titre que le juge saisi de la demande de rétractation a renvoyé les parties à mieux se pourvoir.

Sur les demandes accessoires

L’appelant succombant en majorité supporte les dépens d’appel et est condamné à payer à M. [A] [F], Mme [X] [N] et M. [K] [C] chacun la somme de 1’000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour statuant par ordonnance contradictoire rendue par mise à disposition au greffe’;

Déboute M. [G] de sa demande d’annulation de l’ordonnance du 10 août 2022′;

Confirme l’ordonnance’;

Y ajoutant’;

Condamne M. [Z] [G] à payer à M. [A] [F], Mme [X] [N] et M. [K] [C] chacun la somme de 1’000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile’;

Condamne M. [Z] [G] aux dépens d’appel.

Le Greffier, La Présidente,

 


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