Conflits entre associés : décision du 23 novembre 2023 Cour d’appel de Paris RG n° 23/05615

Conflits entre associés : décision du 23 novembre 2023 Cour d’appel de Paris RG n° 23/05615

Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 1 – Chambre 2

ARRÊT DU 23 NOVEMBRE 2023

(n° , 8 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 23/05615 – N° Portalis 35L7-V-B7H-CHLDW

Décision déférée à la Cour : Ordonnance du 14 Février 2023 -Tribunal de Commerce de BOBIGNY – RG n° 2022R00423

APPELANTS

M. [N] [U]

[Adresse 5]

[Localité 8]

S.A.S. M&KZN HOLDING, RCS de bobigny sous le n°789 311 040, prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

[Adresse 5]

[Localité 8]

Représentés par Me Sandra OHANA de l’AARPI OHANA ZERHAT CABINET D’AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, toque : C1050

Assistés à l’audience par Me Lauriane CENEDESE, avocat au barreau de PARIS, toque : R009

INTIMES

Mme [X] [R]

[Adresse 2]

[Localité 9]

Défaillant, déclaration d’appel signifiée le 12.04.2023 à tiers présent

M. [A] [I]

[Adresse 4]

[Localité 11]

Défaillant, déclaration d’appel signifiée le 12.04.2023 à étude

M. [V] [T]

[Adresse 3]

[Localité 10]

Défaillant, déclaration d’appel signifiée le 12.04.2023 à étude

S.A.S. EURODIALYSE, RCS de Paris sous le n°807 942 842, représentée par son administrateur provisoire Maître [E] [Z]

[Adresse 1]

[Localité 7]

Représentée par Me Jérôme HOCQUARD de la SELARL ELOCA, avocat au barreau de PARIS, toque : P0087

Assistée à l’audience par Me Elisabeth CABAUD-REMY, avocat au barreau de PARIS, toque : P0087

COMPOSITION DE LA COUR :

L’affaire a été débattue le 19 Octobre 2023 en audience publique, devant Marie-Hélène MASSERON, Présidente de chambre et Laurent NAJEM, Conseiller, conformément aux articles 804, 805 et 905 du CPC, les avocats ne s’y étant pas opposés.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Marie-Hélène MASSERON, Présidente de chambre,

Michèle CHOPIN, Conseillère,

Laurent NAJEM, Conseiller,

Qui en ont délibéré, un rapport a été présenté à l’audience par Marie-Hélène MASSERON, Présidente de chambre, dans les conditions prévues par l’article 804 du code de procédure civile.

Greffier, lors des débats : Saveria MAUREL

ARRÊT :

– PAR DÉFAUT

– rendu publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

– signé par Marie-Hélène MASSERON, Présidente de chambre et par Saveria MAUREL, Greffière, présente lors de la mise à disposition.

*****

EXPOSE DU LITIGE

La société Eurodialyse, immatriculée en 2014, exploite un centre de dialyse situé [Adresse 6] à [Localité 12]. Son activité réglementée est soumise à l’autorisation de l’agence régionale de la santé (l’ARS).

Cette société a commencé son activité en 2018. Elle a pour associés M. [U], la société M&KZN Holding (gérée par M. [U]), Mme [R], M. [I] et M. [T].

Elle a été dirigée par M. [U], son président désigné en 2014 pour une durée de trois ans, mais un conflit entre les associés a rendu impossible la désignation d’un nouveau dirigeant au terme du mandat de M. [U].

Par ordonnance du 11 janvier 2022, à la demande de ce dernier, le président du tribunal de commerce de Bobigny a désigné un administrateur judiciaire en la personne de Me [J], afin de convoquer une assemblée générale des associés pour désigner un nouveau président et les autres organes de direction. A l’issue de l’assemblée générale du 25 février 2022, aucun président n’a été désigné faute pour les candidats d’avoir obtenu la majorité des deux tiers requise par les statuts, de sorte que la société est demeurée sans organe de direction. Après deux autres assemblées convoquées les 12 septembre et 15 décembre 2022, la société n’est toujours pas pourvue d’organes de direction.

Le 14 janvier 2022, Mme [R] et M. [I] ont assigné la société Eurodialyse et M. [U] aux fins de voir nommer un administrateur provisoire à la société. Par ordonnance de référé du 28 février 2022 le tribunal de commerce de Bobigny a :

– d’une part, ordonné une expertise comptable confiée à M. [W], avec pour mission notamment de « rechercher toutes anomalies comptables et notamment ce qui concerne les sous-traitants, les créances clients, les règlements des fournisseurs et l’existence d’éventuels détournements au profit de tel ou tel associé ou dirigeant », son rapport devant être déposé avant le 31 juillet 2022 ;

– d’autre part, désigné Me [G] [S] en qualité d’administrateur judiciaire pour administrer provisoirement la société jusqu’au dépôt du rapport de l’expert-comptable.

Par requête en date du 23 mars 2022, Me [S] a sollicité son remplacement en raison de la défiance manifestée à son égard par les associés l’ayant fait désigner. Par ordonnance du 24 mars 2022, Me [Z] a été désigné à la place de Me [S] « pour une durée de trois mois, qui pourra, en cas de besoin justifié, être prorogée par ordonnance rendue sur simple requête de l’administrateur ».

Par trois ordonnances successives en date des 23 juin, 19 septembre et 22 décembre 2022 le président du tribunal de commerce de Bobigny a prorogé la mission de Me [Z]. Par son ordonnance du 19 septembre 2022, il a prorogé la mission de l’administrateur provisoire jusqu’au 24 décembre 2022 et l’a aussi autorisé à faire signer par la société Eurodialyse un mandat de gestion de son centre de dialyse avec la société La Dialoise.

Par acte du 25 octobre 2022, M. [U] et la société M&KZN Holding ont assigné M. [T], M. [I], Mme [R] et la société Eurodialyse représentée par son administrateur provisoire la SCP [E] [Z] devant le juge des référés du tribunal de commerce de Bobigny, aux fins de voir, sur le fondement des articles 496 et 497 du code de procédure civile :

A titre principal,

rétracter l’ordonnance (minute 2022017350) rendue le 19 septembre 2022 par le président du tribunal judiciaire de Bobigny,

rejeter la demande de prolongation de la mission de Me [Z],

rejeter la demande de Me [Z] de se voir autoriser à signer tout mandat de gestion avec la Dialoise,

annuler le mandat de gestion signé par Me [Z] avec la Dialoise le 22 septembre 2022,

A titre subsidiaire,

modifier l’ordonnance (minute 2022017350) rendue le 19 septembre 2022 par le président du tribunal judiciaire de Bobigny,

accepter la demande de prolongation de la mission de Me [Z], mais ce uniquement jusqu’à la date de dépôt du rapport définitif de M. [W], et au plus tard jusqu’au 24 décembre 2022,

rejeter la demande de Me [Z] de se voir autoriser à signer tout mandat de gestion avec la Dialoise,

annuler le mandat de gestion signé par Me [Z] avec la Dialoise le 22 septembre 2022,

enjoindre Me [Z] à organiser sous 8 jours la tenue de l’assemblée générale ordinaire des comptes clos au 31 décembre 2021,

En tout état de cause,

condamner les défendeurs aux entiers dépens,

ordonner, vu l’urgence, l’exécution provisoire de l’ordonnance sur minute.

Par ordonnance réputée contradictoire du 14 février 2023, le juge des référés du tribunal de commerce de Bobigny, a :

– rejeté la demande de rétractation de l’ordonnance du président près le tribunal judiciaire de Bobigny en date du 19 septembre 2022 (minute 2022017350) ;

– débouté les parties de leurs autres demandes ;

– débouté les parties de toutes leurs prétentions incompatibles avec la motivation ci-dessus retenue ou le présent dispositif ;

– laissé les dépens à la charge de M. [U] et de la société M&KZN Holding ;

– liquidé les dépens à recouvrer par le greffe à la somme de 109,94 euros TTC (dont 18,32 euros de TVA).

Par déclaration du 21 mars 2023, M. [U] et la société M&KZN Holding ont interjeté appel de cette décision.

Dans leurs dernières conclusions remises et notifiées le 3 mai 2023, ils demandent à la cour, au visa des articles 496, 497 et 875 du code de procédure civile, de :

– infirmer l’ordonnance du 14 février 2023 en ce qu’elle a rejeté la demande de rétractation, formée par M. [U] et la société M&KZN Holding, à l’encontre de l’ordonnance du président du tribunal de commerce de Bobigny en date du 19 septembre 2022 (minute 2022017350) ;

– infirmer l’ordonnance de référé du 14 février 2023 en ce qu’elle les a déboutés de leurs autres demandes ;

– infirmer l’ordonnance de référé du 14 février 2023 en ce qu’elle les a déboutés de toutes leurs prétentions jugées incompatibles avec la motivation retenue ou le dispositif de la dite ordonnance du 14 février 2023 ;

– infirmer l’ordonnance de référé du 14 février 2023 en ce qu’elle a laissé les dépens à leur charge ;

Statuant à nouveau,

A titre principal,

– rétracter l’ordonnance (minute 2022O17350) rendue le 19 septembre 2022 par le président du le tribunal de commerce de Bobigny ;

– rejeter la demande de prolongation de la mission de Me [Z] ;

– rejeter la demande de Me [Z] de se voir autoriser à signer tout mandat de gestion avec la Dialoise ;

– annuler le mandat de gestion signé par Me [Z] avec la Dialoise le 22 septembre 2022 ;

A titre subsidiaire,

– modifier l’ordonnance (minute 2022O17350) rendue le 19 septembre 2022 par le président du tribunal de commerce Bobigny ;

– accepter la demande de prolongation de la mission de Me [Z], mais ce uniquement jusqu’à la date de dépôt du rapport définitif à intervenir de M. [W] et au plus tard le 31 juillet 2023 ;

– rejeter la demande de Me [Z] de se voir autoriser à signer tout mandat de gestion avec la Dialoise ;

– annuler le mandat de gestion signé par Me [Z] avec le Dialoise le 22 septembre 2022 ;

En tout état de cause,

– condamner les défendeurs aux entiers dépens.

Les appelants sollicitent la rétractation de l’ordonnance rendue le 19 septembre 2022 par le président du tribunal de commerce de Bobigny en ce qu’il a prolongé la mission de l’administrateur provisoire, Me [Z], mais surtout en qu’il a autorisé, sur demande de l’administrateur, la signature d’un mandat de gestion entre la société Eurodialyse et la société La Dialoise (mandat dont ils sollicitent l’annulation par voie de conséquence), aux motifs suivants :

– l’ordonnance a été rendue non contradictoirement, sans justifier des circonstances nécessitant de déroger au principe du contradictoire ;

– la désignation par Me [Z] de M. [L] en qualité de manager au sein d’Eurodialyse pour assurer la gestion opérationnelle du centre était parfaitement suffisante et la désignation au bout de six mois d’un mandataire de gestion après refus de l’assemblée générale des associés, qui plus est concurrent d’Eurodialyse et candidat à sa reprise, ne s’imposait pas, ni au titre du fonctionnement du centre ni au titre des points relevés par l’ARS, les difficultés pointées par cette dernière ayant toujours relevé du docteur [R] dont le contrat d’exercice a été rompu (tardivement) par l’administrateur ;

– les clauses du mandat de gestion confié à La Dialoise sont contraires aux statuts en ce que le mandat est d’une durée de deux ans alors que la fin de mission de Me [Z] est uniquement conditionnée au dépôt (imminent) du rapport d’expertise judiciaire de M. [W], et ce mandat comprend une clause de promesse de cession d’actifs ou d’éléments du fonds professionnel au profit du mandataire La Dialoise, cette cession remettant gravement en cause l’intérêt social et les droits des actionnaires ;

– l’accord de l’ARS à la désignation d’un mandataire de gestion est totalement inopérant, l’Agence Régionale de Santé n’étant pas compétente pour s’immiscer dans la gouvernance d’une société privée ;

– de nombreux éléments du dossier viennent démontrer l’existence d’un doute légitime sur l’impartialité de l’administrateur provisoire à l’égard de M. [U] et de la société M&KZN Holding : Me [Z] a engagé à leur encontre une procédure de saisie-conservatoire aux côtés des associés minoritaires ; il n’a jamais répondu à M. [U] sur l’échéancier spontanément proposé par celui-ci pour apurer la somme due au titre de son compte courant, qu’il rembourse scrupuleusement ; il refuse de distribuer les dividendes pourtant votés en assemblée générale du 15 décembre 2022, sans aucune raison valable ; il refuse de communiquer à M. [U] les éléments par lui réclamés de longue date, notamment l’enquête sociale menée en 2022 et la copie de la rupture du contrat d’exercice du docteur [R], en violation du droit à l’information des actionnaires de l’entreprise ; il n’a toujours pas déposé les comptes d’Eurodialyse 2020 et 2021; il refuse d’agir en recouvrement de la redevance due par le docteur [R] sans aucune raison valable.

Dans ses dernières conclusions remises et notifiées le 2 juin 2023, la société Eurodialyse demande à la cour, de :

– confirmer en tout point l’ordonnance du 14 février 2023 rejetant la demande de rétractation de l’ordonnance du 19 septembre 2022 portant le numéro 2022017350 ;

– débouter les requérants de l’intégralité de leurs plus amples demandes ;

En tout état de cause,

– condamner les requérants aux entiers dépens ;

– les condamner à lui verser 5.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Elle fait valoir :

– que la société Eurodialyse n’a toujours pas de gouvernance, le conflit entre associés perdurant ;

– que l’ARS a menacé de fermeture le centre de dialyse en raison de graves manquements imputables à la gestion antérieure à l’administration provisoire ;

– que les associés n’étant pas parvenus à se positionner sur une solution commune permettant le rétablissement d’une activité pérenne d’Eurodialyse, Me [Z] ne disposant pas de compétences techniques et médicales nécessaires à une gestion du centre de dialyse pouvant satisfaire aux exigences de l’ARS, il a dû rechercher un professionnel du secteur capable de gérer une telle situation et il s’est avéré que seule la société La Dialoise, société de dialyse adossée au groupe L’Echo, a manifesté son intérêt ;

– que Me [Z] a convoqué les actionnaires à une assemblée générale du 12 septembre 2022 pour lui soumettre son projet de mandat de gestion, qui était transmis à la convocation, et l’assemblée générale ayant refusé ce projet l’administrateur a dû saisir le président du tribunal de commerce de Bobigny d’une requête aux fins d’autoriser la signature du mandat de gestion, l’ordonnance ayant été rendue contradictoirement puisque la requête a été adressée aux associés qui ont transmis leurs observations à la juridiction qui les a visées dans sa décision ;

– que la demande de prolongation de sa mission et la désignation d’un mandataire de gestion étaient ainsi justifiées par la persistance de la carence de gouvernance de la société Eurodialyse et la nécessité de poursuivre et sécuriser le suivi de la mise en conformité du centre compte tenu des exigences de l’ARS, les actions du manager de transition en place ayant seulement permis de lever les injonctions de l’ARS et le risque de fermeture du centre ;

– que la signature du mandat de gestion est conforme à l’intérêt social d’Eurodialyse dans la mesure où elle permet de satisfaire aux exigences de l’ARS en régularisant dans un laps de temps réduit la situation réglementaire de la société permettant ainsi la poursuite de son activité ;

– que le mandat ayant été signé au nom de la société Eurodialyse, il est inexact de faire valoir qu’au-delà de la durée de la mission de Me [Z] le mandataire n’aura plus de mandant ; la société restera bien le mandant de La Dialoise et les nouveaux organes de direction décideront de son sort ;

– que la clause de péremption figurant dans le mandat de gestion, exigée par le seul mandataire, ne serait appliquée que dans l’hypothèse d’une cession de fonds de commerce (et non des titres de capital sur lesquels Me [Z] n’a aucun pouvoir) ; or aucune cession n’est envisagée aujourd’hui, Me [Z] n’ayant pas le pouvoir d’engager ce processus ;

– que la cour est incompétente pour connaître, dans le cadre de l’action en référé- rétractation, des prétendus manquements de Me [Z] dans l’exécution de sa mission, alors au surplus que l’administrateur n’a pas été attrait personnellement à la procédure ;

– que Me [Z] entend toutefois y répondre en indiquant que l’action qu’il a engagée à l’encontre des associés M. [U] et la société MK&ZN tend à obtenir le remboursement de leur compte courant débiteur de 314K€, une mesure conservatoire ayant dû été diligentée pour garantir le recouvrement de cette créance ; que de leur côté les docteurs [R] et [I], associés à 49%, ont fait délivrer une assignation devant le tribunal de commerce de Bobigny aux fins de voir annuler les assemblées générales des 30 juin 2019, 30 juin 2020 et 30 décembre 2022 ; qu’il ne peut y avoir de distribution de dividendes tant que l’expert comptable n’a pas déposé son rapport ; que nombre de documents et informations ont été remis aux appelants à de nombreuses reprises.

Pour un plus ample exposé des moyens des parties, il est renvoyé à leurs conclusions susvisées conformément à l’article 455 du code de procédure civile.

Mme [R], M. [I] et M. [T] n’ont pas constitué avocat.

SUR CE, LA COUR

Selon l’article 493 du code de procédure civile, l’ordonnance sur requête est une décision provisoire rendue non contradictoirement dans les cas où le requérant est fondé à ne pas appeler la partie adverse.

Il résulte de l’article 496 du même code que s’il est fait droit à la requête, tout intéressé peut en référer au juge qui a rendu l’ordonnance.

L’article 497 prévoit que le juge a la faculté de modifier ou de rétracter son ordonnance, même si le juge du fond est saisi de l’affaire.

Le juge saisi d’une demande de rétractation d’une ordonnance sur requête est investi des attributions du juge qui l’a rendue et doit, après débat contradictoire, statuer sur les mérites de la requête.

Saisi de la demande de nullité des mesures d’instruction exécutées sur le fondement de l’ordonnance sur requête dont il prononce la rétractation, le juge doit constater la perte de fondement juridique de ces mesures et la nullité qui en découle.

L’instance en rétractation a pour seul objet de soumettre à un débat contradictoire les mesures initialement ordonnées à l’initiative d’une partie en l’absence de son adversaire, de sorte que la saisine du juge de la rétractation se trouve limitée à cet objet.

Il en résulte, au cas particulier, que la présente juridiction ne peut connaître que des mesures qui ont été autorisées par l’ordonnance critiquée du 19 septembre 2022, à savoir, d’une part la prolongation de la mission de l’administrateur provisoire, d’autre part l’autorisation qui lui a été donnée de faire signer par la société Eurodialyse un mandat de gestion avec un tiers, la société La Dialoise ; elle n’a pas le pouvoir de se prononcer sur les manquements de l’administrateur provisoire dont se plaignent les appelants, qui relèvent d’une action en responsabilité à l’encontre de Me [Z] personnellement.

Sur ce, il convient d’abord de rappeler que c’est à l’issue d’un débat contradictoire que Me [S] a été désignée par ordonnance de référé rendue le 28 février 2022 par le tribunal de commerce de Bobigny pour administrer la société Eurodialyse avec les pouvoirs les plus étendus et cela jusqu’au dépôt du rapport de l’expert comptable parallèlement désigné ; que dans son ordonnance du 24 mars 2022 par laquelle il procède au remplacement de Me [S] par Me [Z], le président du tribunal de commerce de Bobigny a prévu que la mission de l’administrateur provisoire, d’une durée initiale de trois mois, pourra être prorogée sur simple requête de l’administrateur en cas de nécessité justifiée.

Ensuite, il n’est pas contesté que comme le soutient Me [Z], chacune de ses requêtes en prolongation de sa mission a été préalablement transmise aux associés de la société administrée, lesquels en ont ainsi été informés et ont pu faire valoir leurs observations avant que le président du tribunal de commerce de Bobigny ne statue.

S’agissant précisément de l’ordonnance critiquée du 19 septembre 2022, il résulte des termes de la requête que celle-ci a été précédée d’une convocation par Me [Z] des associés de la société Eurodialyse à une assemblée générale du 12 septembre 2022 ayant pour objet de leur soumettre son projet de mandat de gestion, qui n’a toutefois pas reçu un vote favorable de la majorité des associés, en sorte que Me [Z] a dû recourir à la voie judiciaire et présenter sa requête au président du tribunal de commerce de Bobigny. Avant d’adresser cette requête à la juridiction, l’administrateur l’a soumise aux associés d’Eurodialyse et par mail du 15 septembre 2022, le conseil de M. [U] a présenté ses observations en réponse, lesquelles ont été transmises par Me [Z] au président du tribunal de commerce de Bobigny qui les a visées dans son ordonnance, ayant ainsi rendu sa décision après les avoir examinées.

Il en résulte que l’ordonnance critiquée du 19 septembre 2022 a bien été rendue contradictoirement, ce premier moyen de rétractation n’étant pas fondé.

S’agissant de la mesure de mandat de gestion requise et obtenue par Me [Z], elle apparaît justifiée au regard des éléments suivants :

– les associés d’Eurodialyse ne sont pas parvenus à ce jour à surmonter leur mésentente ni à désigner un président et des organes de direction pour administrer le centre de dialyse exploité par la société, de sorte que l’intervention d’un tiers reste nécessaire pour assurer cette gestion;

– le fonctionnement d’un centre de dialyse étant soumis à des exigences réglementaires contrôlées par l’Agence Régionale de Santé, seul un professionnel dans ce domaine est à même d’assurer et de garantir de manière pérenne le fonctionnement du centre conformément à la réglementation applicable ;

– si la gestion de Me [Z] et du manager de transition M. [L] a permis d’éviter la fermeture du centre en opérant un redressement effectif dans son organisation et son fonctionnement comme le souligne l’ARS dans sa lettre recommandée du 30 septembre 2022, cet organisme relève encore à cette date la persistance de manquements devant être corrigés, notifiant à l’administrateur huit prescriptions et trois recommandations dont la liste est annexée à son courrier ;

– aussi, la désignation pendant une durée de deux ans d’un mandataire de gestion possédant les compétences requises pour gérer un centre de dialyse est conforme à l’intérêt de la société, et il n’est pas discuté que la société La Dialoise était la seule candidate pour assurer ce mandat provisoire et qu’elle possède bien les compétences nécessaires ;

– le fait qu’elle soit un repreneur potentiel du fonds professionnel de la société Eurodialyse, ayant fait insérer au mandat de gestion une clause lui conférant un droit de préemption en cas de cession d’actifs ou d’éléments du fonds professionnel, n’apparaît pas contraire à l’intérêt de la société et des associés dès lors que comme le souligne Me [Z], il n’entre pas dans la mission de l’administrateur d’engager une telle mesure de cession du fonds, laquelle au surplus n’emporte pas cession des titres du capital de la société, sur lesquels Me [Z] n’a aucun pouvoir ;

– enfin, le défaut de concordance entre la durée de la mission du mandat de gestion (deux ans) et celle de Me [Z] (jusqu’au dépôt du rapport de l’expert comptable) est sans effet sur la régularité et l’exécution du mandat de gestion, le mandat étant conclu par la société Eurodialyse et non par l’administrateur provisoire si bien qu’au terme de la mission de l’administrateur la société Eurodialyse demeurera le mandant de la société La Dialoise.

Il n’y a donc pas lieu à rétractation de l’ordonnance du 19 septembre 2022, le mandat de gestion provisoire qu’elle autorise étant conforme à l’intérêt de la société Eurodialyse, la prolongation de la mission de Me [Z] jusqu’au 24 décembre 2022 étant quant à elle justifiée par l’absence de dépôt à cette date du rapport de l’expert-comptable, l’administrateur provisoire ayant été désigné jusqu’au dépôt de ce rapport et les manquements allégués à sa mission ne relevant pas du pouvoir d’appréciation du juge de la rétractation comme déjà indiqué.

L’ordonnance entreprise sera confirmée en toutes ses dispositions.

Perdant en appel, M. [U] et la société M&KZN Holding seront condamnés in solidum aux dépens de l’instance d’appel et à payer à la société Eurodialyse la somme de 5.000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

Confirme en toutes ses dispositions l’ordonnance entreprise,

Y ajoutant,

Condamne in solidum M. [U] et la société M&KZN Holding aux entiers dépens de la présente instance et à payer à la société Eurodialyse la somme de 5.000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile.

LA GREFFIERE LA PRESIDENTE

 


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