Augmentation de capital : décision du 8 février 2024 Cour d’appel de Paris RG n° 22/13627
Augmentation de capital : décision du 8 février 2024 Cour d’appel de Paris RG n° 22/13627
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REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 5 – Chambre 9

ARRET DU 8 FEVRIER 2024

(n° , 11 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : 22/13627 – N° Portalis 35L7-V-B7G-CGGPI

Jonction avec le n° RG 22/16240.

Décisions déférées à la Cour :

Jugement du 01 Février 2022 -Tribunal de Commerce de PARIS – 5ème chambre – RG n° 2019002462

Jugement du 05 Juillet 2022 -Tribunal de Commerce de PARIS – 5ème chambre – RG n° 2019002462

APPELANTE

S.E.L.A.R.L. AXYME ès qualités de liquidateur judiciaire de la SAS GROUPE PHINEO

Agissant en la personne de Maître [X] [J], Mandataire Judiciaire,

Immatriculée au Registre du Commerce et des Sociétés de PARIS sous le numéro 830 793 972

[Adresse 9]

[Localité 11]

Représentée par Me Frédérique ETEVENARD, avocat au barreau de PARIS, toque : K0065

Assistée de Me Edouard TRICAUD de l’AARPI SAINT-LOUIS AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, toque K79

INTIMES

Monsieur [P] [C]

Né le [Date naissance 4] 1976 à [Localité 13] (ALGÉRIE)

De nationalité française

Demeurant [Adresse 6]

[Localité 3] (BELGIQUE)

Représenté par Me Audrey SCHWAB de la SELARL 2H Avocats à la cour, avocat au barreau de PARIS, toque : L0056

Assisté de Me François GAILLARD, avocat au barreau de PARIS, toque : E0898

Monsieur [W] [T]

Né le [Date naissance 5] 1976 à [Localité 15] (72)

De nationalité française

Demeurant [Adresse 7]

[Localité 3] (BELGIQUE)

N’ayant pas constitué avocat

Monsieur [G] [Y]

Né le [Date naissance 1] 1965 à [Localité 16] (51)

De nationalité française

Demeurant [Adresse 10]

[Localité 14] (LUXEMBOURG)

Représenté et assisté de Me Yves SEXER de la SELEURL CABINET YVES SEXER, avocat au barreau de PARIS, toque : B0203

LE PROCUREUR GENERAL PRÈS LA COUR D’APPEL DE PARIS

SERVICE FINANCIER ET COMMERCIAL

[Adresse 8]

[Localité 12]

COMPOSITION DE LA COUR :

L’affaire a été débattue le 19 Octobre 2023, en audience publique, devant la Cour composée de :

Mme Sophie MOLLAT, Présidente de chambre,

Mme Isabelle ROHART, Conseillère,

Mme Alexandra PELIER-TETREAU, Conseillère

qui en ont délibéré.

Un rapport a été présenté à l’audience par Mme Alexandra PELIER-TETREAU, Conseillère, dans les conditions prévues par l’article 804 du code de procédure civile.

Greffier, lors des débats : Mme Karine ABELKALON.

EN PRÉSENCE DU MINISTÈRE PUBLIC, auquel l’affaire a été communiquée, représenté lors des débats par François VAISSETTE, avocat général, qui a fait connaître son avis,

ARRET :

rendu par défaut,

par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

signé par Mme Sophie MOLLAT, Présidente de chambre et par Mme Saoussen HAKIRI, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

Exposé des faits et de la procédure

La SAS Phineo est une société de services en ingénierie informatique créée en 2007 par Monsieur [W] [T] et Monsieur [E] [S].

Depuis le 19.01.2010, son capital social était détenu à hauteur de 97,60 % par la société de droit luxembourgeois Futur Technologies.

La société Futur Technologie était elle-même détenue, depuis le 5.12.2013, à parts égales par deux sociétés, la SARL Tesli et la société Blue Equity, dont les dirigeants sont respectivement Monsieur [P] [C] et Monsieur [G] [Y].

Monsieur [W] [T], co-fondateur et Président de la SAS Phineo depuis 2007, détenait le reste du capital social (2,40 %) conjointement avec son épouse, à travers leur société Vicap Conseil.

Le 06.12.2013, la holding SAS Groupe Phineo a été constituée par Vicap Conseil et Futur Technologies dans le cadre d’une opération de croissance externe.

Cette dernière a consisté en la souscription, le 13.12.2013, par la SAS Groupe Phineo auprès d’un pool bancaire d’un contrat de prêt de 7. 800.000 euros, dont l’échéance finale était fixée au 15.07.2018 étant précisé que Messieurs [C] et [Y] se sont portés cautions solidaires de ce prêt à hauteur de 2 000 000 euros et pour une durée de 6 ans.

Puis par protocole d’acquisition en date du 13.12.2013, la SAS Groupe Phineo s’est engagée à acquérir 372 actions des 1000 actions de la SAS Phineo détenues par les sociétés Futur Technologies et Vicap Conseil moyennant la somme de 7 440 000 euros financée par l’emprunt souscrit. Cet accord prévoyait également l’apport de 628 actions de la SAS Phineo à la SAS Groupe Phineo, par les sociétés Futur Technologies et Vicap Conseil dans le cadre d’une augmentation de capital de 12 560 000 euros.

M. [T] a été désigné président de la SAS Groupe Phineo.

Du 3.07.2012 au 16.12.2013 la Direction Générale des Finances Publiques a procédé à un contrôle fiscal de la SAS Phineo au titre des années 2009 à 2011, aboutissant pour l’année 2009 à une proposition de rectification en date du 21.12.2012 et pour les années 2010 et 2011 à une proposition de rectification en date du 23.12.2013 de 6.125.443 euros.

Le 27.05.2014, l’Administration fiscale a procédé à des saisies conservatoires sur les comptes de la SAS Phinéo à hauteur de 6 763 516 euros.

Une transaction a été finalement conclue le 12.12.2014 entre la SAS Phineo et l’Administration fiscale pour un montant de 2 070 541 euros.

Les banques composant le pool bancaire au regard de l’existence du litige fiscal et estimant que la SAS Groupe Phineo n’exécutait pas ses engagements contractuels (absence de communication de budget, de situation semestrielle et d’attestation de commissaire aux comptes), ont prononcé le 23.01.2015 l’exigibilité du prêt consenti le 13.12. 2013 et ont réclamé à la société Groupe Phinéo le règlement de la somme de 6.279.225,86 euros au titre du prêt par lettre recommandée avec avis de réception du 12.03.2015.

Les sociétés Phineo et Groupe Phineo ont chacune régularisé une déclaration de cessation des paiements le 1er septembre 2015, motivées selon leur Président M. [T] par la perte de clients importants (Bouygues Telecom et SFR), affectant l’activité de la SAS Phinéo et empêchant la holding, la SAS Groupe Phinéo, de percevoir les dividendes nécessaires au remboursement des échéances du prêt.

La date de cessation des paiements a été fixée, s’agissant de la SAS Phineo, au 17.03.2015, correspondant à la première inscription de privilège.

La date de cessation des paiements de la société Groupe Phineo a quant à elle été fixée au 1.09.2015.

La SELARL Axyme, prise en la personne de Maître [X] [J], a été désignée en qualité de liquidateur judiciaire de la société Groupe Phineo.

Le résultat du premier exercice de la société Groupe Phineo au 31.12.2014 sur 14 mois est un résultat négatif de 863 758 euros.

Le dernier état du passif de la société Groupe Phineo s’établit à un montant de 6 562 797 euros constitué :

– de créances privilégiées d’un montant de 6 421 576 euros

– de créances chirographaires d’un montant de 141 230 euros.

Le passif est constitué en quasi-intégralité de créances bancaires (Neuflize OBC, Caisse d’Épargne IDF, Bred Banque Populaire) au titre du contrat de prêt du 13 décembre 2013.

Il n’y a pas d’actif réalisé, l’insuffisance d’actif ressort ainsi à la somme de 6 562 797 euros.

Par actes du 10.10.2018, la SELARL Axyme, en qualité de liquidateur judiciaire de la SAS Groupe Phineo, a assigné :

-Monsieur [W] [T], en sa qualité de dirigeant de droit,

– Messieurs [Y] et [C], en leur qualité de dirigeants de fait,

à comparaître pour être entendus et faire toutes observations sur l’application à leur encontre des dispositions des articles L.653-1 et suivants du Code de commerce.

Par jugement du 1.02.2022, le tribunal de commerce de Paris a déclaré la procédure régulière, débouté M. [G] [Y] et M. [P] [C] de leur demande de prescription et de nullité, et convoqué les parties à l’audience de plaidoirie du 14.04.2022.

Par jugement du 05.07.2022, le tribunal de commerce de Paris a :

– Débouté M. [G] [Y] de sa demande de communication de pièces :

– Dit que M. [G] [Y] n’était pas dirigeant de fait de la SAS Groupe Phineo et dit qu’y avoir lieu à sanction à son encontre ;

– Dit que M. [P] [C] n’était pas dirigeant de fait de la SAS Groupe Phineo et dit n’y avoir lieu à sanction à son encontre ;

– Prononcé la faillite personnelle de M. [W] [T], né le [Date naissance 5] 1976 à [Localité 15], de nationalité française, demeurant [Adresse 2] ‘ dernier domicile connu ;

– Fixé la durée de cette mesure à 6 ans

– Condamné M. [W] [T] à payer à la SELARL Axyme prise en la personne de Me [X] [J] la somme de 2 500 € au titre de l’article 700 du Code de procédure civile, déboutant du surplus de la demande ;

– Débouté les parties de leurs autres demandes ;

– Ordonné l’exécution provisoire du jugement ;

– Dit que cette sanction fera l’objet d’une inscription au Fichier national des interdits de gérer, dont la tenue est assurée par le conseil national des greffiers des tribunaux de commerce ;

– Condamné M. [W] [T] aux entiers dépens de l’instance.

M. [W] [T] n’était ni présent, ni représenté dans la procédure de première instance.

Pour justifier la mesure de faillite personnelle d’une durée de 6 ans prononcée à l’encontre de M. [W] [T], en sa qualité de Président de la société Groupe Phineo, le tribunal de commerce de Paris a retenu que son comportement apparaissait d’une particulière gravité, ayant permis une opération dans son seul intérêt et celui des autres actionnaires.

La SELARL Axyme, ès qualités, a interjeté appel de ce jugement le 13.07. 2022.

L’affaire a été enrôlée sous le numéro RG 22/13627.

Le 15.09.2022, Monsieur [C] a lui aussi interjeté appel des jugements du tribunal de commerce de Paris en date du 1.02.2022 et du 5.07.2022. L’affaire a été enrôlée sous numéro de RG 22/16240.

*****

Dans ses dernières conclusions notifiées 16.03.2023 par voie électronique dans les procédures 22/13627 et 22/16240, la SELARL Axyme, prise en la personne de Me [J], en qualité de liquidateur judiciaire de la SAS Groupe Phineo, demande à la cour de :

– débouter Messieurs [C], [Y] et [T] de leurs appels principaux et incidents interjetés à l’encontre du jugement avant dire droit du 1er février 2022 et du jugement sur le fond du 5 juillet 2022,

– les débouter de l’intégralité de leurs demandes, fins et prétentions.

– confirmer le jugement du 5 juillet 2022 en ce qu’il:

« Prononce la faillite personnelle de M. [W] [T] ;

Fixe la durée de cette mesure à 9 ans (sic)

Condamne Monsieur [W] [T] à payer à la SELARL Axyme prise en la personne de Me [X] [J] la somme de 2 500 € au titre de l’article 700 du Code de procédure civile, déboutant du surplus de la demande »

– réformer le jugement du 5 juillet 2022 en ce qu’il :

« Dit que M. [Y] n’était pas le dirigeant de fait de la SAS Groupe Phineo et dit n’y avoir lieu à sanction à son encontre ;

Dit que M. [C] n’était pas le dirigeant de fait de la SAS Groupe Phineo et dit n’y avoir lieu à sanction à son encontre ;

Déboute les parties de leurs demandes. »

– Statuant à nouveau :

– Dire et juger que Messieurs [G] [Y] et [P] [C] sont les dirigeants de fait de la SAS Groupe Phineo ;

– Dire et juger qu’il existe différents griefs à l’encontre de Messieurs [G] [Y] et [P] [C], prévus par les articles L.653-4-5° et L.653-5-6° du Code de commerce ;

En conséquence :

-Prononcer une mesure de faillite personnelle à l’encontre de Messieurs [P] [C] et [G] [Y] pour une durée qu’il plaira à la cour de fixer ;

Subsidiairement :

– Prononcer une mesure d’interdiction de diriger, gérer, administrer ou contrôler, directement ou indirectement, toute entreprise commerciale ou artisanale, toute exploitation agricole et toute personne morale à l’encontre de [P] [C] et [G] [Y] pour la durée qu’il plaira à la cour de fixer.

En tout état de cause :

-Condamner solidairement Messieurs [W] [T], [P] [C] et [G] [Y] à verser la somme de 10 000 € au titre des dispositions de l’article 700 du Code de procédure civile, outre les entiers dépens.

*****

Dans ses dernières conclusions notifiées le 26.09.2023 par voie électronique dans les procédures 22/13627 et 22/16240, Monsieur [P] [C] demande à la cour de :

Infirmer le jugement du 1er février 2022 en ce qu’il a déclaré la procédure régulière,

Et, statuant à nouveau,

Juger que la SELARL Axyme ès qualités de liquidateur de la société Phineo est dépourvue de qualité pour agir aux lieux et place de la SELARL Axyme ès qualités de liquidateur de la SAS Groupe Phineo,

En conséquence,

Déclarer prescrite l’action introduite par la SELARL Axyme.

Sur le fond,

Débouter la SELARL Axyme de l’intégralité de ses prétentions ;

Confirmer le jugement du 5 juillet 2022 en ce qu’il a dit que Monsieur [P] [C] n’était pas le dirigeant de fait de la SAS Groupe Phineo et a dit n’y avoir lieu à sanction à son encontre.

Subsidiairement,

Constater qu’aucune faute de gestion imputable à Monsieur [C] n’est établie par la SELARL Axyme agissant par Me [J] ès qualités de liquidateur de la SAS Groupe Phineo.

Débouter en conséquence la SELARL Axyme agissant par Me [J] ès qualités de liquidateur de la SAS Groupe Phineo de l’intégralité de ses prétentions dirigées contre Monsieur [C].

En tout état de cause,

Infirmer le jugement du 5 juillet 2022 en ce qu’il a débouté Monsieur [C] de sa demande sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile,

Et, statuant à nouveau,

Condamner la SELARL Axyme, prise en la personne de Me [X] [J], ès qualités de liquidateur judiciaire de la SAS Groupe Phineo, à payer à Monsieur [C] la somme de 15 000 euros par application de l’article 700 du Code de procédure civile au titre des frais irrépétibles engagés en première instance, et la somme de 15 000 euros sur le même fondement au titre des frais irrépétibles engagés en cause d’appel.

Condamner la SELARL Axyme, prise en la personne de Me [X] [J], ès qualités de liquidateur judiciaire de la SAS Groupe Phineo, aux entiers dépens de première instance et d’appel.

*****

Dans ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 27.09.2023 dans les procédures 22/13627 et 22/16240, Monsieur [G] [Y] demande à la cour de :

-Infirmer le jugement rendu le 1er février 2022 en ce qu’il a considéré que la procédure introduite par la SELARL Axyme était régulière ;

Et, statuant de nouveau :

-Déclarer irrecevable pour défaut de qualité à agir l’action introduite par la SELARL Axyme, mandataire judiciaire de la SAS Phineo, à l’encontre de Monsieur [Y], en sa qualité de dirigeant de fait de la SAS Groupe Phineo ;

En conséquence :

-Déclarer prescrite l’action introduite par la SELARL Axyme ;

A titre principal :

– confirmer le jugement du 5 juillet 2022 en ce qu’il a dit que Monsieur [Y] n’était pas dirigeant de fait de la SAS Groupe Phineo, et dit n’y avoir lieu à aucune responsabilité pour insuffisance d’actif à son encontre (SIC);

-Juger que la SELARL Axyme, prise en la personne de Maître [J], n’établit aucune faute de gestion à l’encontre de Monsieur [Y] ;

-Débouter la SELARL Axyme, prise en la personne de Maître [J], de sa demande de faillite personnelle à l’encontre de Monsieur [Y] ;

A titre subsidiaire :

-Débouter la SELARL Axyme, prise en la personne de Maître [J], de sa demande d’interdiction de gérer à l’encontre de Monsieur [Y] ;

En tout état de cause :

-Infirmer le jugement rendu le 5 juillet 2022 en ce qu’il a débouté Monsieur [Y] de sa demande au titre de l’article 700 ;

-Débouter l’ensemble des parties de leurs demandes formées à l’encontre de Monsieur [Y] ;

Et, statuant de nouveau :

– condamner la SELARL Axyme, prise en la personne de Maître [J], au paiement de la somme de 10 000 euros au titre de l’article 700 du Code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens.

*****

Par acte d’huissier de justice du 17.10.2022 transformée en procès verbal de recherches infructueuses le 21.10.2022 la SARL Axyme a fait assigner devant la cour d’appel Monsieur [T] et lui a fait signifier la copie de la déclaration d’appel en date du 13.07.2022 et les premières conclusions notifiées par elle dans le cadre de la procédure d’appel le 13.10.2022.

Le procès verbal de l’huissier fait état des nombreuses diligences mises en oeuvre sans succès pour retrouver Monsieur [T].

Monsieur [W] [T] ne s’est pas constitué.

*****

Par avis notifié le 11 janvier 2023 le ministère public sollicite :

– la confirmation du jugement du 05 juillet 2022, en ce qu’il a prononcé la faillite personnelle de M. [W] [T] et a fixé la durée de cette mesure à 6 ans, et

– l’infirmation du jugement du 05 juillet 2022 attaqué, en ce qu’il a jugé que M. [C] et M. [Y] n’étaient pas dirigeants de fait de la SAS Phineo,

– en conséquence, le prononcé à l’encontre de Messieurs [C] et [Y] d’une mesure de faillite personne pour une durée de 6 ans.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur la jonction

Il convient de prononcer la jonction des procédures 22/13627 et 22/16240 sous le premier numéro.

Sur la prescription de l’action engagée à l’encontre de Monsieur [Y]

Monsieur [Y] expose que le 10.10.2018 l’huissier de justice mandaté par la Selarl Axyme a adressé au parquet suisse l’assignation devant lui être signifiée, que conformément à l’article 647-1 du Code de procédure civile et à la jurisprudence, la date de notification d’un acte judiciaire à l’étranger est, à l’égard de celui qui y procède, la date de l’expédition par l’huissier de justice.

Il fait valoir qu’il résulte de l’attestation d’accomplissement des formalités de signification d’acte étranger hors communauté européenne que le Parquet suisse a été saisi le 10.10.2018 par la Selarl Axyme ès qualités de liquidateur judiciaire de la société Phinéo et non ès qualités de liquidateur judiciaire de la société Groupe Phinéo.

Il soutient que, contrairement à ce qu’a retenu le tribunal dans son jugement du 1.02.2022, il ne s’agit pas d’une simple erreur de plume mais demande qu’il soit retenu un défaut de qualité à agir du mandataire judiciaire de la SAS Phinéo à l’encontre des dirigeants de la SAS Groupe Phinéo, exposant qu’il appartenait à la Selarl Axyme liquidateur de la SAS Groupe Phinéo de régulariser la situation avant l’expiration du délai de prescription, ce qu’elle n’a pas fait.

Il en conclut que le délai de prescription est donc acquis.

La SELARL Axyme ès qualités fait valoir que l’assignation jointe au procès verbal de signification mentionne bien la qualité de demandeur de la Selarl Axyme ès qualités de liquidateur judiciaire de la SAS Groupe Phinéo et les demandes formulées dans cette même assignation concernent bien la seule SAS Groupe Phinéo, qu’aucune nullité pour vice de fond n’est donc caractérisée et la prétendue erreur de l’huissier n’a donc causé aucun grief au défendeur.

Le ministère public expose que la mention que la Selarl Axyme est liquidateur de la SAS Phinéo est une erreur de plume dès lors que le liquidateur de la société Phinéo étant le même que le liquidateur de la société Groupe Phinéo et que l’assignation communiquée étant bien celle de la société Groupe Phinéo il n’existe pas de préjudice pour le défendeur.

Il expose que l’irrégularité tirée du défaut de pouvoir du représentant d’une partie en justice peut être couverte jusqu’au moment où le juge statue, qu’en l’espèce il est produit par le mandataire liquidateur une assignation devant le tribunal de commerce de Paris portant le cachet d’enregistrement du greffe en date du 16.01.2019 mentionnant qu’elle est délivrée à la requête de la Selarl Axyme agissant en sa qualité de liquidateur judiciaire de la société Groupe Phinéo et qu’il peut en être déduit que l’assignation communiquée est bien celle de la société Groupe Phinéo.

Sur ce

L’action engagée par la Selarl Axyme est fondée sur les articles L.653-1 et suivants du Code de commerce, qui régissent la faillite personnelle et les autres mesures d’interdiction et dont l’article L 653-1 prévoit que les actions en sanction personnelle peuvent être engagées à l’encontre des dirigeants de droit ou de fait et se prescrivent par trois ans à compter du jugement qui prononce la liquidation judiciaire.

Le jugement de liquidation judiciaire est en date du 14.10.2015 de telle sorte que l’action en prononcé d’une faillite personnelle à l’encontre de Monsieur [Y] devait être introduite au plus tard le 14.10.2018.

Le tribunal a été saisi de 4 procédures par la selarl Axyme à l’encontre de Monsieur [T], dirigeant de droit, et de messieurs [C] et [Y], associés et dont elle soutient qu’ils étaient dirigeants de fait:

– une action en responsabilité pour insuffisance d’actif de la SAS Phinéo

– une action en sanction personnelle dans le cadre de la liquidation judiciaire de la SAS Phinéo

– une action en responsabilité pour insuffisance d’actif de la SAS Groupe Phinéo

– une action en sanction personnelle dans le cadre de la liquidation judiciaire de la SAS Groupe Phinéo qui est la présente procédure.

Ces 4 procédures sont référées chez l’huissier français de la façon suivante:

RIA SAS Phineo n°045132

Sanctions personnelles SAS Phineo n° 045133

RIA Groupe Phineo n°045134

Sanctions personnelles SAS Groupe Phineo n°045135.

Les numéros indiqués sont ceux mentionnés sur les actes d’accomplissement des formalités établis par l’huissier pour procéder aux assignations des trois défendeurs, tous datés du 10.01.2018.

Monsieur [Y] résidant en Suisse l’huissier français a adressé au tribunal de première instance territorialement compétent au regard de l’adresse de Monsieur [Y] un acte de transmission comprenant l’assignation à délivrer pour l’action en sanction personnelle de la SAS Groupe Phinéo n°045135.

Il ressort des pièces versées aux débats que deux courriers recommandés ont ainsi été adressés par l’huissier au tribunal de première instance de Porrentruiy: l’un porte la mention LR RK 05 395 046 1 FR colis 135 et l’autre RK 05 395 049 2 FR colis 133.

L’envoi de la lettre recommandée par l’huissier a donc été effectué avant la fin du délai de prescription.

Cependant s’agissant de l’envoi dans le dossier 135, qui est la présente affaire, l’acte de transmission produit devant la cour indique que le demandeur est la selarl Axyme agissant en qualité de liquidateur de la société Phineo – au lieu de la société Groupe Phinéo- mais surtout l’assignation jointe à l’acte de transmission est l’assignation en responsabilité pour insuffisance d’actif pour la société Groupe Phineo et non l’assignation en sanction personnelle.

De telle sorte que si les formalités pour procéder à l’assignation ont été réalisées avant le terme du délai pour les engager, l’assignation délivrée à Monsieur [Y] ne concernait pas l’action en sanction personnelle dans le cadre de la gestion de la société Groupe Phinéo.

Aucune autre assignation n’a été adressée au parquet suisse avant la fin du délai de prescription.

Il en résulte qu’aucune assignation en sanction personnelle dans le présent dossier n’a été délivrée et qu’en conséquence la prescription de l’action engagée à l’encontre de Monsieur [Y] est acquise.

Le jugement du 1.02.2022 est donc infirmé.

Sur l’assignation de Monsieur [C] devant le tribunal de commerce

Monsieur [C] soulève la prescription de l’action engagée à son encontre.

Il soutient que seul l’acte signifié par l’huissier belge le 25 octobre 2018 était de nature à interrompre le délai de prescription, de sorte que l’action en faillite personnelle engagée à son encontre était prescrite depuis le 14 octobre 2018.

Il expose que s’il était retenu que c’est la date d’envoi du courrier de l’huissier français à l’huissier belge qui devait être retenu force est de constater que la Selarl Axyme ne rapporte pas la preuve de la date d’envoi de ce courrier de nature à interrompre la prescription.

La SELARL Axyme ès qualités fait valoir que c’est à bon droit que le tribunal de commerce de Paris a retenu par jugement du 1er février 2022 que « l’examen des documents produits par le demandeur confirme que les 3 assignations ont été produites le 10 octobre 2018 soit moins de 3 ans après la liquidation judiciaire de la société du 14 octobre 2015 », de sorte que la fin de non-recevoir tirée d’une prétendue prescription de son action devait effectivement être rejetée.

Elle indique qu’il est de jurisprudence constante que c’est la date d’envoi, et non la date de réception, qui interrompt la prescription dans le cadre d’une notification d’acte judiciaire ou extrajudiciaire à l’étranger ; qu’en l’espèce, l’acte interruptif de prescription a été signifié le 10 octobre 2018 par l’huissier français, Me [A] [F], selon PV d’accomplissement des formalités de significations internationales dressé à cette date, afin de toucher Monsieur [C], domicilié en Belgique.

Le ministère public expose que la première expédition de l’acte d’accomplissement des formalités à la demande de la société Axyme est en date du 10.10.2018 et qu’en conséquence l’action à l’encontre de Monsieur [C] n’est pas prescrite.

Sur ce

L’action engagée par la Selarl Axyme est fondée sur les articles L.653-1 et suivants du Code de commerce, qui régissent la faillite personnelle et les autres mesures d’interdiction et dont l’article L 653-1 prévoit que les actions en sanctions personnelles peuvent être engagée à l’encontre des dirigeants de droit ou de fait et se prescrivent par trois ans à compter du jugement qui prononce la liquidation judiciaire.

Le jugement de liquidation judiciaire est en date du 14.10.2015 de telle sorte que l’action en prononcé d’une faillite personnelle à l’encontre de Monsieur [C] devait être introduite au plus tard le 14.10.2018.

Monsieur [C] résidant en Belgique l’huissier français a établi un acte d’accomplissement des formalités par lequel il transmet à l’huissier belge l’acte à signifier. Cet acte d’accomplissement des formalités est adressé à l’huissier belge par lettre recommandée et la date d’envoi de la lettre recommandée interrompt la prescription.

En l’espèce il est établi que l’acte d’accomplissement des formalités est daté du 10.01.2018.

Cependant le tribunal a été saisi de 4 procédures par la selarl Axyme à l’encontre de Monsieur [T], dirigeant de droit, et de messieurs [C] et [Y], associés et dont elle soutenait qu’ils étaient dirigeants de fait:

– une action en responsabilité pour insuffisance d’actif de la SAS Phinéo

– une action en sanction personnelle dans le cadre de la liquidation judiciaire de la SAS Phinéo

– une action en responsabilité pour insuffisance d’actif de la SAS Groupe Phinéo

– une action en sanction personnelle dans le cadre de la liquidation judiciaire de la SAS Groupe Phinéo, qui est la présente action.

Ces 4 procédures sont référées chez l’huissier français de la façon suivante:

RIA SAS Phineo n°045132

Sanctions personnelles SAS Phineo n° 045133

RIA Groupe Phineo n°045134

Sanctions personnelles SAS Groupe Phineo n°045135

Les numéros indiqués sont ceux mentionnés sur les 4 actes d’accomplissement des formalités concernant Monsieur [C] tous datés du 10.01.2018.

Dans les 4 procédures le liquidateur judiciaire a produit les mêmes pièces s’agissant de la pièce 44 qui est une photocopie des lettres recommandées adressées.

On constate à la lecture de cette pièce qu’un seul envoi recommandé a été adressé à Me [D], l’huissier belge, s’agissant de la lettre recommandée RK 05 395 048 9 FR avec la mention sous l’adresse du destinataire de ‘colis 133″.

Or 4 lettres auraient dû être envoyées correspondant aux 4 assignations à délivrer.

La Selarl Axyme ne verse aux débats qu’un seul recommandé.

Le recommandé produit correspond, ainsi qu’indiqué, à la procédure 133, c’est à dire à la procédure Sanctions personnelles SAS Phinéo.

Il en découle que la preuve n’est pas rapportée de l’envoi d’un courrier à l’huissier belge avant le terme de la prescription pour le dossier 135 étant en outre souligné que concernant le dossier 135, qui est la présente affaire, l’assignation jointe à l’acte d’accomplissement des formalités est l’assignation en responsabilité pour insuffisance d’actif et non l’assignation en sanctions personnelles pour la société Groupe Phineo.

De telle sorte que la prescription est acquise s’agissant de l’action en sanction personnelle engagée à l’encontre de Monsieur [C] pour la société Groupe Phinéo, qui est la présente action.

Sur le fond

Faute d’appel incident de Monsieur [T] la condamnation prononcée en première instance en faillite personnelle est définitive.

Compte tenu de la prescription de l’action du liquidateur à l’encontre de messieurs [Y] et [C] les demandes de condamnation articulées à leur encontre par le liquidateur judiciaire sont irrecevables.

Sur les demandes sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile

Messieurs [Y] et [C] demandent l’infirmation du jugement du 5.07.2022 en ce qu’il ne leur a pas été accordé de sommes sur le fondement de l’article 700.

Cependant au regard des éléments portés à la connaissance de la cour il n’apparaît pas inéquitable de laisser à la charge de messieurs [Y] et [C] les frais irrépétibles engagés pour assurer leur défense en première instance de telle sorte que le jugement sera confirmé sur ce point.

En cause d’appel il n’apparait pas inéquitable de laisser chacune des parties supporter ses frais irrépétibles.

Les dépens sont passés en frais privilégiés de procédure collective.

PAR CES MOTIFS

Prononce la jonction des procédures 22/13627 et 22/16240 sous le premier numéro,

s’agissant du jugement du 1.02.2022

Infirme le jugement du tribunal de commerce de Paris du 1.02.2022 s’agissant de la prescription de l’action engagée à l’encontre de Monsieur [C] et de Monsieur [Y],

et statuant à nouveau

Dit prescrite l’action engagée par la Selarl Axyme ès qualités de liquidateur judiciaire de la SAS Groupe Phinéo, en sanction personnelle, à l’encontre de Monsieur [P] [C],

Dit prescrite l’action engagée par la Selarl Axyme ès qualités de liquidateur judiciaire de la SAS Groupe Phinéo, en sanction personnelle à l’encontre de Monsieur [G] [Y],

s’agissant du jugement du 5.07.2022

Confirme le jugement rendu le 5.07.2022 par le tribunal de commerce de Paris sauf en ce qu’il a dit que M. [G] [Y] n’était pas dirigeant de fait de la SAS Groupe Phineo et dit qu’y avoir lieu à sanction à son encontre, et en ce qu’il a dit que M. [P] [C] n’était pas dirigeant de fait de la SAS Groupe Phineo et dit n’y avoir lieu à sanction à son encontre,

et statuant à nouveau

Dit irrecevable comme prescrite l’action engagée par la selarl Axyme à l’encontre de Messieurs [Y] et [C],

Dit n’y avoir lieu de faire application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile en cause d’appel,

Dit que les dépens passeront en frais privilégiés de procédure collective.

LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE

 


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