Augmentation de capital : décision du 8 février 2024 Cour d’appel de Grenoble RG n° 22/02437
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C5

N° RG 22/02437

N° Portalis DBVM-V-B7G-LNMT

N° Minute :

Notifié le :

Copie exécutoire délivrée le :

la SCP GIRARD-MADOUX ET

ASSOCIES

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE GRENOBLE

CHAMBRE SOCIALE – PROTECTION SOCIALE

ARRÊT DU JEUDI 08 FEVRIER 2024

Appel d’une décision (N° RG 18/00934)

rendue par le pôle social du tribunal judiciaire d’Annecy

en date du 19 mai 2022

suivant déclaration d’appel du 23 juin 2022

APPELANTE :

SARL [7], prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité audit siège

[Adresse 1]

[Localité 2]

représentée par Me Christelle RAMBAUD-GROLEAS de la SCP ALIBEU & RAMBAUD-GROLEAS, avocat postulant au barreau de GRENOBLE, à l’appel des causes,

et plaidant par Me Olivier GARDETTE, avocat au barreau de LYON

INTIMEE :

L’ URSSAF RHONE ALPES, prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité audit siège

[Adresse 9]

[Localité 3]

représentée par Me Marie GIRARD-MADOUX de la SCP GIRARD-MADOUX ET ASSOCIES, avocat au barreau de CHAMBERY

COMPOSITION DE LA COUR :

LORS DES DEBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :

M. Jean-Pierre DELAVENAY, Président,

M. Pascal VERGUCHT, Conseiller,

Mme Elsa WEIL, Conseiller,

Assistés lors des débats de Mme Chrystel ROHRER, Greffier,

DÉBATS :

A l’audience publique du 05 décembre 2023,

M. Pascal VERGUCHT, Conseiller chargé du rapport, M. Jean-Pierre DELAVENAY, Président et Mme Elsa WEIL, Conseiller ont entendu les représentants des parties en leurs conclusions et plaidoiries,

Et l’affaire a été mise en délibéré à la date de ce jour à laquelle l’arrêt a été rendu.

EXPOSÉ DU LITIGE

Le 23 novembre 2015, la SARL [7] a signé au profit de l’URSSAF Rhône’Alpes un acte de cautionnement solidaire, avec renonciation au bénéfice de discussion et de division, en garantie d’un plan d’apurement accordé par la [8] ([8]) à la SAS [5] du 6 octobre 2015, dans la limite de 70.000 euros, pour une durée de 25 mois.

L’URSSAF Rhône-Alpes a fait signifier le 24 novembre 2017 à la [7] une mise en demeure du 21 novembre 2017 d’avoir à payer une somme de 70.000 euros au titre du cautionnement.

Le 13 juillet 2018, la commission de recours amiable de l’organisme a rejeté la contestation de la mise en demeure.

Le pôle social du tribunal judiciaire d’Annecy, saisi d’un recours de la SARL [7] contre l’URSSAF Rhône-Alpes, a par jugement du 19 mai 2022 :

– déclaré le recours recevable,

– rejeté la fin de non-recevoir au titre de la prescription de l’action en responsabilité,

– débouté la société de sa demande de nullité du cautionnement pour défaut d’habilitation, nullité de la cause, erreur, violences et man’uvres dolosives,

– condamné la société à régler à l’URSSAF le montant garanti par la caution de 70.000 euros,

– débouté la société de sa demande de dommages et intérêts de 70.000 euros,

– débouté la société de sa demande sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile,

– condamné la société à régler à l’URSSAF une somme de 3.000 euros sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile,

– rejeté toute autre demande,

– condamné la société aux dépens,

– ordonné l’exécution provisoire.

Par déclaration du 23 juin 2022, la SARL [7] a relevé appel de cette décision.

Par conclusions n° 2 déposées le 20 novembre 2023 et reprises oralement à l’audience devant la cour, la SARL [7] devenue [7] demande :

– la confirmation du jugement sur la recevabilité du recours et le rejet de la fin de non-recevoir,

– la réformation du jugement pour le reste,

– l’annulation du cautionnement du 23 novembre 2015 pour défaut d’habilitation, ou défaut de cause, ou erreur, ou violence économique, ou dol,

– à défaut, le rejet de la fin de non-recevoir tirée de la prescription,

– la condamnation de l’URSSAF à lui régler 70.000 euros de dommages et intérêts en réparation de son préjudice financier,

– la condamnation de l’URSSAF aux dépens et à lui payer une somme de 8.000 euros sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile.

La société fait valoir que le cautionnement a été signé par un gérant qui n’était pas habilité à cette fin, ou est nul pour : une absence de cause dès lors que le protocole d’investissement et d’entrée au capital de la société garantie et qui avait conduit au cautionnement a été ultérieurement et judiciairement annulé ; une erreur dès lors que la [7] ne connaissait pas l’étendue des difficultés financières de la société garantie ; une violence compte tenu des pressions exercées par l’URSSAF pour obtenir le cautionnement ; un dol en raison de la dissimulation par l’URSSAF d’informations sur la solvabilité de la société garantie. La [7] estime que la responsabilité de l’URSSAF est engagée et qu’une indemnité de 70.000 euros doit lui être allouée.

Par conclusions n° 1 déposées le 1er décembre 2023 et reprises oralement à l’audience devant la cour, l’URSSAF Rhône-Alpes demande :

– la confirmation du jugement,

– la condamnation de la société aux dépens et à lui verser 4.000 euros sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile.

L’URSSAF fait valoir que le cautionnement était valide au regard des statuts de la société et des dispositions légales, et qu’aucun vice du consentement n’affecte l’acte de cautionnement au préjudice de la société [7] qui connaissait suffisamment l’étendue des difficultés financières du groupe [4] lors de la signature de son engagement.

En application de l’article 455 du Code de procédure civile, il est expressément référé aux dernières conclusions des parties pour un plus ample exposé de leurs prétentions et moyens.

MOTIVATION

Sur l’habilitation du gérant

L’article 1849 du Code civil dispose que : « Dans les rapports avec les tiers, le gérant engage la société par les actes entrant dans l’objet social.

(‘)

Les clauses statutaires limitant les pouvoirs des gérants sont inopposables aux tiers. »

L’article L. 223-18 du Code de commerce dispose que : « Dans les rapports avec les tiers, le gérant est investi des pouvoirs les plus étendus pour agir en toute circonstance au nom de la société, sous réserve des pouvoirs que la loi attribue expressément aux associés. La société est engagée même par les actes du gérant qui ne relèvent pas de l’objet social, à moins qu’elle ne prouve que le tiers savait que l’acte dépassait cet objet ou qu’il ne pouvait l’ignorer compte tenu des circonstances, étant exclu que la seule publication des statuts suffise à constituer cette preuve.

Les clauses statutaires limitant les pouvoirs des gérants qui résultent du présent article sont inopposables aux tiers ».

En l’espèce, l’acte de cautionnement a été signé le 23 novembre 2015 par M. [S] [M] qui était alors, selon les statuts de la [7] et sans contestation, l’un des associés et le seul gérant de la société.

Les statuts de la [7] prévoyaient que la société avait pour objet : « d’acquérir, de gérer, de détenir des participations (‘) dans d’autres sociétés, d’en assurer la gestion, de les négocier ; (‘) de participer à la vie des entreprises dont elle détient une partie du capital, d’en assurer éventuellement la direction, l’administration, la gestion, la promotion et le contrôle ; (‘) d’une manière générale, toutes opérations industrielles, commerciales ou financières, mobilières ou immobilières pouvant se rattacher directement ou indirectement à l’objet social ou à tous objets similaires ou connexes ou susceptibles d’en faciliter l’extension ou le développement ou de le rendre plus rémunérateur (‘) d’en favoriser l’exploitation ou le développement. Pour réaliser cet objet la société peut recourir, en tous lieux, à tous actes ou opérations de quelque nature et importance qu’ils soient, sans aucune exception, dès lors qu’ils contribuent ou peuvent contribuer, qu’ils facilitent ou peuvent faciliter la réalisation des activités ci-dessus définies ou qu’ils permettent de sauvegarder, directement ou indirectement, les intérêts commerciaux, industriels ou financiers de la société ou des entreprises avec lesquelles elle est en relation de groupe ou d’affaires ».

Les statuts reprenaient expressément les dispositions de l’article L. 223-18 du Code de commerce cité ci-dessus, et ajoutait que, « cependant, les actes ou opérations ci-après limitativement énumérés sont obligatoirement accomplis sur décision collective ordinaire des associés, savoir : les emprunts autres que les crédits bancaires courants ; les constitutions d’hypothèque ou de nantissement ; les prises de participation ».

La [7] n’explique pas précisément en quoi l’acte de cautionnement ne serait pas inclus dans l’objet social de la société qui est largement défini en englobant les opérations financières permettant de sauvegarder les intérêts financiers d’une société avec laquelle elle est en affaires, en particulier à l’occasion d’une participation au capital de celle-ci, comme ce fut le cas avec la société [5], ni en quoi l’acte de cautionnement constituerait un acte dépendant d’une décision des associés aux termes des statuts, ni en quoi l’URSSAF aurait eu connaissance d’une telle situation, qui de toute façon ne découle pas des statuts de la [7].

Dès lors, le fait que les associés aient décidé le 11 décembre 2015 d’autoriser le cautionnement en conférant tout pouvoir à cette fin au gérant, alors que ce dernier avait déjà signé l’acte de cautionnement, est indifférent pour l’URSSAF et n’a aucune conséquence sur la validité de la signature du gérant et du cautionnement litigieux au regard des dispositions légales et statutaires.

Sur la cause de l’acte de cautionnement

L’article 1131 du Code civil, dans sa version en vigueur jusqu’au 1er octobre 2016, disposait que : « L’obligation sans cause, ou sur une fausse cause, ou sur une cause illicite, ne peut avoir aucun effet ».

Il est de jurisprudence constante que l’existence de la cause d’une obligation doit s’apprécier à la date où elle est souscrite (par exemple Civ. 3e, 17 juill. 1996, 93-19.432), mais les conséquences de la disparition ultérieure de la cause d’un contrat peuvent être discutées (voir par exemple Civ. 1re, 11 févr. 1986, 84-15.513).

L’acte de cautionnement précise expressément que : « Ce cautionnement est consenti en garantie du plan d’apurement échelonné accordé par la [8] ([8]) à la SAS [5] en date du 6 octobre 2015 ». Ce plan prévoyait un échelonnement sur 13 mois du règlement d’un ensemble de dettes fiscales et sociales d’un montant global de 1.809.679,50 euros.

L’acte de cautionnement ne fait aucune mention du protocole d’investissement du 28 juillet 2015, annulé par le tribunal de commerce de Chambéry dans son jugement du 15 mai 2019 (confirmé sur ce point par un arrêt de la cour d’appel de Chambéry du 8 juin 2021), qui avait été signé entre les sociétés [6] et [5], les associés majoritaires M. et Mme [W] et la SARL [7], qui avait notamment pour objet la souscription de la [7] à une augmentation de capital de la société [6] à hauteur de 2.257.900 euros.

La [7], qui se prévaut des articles 1218, 1156 et 1162 du Code civil, n’apporte aucun élément objectif pour prouver que la cause de la signature de l’acte de cautionnement était, effectivement, pour les parties et à la date de sa signature, non pas la garantie du plan d’apurement du 6 octobre 2015, mais la pérennité de l’entrée de la [7] dans le capital du groupe [4] engagé le 28 juillet 2015. De ce fait, il n’y a pas lieu de rechercher une commune intention des parties contractantes au-delà des termes employés dans l’acte de cautionnement, ou une indivisibilité entre cet acte et le protocole d’investissement qu’il ne mentionne pas, et il ne peut pas être considéré que le cautionnement n’aurait jamais été donné s’il n’y avait pas eu souscription au capital du groupe [4], ce qui demeure une pure allégation. L’annulation du protocole d’investissement intervenu par décisions judiciaires est donc sans effet sur la validité de la caution.

L’URSSAF prouve en outre que la [7] pouvait être motivée dans son soutien au groupe [4] par d’autres raisons que le succès de son projet de prise de participation de juillet 2015, puisque la société [7] avait déjà convenu auparavant, le 16 février 2015, un prêt de 400.000 euros remboursable au 31 juillet suivant au taux de 3 % l’an au bénéfice de la société [5]. En effet, la [7] conclut elle-même que l’opération est intervenue dans le cadre de l’amitié, et il était précisé dans la convention que les deux sociétés travaillaient régulièrement ensemble, continuaient à entretenir des relations étroites, que les filiales de la [7] avaient pu bénéficier de souplesse dans le règlement de leurs factures, qu’il existait des relations de confiance entre les parties et que le financement de courte durée était fondé sur ces avantages dont ont pu bénéficier les filiales de la [7], la recherche de développement de celle-ci, la réflexion d’éventuels partenariats à mettre en place et les importantes disponibilités de la [7]. Il est donc établi ici que des relations d’affaires étroites pouvaient justifier le soutien financier apporté par la [7] aux activités du groupe [4], au-delà de la participation au capital engagée par la suite.

Il n’y a donc pas lieu de reprendre, ici, les développements des parties sur l’appréciation du « risque investisseur » ou la date effective de la cessation des paiements du groupe [4] puisqu’il ne peut pas être établi de lien de cause à effet entre le cautionnement et la prise de participation au capital de la société [6].

Sur le vice de consentement par erreur

L’article 1110 du Code civil, dans sa version en vigueur jusqu’au 1er octobre 2016, disposait que : « L’erreur n’est une cause de nullité de la convention que lorsqu’elle tombe sur la substance même de la chose qui en est l’objet ».

Il était constant, avant la réécriture en ce sens de l’article 1135 du Code civil par ordonnance du 10 février 2016, que l’erreur de la caution sur la solvabilité, au jour du cautionnement, du débiteur principal ne peut être prise en compte que si cette circonstance a été la condition de l’engagement de la caution (Civ. 1re, 25 oct. 1977, 76-11.441 ; Com., 2 mars 1982, 79-16.538 ; Civ. 1re, 19 mars 1985, n° 84-10.533).

En l’espèce, il résulte des pièces versées au débat que, en plus des actes déjà évoqués :

– le 14 février 2015, M. [W] écrit par courriel à M. [M] en lui demandant son aide, proposée en juin dernier, pour obtenir 500 à 600.000 euros dès lundi pour lui apporter un peu d’oxygène et payer ses fournisseurs avant de « boucler l’entrée d’un investisseur mi-mai » :

– le 14 septembre 2015, le tribunal de commerce de Chambéry a constaté que la SAS [6] et la SAS [5] se trouvaient en état de cessation des paiements et que la signature du protocole d’accord de conciliation conclu avec leurs créanciers et cocontractants le 6 août 2015, en exécution d’une désignation d’un conciliateur par ordonnance du 16 mars 2015, ne permettait pas de mettre fin à cet état de cessation des paiements, le tribunal rejetant par conséquent l’homologation dudit protocole ;

– le 17 septembre 2015, M. et Mme [W], associés majoritaires et dirigeants des sociétés [6] et [5], et la société [7], ont signé un acte mentionnant notamment la souscription au capital pour 2.257.900 euros réalisée le jour du protocole d’investissement, la non-réitération à ce jour des décisions de nomination de la société [7] comme Directeur général des deux sociétés, et la décision de ne pas accepter un tel mandat jusqu’à décision contraire au regard de la révélation ces derniers jours de l’existence d’une procédure de conciliation rejetée par le président du tribunal de commerce suivant jugement du 14 septembre 2015 ;

– le 29 septembre 2015, la Cour d’appel de Chambéry a infirmé ce jugement et homologué l’accord de conciliation du 6 août 2015, en considérant notamment que les saisies et créances prises en compte par le premier juge n’étaient pas définitives ou certaines, étant précisé qu’elles concernaient des poursuites de nombreux créanciers depuis août 2015 qui n’étaient pas signataires de l’accord, dans le cadre d’une quinzaine d’injonctions de payer, et une requête aux fins de saisie conservatoire pour une créance de 200.000 euros autorisée le 15 septembre 2015 ;

– le 20 octobre 2015, la [7] a signé un acte de cautionnement vis-à-vis de la Direction Générale des Finances Publiques en garantie du plan de règlement du 6 octobre 2015 à hauteur de 100.000 euros.

En outre, il résulte des conclusions de la société [7] (pages 24 et 27) qu’elle reconnaît elle-même avoir eu connaissance, le 11 septembre 2015, de la procédure de conciliation qui se déroulait depuis le mois de mars 2015. Cependant, elle conclut qu’elle n’aurait pu prendre connaissance d’information sur cette procédure confidentielle qu’à compter du 29 septembre 2015, alors qu’il résulte de son engagement du 17 septembre 2015 qu’elle tirait déjà des conséquences directes de la décision du tribunal de commerce du 17 précédent, et avait donc connaissance du fait que la cessation des paiements du groupe [4] était possible.

Par ailleurs, dans son courrier de saisine de la commission de recours amiable du 20 décembre 2017, la société [7] confirme la connaissance d’une procédure de conciliation engagée en mars 2015 à l’occasion d’une discussion avec un agent de la DGFIP le 11 septembre 2015, et l’existence de dettes à l’égard du Fisc, de l’URSSAF et de 5 banques. La société ajoute avoir rencontré le conciliateur le 15 septembre pour un dépôt de bilan, qui justifie la réunion du 17 septembre 2015. Elle confirme la réception d’un mail du 18 septembre 2015 du conciliateur incitant M. et Mme [W] à déposer une déclaration de cessation des paiements. Elle reconnaît la découverte au même moment du non-respect de l’accord de conciliation lors de la procédure devant la commission des chefs de service.

Par conséquent, la société [7] se contredit lorsqu’elle affirme avoir été trompée sur l’envergure des difficultés financières du groupe [4] et sur un état de cessation des paiements qui ne sera prononcé qu’en fin 2016, donc sur une dissimulation de cette situation, alors que, si elle n’a pas été confirmée en appel, la cessation des paiements avait été retenue en premier ressort, par le conciliateur et était donc en discussion. Elle se contredit également lorsqu’elle soutient ne pas avoir eu connaissance d’une procédure de conciliation qui avait précédé celle ayant donné lieu au plan d’apurement du 6 octobre 2015, et sur le fait que cette précédente procédure avait échoué puisque les dettes n’étaient pas honorées envers les créanciers visés par le protocole et d’autres créanciers, et que le protocole de conciliation précédent n’avait pas été respecté.

La société n’a donc pas commis, en poursuivant en connaissance de cause le 23 novembre 2015 ses cautionnements et son soutien financier pour tenter de sauver le groupe [4], une erreur qui aurait vicié son consentement au sens de l’article 1110 du Code civil lors de la signature de l’acte de cautionnement litigieux.

Qui plus est, la société [7] n’apporte aucun élément pour établir que la solvabilité du groupe [4], largement remise en cause alors selon l’état de ses connaissances des deux procédures de conciliation et des décisions du tribunal de commerce et de la cour d’appel, était une condition à son engagement dans l’acte de cautionnement du 23 novembre 2015.

Il n’y a donc pas lieu de reprendre ici la discussion sur l’ignorance d’une date de cessation des paiements, finalement fixée en mars 2015, lors de l’ouverture d’une procédure de redressement judiciaire à la fin de l’année 2016. Il n’y a pas lieu davantage de reprendre la discussion sur des rapports d’expertise de 2019 et de 2020 ou sur la tenue d’une comptabilité irrégulière et fausse malgré la certification d’un commissaire aux comptes, qui sont venus expliquer la situation financière considérablement obérée du groupe [4], dès lors que la société [7] connaissait suffisamment l’étendue des dettes et des problèmes de solvabilité du groupe [4] lors de la signature de l’acte de cautionnement en novembre 2015. Enfin, il convient de différencier l’état de ces connaissances lors de la signature du protocole d’investissement en juillet, qui a pu justifier l’annulation de celui-ci, et les connaissances acquises entre juillet et novembre 2015.

Sur le vice du consentement par violence

Les articles 1111 et 1112 du Code civil, dans leurs versions en vigueur jusqu’au 1er octobre 2016, disposaient que : « La violence exercée contre celui qui a contracté l’obligation est une cause de nullité, encore qu’elle ait été exercée par un tiers autre que celui au profit duquel la convention a été faite. ; « Il y a violence lorsqu’elle est de nature à faire impression sur une personne raisonnable, et qu’elle peut lui inspirer la crainte d’exposer sa personne ou sa fortune à un mal considérable et présent ».

En l’espèce, la société [7] n’apporte aucune preuve du fait que l’URSSAF aurait exploité son ignorance, compte tenu de l’état de ses connaissances sur la situation des sociétés du groupe [4] établi ci-dessus, ou l’aurait soumise à une contrainte économique. Aucun élément ne vient avérer le chantage allégué et l’ultimatum selon lequel, à défaut d’acte de cautionnement, l’échéancier d’apurement des dettes serait annulé, la procédure de conciliation abandonnée et l’état de cessation des paiements déclaré. Enfin, rien ne vient justifier un état de dépendance économique, même au regard des sommes investies à hauteur de 2.257.900 euros, d’autant que le risque de perdre cette somme ne peut pas être pris en considération puisque la société [7] aurait été en droit, à l’époque, de demander l’annulation du protocole d’investissement, ce qu’elle a fait par la suite avec succès.

L’URSSAF rappelle à juste titre que, de toute manière, la menace de faire usage d’une voie de droit ne saurait constituer une violence au sens des articles 1111 et 1112 du Code civil, sauf abus du droit d’agir, notamment lorsqu’il s’agit d’engager une procédure collective (Com., 16 mai 2006, 05-15.794). En outre, cette voie de droit a finalement été exercée et a donné lieu à l’ouverture d’une procédure de redressement judiciaire concernant la société [5] par jugement du tribunal de commerce de Chambéry du 25 octobre 2016.

L’acte de cautionnement n’a donc pas été consenti à la suite de l’exercice d’une violence.

Sur le vice du consentement par dol

L’article 1116 du Code civil, dans sa version en vigueur jusqu’au 1er octobre 2016, disposait que : « Le dol est une cause de nullité de la convention lorsque les man’uvres pratiquées par l’une des parties sont telles, qu’il est évident que, sans ces man’uvres, l’autre partie n’aurait pas contracté.

Il ne se présume pas et doit être prouvé ».

En l’espèce, la société [7] n’apporte aucun élément pour avérer le fait que l’URSSAF aurait dissimulé à son cocontractant un fait qui l’aurait empêché de contracter s’il l’avait connu. Au regard des considérations ci-dessus, la société connaissait les difficultés financières du groupe [4] et a signé l’acte de cautionnement en sachant que l’état de cessation des paiements était envisagé et que les difficultés étaient anciennes et concernaient de nombreux créanciers, dont le Fisc et l’URSSAF.

L’appelante ne précise pas quelles informations lui auraient été spécialement dissimulées, en dehors de celles dont elle avait parfaitement connaissance au vu des pièces versées au débat et de ses propres explications. Au final, seul le caractère irrégulier de la comptabilité semblait ne pas être connu de la société [7] le 23 novembre 2015, puisqu’elle conclut que cette information est ressortie des rapports d’expertise réalisés en 2019 et 2020 ; mais cette information sur la cause des difficultés financières est surabondante, ces difficultés et leur étendue étant bien connues avant la signature de la caution litigieuse. En outre, et surtout, il n’est pas prétendu, et encore moins établi, que l’URSSAF ait connu ces infractions lors du cautionnement contracté avec elle.

L’acte de cautionnement n’a donc pas été vicié par des man’uvres dolosives de l’URSSAF et les premiers juges ont à juste titre débouté la société de ses demandes et condamné celle-ci à régler sa garantie.

Sur le préjudice financier

La société [7] ne prouve aucune faute de l’URSSAF et sa demande de dommages et intérêts est donc injustifiée.

Sur les frais et dépens

Le jugement sera donc intégralement confirmé, et la société [7] sera condamnée aux dépens.

Ni l’équité ni la situation des parties ne justifient qu’il soit fait application de l’article 700 du Code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement par arrêt contradictoire, en dernier ressort après en avoir délibéré conformément à la loi,

Confirme en toutes ses dispositions le jugement du pôle social du tribunal judiciaire d’Annecy du 19 mai 2022,

Y ajoutant,

Condamne la SARL [7] devenue [7] aux dépens de la procédure d’appel,

Déboute l’URSSAF Rhône-Alpes de sa demande sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile.

Prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

Signé par M. DELAVENAY, Président et par M. OEUVRAY, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le Greffier Le Président

 


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