CDD pour accroissement d’activité : décision du 8 juillet 2022 Cour d’appel de Douai RG n° 20/02152
CDD pour accroissement d’activité : décision du 8 juillet 2022 Cour d’appel de Douai RG n° 20/02152

ARRÊT DU

08 Juillet 2022

N° 1220/22

N° RG 20/02152 – N° Portalis DBVT-V-B7E-TH7J

PS/GL

Jugement du

Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de DOUAI

en date du

24 Septembre 2020

(RG F 19/00108 -section )

GROSSE :

aux avocats

le 08 Juillet 2022

République Française

Au nom du Peuple Français

COUR D’APPEL DE DOUAI

Chambre Sociale

– Prud’Hommes-

APPELANT :

M. [Y] [I]

[Adresse 1]

[Localité 2]

Représenté par Me Laurence BONDOIS, avocat au barreau de LILLE substituée par Me Seham EL MOKHTARI, avocat au barreau de LILLE

INTIMÉE :

Etablissement Public AFPA DES ADULTES (AFPA)

[Adresse 5]

[Localité 3]

Représentée par Me Cindy DENISSELLE-GNILKA, avocat au barreau de BETHUNE substituée par Me Aurélie BOENS, avocat au barreau de BETHUNE

DÉBATS :à l’audience publique du 07 Juin 2022

Tenue par Patrick SENDRAL

magistrat chargé d’instruire l’affaire qui a entendu seul les plaidoiries, les parties ou leurs représentants ne s’y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la cour dans son délibéré,

les parties ayant été avisées à l’issue des débats que l’arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe.

GREFFIER : Cindy LEPERRE

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ

Monique DOUXAMI

: PRÉSIDENT DE CHAMBRE

Alain MOUYSSET

: CONSEILLER

Patrick SENDRAL

: CONSEILLER

ARRÊT :Contradictoire

prononcé par sa mise à disposition au greffe le 08 Juillet 2022,

les parties présentes en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l’article 450 du code de procédure civile, signé par Monique DOUXAMI, Président et par Cindy LEPERRE, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

ORDONNANCE DE CLÔTURE : rendue le 17 mai 2022

FAITS ET PROCEDURE

Par contrat à durée déterminée (CDD) du 24 août 2015 suivi de deux contrats de même nature M.[I] a été engagé en qualité de formateur par l’AFPA afin d’oeuvrer dans son centre de [Localité 4].

Les relations entre les parties ayant pris fin au terme du dernier contrat le 9 janvier 2019

M.[I] a saisi le Conseil de Prud’hommes de Douai le 31 mai 2019 de diverses réclamations indemnitaires au titre de la requalification des CDD en un unique contrat à durée indéterminée.

Par jugement ci-dessus référencé auquel il est renvoyé pour plus ample connaissance de la procédure les premiers juges l’ont débouté de ses demandes.

Vu l’appel formé par M.[I] contre ce jugement et ses conclusions ainsi clôturées

« Réformer le jugement rendu par le Conseil de Prud’hommes de DOUAI le 24 septembre 2020 en ce qu’il a : . Débouté Monsieur [Y] [I] de l’ensemble de ses demandes, Condamné Monsieur [Y] [I] aux entiers dépens, Par conséquent, statuant de nouveau:

Requalifier les Contrats à Durée Déterminée en Contrat à Durée Indéterminée à compter du 24 aout 2015

Constater, dire et juger que la rupture du contrat de Monsieur [I] le 9 janvier 2019 s’analyse en un licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Condamner l’AFPA à verser à Monsieur [I] les sommes suivantes:

– 5.490,36 € à titre d’indemnité de requalification

– 2.316,24 € à titre d’indemnité de licenciement,

– 8.235,54 € à titre d’indemnité compensatrice de préavis, outre 823,55 € au titre des congés payés,

– 2.745,18 € à titre de dommages et intérêts pour procédure irrégulière

– 10.980,72 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

– 3.000 € au titre de l’article 700 du Code de Procédure Civile.

Condamner I’ AFPA aux entiers dépens.

Ordonner la communication des fiches de paie, solde de tout compte, certificat de travail et attestation Pôle Emploi, sous astreinte de 50,00 € par jour de retard et par document à compter de la décision à intervenir.

Ordonner la capitalisation des intérêts

Vu les conclusions par lesquelles l’AFPA demande la confirmation du jugement, le rejet des demandes adverses ainsi qu’une somme sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile

Vu l’article 455 du code de procédure civile

Vu l’ordonnance de fixation de l’affaire et de clôture

MOTIFS

La demande de requalification de la relation de travail en contrat à durée indéterminée

En application de l’article L 1221-2 du Code du travail « le contrat à durée indéterminée est la forme normale et générale de la relation de travail ». 

L’article L 1242-1 dudit code précise « Un contrat de travail à durée déterminée, quel que soit son motif, ne peut avoir ni pour objet ni pour effet de  pourvoir durablement un emploi lié à l’activité normale et permanente de l’entreprise». 

L’article L 1242-2 du Code du travail ajoute que le contrat de travail à durée déterminée ne peut être conclu que pour l’exécution d’une tâche précise et temporaire, et énumère les cas limitatifs auxquels il peut y être recouru pour l’exécution d’une tâche précise et temporaire dont le remplacement d’un salarié et l’accroissement temporaire d’activité.

En l’espèce, l’employeur justifie que le premier CDD conclu avec M.[I] avec effet le 24 août 2015 était effectivement lié aux nécessités du remplacement du salarié [D] momentanément absent.

Le contrat suivant, conclu pour la période entre le 11 janvier et le 8 juillet 2016, renouvelé jusqu’au 7 juillet 2017, avait pour motif l’accroissement temporaire d’activité et non l’usage constant dans certains secteurs d’activité.

Il s’ensuit que l’employeur n’est pas fondé de se prévaloir des conditions applicables à ce dernier motif. Le dernier contrat, au titre de la période du 10 juillet 2017 au 9 janvier 2019, a quant à lui été conclu pour motif d’accroissement temporaire d’activité.

Vu les motifs de recours aux CDD et leur ordre (remplacement de salarié puis accroissement temporaire d’activité) l’employeur devait respecter le délai de carence prévu par l’article L 1244-3 du code du travail.

Il soutient que M.[I] a été recruté pour occuper des postes différents et que le délai ne s’appliquait donc pas mais ce moyen sera rejeté, l’intéressé ayant en effet toujours exercé des missions de formateur sans qu’il y a lieu d’opérer un distinguo artificiel selon les publics concernés ou l’intitulé des formations dispensées.

Force est de constater que le délai de carence prévu par le texte précité n’a pas été respecté dès lors qu’il s’est écoulé un délai de 9 jours entre le terme du premier contrat et la prise d’effet du deuxième CDD alors que s’imposait un délai de 40 jours.

Du reste, 3 jours à peine les ayant séparés le délai de carence n’a pas non plus été respecté entre le terme du deuxième CDD et la prise d’effet du troisième.

Ensuite, l’employeur, qui fournit des éléments de contexte historique impropres à étayer sa thèse, tire essentiellement argument non pas d’un accroissement de son activité mais d’une baisse tendancielle de celle-ci.

Dans le second CDD il mentionnait comme motif de recours un « surdimensionnement du groupe technicien de maintenance chauffage et climatisation » mais aucune pièce n’établit que par rapport à une période de référence donnée les besoins de formation et les publics concernés aient augmenté. La circonstance que l’AFPA ait été saisie de commandes, au caractère exceptionnel non avéré, ne suffit pas à établir l’augmentation de son activité.

Il est ajouté que globalement l’AFPA ne verse aucune donnée comptable accréditant ses dires.

Le compte d’activité du centre de [Localité 4] mentionne entre 2015 et 2019 une baisse du chiffre d’affaires, ce qui n’est pas de nature à étayer la thèse d’un accroissement d’activité et encore moins de sa nature temporaire.

L’employeur prétend à la fois qu’à compter de septembre 2015 son volume de commandes a été déterminé « au fil de l’eau ne permettant pas de déterminer le volume de charge » et que le conseil régional, principal client, s’engageait sur un « volume de commandes global » ce qui est équivoque voire contradictoire.

Du reste, il ne justifie pas du caractère cyclique de ses besoins de formateur à l’époque considérée.

Il fait plaider que les commandes n’étaient pas pérennes et qu’il avait besoin de flexibilité mais il lui revient de caractériser l’accroissement temporaire de son activité visé comme motif dans les deux derniers contrats, ce qu’il ne fait pas.

Vu ces éléments l’AFPA a méconnu les dispositions légales susvisées et le recrutement de M.[I] a eu pour objet de pourvoir durablement à un emploi lié à son activité normale et permanente.

Les contrats litigieux seront donc requalifiés en un unique CDI ayant pris effet le 24 août 2015 et rompu sans forme ni cause réelle et sérieuse le 9 janvier 2019.

Les conséquences financières de la requalification

Il sera alloué à M.[I] la somme de 2800 euros à titre d’indemnité de requalification.

Il ressort de l’article L 1235-3 dans sa rédaction issue de l’ordonnance n°2017-1387 du 22 septembre 2017 que lorsque le licenciement survient pour une cause qui n’est pas réelle et sérieuse, le juge octroie au salarié une indemnité à la charge de l’employeur dont le montant est compris entre des montants minimaux et maximaux.

Compte tenu des effectifs de l’association, de l’ancienneté de M.[I], de son âge, du revenu dont il a été privé (2745 euros bruts par mois avant revenus de remplacement), de ses qualifications, de ses difficultés à retrouver un emploi dans ce secteur d’activité et des justificatifs sur sa situation postérieure à la rupture il y a lieu de lui allouer 8300 euros de dommages-intérêts.

Cette somme, excédant le plancher d’indemnisation prévu par l’article L 1235-3 du code du travail et venant en complément de l’indemnité de licenciement, répare en totalité le préjudice moral et financier causé par la perte d’emploi injustifiée.

Aucun préjudice excédentaire n’étant établi le surplus de la demande sera rejeté.

Ne justifiant d’aucun préjudice résultant du non respect de la procédure de licenciement le salarié sera débouté de sa demande afférente.

A titre d’indemnité compensatrice de préavis M.[I] a droit à deux et non trois mois des salaires qu’il aurait dû percevoir s’il avait travaillé puisqu’en application de l’accord d’entreprise du 4 juillet 1996 conclu avec les organisations syndicales et du contrat de travail il occupait des fonctions de « formateur cadre » et non d’« autre cadre ». Vu les éléments versés aux débats il lui sera alloué la somme de 5490 euros augmentée de l’indemnité de congés payés afférente.

Les périodes de suspension du contrat de travail n’entrant pas en ligne de compte dans le calcul de son ancienneté globale il convient de chiffrer l’indemnité de licenciement à la somme de 1869 euros.

L’appel ayant engendré des frais qu’il serait inéquitable de laisser totalement à sa charge l’AFPA devra lui payer une somme sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS, LA COUR

INFIRME le jugement

statuant à nouveau et y ajoutant

REQUALIFIE en un contrat à durée indéterminée avec effet le 24 août 2015 les contrats à durée déterminée conclus entre les parties

DIT que le licenciement de M.[I] le 9 janvier 2019 est irrégulier et dénué de cause réelle et sérieuse

CONDAMNE l’AFPA à lui payer les sommes suivantes:

‘indemnité de requalification : 2800 euros

‘indemnité compensatrice de préavis: 5490 euros

‘indemnité de congés payés: 549 euros

‘indemnité de licenciement: 1869 euros

‘dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse: 8300 euros

‘indemnité de procédure : 2000 euros

ORDONNE le remboursement par l’AFPA à Pôle emploi des indemnités de chômage versées à M.[I] suite au licenciement, dans la limite de 4 mois

ORDONNE la délivrance d’un certificat de travail, d’une attestation Pôle emploi et d’un bulletin de paie conformes au présent arrêt

DIT n’y avoir lieu à astreinte

AUTORISE la capitalisation des intérêts dus pour une année entière

DEBOUTE M.[I] du surplus de ses demandes

CONDAMNE l’AFPA aux dépens d’appel et de première instance.

LE GREFFIER

Cindy LEPERRE

LE PRESIDENT

Monique DOUXAMI

 


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