8ème Ch Prud’homale
ARRÊT N°346
N° RG 19/02453 –
N° Portalis DBVL-V-B7D-PV6R
SARL AN A’VEL PUBLICITE
C/
M. [K] [R]
Infirmation partielle
Copie exécutoire délivrée
le :
à :
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE RENNES
ARRÊT DU 08 JUILLET 2022
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :
Monsieur Rémy LE DONGE L’HENORET, Président de chambre,
Monsieur Philippe BELLOIR, Conseiller,
Madame Gaëlle DEJOIE, Conseillère,
GREFFIER :
Monsieur Philippe RENAULT, lors des débats et lors du prononcé
DÉBATS :
A l’audience publique du 31 Mars 2022
devant Monsieur Rémy LE DONGE L’HENORET, magistrat rapporteur, tenant seul l’audience, sans opposition des représentants des parties, et qui a rendu compte au délibéré collégial
ARRÊT :
Contradictoire, prononcé publiquement le 08 Juillet 2022 par mise à disposition au greffe comme indiqué à l’issue des débats
****
APPELANTE et intimée à titre incident :
La SARL AN A’VEL PUBLICITE prise en la personne de son représentant légal et ayant son siège social :
[Adresse 2]
[Localité 3]
Représentée par Me Pierre DUGUE de la SELARL LES CONSEILS D’ENTREPRISES, Avocat au Barreau de BREST
INTIMÉ et appelant à titre incident :
Monsieur [K] [R]
né le 10 Mars 1982 à [Localité 4] (29)
[Adresse 1]
[Localité 4]
Représentée par Mme [U] [X], Défenseure syndicale F.O. de [Localité 5], suivant pouvoir
M. [K] [R] a été embauché par la SARL AN A’VEL PUBLICITE qui est une société spécialisée dans le conseil, la conception, la réalisation et l’installation de supports de publicité et signalétiques, dans le cadre d’un contrat à durée déterminée du 2 au 30 novembre 2015, prolongé au terme de deux avenants jusqu’au 15 janvier 2016 en qualité d’ouvrier de pose et de fabrication, statut ouvrier, catégorie D de la Convention collective nationale de l’industrie de la sérigraphie. La relation contractuelle s’est poursuivie au delà dans le cadre d’un contrat à durée indéterminée.
M. [K] [R] s’est vu reconnaître la qualité de Travailleur handicapé (RQTH) à compter du 30 octobre 2015.
M. [R] a été placé en arrêt de travail pendant deux semaines en mars 2016 pour lombosciatalgie, sciatalgie droit et cruralgie droite.
M. [R] a été victime d’un accident du travail le 27 septembre 2016 et arrêté à plusieurs reprises jusqu’au 13 décembre 2016 du fait de rechutes de cet accident.
Par lettre remise contre décharge le 11 janvier 2017, la SARL AN A’VEL PUBLICITE a convoqué M. [R] à un entretien préalable à un éventuel licenciement fixé au 1er février 2017.
Le salarié a été à nouveau placé en arrêt de travail à compter du 13 janvier 2017.
L’employeur a adressé au salarié une nouvelle convocation à entretien préalable par lettre recommandée du 16 janvier 2017, entretien qui s’est tenu le 1er février 2017 et à l’occasion duquel l’employeur a remis au salarié une note d’information concernant son licenciement pour motif économique avec priorité de ré-embauchage.
Par courrier recommandé du 10 février 2017, la SARL AN A’VEL PUBLICITE a notifié à M. [R] son licenciement.
Par lettre remise contre décharge le 02 mars 2017, la SARL AN A’VEL PUBLICITE a accédé aux demandes formulées le 23 février 2017 par M. [R], en lui communicant les critères d’ordre de licenciement et en prenant en compte sa demande de bénéfice de la priorité de réembauchage.
Le 8 septembre 2017, M. [R] a saisi le conseil de prud’hommes de Brest aux fins de :
‘ Le dire recevable et bien fondé en ses demandes,
‘ Dire que l’employeur a manqué à son obligation de sécurité de résultat et à son obligation d’employabilité des personnes handicapées,
‘ Dire que le licenciement pour motif économique est intervenu sans cause réelle et sérieuse,
‘ Requalifier le contrat à durée déterminée en contrat à durée indéterminée ,
‘ Dire que l’employeur a violé la procédure de licenciement pour motif économique,
‘ Condamner la SARL AN A’VEL PUBLICITE à lui payer les sommes suivantes, avec intérêts légaux et moratoires :
– 2.084,42 € au titre du non-respect de la visite médicale d’embauche et des visites médicales postérieures,
– 8.337,68 € au titre du non-respect de l’obligation de sécurité de résultat,
– 2.084,42 € au titre de l’indemnité de requalification du contrat à durée déterminée en contrat à durée indéterminée,
– 43.281,22 € au titre de l’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
– 2.084,42 € au titre de l’irrégularité de la procédure de licenciement,
– 2.500 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
‘ Prononcer l’exécution provisoire, nonobstant appel de la décision, eu égard à la nature du dossier et à la situation financière du salarié,
‘ Ordonner la remise des documents sociaux rectifiés,
‘ Fixer la moyenne des trois derniers mois de salaire à 2.456,07 €,
‘ Débouter l’employeur de ses entières demandes,
‘ Condamner l’employeur aux entiers dépens, y compris ceux pouvant résulter d’une éventuelle exécution forcée de la présente procédure ainsi qu’au paiement des honoraires d’huissier, s’ils devaient être exposés.
La cour est saisie de l’appel formé le 19 avril 2019 par la SARL AN A’VEL PUBLICITE contre le jugement du 8 mars 2019 notifié le 1er avril 2019 par lequel le conseil de prud’hommes de Brest a :
‘ En la forme, reçu M. [R] en sa requête,
‘ Dit que l’employeur a manqué à son obligation de sécurité de résultat et à son obligation d’employabilité des personnes handicapées,
‘ Dit que le licenciement pour motif économique est intervenu sans cause réelle et sérieuse,
‘ Dit que l’employeur a violé la procédure de licenciement pour motif économique,
‘ Condamné la SARL AN A’VEL PUBLICITE à payer à M. [R] les sommes suivantes, avec intérêts de droit :
– 2.084,42 € au titre du non-respect de la visite médicale d’embauche et des visites médicales postérieures,
– 8.337,68 € au titre du non-respect de l’obligation de sécurité de résultat,
– 25.013,04 € au titre de l’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
– 1.500 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
‘ Ordonné l’exécution provisoire sur la moitié des sommes allouées par le présent jugement en fixant la moyenne des trois derniers mois de salaire à 2.084,42 €,
‘ Débouté M. [R] de sa demande en requalification de contrat à durée déterminée en contrat à durée indéterminée,
‘ Condamné la SARL AN A’VEL PUBLICITE à remettre à M. [R] les documents sociaux rectifiés,
‘ Débouté les parties du surplus de leurs demandes,
‘ Condamné la SARL AN A’VEL PUBLICITE aux dépens, et y compris en cas d’exécution forcée, les éventuels honoraires et frais d’huissier (article 696 du code de procédure civile).
Vu les écritures notifiées par voie électronique le 24 octobre 2019, suivant lesquelles la SARL AN A’VEL PUBLICITE demande à la cour de :
A titre principal,
‘ Infirmer le jugement entrepris en ce qu’il a dit le licenciement sans cause réelle et sérieuse et que les critères d’ordre n’avaient pas été respectés ainsi que sur les condamnations prononcées,
‘ Dire qu’elle n’a pas manqué à ses obligations déclaratives à la médecine du travail ni à ses obligations de sécurité de résultat et d’employabilité des personnes handicapées,
‘ Dire qu’elle a correctement appliqué les critères d’ordre par catégorie professionnelle,
‘ Dire que le licenciement de M. [R] est intervenu pour un motif économique réel et sérieux,
‘ Condamner M. [R] à lui rembourser les sommes perçues au titre de l’exécution provisoire,
‘ Débouter M. [R] de toutes ses autres demandes, fins et conclusions,
A titre reconventionnel,
‘ Confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a débouté M. [R] de sa demande de requalification du contrat à durée déterminée en contrat à durée indéterminée,
‘ Débouter M. [R] de toutes ses autres demandes, fins et conclusions,
‘ Le condamner aux entiers dépens.
Vu les écritures déposées le 1er août 2019, suivant lesquelles M. [R] demande à la cour de :
‘ Le dire recevable et bien fondé en ses demandes,
‘ Confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a :
– Dit que l’employeur a manqué à son obligation de sécurité de résultat et à son obligation d’employabilité des personnes handicapées,
– Dit que le licenciement pour motif économique est intervenu sans cause réelle et sérieuse,
– Dit que l’employeur a violé la procédure de licenciement pour motif économique, ainsi que le respect des critères d’ordre de licenciement,
– Condamné la SARL AN A’VEL PUBLICITE à lui payer les sommes suivantes :
– 2.084,42 € au titre du non-respect de la visite médicale d’embauche et des visites médicales postérieures,
– 8.337,68 € au titre du non-respect de l’obligation de sécurité de résultat,
– 1.500 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
‘ Réformer le jugement entrepris en ce qu’il l’a débouté de sa demande de requalification et sur le quantum de l’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
‘ Condamner la SARL AN A’VEL PUBLICITE à lui payer les sommes suivantes :
– 2.084,42 € au titre de l’indemnité de requalification du contrat à durée déterminée en contrat à durée indéterminée,
– 43.281,22 € au titre de l’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ou à titre de dommages-intérêts pour non-respect des critères d’ordre de licenciement,
‘ Y additer la somme de 1.500 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile en cause d’appel,
‘ Intérêts légaux et moratoires,
‘ Ordonner la remise des documents sociaux rectifiés,
‘ Fixer la moyenne des trois derniers mois de salaire à 2.456,07 €,
‘ Débouter l’employeur de ses entières demandes,
‘ Condamner l’employeur aux entiers dépens, y compris ceux pouvant résulter d’une éventuelle exécution forcée de la présente procédure ainsi qu’au paiement des honoraires d’huissier, s’ils devaient être exposés.
La clôture de la procédure a été prononcée le 17 mars 2022 et reportée au 22 mars 2022.
Pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties la cour, conformément à l’article 455 du code de procédure civile, renvoie aux conclusions notifiées via le RPVA.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Il convient de rappeler à titre liminaire que par application de l’article 954, alinéa 3 du code de procédure civile, la cour ne statuera que sur les prétentions énoncées au dispositif des écritures des parties en cause d’appel, ce que ne sont pas au sens de ces dispositions des demandes visant seulement à ‘dire’ ou ‘constater’ un principe de droit ou une situation de fait, voire ‘juger’ quand ce verbe, utilisé comme synonyme des deux premiers, n’a pour effet que d’insérer dans le dispositif des écritures, des éléments qui en réalité constituent un rappel des moyens développés dans le corps de la discussion.
Sur l’exécution du contrat de travail :
* Quant à la demande de requalification du contrat à durée déterminée en contrat à durée indéterminée :
Pour infirmation et requalification, M. [K] [R] fait essentiellement valoir que l’accroissement d’activité invoqué par l’employeur doit s’apprécier à la date de la signature du contrat à durée déterminée, que l’employeur ne produit aucune pièce à ce titre et que la poursuite de la relation contractuelle dans le cadre d’un contrat à durée indéterminée démontre le caractère injustifié du motif de recours.
La SARL AN A’VEL PUBLICITE rétorque que le surcroît d’activité est lié à la réalisation de la commande de la société PROXI concernant la réfection de la signalétique de ses magasins.
L’article L 1242-1 du Code du travail dispose que » le contrat de travail à durée déterminée ne peut avoir pour objet ni pour effet de pourvoir durablement un emploi lié à l’activité normale et permanente de l’entreprise dans laquelle travaille le salarié intéressé ».
L’article L 1242-2 du même code dispose que les contrats à durée déterminée ne peuvent être conclus que pour l’exécution d’un tâche précise et temporaire et seulement dans les cas prévus par la loi , notamment :
– remplacement d’un salarié en cas d’absence.
– accroissement temporaire de l’activité de l’entreprise.
– emplois à caractère saisonnier ou pour lesquels, dans certains secteurs d’activité définis par décret ou par convention ou accord collectif de travail étendu, il est d’usage constant de ne pas recourir au contrat de travail à durée indéterminée en raison de la nature de l’activité exercée et du caractère par nature temporaire de ces emplois.
En application de l’article L 1245-2 du Code du Travail, lorsque le juge fait droit à la demande du salarié, il lui accorde une indemnité, à la charge de l’employeur, ne pouvant être inférieure à un mois de salaire.
Pour justifier de l’accroissement d’activité mentionné comme motif de recours au contrat à durée déterminée la SARL AN A’VEL PUBLICITE produit une présentation de la signalétique proposée à la société PROXI, un état des factures clients du 19 mars 2013 au 30 novembre 2017 (pièce 10) et un relevé de factures du 27 mai 2015 au 30 novembre 2017 alors que M. [K] [R] a été initialement embauché à compter du 2 novembre 2015 en contrat à durée déterminée, prolongé au terme de deux avenants jusqu’au 15 janvier 2016, sans que l’employeur n’apporte plus d’explication quant aux circonstances particulières pouvant justifier de l’accroissement de l’activité sur la période considérée, que ne suffisent pas à caractériser les pièces produites.
Il y a lieu en conséquence d’infirmer le jugement entrepris de ce chef et de requalifier les trois contrats à durée déterminée précités en contrat à durée indéterminée et de faire droit à la demande d’indemnisation de M. [K] [R] à ce titre.
* Quant à l’absence de visite médicale :
Pour infirmation et débouté du salarié à ce titre, la SARL AN A’VEL PUBLICITE entend faire observer que le défaut de visite médicale ne lui est pas imputable, qu’il résulte de la carence de l’association de médecine du travail, incapable d’organiser les visites, que la visite finalement organisée en mai 2017 n’a révélé aucune difficulté. La SARL AN A’VEL PUBLICITE ajoute que M. [K] [R] ne rapporte la preuve d’aucun préjudice.
M. [K] [R] réfute l’argumentation de la SARL AN A’VEL PUBLICITE, arguant de ce qu’en dépit de sa qualité de travailleur handicapé, l’employeur ne lui a pas permis de bénéficier d’une visite médicale d’embauche, qu’il en est résulté une absence d’adaptation de son poste de travail à son handicap et un certain nombre d’accidents du travail dont le médecin du travail n’a pas été informé par l’employeur.
Selon l’article R.4624-10 du code du travail, en sa rédaction applicable au litige :
‘Le salarié bénéficie d’un examen médical avant l’embauche ou au plus tard avant l’expiration de la période d’essai par le médecin du travail.
Les salariés soumis à une surveillance médicale renforcée en application des dispositions de l’article R. 4624-18 ainsi que ceux qui exercent l’une des fonctions mentionnées à l’article L. 6511-1 du code des transports bénéficient de cet examen avant leur embauche.’
L’article R4624-11 du même code précise que « l’examen médical d’embauche a pour finalité:
1° De s’assurer que le salarié est médicalement apte au poste de travail auquel l’employeur envisage de l’affecter ;
2° De proposer éventuellement les adaptations du poste ou l’affectation à d’autres postes ;
3° De rechercher si le salarié n’est pas atteint d’une affection dangereuse pour les autres travailleurs ;
4° D’informer le salarié sur les risques des expositions au poste de travail et le suivi médical nécessaire ;
5° De sensibiliser le salarié sur les moyens de prévention à mettre en ‘uvre. »
Selon l’article R.4624-16 du même code :
‘Le salarié bénéficie d’examens médicaux périodiques, au moins tous les vingt-quatre mois, par le médecin du travail. Ces examens médicaux ont pour finalité de s’assurer du maintien de l’aptitude médicale du salarié au poste de travail occupé et de l’informer sur les conséquences médicales des expositions au poste de travail et du suivi médical nécessaire.’
Au terme de l’article R4624-18 du Code du travail dans sa version en vigueur du 14 juillet 2014 au 1er janvier 2017,les travailleurs handicapés. bénéficient d’une surveillance médicale renforcée.
L’article R4624-19 dans sa version applicable précise que « le médecin du travail est juge des modalités de la surveillance médicale renforcée, en tenant compte des recommandations de bonnes pratiques existantes.
Cette surveillance comprend au moins un ou des examens de nature médicale selon une périodicité n’excédant pas vingt-quatre mois. »
L’article R4624-22du même code ajoute que « Le salarié bénéficie d’un examen de reprise du travail par le médecin du travail :
1° Après un congé de maternité ;
2° Après une absence pour cause de maladie professionnelle ;
3° Après une absence d’au moins trente jours pour cause d’accident du travail, de maladie ou d’accident non professionnel. »
En l’espèce, l’employeur produit certes des documents relatifs aux difficultés invoquées par le médecin du travail pour justifier de la réorganisation des modalités de visite médicale et de prise de rendez vous avec ce service pour d’autres salariés qui auraient été annulées, sans que soit identifiable l’auteur de la mention d’annulation figurant sur ces documents, une déclaration des salariés antérieure à l’embauche de M. [K] [R] et une déclaration du 05 décembre 2016 mentionnant le nom de trois salariés dont M. [K] [R] devant bénéficier de suivi médical renforcé mais faute pour l’employeur de démontrer qu’il avait attiré particulièrement l’attention du service de santé au travail de la situation de M. [K] [R], ces documents sont insuffisants à démontrer qu’il avait rempli ses obligations à ce titre, la déclaration initiale du salarié à ce service ne résultant que de la déclaration préalable à l’embauche qui n’exonérait pas l’employeur de ses obligations, s’agissant d’un salarié handicapé.
S’agissant du préjudice invoqué par le salarié, il doit être relevé que même s’il se confond pour partie avec celui dont l’intéressé se prévaut en ce qui concerne le manquement à l’obligation de sécurité dans la mesure où l’absence de visite médicale préalable à l’embauche n’a pas permis de s’assurer de l’adaptation du poste de travail de M. [K] [R] à son handicap, il s’en distingue en ce que ce défaut de visite n’est pas étranger aux effets délétères de l’inadaptation de son poste de travail.
Il y a lieu en conséquence de confirmer le jugement entrepris de ce chef.
* Quant au manquement à l’obligation de sécurité et d’employabilité des travailleurs handicapés :
Pour infirmation et débouté du salarié à ce titre, la SARL AN A’VEL PUBLICITE soutient qu’outre les observations déjà formulées concernant le défaut de visite médicale, elle justifie avoir embauché deux salariés handicapés et procédé aux aménagements nécessaires, qu’ainsi le salarié et l’autre salarié handicapé disposaient d’un siège adapté « assis-débout » pour ce poste.
L’argumentation du salarié est identique en ce qui concerne le manquement de l’employeur à son obligation de sécurité et d’employabilité des travailleurs handicapés, ajoutant que l’employeur n’a pas procédé à un aménagement de son poste de travail et n’a pas informé le médecin du travail des accidents du travail dont il avait été victime et qui trouvaient leur origine dans les taches qu’il exécutait.
En application de l’article L.4121-1 du code du travail, l’employeur doit prendre les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs.
Ces mesures comprennent :
1° Des actions de prévention des risques professionnels ;
2° Des actions d’information et de formation ;
3° La mise en place d’une organisation et de moyens adaptés.
L’employeur veille à l’adaptation de ces mesures pour tenir compte du changement des circonstances et tendre à l’amélioration des situations existantes.
L’article L.4121-3 du même code précise que l’employeur, compte tenu de la nature des activités de l’établissement, évalue les risques pour la santé et la sécurité des travailleurs, y compris dans le choix des procédés de fabrication, des équipements de travail, des substances ou préparations chimiques, dans l’aménagement ou le réaménagement des lieux de travail ou des installations et dans la définition des postes de travail. Cette évaluation des risques tient compte de l’impact différencié de l’exposition au risque en fonction du sexe.
A la suite de cette évaluation, l’employeur met en oeuvre les actions de prévention ainsi que les méthodes de travail et de production garantissant un meilleur niveau de protection de la santé et de la sécurité des travailleurs. Il intègre ces actions et ces méthodes dans l’ensemble des activités de l’établissement et à tous les niveaux de l’encadrement.
Lorsque les documents prévus par les dispositions réglementaires prises pour l’application du présent article doivent faire l’objet d’une mise à jour, celle-ci peut être moins fréquente dans les entreprises de moins de onze salariés, sous réserve que soit garanti un niveau équivalent de protection de la santé et de la sécurité des travailleurs, dans des conditions fixées par décret en Conseil d’Etat après avis des organisations professionnelles concernées.
En l’espèce et sous le bénéfice des développements qui précèdent concernant l’absence de visite médicale avant 2017 alors que M. [K] [R] qui avait le statut de travailleur handicapé devait bénéficier non seulement d’une visite médicale préalable à son embauche mais également d’un suivi médical renforcé, il est établi que l’employeur n’a pas mis en place une organisation et des moyens adaptés, le salarié n’étant pas contredit quand il affirme qu’il ne disposait que d’une chaise haute pour deux et ne justifie pas avoir veillé à l’adaptation de ces mesures pour tenir compte du changement des circonstances, en particulier au regard du handicap de M. [K] [R] et à la suite des accidents de travail dont il a été victime qui n’ont pas été signalés au médecin du travail, qu’il ne justifie pas plus avoir évalué les risques pour la santé et la sécurité de l’intéressé dans l’aménagement ou le réaménagement des lieux de travail ou des installations.
La circonstance que M. [K] [R] exerce une activité similaire en qualité d’auto-entrepreneur ne peut en soi exonérer l’employeur de ses obligations à l’égard du salarié, l’article reproduit à ce titre ne permet pas de considérer que M. [K] [R] puisse être amené à exécuter les mêmes taches dans les mêmes conditions.
Il y a lieu en conséquence de confirmer le jugement entrepris y compris en ce qui concerne l’évaluation du préjudice qui en est résulté.
***
Sur la rupture du contrat de travail :
Pour infirmation et débouté du salarié, la SARL AN A’VEL PUBLICITE expose que la décision attaquée est entachée d’une contradiction de motifs, les premiers juges ne pouvant retenir que le motif du licenciement était fondé pour ensuite condamner la société à ce titre au motif du non respect de l’ordre des licenciements.
S’agissant du motif économique, la SARL AN A’VEL PUBLICITE fait observer que les années 2014 et 2015 marquaient une croissance de l’activité, ce qui avait conduit à l’embauche du salarié, que par la suite le chiffre d’affaires a baissé sur trois trimestres consécutifs, que les dispositions de l’article L.1233-3 du Code du travail sont donc applicables, que la baisse du carnet de commande a été confirmé dans les comptes clos au 31 décembre 2017.
La SARL AN A’VEL PUBLICITE ajoute que M. [K] [R] ne démontre pas son préjudice, qu’il travaille dans une société qui intervient dans le même domaine et dont il est associé.
M. [K] [R] soutient en substance que les chiffres produits par l’employeur ne sont pas probants, que le moment choisi pour procéder à son licenciement n’est pas pertinent dans la mesure où rien ne le justifiait à ce moment là, qu’il n’a jamais retrouvé d’emploi salarié, qu’il vivote en sa qualité d’auto-entrepreneur.
En application de l’article L1233-3 du code du travail, est constitutif d’un licenciement pour motif économique, le licenciement effectué par un employeur pour un ou plusieurs motifs non-inhérents à la personne du salarié résultant d’une suppression ou transformation d’emploi ou d’une modification, refusée par le salarié, d’un élément essentiel du contrat de travail, consécutives notamment :
1° A des difficultés économiques caractérisées soit par l’évolution significative d’au moins un indicateur économique tel qu’une baisse des commandes ou du chiffre d’affaires, des pertes d’exploitation ou une dégradation de la trésorerie ou de l’excédent brut d’exploitation, soit par tout autre élément de nature à justifier de ces difficultés.
Une baisse significative des commandes ou du chiffre d’affaires est constituée dès lors que la durée de cette baisse est, en comparaison avec la même période de l’année précédente, au moins égale à :
a) Un trimestre pour une entreprise de moins de onze salariés ;
b) Deux trimestres consécutifs pour une entreprise d’au moins onze salariés et de moins de cinquante salariés ;
c) Trois trimestres consécutifs pour une entreprise d’au moins cinquante salariés et de moins de trois cents salariés ;
d) Quatre trimestres consécutifs pour une entreprise de trois cents salariés et plus ;
2° A des mutations technologiques ;
3° A une réorganisation de l’entreprise nécessaire à la sauvegarde de sa compétitivité ;
4° A la cessation d’activité de l’entreprise.
La matérialité de la suppression, de la transformation d’emploi ou de la modification d’un élément essentiel du contrat de travail s’apprécie au niveau de l’entreprise.
Par application de l’article L1233-4 du même code, le licenciement pour motif économique d’un salarié ne peut intervenir que lorsque tous les efforts de formation et d’adaptation ont été réalisés et que le reclassement de l’intéressé sur un emploi relevant de la même catégorie que celui qu’il occupe ou sur un emploi équivalent ou, à défaut, et sous réserve de l’accord exprès du salarié, sur un emploi d’une catégorie inférieure ne peut être réalisé dans le cadre de l’entreprise ou, le cas échéant, dans les entreprises du groupe auquel l’entreprise appartient ; les offres de reclassement proposées au salarié doivent êtres écrites et précises;
Le reclassement doit en outre être recherché avant la décision de licenciement, au sein de la société comme au sein des sociétés du groupe entre lesquelles la permutabilité du personnel est possible et l’employeur doit s’expliquer sur la permutabilité et ses éventuelles limites, au regard des activités, ou de l’organisation, ou du lieu d’exploitation; dans le cadre de cette obligation, il appartient encore à l’employeur, même quand un plan social a été établi, de rechercher effectivement s’il existe des possibilités de reclassement, prévues ou non dans le plan social, et de proposer aux salariés dont le licenciement est envisagé des emplois disponibles ; il ne peut notamment se borner à recenser dans le cadre du plan social les emplois disponibles au sein de la société et dans les entreprises du groupe ;
En l’espèce, les éléments comptables produits au débat, notamment les tableaux de chiffres d’affaires trimestriels, mettent en évidence des fluctuations du chiffre d’affaires de la société pris trimestre par trimestre allant d’un peu plus de 200 K€ à trois reprises sur les exercices 2015, 2016 et 2017 à 299 K€ à sur le seul second trimestre 2016, en passant par des paliers à 207 K€ au second trimestre 2015 et 208 K€ au troisième trimestre 2016, 218 K€ au second trimestre 2017, 219 K€ au le premier trimestre 2016, à 229 K€ au troisième trimestre 2015, à 233 K€ au quatrième trimestre 2016, à 236 K€ au premier trimestre 2015, à 255 K€ au quatrième trimestre 2015, de sorte qu’il ne peut être considéré en comparant les chiffres d’affaires de chaque trimestre d’une année sur l’autre qu’il y ait eu une baisse significative du chiffre d’affaires au sens des dispositions précitées, le chiffre d’affaires du second trimestre 2019 très supérieur au chiffre d’affaire du même trimestre de l’année précédente et à celui du même trimestre de l’année suivante, en ce qu’il constitue un pic exceptionnel ne peut constituer une référence pour caractériser la baisse significative du chiffre d’affaires de l’année 2017, étant précisé qu’antérieurement à ce trimestre M. [K] [R] avait déjà fait l’objet d’une mesure de licenciement.
En outre, les autres documents produits, notamment les documents comptables non certifiés, mettent en évidence en 2017 un résultat net en retrait de plus de 30 K€, cependant l’examen du compte de résultat de cette année permet de relever des installations techniques à hauteur de plus de 43K€ pour 19 K€ l’année précédente et d’autres immobilisations corporelles pour plus de 75 K€ au lieu de 17 K€ l’année précédente, sans que soit fournie la moindre explication à ce titre.
Par ailleurs, le tableau des commandes tel que produit ne permet pas d’en analyser l’évolution.
Il résulte des développements qui précèdent que contrairement à ce qu’ont retenu les premiers juges, le motif économique invoqué par l’employeur n’est pas caractérisé, de sorte que le licenciement économique de M. [K] [R] est dépourvu de cause réelle et sérieuse, le jugement entrepris étant confirmé de ce chef par substitution de motifs.
Compte tenu de l’effectif du personnel de l’entreprise, de la perte d’une ancienneté de 1 an et 3 mois pour un salarié reconnu travailleur handicapé âgé de 35 ans ainsi que des conséquences matérielles et morales du licenciement à l’égard de l’intéressé, en particulier la difficulté avéré à retrouver un emploi, l’ayant conduit à s’installer en qualité d’auto-entrepreneur, ainsi que cela résulte des pièces produites et des débats, il lui sera alloué, en application de l’article L. 1235-5 du Code du travail dans sa rédaction antérieure à l’ordonnance n°2017-1387 du 22 septembre 2017 une somme de 25.013,04 € à titre de dommages-intérêts, le jugement entrepris étant confirmé de ce chef ;
Sur la remise des documents sociaux :
La demande de remise de documents sociaux conformes est fondée ; le jugement entrepris sera confirmé de ce chef.
Sur l’article 700 du Code de procédure civile :
Les éléments de la cause et la situation économique respective des parties justifient qu’il soit fait application de l’article 700 du code de procédure civile dans la mesure énoncée au dispositif ; la société appelante qui succombe en appel, doit être déboutée de la demande formulée à ce titre et condamnée à indemniser le salarié intimé des frais irrépétibles qu’il a pu exposer pour assurer sa défense en cause d’appel.
PAR CES MOTIFS,
LA COUR,
Statuant en dernier ressort et par arrêt contradictoire mis à la disposition des parties au greffe,
INFIRME partiellement le jugement entrepris,
et statuant à nouveau,
PRONONCE la requalification des contrats à durée déterminée de M. [K] [R] en contrat à durée indéterminée,
CONDAMNE la SARL AN A’VEL PUBLICITE à payer à M. [K] [R] 2.084,42€ net à titre d’indemnité de requalification des contrats à durée déterminée en contrat à durée indéterminée,
RAPPELLE que les sommes de nature salariale porteront intérêts au taux légal à compter de la date de la réception par l’employeur de sa convocation devant le bureau de conciliation, les autres sommes, à caractère indemnitaire porteront intérêts au taux légal à compter de la décision qui les alloue ;
CONFIRME le jugement entrepris pour le surplus,
et y ajoutant,
CONDAMNE la SARL AN A’VEL PUBLICITE à payer à M. [K] [R] 1.500 € en application de l’article 700 du code de procédure civile,
DÉBOUTE la SARL AN A’VEL PUBLICITE de sa demande fondée sur les dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,
CONDAMNE la SARL AN A’VEL PUBLICITE aux entiers dépens de première instance et d’appel,
LE GREFFIER,LE PRÉSIDENT.