RUL/CH
[C] [X]
C/
S.A.R.L. LEADER INTERIM 39, prise en la personne de ses représentants légaux en exercice domiciliés de droit au siège social
S.A.S.U. SD SERVICES
Expédition revêtue de la formule exécutoire délivrée
le :
à :
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE – AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE DIJON
CHAMBRE SOCIALE
ARRÊT DU 03 NOVEMBRE 2022
MINUTE N°
N° RG 20/00577 – N° Portalis DBVF-V-B7E-FS4R
Décision déférée à la Cour : Jugement Au fond, origine Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de DIJON, section Industrie, décision attaquée en date du 08 Décembre 2020, enregistrée sous le n° 19/806
APPELANT :
[C] [X]
[Adresse 3]
[Adresse 3]
représenté par M. [I] [K] (Délégué syndical ouvrier), muni d’un pouvoir en date du 22 septembre 2022
INTIMÉES :
S.A.R.L. LEADER INTÉRIM prise en la personne de ses représentants légaux en exercice domiciliés de droit au siège social
[Adresse 1]
[Adresse 1]
[Adresse 1]
représentée par Me Laurent RIQUELME de l’AARPI RIQUELME AVOCATS ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS substitué par Me Aurélie FLAHAUT, avocat au barreau de DIJON, et Me Sophia BEKHEDDA, avocat au barreau de DIJON, substituée par Me Mohamed EL MAHI, avocat au barreau de DIJON
S.A.S.U. SD SERVICES
[Adresse 2]
[Adresse 2]
[Adresse 2]
représentée par Me Delphine ANDRE de la SELARL LEGER ANDRE, avocat au barreau de GRENOBLE substituée par Me Marie CHAGUE-GERBAY, avocat au barreau de DIJON, et Me Géraldine GRAS-COMTET, avocat au barreau de MACON/CHAROLLES
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l’article 945-1 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 22 Septembre 2022 en audience publique, les parties ne s’y étant pas opposées, devant Rodolphe UGUEN-LAITHIER, Conseiller chargé d’instruire l’affaire. Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries lors du délibéré, la Cour étant alors composée de :
Olivier MANSION, Président de chambre,
Delphine LAVERGNE-PILLOT, Conseiller,
Rodolphe UGUEN-LAITHIER, Conseiller,
GREFFIER LORS DES DÉBATS : Frédérique FLORENTIN,
ARRÊT : rendu contradictoirement,
PRONONCÉ par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile,
SIGNÉ par Olivier MANSION, Président de chambre, et par Frédérique FLORENTIN, Greffier, à qui la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
FAITS ET PROCÉDURE :
M. [C] [X] a été embauché à compter du 2 septembre 2019 par un contrat de mission d’intérim en qualité d’opérateur sur commande numérique par l’agence d’intérim LEADER INTÉRIM 39 pour le compte de la société utilisatrice SD SERVICES, contrat de mission prolongé à deux reprises.
La relation de travail s’est poursuivie jusqu’au 9 octobre 2019, date à laquelle il a été victime d’un accident du travail.
Par requête du 23 décembre 2019, il a saisi le conseil de prud’hommes de Dijon afin, notamment, de faire condamner la société SD SERVICES à lui payer une somme à titre d’indemnité de requalification, et solidairement les société LEADER INTÉRIM 39 et SD SERVICES à lui payer une somme à titre de dommages-intérêts pour licenciement nul.
Par jugement du 8 décembre 2020, le conseil de prud’hommes de Dijon a jugé n’y avoir lieu à requalification des missions de travail temporaire en un contrat à durée indéterminée et débouté M. [X] de l’ensemble de ses demandes. Il a en outre mis hors de cause la société LEADER INTÉRIM 39.
Par déclaration reçue au greffe du 24 décembre 2020, M. [X] a relevé appel de cette décision.
Aux termes de ses dernières écritures du 11 février 2021, l’appelant demande de :
– infirmer le jugement déféré,
– juger que la relation contractuelle de travail de M. [X] avec la société SD SERVICES est un contrat de travail à durée indéterminée prenant effet au premier jour de ses missions, soit le 2 septembre 2019,
– condamner la société SD SERVICES à lui payer la somme de 1 841 euros à titre d’indemnité de requalification,
– condamner in solidum les sociétés SD SERVICES et LEADER INTÉRIM 39 à lui payer la somme de 11 046 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement nul,
– condamner les sociétés SD SERVICES et LEADER INTÉRIM 39 aux entiers dépens,
– juger que les condamnations produisent intérêts au taux légal à compter de la réception par les sociétés SD SERVICES et LEADER INTÉRIM 39 de la convocation devant le bureau de jugement du conseil de prud’hommes de Dijon,
– condamner les sociétés SD SERVICES et LEADER INTÉRIM 39 à lui payer la somme de 1 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
Aux termes de ses dernières écritures du 3 mai 2021, la société SD SERVICES sollicite de :
– confirmer le jugement du conseil de prud’hommes de Dijon du 8 décembre 2020 sauf en ce qu’il l’a déboutée de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
à titre infiniment subsidiaire :
– ramener la demande de M. [X] :
* à titre d’indemnité de requalification à 1 521,25 euros,
* à titre de dommages-intérêts pour licenciement nul à 9 127,50 euros,
– condamner reconventionnellement M. [X] à lui verser la somme de 3 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens.
Aux termes de ses dernières écritures du 29 mars 2021, la société LEADER INTÉRIM 39 sollicite de :
– confirmer le jugement déféré sauf en ce qu’il l’a déboutée de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civils et des dépens,
– débouter M. [X] de toutes ses demandes,
– le condamner à lui verser la somme de 2 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile outre les dépens.
Pour l’exposé complet des moyens des parties, la cour se réfère à leurs dernières conclusions susvisées, conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile.
MOTIFS DE LA DÉCISION
I – Sur la requalification de la relation de travail :
M. [X] a été embauché du 2 au 6 septembre 2019 par un contrat de mission d’intérim en qualité d’opérateur sur commande numérique par l’agence d’intérim LEADER INTÉRIM 39 pour le compte de la société utilisatrice SD SERVICES, contrat de mission prolongé à plusieurs reprises :
– du 7 au 13 septembre 2019,
– du 14 au 20 septembre 2019,
– du 23 au 27 septembre 2019,
– du 28 septembre au 4 octobre 2019,
– du 5 au 11 octobre 2019, (pièce n° 1)
étant précisé que le 9 octobre 2019 il a été victime d’un accident du travail (pièce n° 3).
Aux termes de l’article L.1251-40 du code du travail, « lorsqu’une entreprise utilisatrice a recours à un salarié d’une entreprise de travail temporaire en méconnaissance des dispositions des articles L. 1251-5 à L.1251-7, L. 1251-10 à L. 1251-12, L. 1251-30 et L. 1251-35, ce salarié peut faire valoir auprès de l’entreprise utilisatrice les droits correspondant à un contrat de travail à durée indéterminée prenant effet au premier jour de sa mission ».
L’article L. 1251-5 du même code dispose que « le contrat de mission, quel que soit son motif, ne peut avoir ni pour objet ni pour effet de pourvoir durablement un emploi lié à l’activité normale et permanente de l’entreprise utilisatrice ».
Suivant l’article L.1251-6 du même code, sous réserve des dispositions de l’article L. 1251-7, il ne peut être fait appel à un salarié temporaire que pour l’exécution d’une tâche précise et temporaire dénommée « mission » et seulement dans les cas limitativement énumérés par ce texte, dont le remplacement d’un salarié en cas d’absence ou de suspension de son contrat de travail et l’accroissement temporaire de l’activité de l’entreprise.
En cas de litige sur le motif du recours, il incombe à l’entreprise utilisatrice de rapporter la preuve de la réalité du motif énoncé.
En l’espèce, au soutien de sa demande de requalification de ses contrats de mission en un contrat de travail à durée indéterminée qu’il dirige contre la seule société SD SERVICES, M. [X] soutient que :
– celle-ci a eu recours à des contrats de mission successifs pour accomplir des activités courantes et quotidiennes normales de l’entreprise,
– le délai légal de carence n’a pas été respecté.
A – Sur l’action en requalification fondée sur le motif du recours aux contrats de mission temporaire :
L’examen des contrats de mission produits met en évidence que le salarié a occupé à chaque fois le poste d’opérateur sur commande numérique (programmation des machines, manutention, lancement séquence d’usinage à partir du tableau numérique auto, contrôle des pièces pour respecter la qualité) selon un horaire de 6 heures à 13 heures/13 heures à 20 heures pour une durée hebdomadaire de travail de 35 heures.
Les contrats de mission ont pour motif un accroissement temporaire d’activité en lien avec la commande d’un client SOGETREL pour les trois premiers, VÉOLIA pour les trois suivants.
Pour preuve de l’accroissement temporaire d’activité allégué, la société SD SERVICES produit :
– la liste des commandes effectuées par les sociétés SOGETREL et VÉOLIA pour la période comprise entre fin septembre et fin novembre 2019 (pièce n° 4),
– une « extraction écran » du volume de commandes reçues d’août à décembre 2019 pour l’usine de [Localité 4] (pièce n° 5).
Il ressort de ces éléments, non discutés par le salarié, que la société a connu sur la période considérée un accroissement sensible de son activité globale en lien notamment avec les commandes des sociétés SOGETREL et VÉOLIA.
Cet accroissement a en outre été temporaire dans la mesure où pour les mois de novembre et décembre, la cour relève une diminution du volume des commandes au niveau où il était en août précédent.
Dès lors, contrairement à ce qui est allégué, ces éléments démontrent que l’emploi de travailleur intérimaire occupé par M. [X] en septembre et octobre 2019 répond à un accroissement temporaire d’activité et non à un besoin structurel de main d’oeuvre et que l’emploi occupé par le salarié n’était pas lié durablement à l’activité normale et permanente de l’entreprise.
En conséquence, la demande n’est pas fondée.
B – Sur l’action en requalification fondée sur le non respect du délai légal de carence :
Les articles L 1251-36 et L 1251-36-1 du code du travail, dans leur rédaction applicable à la date de la rupture de la relation de travail, disposent qu’à l’expiration d’un contrat de mission, il ne peut être recouru, pour pourvoir le poste du salarié dont le contrat a pris fin, ni à un contrat à durée déterminée ni à un contrat de mission, avant l’expiration d’un délai de carence calculé en fonction de la durée du contrat de mission incluant, le cas échéant, son ou ses renouvellements. Les jours pris en compte sont les jours d’ouverture de l’entreprise ou de l’établissement utilisateurs. Sans préjudice des dispositions de l’article L. 1251-5, la convention ou l’accord de branche étendu de l’entreprise utilisatrice peut fixer les modalités de calcul de ce délai de carence.
A défaut de stipulation dans la convention ou l’accord de branche conclu en application de l’article L. 1251-36, ce délai de carence est égal :
– au tiers de la durée du contrat de mission venu à expiration si la durée du contrat incluant, le cas échéant, son ou ses renouvellements, est de quatorze jours ou plus ;
– à la moitié de la durée du contrat de mission venu à expiration si la durée du contrat incluant, le cas échéant, son ou ses renouvellements, est inférieure à quatorze jours.
En l’espèce, il ressort des écritures des parties et des contrats de mission produits que M. [X] a travaillé :
– du 2 au 6 septembre 2019,
– du 7 au 13 septembre 2019,
– du 14 au 20 septembre 2019,
– du 23 au 27 septembre 2019,
– du 28 septembre au 4 octobre 2019,
– du 5 au 11 octobre 2019 (pièce n° 1).
Il ressort également des pièces produites comme des écritures des parties que cette périodes comprend en réalité deux contrats successifs, le premier du 2 au 6 septembre 2019 renouvelé deux fois jusqu’au 20 septembre suivant, le second du 23 au 27 septembre suivant renouvelé deux fois jusqu’au 11 octobre 2019.
La durée du premier contrat de mission, incluant ses renouvellements, étant supérieurs à quatorze jours (19 jours : 5 jours pour le premier contrat, 7 jours pour chacun des deux renouvellement), le délai légal de carence est de 9 jours et demi entre le premier contrat de mission et le second. Or tel n’a pas été le cas (2 jours).
Dans ces conditions, en faisant se succéder deux contrats de mission sans respecter le délai de carence au profit du même salarié afin de pourvoir le même poste pour faire face à un accroissement temporaire d’activité, l’entreprise utilisatrice a méconnu les dispositions de l’article L1251-36 du code du travail et l’entreprise de travail temporaire a également failli aux obligations qui lui sont propres et s’est placée hors du champ d’application du travail temporaire, le motif d’accroissement d’activité ne rentrant pas dans le champ d’application des articles L1251-37 et L1251-37-1 du code du travail dans leur rédaction applicable à la date de signature des différents contrats.
Néanmoins, la méconnaissance de l’article L1251-36 précité par l’entreprise utilisatrice ne permet pas au salarié d’obtenir, sur le fondement de l’article L1251-40 du même code, la requalification du contrat de travail temporaire en un contrat à durée indéterminée le liant à l’entreprise utilisatrice.
Or la cour relève que la demande du salarié aux fins de requalification de ses contrats de mission en un contrat de travail à durée indéterminée est dirigée contre la seule société SD SERVICE et non contre la société de travail temporaire.
En conséquence, la demande de requalification de la relation de travail en contrat de travail à durée indéterminée avec la société SD SERVICES n’est pas fondée et sera en conséquence rejetée, le jugement déféré étant confirmé sur ce point.
C – Sur la condamnation in solidum :
En l’absence de requalification des contrats de mission en contrat de travail à durée indéterminée, la demande de condamnation in solidum des sociétés SD SERVICES et LEADER INTÉRIM est sans objet.
Le jugement déféré sera donc confirmé en ce qu’il l’a rejetée.
II – Sur la nullité du licenciement :
En l’absence de requalification des contrats de mission en contrat de travail à durée indéterminée, la relation de travail a pris fin par le terme du dernier contrat de mission et non par un licenciement.
Le jugement déféré sera donc confirmé en ce qu’il a rejeté les demandes du salarié au titre d’un licenciement nul.
III – Sur les demandes accessoires :
– Sur les intérêts au taux légal :
Les demandes indemnitaires du salarié étant rejetées, le jugement déféré sera confirmé sur ce point.
– Sur l’article 700 du code de procédure civile et les dépens :
Le jugement déféré sera confirmé en ce qu’il a rejeté les demandes des parties au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
M. [C] [X] succombant, il supportera les dépens de première instance et d’appel, le jugement déféré étant infirmé sur ce point.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant par arrêt contradictoire,
CONFIRME le jugement rendu le 8 décembre 2020 par le conseil de prud’hommes de Dijon sauf en ce qu’il a dit que chaque partie conserve la charge de ses propres dépens,
Y ajoutant,
CONDAMNE M. [C] [X] aux dépens de première instance et d’appel.
Le greffierLe président
Frédérique FLORENTINOlivier MANSION