CDD pour accroissement d’activité : décision du 30 mars 2023 Cour d’appel de Paris RG n° 21/00429
CDD pour accroissement d’activité : décision du 30 mars 2023 Cour d’appel de Paris RG n° 21/00429

Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 6 – Chambre 7

ARRET DU 30 MARS 2023

(n° , 2 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 21/00429 – N° Portalis 35L7-V-B7F-CC6RR

Décision déférée à la Cour : Jugement du 07 Septembre 2020 -Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de CRETEIL – RG n° F 16/02421

APPELANTE

Madame [V] [W]

[Adresse 2]

[Localité 4]

Représentée par Me Gwendoline ZUCCHI, avocat au barreau de PARIS, toque : A0942

INTIMES

Maître [T] [M] , Es-qualités de mandataire liquidateur de la société EURO SERVICES LABO

[Adresse 3]

[Localité 6]

Représenté par Me Vincent JARRIGE, avocat au barreau de PARIS, toque : A0373

Association AGS CGEA ILE DE FRANCE EST

[Adresse 1]

[Localité 5]

Représentée par Me Jean-charles GANCIA, avocat au barreau de PARIS

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 12 Janvier 2023, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Madame Guillemette MEUNIER, présidente de chambre, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, entendu en son rapport, composée de :

Madame Bérénice HUMBOURG, présidente de chambre

Madame Guillemette MEUNIER, présidente de chambre

Monsieur Laurent ROULAUD, conseiller

Greffier, lors des débats : Madame Marie-Charlotte BEHR

ARRET :

– CONTRADICTOIRE,

– par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

– signé par Madame Guillemette MEUNIER, présidente de chambre et par Madame Marie-Charlotte BEHR, Greffière à laquelle la minute a été remise par le magistrat signataire.

FAITS, PROC »DURE ET PR »TENTIONS DES PARTIES

Mme [W] a été embauchée par la société Euro Services Labo, par contrat à durée déterminée du 23 avril 2013, en qualité de technicienne de laboratoire. Le contrat est devenu à durée indéterminée à compter du 1er septembre 2013.

Par lettre remise en main propre du 18 juin 2015, Mme [W] a été convoquée à un entretien préalable fixé au 25 juin 2015, assorti d’une mise à pied à titre conservatoire.

Par lettre recommandée avec avis de réception du 03 juillet 2015 la société Euro Services Labo a notifié à Mme [W] son licenciement pour faute.

Contestant son licenciement, Mme [W] a saisi le conseil de prud’hommes de Créteil par requête en date du 27 juillet 2016.

Par jugement du 10 juillet 2018, le Tribunal de Commerce de Bobigny a prononcé à l’encontre de la société Euro Services Labo l’ouverture d’une procédure de redressement judiciaire.

Par jugement du 27 décembre 2018, le tribunal de commerce a prononcé la clôture de la liquidation judiciaire pour insuffisance d’actifs et désigné la SELAS MJS Partners en la personne de Maître [T] [M], mandataire liquidateur.

Par jugement contradictoire du 07 septembre 2020, le conseil de prud’hommes a :

-dit que le licenciement de Mme [W] repose sur une cause réelle et sérieuse et l’a déboutée de l’ensemble de ses demandes’;

-laissé les éventuels dépens à la charge de Mme [W].

Par déclaration notifiée par la voie électronique le 19 décembre 2020, Mme [W] a interjeté appel de cette décision.

Aux termes de ses dernières conclusions transmises par la voie électronique le 28 octobre 2022, Mme [W] demande à la cour de :

-la recevoir en son appel et le déclarer bien fondée’;

-infirmer le jugement entrepris en ce qu’il a dit que son licenciement repose sur une cause réelle et sérieuse et l’a débouté de l’ensemble de ses demandes’;

Statuant à nouveau :

-requalifier son licenciement en licenciement sans cause réelle et sérieuse’;

En conséquence :

-fixer au passif de la liquidation de la Société Euro Services Labo les sommes suivantes :

13.730,34 euros au titre de l’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse;

6.865,17 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi en raison des circonstances particulièrement vexatoires de son licenciement;

-2.500 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du Code de Procédure Civile

-les entiers dépens’;

-juger que les AGS CGEA IDF EST sont tenus en garantie des condamnations prononcées et leur déclarer opposable l’arrêt à intervenir.

Dans ses dernières conclusions transmises par la voie électronique le 08 juin 2021, la SELAS MJS Parteners, en la personne de Maître [M], mandataire judiciaire, demande à la cour de :

-confirmer en toutes ses dispositions le jugement rendu le 7 septembre 2020 par le Conseil de Prud’hommes de Créteil,

En conséquence :

-débouter Mme [W] de l’intégralité de ses demandes,

-condamner Mme [W] à payer à la liquidation judiciaire de la société Euro Services Labo la somme de 1.000 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du Code de procédure civile,

En tout état de cause :

-débouter Mme [W] de sa demande au titre de l’article 700 du Code de procédure civile,

-dire et juger que toute condamnation donnera lieu à la fixation d’une créance au passif de la Société Euro Services Labo,

-dire et juger que l’arrêt à intervenir sera opposable à l’AGS.

Aux termes de ses dernières conclusions transmises par la voie électronique le 11 juin 2021, UNEDIC Délégation AGS CGEA IDF OUEST'(ci-après AGS) demande à la cour de :

A titre principal :

-la déclarer recevable et bien fondée en l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions’;

-confirmer le jugement rendu par le Conseil de prud’hommes de Créteil le 07 septembre 2020 en ce qu’il a dit que le licenciement de Mme [W] repose sur une cause réelle et sérieuse et l’a déboutée de l’ensemble de ses demandes, mais également laissé les éventuels dépens à la charge de Mme [W];

Sur la garantie de l’AGS:

-dire et juger que, s’il y a lieu à fixation, celle-ci ne pourra intervenir que dans les limites de la garantie légale’;

-dire et juger le jugement opposable à l’AGS dans les termes et conditions de l’article L 3253-19 du Code du travail’;

-dire et juger qu’en tout état de cause, la garantie prévue aux dispositions de l’article L 3253-6 du Code du travail ne peut concerner que les seules sommes dues en exécution du contrat de travail au sens de l’article L 3253-8 du Code du travail’;

-dire et juger qu’en tout état de cause la garantie de l’AGS ne pourra excéder, toutes créances confondues, sous déduction des sommes déjà versées, l’un des trois plafonds fixés en vertu des dispositions des articles L 3253-17 et D 3253-5 du Code du travail’;

-exclure de l’opposabilité à l’AGS la créance éventuellement fixée au titre de l’article 700 du Code de Procédure Civile’;

-dire ce que de droit quant aux dépens sans qu’ils puissent être mis à la charge de l’AGS.

L’instruction a été déclarée close le 9 novembre 2022.

La Cour se réfère pour un plus ample exposé des prétentions et moyens des parties à leurs conclusions susvisées conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur le licenciement

Aux termes de la lettre de licenciement, l’employeur reproche à Mme [W] quatre manquements’:

-une absence injustifiée le 4 juin 2015′;

-le refus d’effectuer des heures supplémentaires’;

-des critiques et propos excessifs à l’égard de la supérieure hiérarchique’;

-la déstabilisation de sa supérieure hiérarchique et en conséquence la désorganisation du département auquel elle appartient.

Aux termes de l’article L.1235-1 du code du travail, en cas de litige relatif au licenciement, le juge à qui il appartient d’apprécier la régularité de la procédure et le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l’employeur, forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties, au besoin après toute mesure d’instruction qu’il estime utiles. Si un doute subsiste,’il profite au salarié.

Ainsi l’administration de la preuve en ce qui concerne le caractère réel et sérieux des motifs de licenciement n’incombe pas spécialement à l’une ou l’autre des parties, l’employeur devant toutefois fonder le licenciement sur des faits précis et matériellement vérifiables.

En premier lieu, il est reproché à Mme [W] le fait suivant’: «’malgré nos demandes verbales et notre lettre remise en main propre en date du 17 juin 2015, vous n’avez pas fourni de justificatifs pour votre absence du 4 juin 2015 et avez indiqué sur ce courrier ne pas avoir de justificatif pour cette journée. Or, vous n’êtes pas sans ignorer les dispositions de notre règlement intérieur qui dispose en son article 6 que toute absence injustifiée peut être sanctionnée’».’

Mme [W] fait valoir qu’elle a informé son employeur de son absence et n’a pu obtenir un rendez-vous avec son médecin traitant que le lendemain en produisant un arrêt de travail jusqu’au 16 juin 2015 transmis à son employeur. Elle ne communique pour autant aucune pièce médicale permettant de connaître son état de santé ou du moins établir comme elle le soutient le lien entre son état de santé ce jour-là et ses conditions de travail.

Toutefois, nonobstant les conditions de travail dénoncées et ses qualités professionnelles vantées par ses collègues, Mme [W] ne produit aucun justificatif de son absence du 4 juin 2015 qui aurait pu être transmis à son employeur.

Ce premier grief est en conséquence établi.

Il lui est reproché en second lieu d’avoir refusé d’effectuer des heures supplémentaires en ces termes’: «’depuis le début du mois de juin 2015, le département Airs est en accroissement d’activité. Or, le 17 juin 2015, alors que le Département de préparation des Airs a reçu, sur la première quinzaine du mois, 37 % d’échantillons de plus par rapport à la première quinzaine de mai 2015 et que ce même département est en sous-effectif depuis plus d’un mois et demi, et notamment depuis une semaine (trois techniciennes de laboratoire dont vous même étant en arrêt maladie simultanément depuis le 11 juin), vous avez refusé d’effectuer une heure supplémentaire demandée la veille par votre responsable hiérarchique, Madame [O] [A], Responsable du Département. Le même jour, en vue d’organiser le travail du lendemain 18 juin 2015, le Directeur des Ressources Humaines (DRH), [H] [K], vous renouvelle oralement l’instruction de Madame [A] de venir effectuer trois heures supplémentaires le lendemain. Ce dernier vous demande de venir à 9 heures au lieu de midi, anticipant ainsi votre arrivée de trois heures en vue d’effectuer 10 heures le 18 juin.

Vous répondez que la charge de travail ne justifie pas le recours aux heures supplémentaires. Le 18 juin vous prenez ainsi votre poste à 12 heures et effectuez une journée normale de 7 heures. Vous n’évoquez aucune raison ou contrainte personnelle pouvant justifier votre refus’».

La salariée évoque qu’il s’agissait en fait d’heures de récupération imposées consécutivement aux fluctuations de l’activité de la société sans que les circonstances d’un tel recours pourtant encadré ne soient justifiées par la société Euro Services Labo. Elle se prévaut des attestations de plusieurs salariés évoquant la gestion par l’entreprise du manque de travail en obligeant les salariés à rentrer chez eux et de travailler lorsque l’activité a repris sur des plages plus longues pour «’rattraper les heures’» qui n’avaient pas été faites.

Elle fait également valoir que l’employeur a imposé des heures de récupération illégales en violation des dispositions de son contrat de travail qui prévoit un délai de prévenance de 48 heures, ce qui a conduit après signalement à l’inspection du travail au relevé de divers manquements. Elle s’appuie sur ce point sur le rapport de l’inspection du travail en date du 20 octobre 2016 qui n’évoque pas cette problématique mais un problème de décompte des horaires d’autres salariés pour le mois de mai 2016.

Plusieurs de ces collègues évoquent aux termes de leur attestations la pratique de l’employeur à la reprise d’activité du laboratoire de demander aux salariés d’effectuer « des plages horaires plus longues » pour rattraper les heures qui n’avaient pas été faites en début d’année et ce sans respecter le délai de prévenance.

La réalisation d’heures supplémentaires relève sans aucun doute du pouvoir de direction de l’employeur et le refus de les effectuer constitue une faute qui selon les circonstances peut être considérée comme grave ou comme étant de nature à conférer une cause réelle et sérieuse au licenciement.

Il sera cependant constaté à la lecture des quelques bulletins de salaire communiqués que Mme [W] a déjà effectué des heures supplémentaires pour avoir été rémunérée en ce sens. Il s’évince par ailleurs des dispositions du contrat de travail que si l’horaire de travail est susceptible de modification et que les jours et horaires sont déterminés en fonction des besoins du service, chaque changement d’horaire doit être communiqué à Mme [W] au plus tard 3 jours avant.

Il n’est pas contesté que l’employeur a demandé à Mme [W] la veille d’effectuer des heures supplémentaires pour le lendemain.

La cour relève en conséquence que le contrat de travail prévoyait un délai de prévenance pour l’ accomplissement d’ heures supplémentaires demandées à la salariée qui n’a pas été respecté par l’employeur. Celui-ci devait en effet s’assurer préalablement que la salariée acceptait de faire l’heure supplémentaire qu’il sollicitait en dehors du champ contractuel de sorte qu’il ne peut invoquer ces faits pour sanctionner la salariée.

Le grief n’est en conséquence pas établi.

L’employeur reproche encore à Mme [W] d’avoir formulé des critiques et propos excessifs à l’égard de son supérieur hiérarchique dans les termes suivants’:

«’le 18 juin, vous n’hésitez pas à impliquer l’ensemble de vos collègues présentes afin de vous soutenir dans votre opposition à votre supérieur hiérarchique.

Peu après 14 heures, au bureau de Madame [A], vous attendez que le service soit réuni pour prendre la parole devant vos collègues ; vos propos sont- à peu près- « Maintenant qu’on est toutes là, on va régler certaines choses ».

Mesdemoiselles [N] [Y] et [S] [I], techniciennes de laboratoire présentes, ont attesté que votre ton est agressif. Vos propos envers Madame [A], accusateurs et irrespectueux sont inacceptables : « Tu as pris la grosse tête » ‘ » Tu n’assumes rien » « Tu te fous des filles », « Tu parles d’elles tout le temps (nota ‘ derrière leur dos) » « On a toutes des problèmes avec toi »’; « Tu pousses les gens à bout et c’est pour ça qu’on se met en maladie ». Au-delà du non-respect de votre supérieur hiérarchique, vous êtes à l’origine d’un procès d’intention visant la récente proposition de la Responsable des Laboratoires de faire évoluer une Technicienne volontaire du département des Airs vers celui de la Lecture au Microscope. Lors de cette réunion du 18 juin organisée à l’insu de votre responsable, vous dites devant vos collègues que cette démarche vous visait personnellement afin que votre responsable « se débarrasse de vous ». Vous ignorez la réalité car deux postes seront bientôt vacants dans le département de Lecture au microscope, la Direction souhaitant faire évoluer l’une des techniciennes de votre département. Selon Mademoiselle [S] [I], qui a en charge la responsabilité du département des Airs en suppléance de Madame [A], votre intervention était préméditée depuis plusieurs semaines, ce que confirme une autre de vos collègues, Mademoiselle [L] [X] ; vous entrainez dans la contestation Mademoiselle [F] [E] avec vous. Vous reconnaissez d’ailleurs toutes deux dans une lettre postérieure aux faits du 19 et 22 juin (demandant les raisons de leur mise à pied) avoir mené « une action collective dont je suis à l’origine ».

Il ne s’agissait nullement d’une action en vue « d’expliquer respectueusement à ma chef de service le malaise ambiant’ » mais, sur la forme et le fond, d’une interpellation devant un groupe destinée à l’intimider voire la déstabiliser’».

Il verse aux débats l’attestation de Mme [Y], salariée de l’entreprise, qui relate que «’Mme [W] et Mme [E] sont arrivées dans le bureau de leur supérieure, que le ton est vite monté et que Mme [A] a quitté le bureau en pleurs’».

Il s’agit cependant de la seule attestation produite aux débats dont les termes ne confortent pas les propos prêtés à la salariée ni le ton agressif employé, Mme [Y] se limitant à évoquer que le ton serait vite montré entre Mme [W] et Mme [A] sans plus de détails sur la teneur des propos tenus à cette occasion.

Mme [W] indique pour sa part que cette démarche visait à faire part à Mme [A] des doléances de ses collaboratrices compte tenu des conditions de travail et de l’ambiance délétère attestée par plusieurs des salariés.

Le grief n’est donc pas établi.

L’employeur reproche en quatrième lieu à Mme [W] la «’déstabilisation du service’» en ces termes’:

«’Affectée par votre interpellation, Madame [A] a dû anticiper son départ d’une heure ; notre Responsable des ressources Humaines atteste que Madame [A], tremblante, a quitté l’entreprise choquée et en état de pleurs. Les deux autres techniciennes présentes Mlle [N] [Y] et Mlle [S] [I], qui ne sont pas intervenues dans la discussion, confirment cet état de fait ; elles ont elles aussi été affectées par l’agressivité de votre intervention. Afin de faire cesser cette tension très élevée, je vous convoquais à un entretien préalable assorti d’une mise à pied conservatoire et vous demandais de quitter l’entreprise sur le champ’».

Si Mme [Y], seul témoin dont l’attestation est produite, confirme que Mme [A] a quitté son bureau en pleurs ce jour-là, elle n’en attribue pas la responsabilité à Mme [W] et n’évoque pas l’agressivité qui lui est prêtée par l’employeur.

Le grief n’est donc pas établi.

Enfin, l’employeur évoque dans la lettre de licenciement l’opposition de Mme [W] aux initiatives de la société la concernant caractérisant une insubordination de la façon suivante:

Les divergences entre vos souhaits et ceux de l’entreprise ne sont pas récentes.

Vous avez été promue Suppléante du département de Préparation des Airs en octobre 2014,

travaillant plus directement avec Madame [A].

Après quelques mois, soit en février 2015, vous lui faites part de votre souhait de ne plus exercer cette fonction. Plusieurs entretiens avec vous n’ont pas permis de vous faire revenir sur votre décision. A cette occasion, et malgré votre rétractation du poste de Suppléante, l’entreprise a accepté que vous repreniez la fonction de technicienne de laboratoire au sein de ce département. Attachée à vos compétences, nous vous avons accordé et avez conservé une augmentation de salaire de près de 12 % ce qui fait de vous la Technicienne de laboratoire la mieux rémunérée des Départements de préparation des Matériaux et Airs. Cependant, il a fallu réorganiser votre département en conséquence. Au cours du premier semestre 2015, vous avez à plusieurs reprises manifesté votre désir de ne plus travailler le samedi tel que le prévoit votre contrat. Par ailleurs, lors de vos entretiens annuels en janvier 2014 ainsi qu’en janvier 2015, vous avez également fait part de votre souhait d’évoluer au sein de la société et de rejoindre le département des microscopes (MET). Compte tenu de ces éléments, nous avons proposé aux collaboratrices de votre Département (complété d’une lettre du 8 juin) de rejoindre le département de Lecture au microscope sur une base horaire de 35 heures réalisées de lundi au vendredi.

Lors d’un entretien avec Mademoiselle [A], vous avez refusé ce changement pour raison médicale sans pouvoir justifier cet argument par un document médical.

Cette attitude qui consiste à refuser de suivre les directives qui vous sont données, constitue une insubordination qui entrave le bon fonctionnement de votre département et a des conséquences préjudiciables sur l’organisation de la société.

Nous ne pouvons que déplorer cette attitude qui, par ailleurs, se double d’une absence de volonté de votre part d’évoluer au sein de la société malgré nos récentes propositions’».

Il convient de rappeler que le pouvoir de direction de l’employeur ne l’autorise pas à modifier unilatéralement le contrat qu’il a conclu avec le salarié. Il peut en revanche modifier les conditions de travail.

En l’espèce, l’employeur reproche à la salariée d’avoir refusé un changement de poste ou de tâches ou d’horaires en affirmant, d’une part, qu’il y avait un accord de polyvalence au sein de la société et d’autre part, que cette affectation ne constituait pas une modification substantielle du contrat de travail mais un simple changement des conditions de travail.

Mme [W] rappelle que par courriel adressé à l’ensemble du personnel, certes par erreur, Mme [A], responsable du département, a expressément indiqué que la salariée ne présentait pas les qualités requises pour occuper le poste de suppléante et a suggéré son remplacement par une autre salariée. Dans ce contexte, il ne saurait lui être reproché d’avoir estimé préférable de ne pas poursuivre dans ces fonctions.

En second lieu, il n’est produit aucun élément sur l’insubordination reprochée de la salariée pour avoir refusé de rejoindre le département de lecture au département des microscopes (MET) alors qu’il s’agissait d’une simple proposition adressée à l’ensemble des techniciennes du département Air.

Ce grief n’est en conséquence pas établi.

Du tout, il s’évince que le seul grief établi est l’absence de communication d’un justificatif pour une journée de travail précédant un arrêt maladie de plusieurs jours. Ce grief ne peut toutefois être suffisamment grave pour justifier un licenciement pour faute ou pour cause réelle et sérieuse.

Le jugement sera en conséquence infirmé en ce qu’il a jugé que le licenciement de Mme [W] repose sur une cause réelle et sérieuse et l’a débouté de ses demandes.

Sur les conséquences pécuniaires du licenciement sans cause réelle et sérieuse

Conformément à l’article L. 1235-3 du code du travail, dans sa rédaction antérieure à l’ordonnance n° 2017-1387 du 22 septembre 2017, en cas de licenciement sans cause réelle et sérieuse, le salarié peut prétendre à une indemnité qui ne peut être inférieure aux six derniers mois de salaire. Cette indemnité répare l’ensemble du préjudice résultant de l’absence de cause réelle et sérieuse du licenciement et donc tant le préjudice moral que le préjudice économique.

Au vu des éléments d’appréciation dont dispose la cour, et notamment de l’âge de la salariée, de son ancienneté dans l’entreprise, de sa rémunération mensuelle brute, il sera alloué à la salariée la somme réclamée correspondant à six mois de salaire, soit 13’730, 34 euros à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse qui sera fixée au passif de la liquidation judiciaire de la société Euro Services Labo.

Le jugement sera infirmé en conséquence.

Sur les circonstances vexatoires de la rupture

Mme [W] sollicite la somme de 6865,17 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi en raison des circonstances particulièrement vexatoires de son licenciement, notamment eu égard à la mise à pied conservatoire dont elle a fait l’objet ainsi que la dispense de préavis.

Elle évoque également la teneur d’un sms envoyé par la responsable du département des ressources humaines de l’époque à différents laboratoires concurrents pour les dissuader de la recruter la salariée. Or, ce document n’est pas produit, le rapport de l’inspection du travail figurant en pièce 17 ne se rapportant pas aux circonstances de de la rupture du contrat de travail.

Le mandataire liquidateur oppose l’absence de preuve de l’existence d’un préjudice distinct.

Le salarié dont le licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse peut prétendre à des dommages-intérêts distincts de l’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse en cas de comportement fautif de l’employeur dans les circonstances de la rupture. Ainsi, la caractérisation d’un préjudice distinct causé par ce comportement autorise le cumul des indemnisations.

En l’espèce, s’il ressort des attestations produites par Mme [W] que les conditions de travail étaient dégradées et que des tensions existaient entre elle et sa hiérarchie, ces éléments sont insuffisants à établir un comportement fautif de l’employeur ayant engendré des circonstances de licenciement vexatoires alors même que l’attitude de la salariée pouvait justifier une sanction disciplinaire. Par ailleurs, Mme [W] ne fait pas la démonstration d’un préjudice distinct de celui lié à la rupture même du contrat alors qu’elle a été licenciée pour faute et non pour faute grave, la période de mise à pied lui ayant été rémunérée.

C’est donc à bon droit que les premiers juges ont débouté Mme [W] de sa demande.

Sur les demandes accessoires

Les dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ne seront pas appliquées.

Le liquidateur de la société Euro Services Labo est condamné aux dépens de première instance et d’appel.

PAR CES MOTIFS

INFIRME le jugement déféré sauf en ce qu’il a débouté Mme [V] [W] de sa demande de dommages intérêts pour circonstances vexatoires du licenciement;

Et statuant à nouveau et y ajoutant :

DIT que le licenciement de Mme [V] [W] survenu le 3 juillet 2015 est sans cause réelle et sérieuse;

FIXE la créance de Mme [V] [W] au passif de la liquidation judiciaire de la société Euro Services Labo représentée par Me [T] [M] en qualité de liquidateur à la somme suivante :

13’730, 34 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

DECLARE le présent arrêt opposable à l’association Unedic Delegation AGS CGE IDF Est [Localité 7] dans les limites de sa garantie légale ;

DIT n’y avoir lieu à application de l’article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNE Me [T] [M], agissant en qualité de liquidateur de la société Euro Services Labo aux dépens de première instance et d’appel.

La greffière, La présidente.

 


0 0 votes
Je supporte LegalPlanet avec 5 étoiles
S’abonner
Notification pour
guest
0 Commentaires
Le plus ancien
Le plus récent Le plus populaire
Commentaires en ligne
Afficher tous les commentaires
Chat Icon
0
Nous aimerions avoir votre avis, veuillez laisser un commentaire.x