CDD pour accroissement d’activité : décision du 4 mai 2023 Cour d’appel d’Aix-en-Provence RG n° 19/05558
CDD pour accroissement d’activité : décision du 4 mai 2023 Cour d’appel d’Aix-en-Provence RG n° 19/05558

COUR D’APPEL D’AIX-EN-PROVENCE

Chambre 4-4

ARRÊT AU FOND

DU 04 MAI 2023

N° 2023/

FB/FP-D

Rôle N° RG 19/05558 – N° Portalis DBVB-V-B7D-BECG4

[Z] [B]

C/

[E] [S]

Copie exécutoire délivrée

le :

04 MAI 2023

à :

Me Véronique BOURGOGNE, avocat au barreau de GRASSE

Me Albert-david TOBELEM, avocat au barreau de GRASSE

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de GRASSE en date du 11 Mars 2019 enregistré(e) au répertoire général sous le n° 16/01055.

APPELANTE

Madame [Z] [B] exerçant son activité sous l’enseigne FRANCE NET, demeurant [Adresse 2]

représentée par Me Véronique BOURGOGNE, avocat au barreau de GRASSE

INTIMEE

Madame [E] [S], demeurant [Adresse 1]. [Adresse 3]

représentée par Me Albert-david TOBELEM, avocat au barreau de GRASSE

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions des articles 804 et 805 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 01 Février 2023, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Madame Frédérique BEAUSSART, Conseiller, chargé du rapport, qui a fait un rapport oral à l’audience, avant les plaidoiries.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Natacha LAVILLE, Présidente de chambre

Madame Frédérique BEAUSSART, Conseiller

Madame Catherine MAILHES, Conseiller

Greffier lors des débats : Madame Françoise PARADIS-DEISS.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 04 Mai 2023.

ARRÊT

contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 04 Mai 2023

Signé par Madame Natacha LAVILLE, Présidente de chambre et Madame Françoise PARADIS-DEISS, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

FAITS ET PROCÉDURE

Mme [S] (la salariée) a été engagée par Mme [B] exerçant sous l’enseigne France Net une activité de nettoyage de locaux (la société), par contrat à durée déterminée du 29 avril au 31 octobre 2016 au motif d’un accroissement temporaire d’activité, en qualité d’agent de propreté, qualification AS 1, affectée sur le site du Club de [Localité 6], moyennant un salaire mensuel brut de 1463,36 euros pour 35 heures par semaine. Le contrat prévoyait une période d’essai d’un mois renouvelable.

Les relations contractuelles entre les parties étaient soumises à la convention collective des entreprises de propreté.

Par lettre du 27 juin 2016 l’employeur a notifié à la salariée la rupture du contrat en ces termes:

‘nous ne donnons pas suite au contrat signé le 29-04-2016. Période d’essai non concluante.’

La salariée a saisi le conseil de Prud’hommes de Grasse le 14 décembre 2016 d’une demande de requalification en contrat à durée indéterminée, d’indemnité de requalification, de rappel de salaire, d’une demande de requalification de la rupture en licenciement sans cause réelle et sérieuses, de demandes subséquentes, à titre subsidiaire d’une contestation de la rupture anticipée, de demandes subséquentes et de dommages et intérêts pour défaut de visite médicale d’embauche ainsi que pour non respect des obligations au titre de la prévoyance.

Par jugement du 11 mars 2019 le conseil de prud’hommes de Marseille a:

– constaté que le salaire minimum interprofessionnel de croissance pour un salaire brut de 9,67 € a été fixé au 1er janvier 2016 à 1.466 62 € bruts mensuels sur la base de la durée légale de 35 heures hebdomadaires;

– dit et jugé que Madame [B] n’a pas respecté les dispositions en matière de salaire minimum interprofessionnel de croissance en fixant un salaire brut contractuel à 1.463,36 € ;

– constate l’absence de justification du motif de recours encadrant la relation de travail entre Madame [E] [S] et Madame [B] ;

– dit et jugé la relation contractuelle entre Madame [E] [S] et Madame [B] à durée indéterminée;

– prononcé la requalification du contrat de travail à durée déterminée de Madame [E] [S] en contrat à durée indéterminée;

– dit et jugé que la période d’essai contractuelle avait expirée au moment de la rupture de la relation de travail entre Madame [S] et Madame [B].

– dit et jugé la rupture de la relation contractuelle intervenue, brutale, vexatoire et dépourvue de toute cause réelle et sérieuse;

– dit et jugé que Madame [B] n’a pas respecté la législation en matière de santé concernant la visite médicale d’embauche;

– dit et jugé que Madame [B] n’a pas respecté la législation en matière de portabilité des droits de santé et de prévoyance en cas de rupture de la relation contractuelle de travail.

– ordonné la délivrance par Madame [B] des bulletins de paies de la période travaillée du 29 avril2016 au 27 juin 2016 à Madame [E] [S] rectifiés ainsi que les documents de fin de contrat sous astreinte de 50 € par jour de retard à compter du 30ème jour de la notification de la présente décision, le Conseil se réservant le droit de liquider ladite astreinte.

– condamné Madame [B] à verser à Madame [E] [S] les sommes suivantes:

‘ 1.466,62 € au titre d’indemnité de requalification correspondant à un mois de salaire.

‘ 1.466,62 € pour non-respect de la procédure de licenciement.

‘ 1.466,62 € au titre de l’indemnité pour licenciement dépourvu de toute cause réelle

et sérieuse.

‘ 1.466,62 € à titre de dommage et intérêts pour rupture abusive et vexatoire;

‘ 146,62 € à titre d’indemnité compensatrice de préavis .

‘ 14,62 € à titre d’indemnité compensatrice de congés payés sur préavis.

‘ 6,52 € au titre de rappel de salaire pour la période de du 9 avril 2016 au 27 juin

2016.

‘ 5.866,48 à titre de dommage et intérêts représentant les rémunérations qu’elle

aurait dû percevoir si le contrat avait été mené jusqu’à son terme.

‘ 586,64 € au titre de l’indemnité de fin de contrat.

‘ 100,00 € au titre de dommages et intérêts résultant du défaut de visite médicale.

‘ 500,00 € au titre de dommages et intérêts au vu du préjudice du défaut de respect

des obligations de l’employeur en matière de portabilité des droits de santé et prévoyance au profit de Madame [S].

‘ 1.100,00 sur le fondement de l’article 700 du Code de Procédure Civile outre les entiers dépens.

– dit et jugé la décision à venir de droit à titre provisoire sur le fondement de l’article R.1245-1 du Code du Travail;

– rejeté les demandes reconventionnelles.

L’employeur a interjeté appel du jugement par acte du 5 avril 2019 énonçant ‘Objet/Portée de l’appel : Madame [B] entend voir réformer le jugement rendu par le conseil de Prud’hommes de Grasse le 11 mars 2019 en toutes ses dispositions (cf fichier joint à la déclaration d’appel)’

auquel est joint une annexe rédigée comme suit :

‘ Madame [B] entend voir réformer le jugement rendu par le Conseil de Prud’hommes de Grasse le 11 mars 2019 en toutes ses dispositions, savoir en ce qu’il a :

– constaté que le salaire minimum interprofessionnel de croissance pour un salaire brut de 9,67 € a été fixé au 1er janvier 2016 à 1.466 62 € bruts mensuels sur la base de la durée légale de 35 heures hebdomadaires;

– dit et jugé que Madame [B] n’a pas respecté les dispositions en matière de salaire minimum interprofessionnel de croissance en fixant un salaire brut contractuel à 1.463,36 € ;

– constate l’absence de justification du motif de recours encadrant la relation de travail entre Madame [E] [S] et Madame [B] ;

– dit et jugé la relation contractuelle entre Madame [E] [S] et Madame [B] à durée indéterminée;

– prononcé la requalification du contrat de travail à durée déterminée de Madame [E] [S] en contrat à durée indéterminée;

– dit et jugé que la période d’essai contractuelle avait expirée au moment de la rupture de la relation de travail entre Madame [S] et Madame [B].

– dit et jugé la rupture de la relation contractuelle intervenue, brutale, vexatoire et dépourvue de toute cause réelle et sérieuse;

– dit et jugé que Madame [B] n’a pas respecté la législation en matière de santé concernant la visite médicale d’embauche;

– dit et jugé que Madame [B] n’a pas respecté la législation en matière de portabilité des droits de santé et de prévoyance en cas de rupture de la relation contractuelle de travail.

– ordonné la délivrance par Madame [B] des bulletins de paies de la période travaillée du 29 avril 2016 au 27 juin 2016 à Madame [E] [S] rectifiés ainsi que les documents de fin de contrat sous astreinte de 50 € par jour de retard à compter du 30ème jour de la notification de la présente décision, le Conseil se réservant le droit de liquider ladite astreinte.

– condamné Madame [B] à verser à Madame [E] [S] les sommes suivantes:

‘ 1.466,62 € au titre d’indemnité de requalification correspondant à un mois de salaire.

‘ 1.466,62 € pour non-respect de la procédure de licenciement.

‘ 1.466,62 € au titre de l’indemnité pour licenciement dépourvu de toute cause réelle

et sérieuse.

‘ 1.466,62 € à titre de dommage et intérêts pour rupture abusive et vexatoire;

‘ 146,62 € à titre d’indemnité compensatrice de préavis .

‘ 14,62 € à titre d’indemnité compensatrice de congés payés sur préavis.

‘ 6,52 € au titre de rappel de salaire pour la période de du 9 avril 2016 au 27 juin

2016.

‘ 5.866,48 à titre de dommage et intérêts représentant les rémunérations qu’elle

aurait dû percevoir si le contrat avait été mené jusqu’à son terme.

‘ 586,64 € au titre de l’indemnité de fin de contrat.

‘ 100,00 € au titre de dommages et intérêts résultant du défaut de visite médicale.

‘ 500,00 € au titre de dommages et intérêts au vu du préjudice du défaut de respect

des obligations de l’employeur en matière de portabilité des droits de santé et

prévoyance au profit de Madame [S].

‘ 1.100,00 sur le fondement de l’article 700 du Code de Procédure Civile outre les

entiers dépens.

– dit et jugé la décision à venir de droit à titre provisoire sur le fondement de l’article R.1245-1 du Code du Travail;

– rejeté les demandes reconventionnelles’.

PRÉTENTIONS ET MOYENS

Dans ses dernières conclusions remises au greffe le 29 juin 2021 Mme [B], appelante, demande de :

Sur la forme, DIRE l’appel recevable

Sur le fond, le DIRE bien fondé

INFIRMER en toutes ces dispositions le jugement rendu par le conseil des prud’hommes de

Grasse le 11 mars 2019

DIRE et JUGER que le contrat de travail de Madame [S] repose sur un motif de recours autorisé par les dispositions légales,

En conséquence,

DEBOUTER Madame [S] de sa demande de requalification du contrat de travail à durée déterminée en contrat à durée indéterminée.

CONSTATER que la rupture du contrat de travail est intervenue durant la période d’essai et débouter en conséquence Madame [S] de l’intégralité de ses demandes, fins et conclusions.

A titre subsidiaire:

‘ Ramener l’indemnité pour non-respect de la procédure de licenciement à l’euro symbolique, faute de préjudice établi par Madame [S];

‘ Ramener la demande d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse à de

plus justes proportions en l’état de l’ancienneté de Madame [S] (moins de deux mois) et de l’absence de préjudice établi par celle-ci.

‘ Constater qu’aucune circonstance vexatoire ou abusive n’a entouré la rupture du contrat de travail et débouter en conséquence Madame [S] de sa demande de dommages et intérêts.

‘ Débouter Madame [S] de sa demande de dommages et intérêts représentant les rémunérations qu’elle aurait dû percevoir jusqu’au terme du contrat à durée déterminée, ainsi que de sa demande d’indemnisation de fin de contrat.

CONSTATER que Madame [S] n’établit pas l’existence d’un préjudice consécutif à l’absence de visite médicale; visite médicale qui avait été organisée par l’employeur mais qu’elle finalement pas passée du fait de la rupture de son contrat de travail.

En conséquence,

LA DEBOUTER de sa demande de dommages et intérêts à ce titre.

CONSTATER que Madame [S] n’établi pas l’existence d’un préjudice consécutif à l’absence d’information sur la portabilité de la prévoyance.

En conséquence,

LA DEBOUTER de sa demande de dommages et intérêts à ce titre.

CONSTATER que Madame [S] a été remplie en cours de procédure de 1er Instance de ses droits au titre de la régularisation de son taux horaire conventionnel.

En conséquence,

LA DEBOUTER de sa demande de rappel de salaire.

DEBOUTER Madame [S] de l’intégralité de ses demandes, fins et conclusions.

CONDAMNER Madame [S] à payer à Madame [B] une somme de 3.000,00 € sur le fondement de l’article 700 du CPC outre les entiers dépens.

Mme [S] qui a constitué avocat le 19 juin 2019 n’a pas conclu.

Vu l’article 455 du code de procédure civile,

L’ordonnance de clôture a été rendue le 21 février 2022.

Par arrêt avant-dire droit du 19 mai 2022 la cour a ordonné la réouverture des débats sans révocation de l’ordonnance de clôture et renvoyé l’affaire à l’audience de plaidoiries du 8 juin 2022 pour recueillir les observations des parties sur le moyen tiré de l’absence d’effet dévolutif de la déclaration d’appel soulevé d’office.

Dans ses observations remises au greffe le 3 juin 2002 l’employeur demande de reconnaître que sa déclaration d’appel du 5 avril 2019 a produit effet dévolutif. Il fait valoir qu’au regard du nombre de chefs de jugement critiqués il était empêché par le nombre de caractères autorisé ainsi que le fonctionnement ‘aléatoire’ du RPVA en cas de fichier lourd et qu’en toutes hypothèses, le décret 2022-245 du 25 février 2022, applicable aux instance en cours, valide la pratique de l’annexe, dès lors que la déclaration d’appel y renvoie expressément, ce qui est le cas en l’espèce.

L’avocat de la salariée, bien que n’ayant pas conclu au fond, a adressé des observations par RPVA le 7 juin 2022 en faisant valoir que la déclaration d’appel du 5 avril 2019 n’est pas conforme aux exigences de l’article 901 et 562 du code de procédure civile dont la cour de cassation fait une stricte application, de sorte que l’effet dévolutif n’a pas opéré.

Par arrêt avant-dire droit du 13 octobre 2022 la cour a ordonné la réouverture des débats sans révocation de l’ordonnance de clôture pour recueillir les observations des parties sur le moyen tiré de l’absence d’effet dévolutif de la déclaration d’appel au vu de l’avis de la cour de cassation du 8 juillet 2022.

Dans ses observations remises au greffe le 20 janvier 2023 l’employeur fait valoir qu’au vu de l’avis de la cour de cassation du 8 juillet 2022, sa déclaration d’appel à laquelle renvoie expressément une annexe contenant les chefs de jugement critiqués opère dévolution de sorte que la cour est valablement saisie de ses demandes.

Par message du 31 janvier l’avocat de la salariée indique s’en rapporter n’ayant reçu aucune instruction pour conclure que ce soit au fond ou sur la procédure.

SUR CE

Sur la dévolution

L’article 901 du code de procédure civile dans sa rédaction issue du décret n° 2022-245 du 25 février 2022 dispose:

‘La déclaration d’appel est faite par acte, comportant le cas échéant une annexe, contenant, outre les mentions prescrites par les 2° et 3° de l’article 54 et par le cinquième alinéa de l’article 57, et à peine de nullité :

1° La constitution de l’avocat de l’appelant ;

2° L’indication de la décision attaquée ;

3° L’indication de la cour devant laquelle l’appel est porté ;

4° Les chefs du jugement expressément critiqués auxquels l’appel est limité, sauf si l’appel tend à l’annulation du jugement ou si l’objet du litige est indivisible.

Elle est signée par l’avocat constitué. Elle est accompagnée d’une copie de la décision. Elle est remise au greffe et vaut demande d’inscription au rôle.’

En application des articles 748-1 et 930-1 du même code, cet acte est accompli et transmis par voie électronique.

L’article 562 du code de procédure civile, dans sa rédaction issue du décret n° 2017- 891 du 6 mai 2017, prévoit que l’acte d’appel défère à la cour la connaissance des chefs de jugement qu’il critique expressément et de ceux qui en dépendent. La dévolution ne s’opère pour le tout que si l’appel tend à l’annulation du jugement ou si l’objet du litige est indivisible.

Par ailleurs dans son avis n° 15008 du 8 juillet 2022 la deuxième chambre civile de la cour de cassation a indiqué que :

– le décret n° 2022-245 du 25 février 2022 et l’arrêté du 25 février 2022 modifiant l’arrêté du 20 mai 2020 relatif à la communication électronique en matière civile devant la cour d’appel sont immédiatement applicables aux instances en cours pour les déclarations d’appel qui ont été formées antérieurement à l’entrée en vigueur de ces deux textes réglementaires, pour autant qu’elles n’ont pas été annulées par une ordonnance du magistrat compétent qui n’a pas fait l’objet d’un déféré dans le délai requis ou par l’arrêt d’une cour d’appel statuant sur déféré;

– une déclaration d’appel à laquelle est jointe une annexe comportant les chefs de dispositif du jugement critiqués, constitue l’acte d’appel conforme aux exigences de l’article 901 du code de procédure civile, dans sa nouvelle rédaction et ce, même en l’absence d’empêchement technique.

Il résulte désormais de l’article 901 du code de procédure civile dans sa rédaction issue du décret n° 2022-245 du 25 février 2022 qu’une déclaration d’appel à laquelle est jointe une annexe comportant les chefs de dispositif du jugement critiqués, constitue l’acte d’appel conforme aux exigences de l’article 901 du code de procédure civile même en l’absence d’empêchement technique et que celle-ci opère dévolution au sens de l’article 562 du même code.

En conséquence la cour dit que la déclaration d’appel du 5 avril 2019 à laquelle est jointe une annexe contenant les chefs de jugement critiqué opère dévolution et que la cour est donc saisie de ces chefs.

Sur le rappel de salaire au titre du salaire minimum interprofessionnel de croissance

Selon l’article 1315 du code civil, devenue l’article 1353 : ‘Celui qui réclame l’exécution d’une obligation doit la prouver. Réciproquement, celui qui se prétend libéré, doit justifier le paiement ou le fait qui a produit l’extinction de son obligation’.

C’est à l’employeur, débiteur de l’obligation de paiement des salaires, de justifier du paiement de la rémunération due.

En l’espèce il résulte des énonciations du jugement déféré que la salariée a formé une demande de rappel de salaire de 6,52 euros pour la période du 9 avril 2016 au 27 juin 2016 en faisant valoir que le montant mensuel du SMIC, pour un taux horaire de 9,67 euros s’établissait à compter du 1er janvier 2016 à la somme de 1466,62 euros et qu’elle n’était payée sur la base de ce taux horaire que de la somme de 1463,36 euros.

L’employeur demande d’infirmer le jugement en ce qu’il n’a pas tenu compte de la régularisation intervenue en cours de procédure par le versement d’une somme de 5,88 euros nets. Il ajoute qu’il avait au demeurant spontanément procédé à des régularisations envers d’autres salariés lorsqu’il a eu connaissance de son erreur.

Il produit le courrier adressé par son avocat le 26 juin 2017 à l’avocat de la salariée aux fins de transmission d’un bulletin de paie libellé ‘régularisation salaire période 2016 / 7,62 euros’ accompagné d’un chèque de 5,88 euros nets ‘par application du taux horaire conventionnel correspondant à sa période d’emploi’.

Il verse également deux courriers adressés à deux autres salariés le 2 mai 2016 assortis de leurs bulletins de paie d’avril et mai 2016 rectifiant leur taux horaire qui ne correspond pas au taux conventionnel.

A l’analyse des pièces du dossier la cour dit que l’énoncé de la rectification intervenue et son montant ne permettent pas de vérifier que celle-ci correspondait précisément au motif de la demande et remplissait la salariée de ses droits.

En conséquence la cour confirme le jugement déféré en ce qu’il a condamné l’employeur à verser à la salariée la somme de 6,52 euros.

Sur la requalification en contrat à durée indéterminée

Selon l’article L.1242-1 du code du travail, un contrat à durée déterminée, quelque soit son motif, ne peut avoir pour objet ni pour effet de pourvoir durablement un emploi lié à l’activité normale et permanente de l’entreprise.

L’article L.1242-2 du même code prévoit qu’un contrat de travail à durée déterminée ne peut être conclu que pour l’exécution d’une tâche précise et temporaire et seulement dans les cas qu’il énumère, parmi lesquels figure l’accroissement temporaire de l’activité de l’entreprise.

Il résulte de l’article L.1245-1 du code du travail qu’est réputé à durée indéterminée tout contrat conclu en méconnaissance des principes précités.

En cas de litige portant sur le motif du recours énoncé dans le contrat à durée déterminée, il appartient à l’employeur de rapporter la preuve de la réalité de ce motif.

En l’espèce il résulte des énonciations du jugement déféré que la salariée demande la requalification du contrat à durée déterminée en contrat à durée indéterminée en contestant la réalité du motif d’accroissement d’activité.

L’employeur demande d’infirmer le jugement en ce qu’il a fait droit à la demande de la salariée.

Il soutient ainsi qu’il a valablement eu recours à un contrat à durée déterminée pour faire face à l’accroissement d’activité résultant de l’obtention du chantier du club de [Localité 6], résidence hôtelière ayant par nature une activité saisonnière, qu’elle ne pouvait assurer avec son effectif habituel compte tenu de prestations prévues 7 jours sur 7 mobilisant trois à sept salariés selon l’activité annoncée par le client de sorte que le contrat de prestation de services était affecté d’un aléa et qu’il devait veiller à s’assurer de la pérennité du contrat et du sérieux du client avant d’engager durablement du personnel.

A l’appui l’employeur produit :

– le devis accepté par le Club de [Localité 6] le 30 mars 2016 pour des prestations de nettoyage indiquant les conditions tarifaires pour chaque type d’intervention (en fonction du type de logement, studio, duplex, 2 pièces, 3 pièces, 4 pièces, du mode d’intervention à la nuitée, nettoyage annuel) ;

– ses facturations au club de [Localité 6] détaillant les prestations effectuées pour chacun des jours et ce, pour la période du 14 au 31 mars 2016 pour un montant total de 15 073,20 euros TTC, pour celle du 7 au 13 mai 2016 pour un montant total de 5 374,20 euros TTC, pour celle du 1er au 16 août 2016 pour un montant total de 3676,80 euros et pour celle du 14 au septembre 2016 d’un montant de 1083,60 euros TTC;

– deux mails du client du 17 juillet 2016 et 5 août 2016 adressant à l’employeur le planning prévisionnel de la semaine mentionnant pour l’un du lundi 18 juillet au dimanche 24 juillet un quantum de 53 interventions concentrées pour l’essentiel le samedi, pour l’autre du samedi 6 août au samedi 13 août inclus un quantum de 47 interventions réparties essentiellement sur les samedi, cinq jours étant sans intervention, ainsi que deux mails de l’employeur au client le premier non daté indiquant: ‘ Comment se fait il qu’ayant des départs & des arrivées tous les jours puisque sur le contrat il est bien indiqué nous intervenons 7/7 et nous avons embauché du personnel en fonction de votre demande. Si cela doit changé il faudrait absolument faire le point afin que le personnel ne soit dans les expectatives et nous puissions revoir leur contrat de travail’, le second du 8 août 2016 ‘ Comment se fait il que nous n’avons pas reçu le planning des départs pour cette semaine, nous avons dû téléphoné à l’accueil ce matin, une équipe se déplace pour les 6 départs’;

– sa lettre recommandée au Club de [Localité 6] du 30 septembre 2016 lui indiquant : ‘Nous tenons à vous informer que cessons notre collaboration pour non-respect du devis signé le 30-03-2016. Ou nous devions intervenir journalièrement. Pour la période de septembre nous sommes intervenons ponctuellement’.

Après analyse des pièces du dossier la cour relève que les éléments produits établissent que lors de la souscription du contrat de travail à durée déterminée, l’employeur venait de conclure le 30 mars 2016 un contrat de prestations de services avec une résidence hôtelière disposant de nombreux logements susceptible d’ouvrir une amplitude d’activité sur la semaine entière et de mobiliser du personnel alors qu’il résulte des énonciations du jugement déféré que l’entreprise employait habituellement moins de onze salariés, ce qui n’est pas discuté.

Toutefois ces éléments ne font pas ressortir que ce contrat correspondait à une commande exceptionnelle, à une tâche occasionnelle et non durable dès lors que ce contrat était conclu sans limitation de durée, relevait de l’activité normale de l’entreprise et que l’affirmation du caractère saisonnier de l’activité du client n’est étayée par aucun élément.

Il n’est donc pas établi que le surcroît d’activité qu’il générait était temporaire.

La seule circonstance qu’il a été conclu par l’employeur sans que ne soit fixé un volume certain de prestations ni même un nombre minimal mais qu’il soit conditionné aux seuls besoins du client, rend certes le surcroît d’activité aléatoire comme l’invoque la société, mais ce motif ne répond pas aux critères de l’accroissement temporaire d’activité permettant de recourir au contrat à durée déterminée.

De la même façon, l’employeur ne peut valablement recourir au contrat à durée déterminée pour la mise en oeuvre d’un nouveau contrat dans l’attente d’une confirmation de sa viabilité ou de sa rentabilité dès lors que l’emploi ainsi pourvu est lié à l’activité normale et permanente de l’entreprise.

Dans ces conditions faute pour l’employeur de rapporter la preuve de la réalité du motif, il y a lieu de requalifier le contrat à durée déterminée en contrat à durée indéterminée.

En conséquence la cour confirme le jugement déféré en ce qu’il a requalifié le contrat à durée déterminée en contrat à durée indéterminée.

Sur l’indemnité de requalification

Aux termes de l’article L.1245-2 alinéa 2 du code du travail, si le juge fait droit à la demande du salarié tendant à une requalification du contrat à durée déterminée en contrat à durée indéterminée, il doit lui accorder une indemnité mise à la charge de l’employeur qui ne peut être inférieure à un mois de salaire.

S’agissant du montant de l’indemnité de requalification, il ne peut être inférieur au dernier salaire mensuel perçu avant la saisine de la juridiction, étant précisé que le salaire s’entend de tous les éléments de la rémunération.

En l’espèce le dernier salaire perçu, après réintégration de la régularisation au titre du taux interprofessionnel de croissance, s’établit à la somme de 1 466,62 euros.

En conséquence la cour confirme le jugement déféré en ce qu’il a condamné l’employeur à verser à la salariée la somme de 1 466,62 euros à titre d’indemnité de requalification.

Sur l’indemnité de fin de contrat

Selon l’article L.1243-8 du code du travail, lorsqu’à l’issue d’un contrat de travail à durée déterminée, les relations contractuelles ne se poursuivent pas par un contrat à durée indéterminée, le salarié a droit, à titre de complément de salaire, à une indemnité de fin de contrat destinée à compenser la précarité de sa situation égale à 10% de la rémunération brute totale qui lui a été versée et qui s’ajoute à cette rémunération.

L’indemnité de précarité qui compense pour le salarié la situation dans laquelle il est placé du fait de son contrat à durée déterminée, n’est pas due lorsque la relation contractuelle se poursuit en contrat à durée indéterminée, notamment en cas de requalification du contrat à durée déterminée en contrat à durée indéterminée.

Ainsi en cas de requalification, quand l’indemnité de précarité n’a pas été versée, le salarié n’est pas fondé à y prétendre.

En l’espèce, dès lors qu’il a été fait droit à la demande de requalification en contrat à durée indéterminée, la cour dit que la salariée n’est pas fondée à solliciter le versement d’une indemnité de précarité qui ne lui a pas été versée.

En conséquence la cour infirme le jugement déféré en ce qu’il alloué à la salariée une indemnité de fin de contrat et rejette la demande formée à ce titre.

Sur la rupture du contrat de travail

En cas de requalification en contrat à durée indéterminée, sauf rupture valablement intervenue pendant la période d’essai, la circonstance qu’un salarié ait cessé définitivement sa collaboration à la date d’expiration du contrat à durée déterminée, caractérise à cette date une rupture du contrat de travail qui s’analyse nécessairement en un licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Ainsi ne sont pas applicables à la rupture de la période d’essai les dispositions relatives à la rupture du contrat à durée indéterminée ni à celle du contrat à durée déterminée et le contrat peut être rompu jusqu’au terme de cette période, par l’une ou l’autre partie sans avoir à justifier d’un motif.

La période d’essai peut être renouvelée une fois si un accord de branche étendu le prévoit, par accord exprès des parties avant le terme de la période initiale.

En l’espèce il résulte des pièces du dossier et des énonciations du jugement déféré que la salariée demande à titre principal de faire produire à la rupture du contrat requalifié en contrat à durée indéterminée les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse, à titre subsidiaire de considérer la rupture anticipée du contrat à durée déterminée abusive. A l’appui elle a fait valoir que la période d’essai de son contrat à durée déterminée d’une durée au plus égale à douze mois n’était pas renouvelable et que la rupture est donc intervenue au delà de l’expiration de la période d’essai.

L’employeur demande l’infirmation du jugement déféré en faisant valoir que le contrat a été valablement rompu pendant la période d’essai dont la possibilité de renouvellement était prévue au contrat de travail.

Il verse aux débats :

– sa lettre du 24 juin 2016 indiquant ‘Suite à notre entrevue de ce jour, nous vous confirmons la rupture de notre contrat du 26 avril2016 pour le motif suivant ‘période d’essai non  concluante’. Comme nous avons pu vous l’expliquer le Club [Localité 6] n’honore pas leur contrat puisque du jour au lendemain ils nous retirent les recouches.

Comme vous nous l’avez formulé cela vous arrange car vous vous mettiez en auto entrepreneur et que si nous avions besoin de vos services, vous pourrez intervenir au Club [Localité 6] où autre. En sachant que vous travaillez dans un cercle de [Localité 4] à [Localité 5].

Aussi à aucun moment vous vous retournez contre l’entreprise pour quelque raison que ce soit’;

– sa lettre du 27 juin 2016 par laquelle elle lui notifie la rupture en ces termes : ‘Nous vous informons que nous ne donnerons pas suite au contrat signé le 29- 04-2016.

– Période d’essai non concluante

Vous pouvez passer au bureau pour votre solde de tout compte’.

A l’analyse des pièces du dossier, la cour constate que le contrat de travail qui a débuté le 29 avril 2016 prévoit une période d’essai d’un mois, renouvelable et qu’il n’est ni justifié ni même allégué d’un renouvellement intervenu conformément aux modalités prévues par la convention collective, à savoir par accord exprès des parties spécifié par écrit.

Dans ces conditions l’employeur ne peut pas se prévaloir d’un renouvellement de la période d’essai, lequel a expiré le 29 avril 2016 de sorte que la rupture notifiée le 27 juin 2017 est intervenue au delà du terme de la période d’essai.

Eu égard à la requalification du contrat de travail, cette rupture caractérise à cette date un licenciement sans cause réelle et sérieuse.

En conséquence la cour confirme le jugement déféré dans la limite du dispositif ayant dit que la rupture s’analyse en licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Les conséquences financières de la rupture

1° l’indemnité compensatrice de préavis

En application de l’article L.1234-1 du code du travail lorsque le licenciement n’est pas motivé par une faute grave, le salarié a droit s’il justifie d’une ancienneté de services continus chez le même employeur inférieure à six mois à un préavis dont la durée est déterminée par la loi, la convention ou l’accord collectif de travail ou à défaut par les usages pratiqués dans la localité ou la profession. L’indemnité compensatrice de préavis correspond aux salaires et avantages que le salarié aurait perçu s’il avait travaillé durant cette période.

L’article 9.08 de la convention collective applicable prévoit un préavis de deux jours pour le personnel agent de propreté présentant une ancienneté comprise entre un et six mois.

La salariée peut donc prétendre à une indemnité compensatrice de préavis équivalente à deux jours pour la somme non contestée de 146,62 euros et celle de 14,62 euros au titre des congés payés afférents.

En conséquence la cour confirme le jugement déféré en ce qu’il a condamné l’employeur à verser à la salariée la somme de 146,62 euros à titre d’indemnité compensatrice de préavis et celle de 14,62 euros au titre des congés payés afférents.

2° les dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse

La salariée qui disposait de moins de deux ans d’ancienneté et été employée dans une entreprise occupant habituellement moins de onze salariés, peut prétendre en application de l’article L.1235-5 du code du travail dans sa rédaction applicable à une indemnité calculée en fonction du préjudice subi.

Elle l’espèce la salariée a sollicité la somme de 10 000 euros de dommages et intérêts au titre du licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Eu égard au montant de la rémunération brute perçue par la salariée (1466,62 euros), à son ancienneté et à sa capacité à retrouver un emploi, à propos de laquelle l’employeur produit un extrait du site infogreffe mentionnant l’inscription de la salariée au répertoire Sirene en qualité d’artisan pour le nettoyage des bâtiments, il apparaît que la réparation du préjudice résultant de la perte de l’emploi doit être fixée à la somme de 2 500 euros.

En conséquence et en infirmant le jugement déféré sur le quantum, la cour condamne la société à verser à la salariée la somme de 2 500 euros de dommages et intérêts au titre du licenciement sans cause réelle et sérieuse.

3° les dommages et intérêts pour préjudice distinct

La réparation d’un préjudice résultant d’un manquement de l’employeur suppose que le salarié qui s’en prétend victime produise en justice les éléments de nature à établir d’une part la réalité du manquement et d’autre part l’existence et l’étendue du préjudice en résultant.

Il résulte de l’article 1147 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l’ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, que le salarié est en droit d’obtenir réparation du préjudice résultant du comportement fautif de l’employeur dans les circonstances entourant la rupture, distinct de celui résultant de la perte de son emploi.

En l’espèce la salariée sollicite la somme de 10 000 euros à titre de dommages et intérêts pour rupture abusive et vexatoire.

A l’analyse des pièces du dossier et des énonciations du jugement déféré, la cour ne relève aucun élément de nature à établir l’existence d’une faute dans la conduite et les circonstances de la rupture et d’un préjudice effectivement subi, distinct de celui résultant de la perte de l’emploi.

En conséquence et en infirmant le jugement déféré la cour rejette la demande de dommages et intérêts de la salariée au titre d’un préjudice distinct.

4° les dommages et intérêts pour irrégularité de la procédure de licenciement

Il résulte de la combinaison des articles L.1235-2 du code du travail dans sa rédaction antérieure à l’ordonnance n°2017-1718 du 20 décembre 2017 et L.1235-5 du même code dans sa rédaction antérieure à la loi n°2016-1088 du 8 août 2016 que l’indemnisation prévue au premier de ces textes en cas d’inobservation de la procédure de licenciement, qui ne peut être supérieure à un mois de salaire, ne peut se cumuler avec l’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse que si le salarié a moins de deux ans d’ancienneté ou travaille dans une entreprise de moins de onze salariés.

En l’espèce comme il a été précédemment dit le licenciement de la salariée qui présente moins de deux ans d’ancienneté, employée dans une entreprise de moins de onze salariés, est sans cause réelle et sérieuse, ce qui lui ouvre en principe droit à une indemnité pour irrégularité de la procédure de licenciement, qui a été omise.

Mais à l’analyse des pièces du dossier et des énonciations du jugement déféré, la cour ne relève aucun élément de nature à caractériser l’existence et l’étendue d’un préjudice effectivement subi du fait du non respect de la procédure de licenciement.

En conséquence et en infirmant le jugement déféré la cour rejette la demande de dommages et intérêts de la salariée au titre l’irrégularité de la procédure de licenciement.

Sur les dommages et intérêts au titre de la rupture anticipée du contrat à durée déterminée

La rupture anticipée par l’employeur d’un contrat à durée déterminée en dehors des cas prévus par la loi ouvre droit pour le salarié à une réparation au moins égale aux rémunérations que le salarié auraient perçues jusqu’au terme de son contrat de travail.

En l’espèce il résulte des énonciations du jugement déféré que la salariée a sollicité à titre subsidiaire la somme de 5 866,48 euros à titre de dommages et intérêts du fait de la rupture anticipée et abusive de son contrat à durée déterminée équivalente aux rémunérations dont elle a été privée jusqu’au terme du contrat à durée déterminée.

L’employeur demande d’infirmer le jugement déféré en ce qu’il a à la fois et sans s’en expliquer, prononcé la requalification en contrat à durée déterminée en le condamnant à des dommages et intérêts au titre du licenciement sans cause réelle et sérieuse et à des dommages et intérêts au titre de la rupture anticipée du contrat de travail à durée déterminée.

Eu égard à la requalification opérée ci-dessus, les conséquences de la rupture ne peuvent s’analyser que dans le cadre d’un contrat de travail à durée indéterminée avec les seules conséquences qui en découlent.

Dans ces conditions la demande au titre d’une rupture anticipée du contrat à durée déterminée n’est pas fondée.

En conséquence et en infirmant le jugement déféré, la cour rejette la demande.

Sur le défaut de visite médicale d’embauche

L’article R.4624-10 alinéa 1 du code du travail dans sa rédaction applicable à la date d’embauche, dispose que :

‘Le salarié bénéficie d’un examen médical avant l’embauche ou au plus tard avant l’expiration de la période d’essai par le médecin du travail’ .

C’est à l’employeur de prendre l’initiative de l’organisation des visites obligatoires et à justifier qu’il s’est conformé à ses obligations en matière de surveillance médicale.

En l’espèce il résulte des énonciations du jugement déféré que la salariée sollicite la somme de 500 euros de dommages et intérêts en faisant valoir qu’elle n’a pas bénéficié d’une visite médicale d’embauche.

L’employeur conclut au rejet de la demande en faisant valoir que la salariée ne justifie d’aucun préjudice et qu’au demeurant il a procédé aux diligences afin d’organiser une visite médicale d’embauche, qui n’avait pas été déclenchée dès la déclaration préalable à l’embauche et que la salariée a été informée par lettre du 27 mai 2016 de sa convocation à la médecine du travail pour une visite prévue le 15 juin 2016 qui n’a finalement pas eu lieu du fait de la rupture.

Il produit son mail du 17 mai 2016 à l’Ametra 06 demandant une visite médicale pour la salariée et son courrier du 27 mai 2016 informant celle-ci d’un rendez-vous à la médecine du travail le 15 juin 2016.

A l’analyse des éléments du dossier la cour constate que nonobstant les diligences dont il justifie, l’employeur n’a pas organisé de visite médicale d’embauche dans le délai imparti à l’article R.4624-10 du code du travail et qu’en tout état de cause la salariée n’en pas bénéficié.

Le manquement est établi.

Toutefois il ne résulte d’aucun élément ni des énonciations du jugement déféré que la salariée justifie d’un préjudice occasionné par le manquement.

En conséquence et en infirmant le jugement déféré la cour rejette la demande.

Sur la prévoyance

La réparation d’un préjudice résultant d’un manquement de l’employeur suppose que le salarié qui s’en prétend victime produise en justice les éléments de nature à établir d’une part la réalité du manquement et d’autre part l’existence et l’étendue du préjudice en résultant.

En l’espèce il résulte des énonciations du jugement déféré que la salariée sollicite la somme de 500 euros de dommages et intérêts au titre du non respect des obligations de l’employeur en matière de portabilité des droits de santé et de prévoyance.

La société conclut au rejet de la demande en faisant valoir que la salariée ne justifie pas d’un préjudice résultant d’un défaut d’information de la portabilité des droits à la prévoyance.

En l’état des pièces du dossier, la cour n’a pas trouvé d’élément explicitant et étayant le manquement invoqué ni d’élément établissant la réalité d’un préjudice en résultant.

En conséquence et en infirmant le jugement déféré, la cour dit que la demande n’est pas fondée et la rejette.

Sur l’exécution forcée

II résulte de l’application des articles R. 444-52, R. 444-53, 3° et R. 444-55 du code de commerce, que lorsque le recouvrement ou l’encaissement est effectué sur le fondement d’un titre exécutoire constatant une créance née de l’exécution d’un contrat de travail, le versement d’une provision avant toute prestation de recouvrement ne peut pas être mise à la charge du créancier, de sorte qu’en confirmant le jugement déféré la cour dit qu’il n’y a pas lieu de faire droit à la demande tendant à faire supporter par l’employeur en cas d’exécution forcée du présent arrêt le droit proportionnel dégressif mis à la charge du créancier.

Sur la délivrance sous astreinte des bulletins de paie et des documents de fin de contrat rectifiés

En infirmant le jugement déféré, la cour ordonne à l’employeur de remettre à la salariée un bulletin de paie récapitulatif des sommes allouées pour la période du 29 avril au 27 juin 2019 et les documents de fin de contrat rectifiés conformément au présent arrêt dans un délai de deux mois.

En infirmant le jugement déféré, la cour rejette la demande d’astreinte qu’aucun élément ne justifie.

Sur les dispositions accessoires

La cour confirme le jugement déféré en ce qu’il a condamné l’employeur aux dépens et a alloué à la salariée une indemnité au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

L’employeur qui succombe au principal est condamné aux dépens et par voie de conséquence la cour rejette sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

Statuant par mise à disposition au greffe, par arrêt contradictoire, en dernier ressort après en avoir délibéré conformément à la loi,

Dit que la déclaration d’appel du 5 avril 2019 opère dévolution,

Infirme le jugement déféré en ce qu’il a :

– condamné Mme [B] exerçant sous l’enseigne France Net à verser à Mme [S] les sommes de :

– 586,64 euros au titre de l’indemnité de fin de contrat,

– 1466,62 euros de dommages et intérêts au titre pour rupture abusive et vexatoire,

– 1466,62 euros de dommages et intérêts au titre de l’irrégularité de la procédure de licenciement

– 5 866,48 euros de dommages et intérêts au titre de la rupture anticipée du contrat à durée déterminée,

– 100 euros de dommages et intérêts au titre du défaut de visite médicale d’embauche,

– 500 euros de dommages et intérêts au titre de la prévoyance,

– fixé le montant des dommages et intérêts au titre du licenciement sans cause réelle et sérieuse à la somme de 1466,62 euros,

– ordonné sous astreinte de 50 euros par jour à compter du 30ème jour de la notification du jugement à Mme [B] exerçant sous l’enseigne France Net de remettre à Mme [S] les bulletins de paie du 29 avril au 27 juin 2016 et les documents de fin de contrat rectifiés,

Statuant à nouveau sur les chefs infirmés,

Condamne Mme [B] exerçant sous l’enseigne France Net à verser à Mme [S] la somme de 2 500 euros de dommages et intérêts au titre du licenciement sans cause réelle et sérieuse,

Dit que la somme allouée est exprimée en brut,

Ordonne à Mme [B] exerçant sous l’enseigne France Net de remettre à Mme [S] un bulletin de paie récapitulatif des sommes allouées pour la période du 29 avril au 27 juin 2019 et les documents de fin de contrat rectifiés conformément au présent arrêt dans un délai de deux mois,

Rejette la demande d’astreinte,

Rejette la demande de Mme [S] au titre de l’indemnité de fin de contrat,

Rejette la demande de dommages et intérêts de Mme [S] au titre de l’irrégularité de la procédure de licenciement,

Rejette la demande de dommages et intérêts de Mme [S] au titre d’un préjudice distinct résultant d’une rupture abusive et vexatoire,

Rejette la demande de dommages et intérêts de Mme [S] au titre de la rupture anticipée du contrat à durée déterminée,

Rejette la demande de dommages et intérêts de Mme [S] au titre du défaut de visite médicale d’embauche,

Rejette la demande de dommages et intérêts de Mme [S] au titre de la prévoyance,

Confirme le jugement déféré en toutes ses autres dispositions,

Y ajoutant,

Rejette la demande de Mme [B] exerçant sous l’enseigne France Net au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

Condamne Mme [B] exerçant sous l’enseigne France Net aux dépens d’appel.

LE GREFFIER LE PRESIDENT

 


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