Grosse + copie
délivrées le
à
COUR D’APPEL DE MONTPELLIER
1re chambre sociale
ARRET DU 28 JUIN 2023
Numéro d’inscription au répertoire général :
N° RG 19/03376 – N° Portalis DBVK-V-B7D-OE6W
Arrêt n° :
Décision déférée à la Cour :
Jugement du 15 AVRIL 2019 du CONSEIL DE PRUD’HOMMES – FORMATION PARITAIRE DE SETE – N° RG F 19/00007
APPELANTE :
Société VILLAGE CENTER Prise en la personne de son représentant légal, domicilié en cette qualité audit siège,
[Adresse 5]
[Localité 4]
Représentée par Me Alexandra DENJEAN DUHIL DE BENAZE de la SELARL LEXEM CONSEIL, avocat au barreau de MONTPELLIER, substitué par Me TROCHERIS, avocat au barreau de Montpellier
INTIME :
Monsieur [U] [D]
[Adresse 1]
[Adresse 1]
[Localité 4]
Représenté par Me Richard MARCOU, avocat au barreau de MONTPELLIER
INTERVENANTE :
Société SNC IMMO, agissant poursuites et dililigences de son représentant légal, intervenante volontaire venant aux droits de la SAS VILLAGE CENTER
[Adresse 2]
[Localité 3]
Représentée par Me Alexandra DENJEAN DUHIL DE BENAZE de la SELARL LEXEM CONSEIL, avocat au barreau de MONTPELLIER, substitué par Me TROCHERIS, avocat au barreau de Montpellier
Ordonnance de clôture du 19 Avril 2023
COMPOSITION DE LA COUR :
En application de l’article 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 10 MAI 2023, en audience publique, le magistrat rapporteur ayant fait le rapport prescrit par l’article 804 du même code, devant la cour composée de :
Monsieur Philippe DE GUARDIA, Président de chambre
Mme Véronique DUCHARNE, Conseillère
Madame Magali VENET, Conseillère
qui en ont délibéré.
Greffier lors des débats : Mme Marie BRUNEL
ARRET :
– contradictoire
– prononcé par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile ;
– signé par Monsieur Philippe DE GUARDIA, Président de chambre, et par Mme Marie BRUNEL, Greffière.
*
* *
FAITS ET PROCÉDURE
[U] [D] a été embauché par la SAS VILLAGE CENTER selon contrat de travail à durée déterminée du 2 octobre 2017 au 1er avril 2018, conclu pour accroissement d’activité. Il exerçait les fonctions de géomètre dessinateur avec un salaire mensuel brut en dernier lieu de 2 000€ pour 151,67 heures de travail.
La rupture intervenait le 31 octobre 2018, à l’expiration du contrat reconduit du 1er avril au 31 octobre 2018, signé par le salarié le 24 avril 2018.
Soutenant que la relation contractuelle devait être requalifiée en un contrat à durée indéterminée, [U] [D] a saisi le conseil de prud’hommes de Sète qui, par jugement en date du 15 avril 2019, a fait droit à sa demande et condamné la SAS VILLAGE CENTER à lui payer :
– la somme de 2 000€ à titre d’indemnité de requalification ;
– la somme de 5 500€ à titre d’indemnité compensatrice de préavis et de congés payés afférents ;
– la somme de 4 000€ à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
– la somme de 1 200€ sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
Le 15 mai 2019, la SAS VILLAGE CENTER a interjeté appel. Dans ses dernières conclusions notifiées et enregistrées le 1er septembre 2021, elle conclut à l’infirmation, au rejet des prétentions adverses et à l’octroi de la somme de 3 000€ sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
Elle demande de déclarer irrecevable la demande à tire de dommages et intérêts complémentaires et, à titre subsidiaire, de limiter à 2 000€ le montant des dommages et intérêts alloués.
Dans ses dernières conclusions notifiées et enregistrées au greffe le 3 septembre 2019, [U] [D], relevant appel incident, demande de lui allouer :
– la somme de 2 000€ à titre d’indemnité de requalification ;
– la somme de 5 500€ à titre d’indemnité compensatrice de préavis et de congés payés afférents ;
– la somme de 4 000€ à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
– la somme de 625€ à titre d’indemnité de licenciement ;
– la somme de 10 000€ à titre de dommages et intérêts complémentaires ;
– la somme de 4 500€ sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
La SNC IMMO, venant aux droits de la SAS VILLAGE CENTER, intervient volontairement à la procédure. Elle demande de recevoir son intervention.
Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure, des moyens et des prétentions des parties, il y a lieu de se reporter au jugement du conseil de prud’hommes et aux conclusions déposées.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Sur l’intervention volontaire :
Attendu qu’il y a lieu de recevoir l’intervention volontaire de la SNC IMMO qui, venant aux droits de la SAS VILLAGE CENTER pour le service et l’activité auxquels était affecté le salarié, justifie d’un intérêt légitime à agir ;
Sur la requalification :
1- Attendu qu’aux termes de l’article L. 1242-1 du code du travail, un contrat de travail à durée déterminée, quel que soit son motif, ne peut avoir ni pour objet ni pour effet de pourvoir durablement un emploi lié à l’activité normale et permanente de l’entreprise ;
Que, selon l’article L. 1242-12 du même code, le contrat de travail à durée déterminée est établi par écrit et comporte la définition précise de son motif ; à défaut, il est réputé conclu pour une durée indéterminée ;
Qu’en l’espèce, le contrat de travail à durée déterminée du 2 octobre 2017 a été conclu pour ‘accroissement d’activité’ ;
Attendu qu’en cas de litige sur le motif du recours, c’est à l’employeur qu’il incombe de rapporter la preuve, d’une part, de la réalité de l’accroissement, d’autre part, de son caractère temporaire ;
2- Attendu que la SAS VILLAGE CENTER, dont l’activité consiste en l’hôtellerie de plein air, démontre avoir recruté [U] [D] afin de pourvoir à un emploi précisément défini, occasionnel et non durable de géomètre dessinateur, destiné à la rénovation des campings qu’elle exploite ;
Qu’elle a ainsi satisfait aux exigences de l’article L. 1242-12 du code du travail ;
3- Attendu, cependant, qu’il résulte des articles L. 1243-11 et L.1243-13 du code du travail que le contrat à durée déterminée initial, faute de prévoir les conditions de son renouvellement, ne peut être renouvelé que par soumission d’un avenant avant le terme initialement prévu ; qu’à défaut, il devient un contrat à durée indéterminée dès lors que la relation de travail s’est poursuivie après l’échéance du terme ;
Attendu que le contrat à durée déterminée signé le 2 octobre 2017 ne prévoit pas les conditions de son renouvellement ;
Qu’alors que le contrat de travail à durée déterminée expirait le 1er avril 2018, la SAS VILLAGE CENTER ne produit aucun élément, notamment un message électronique d’envoi, susceptible d’établir qu’elle aurait adressé à [U] [D], avant le terme prévu, un avenant de renouvellement ;
Qu’il n’est établi ni qu’il aurait interrompu sa prestation de travail entre le 1er avril et le 24 avril 2018, date de signature de l’avenant de renouvellement, ni qu’il ne se serait pas tenu à la disposition de son employeur ;
Attendu qu’en conséquence, la relation de travail, qui s’est poursuivie après l’échéance du terme, est devenue à durée indéterminée ;
4- Attendu que lorsqu’elle fait droit à la demande de requalification formée par le salarié, la juridiction saisie doit condamner l’employeur à lui payer une indemnité qui ne peut être inférieure à un mois de salaire ;
Que le jugement sera donc confirmé à cet égard ;
Attendu que bénéficiant d’un contrat de travail à durée indéterminée, le salarié ne pouvait être licencié sans que soit invoqué un motif autre que le terme du contrat de travail à durée déterminée ;
Que, dès lors, la rupture s’analyse en un licenciement qui, faute d’avoir été motivé et régulièrement notifié, est à la fois irrégulier en la forme et injustifié au fond ;
Attendu qu’au vu de la convention collective nationale de l’hôtellerie de plein air applicable, le salarié a exactement calculé le montant des indemnités de rupture lui revenant (indemnité compensatrice de préavis, congés payés afférents et indemnité de licenciement), étant observé que le conseil de prud’hommes a confondu l’indemnité de licenciement et les dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
Attendu qu’au regard de l’ancienneté de [U] [D], de son salaire au moment du licenciement et à défaut d’éléments nouveaux sur sa situation familiale et l’évolution de sa situation professionnelle, il y a lieu de confirmer le jugement du conseil de prud’hommes qui a correctement évalué à 4 000 € le montant des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
5- Attendu que la SAS VILLAGE CENTER a pris l’attache de la médecine du travail dès le 29 septembre 2017, avant même la signature du contrat de travail ;
Qu’elle a ensuite renouvelé ses demandes par messages des 6 novembre 2017 et 14 juin 2018 ;
Que c’est à l’initiative de [U] [D] et non de l’employeur que la visite d’information et de prévention, prévue le 2 juillet 2018, a dû être reportée ;
Qu’en toute hypothèse, il n’est pas établi de préjudice qui résulterait d’un lien de causalité entre le retard de la visite médicale et l’état de santé actuel du salarié, ni, faute de préconisation, entre cet état de santé et l’activité exercée ;
Attendu que cette demande sera donc rejetée ;
6- Attendu que la demande de dommages et intérêts complémentaires, d’un montant de 10 000€, nouvelle en appel, est irrecevable par application de l’article 564 du code de procédure civile ;
* * *
Attendu qu’enfin, l’équité commande de faire application de l’article 700 du code de procédure civile devant la cour d’appel ;
PAR CES MOTIFS
LA COUR,
Reçoit la SNC IMMO, venant aux droits de la SAS VILLAGE CENTER, en son intervention volontaire ;
Infirmant le jugement et statuant à nouveau,
Condamne la SAS VILLAGE CENTER à payer à [U] [D] la somme de 625€ à titre d’indemnité de licenciement ;
Confirme le jugement pour le surplus ;
Dit irrecevable la demande nouvelle de dommages et intérêts complémentaires ;
Condamne la SAS VILLAGE CENTER à payer à [U] [D] la somme de 3 000€ sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;
Condamne la SAS VILLAGE CENTER aux dépens.
La Greffière Le Président