CDD pour accroissement d’activité : décision du 7 septembre 2023 Cour d’appel de Poitiers RG n° 21/01953
CDD pour accroissement d’activité : décision du 7 septembre 2023 Cour d’appel de Poitiers RG n° 21/01953

VC/PR

ARRÊT N° 520

N° RG 21/01953

N° Portalis DBV5-V-B7F-GJWO

S.C.I. [Adresse 6]

C/

[M]

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE POITIERS

Chambre Sociale

ARRÊT DU 07 SEPTEMBRE 2023

Décision déférée à la Cour : Jugement du 07 juin 2021 rendu par le Conseil de Prud’hommes de Poitiers

APPELANTE :

S.C.I. [Adresse 6]

N° SIRET : 781 557 780

[Adresse 2]

[Adresse 6]

[Localité 7]

Ayant pour avocat Me Laurent NOREILS, avocat au barreau des HAUTS-DE-SEINE

INTIMÉ :

Monsieur [H] [M]

né le 10 novembre 1979 à [Localité 7] (86)

[Adresse 3]

[Localité 7]

Ayant pour avocat Me Philippe MISSEREY de l’ASSOCIATION L.E.A – Avocats, avocat au barreau de POITIERS

COMPOSITION DE LA COUR :

L’affaire a été débattue le 24 mai 2023, en audience publique, devant la Cour composée de :

Monsieur Patrick CASTAGNÉ, Président

Madame Marie-Hélène DIXIMIER, Présidente

Madame Valérie COLLET, Conseillère

qui en ont délibéré

GREFFIER, lors des débats : Madame Patricia RIVIERE

ARRÊT :

– CONTRADICTOIRE

– Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de procédure civile, que l’arrêt serait rendu le 27 juillet 2023. A cette date le délibéré a été prorogé à la date de ce jour.

– Signé par Madame Marie-Hélène DIXIMIER, Présidente en remplacement de Monsieur Patrick CASTAGNÉ, Président, légitimement empêché et par Madame Patricia RIVIERE, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSÉ DU LITIGE :

La SCI [Adresse 6], créée en 1969 et ayant pour gérant M. [C] [BX], a pour objet de détenir et de gérer tout immeuble dont l’ensemble immobilier dénommé ‘[Adresse 6]’ constitué de près de 400 locaux d’habitation et professionnels, ainsi que de proposer divers services accessoires. Elle a engagé M. [H] [M], suivant contrat de travail à durée indéterminée, à compter du 29 janvier 2007, en qualité d’assistant de direction suppléant.

Le 14 janvier 2011, Mme [S] [M], mère de M. [H] [M], est devenue gérante associée de la SCI [Adresse 6].

Suivant avenant signé le 1er octobre 2015, la SCI [Adresse 6] a mis à disposition de M. [M] un logement de fonction à titre gratuit.

Le 20 décembre 2017, l’assemblée générale de la SCI [Adresse 6] a désigné M. [M] en qualité de gérant.

Suivant avenant signé le 1er septembre 2018, il a été convenu que M. [M] occuperait le poste de Directeur, catégorie Cadre, niveau C4 de la convention collective de l’immobilier.

Le 20 septembre 2018, Mme [W] [X], fille de M. [C] [BX], est également devenue gérante.

Le 26 juin 2019, l’assemblée générale a rejeté les comptes de l’exercice 2018, révoqué à effet immédiat les quatre gérants M. [C] [BX], Mme [S] [M], M. [H] [M] et Mme [W] [BX] épouse [X] et désigné en qualité de co-gérants Mme [I] [BX] et M. [G] [K].

M. [M] a été placé en arrêt maladie le 1er juillet 2019.

Par courrier du 2 juillet 2019, la SCI [Adresse 6] a convoqué M. [M], le 12 juillet 2019, pour un entretien préalable à son éventuel licenciement.

Le 18 juillet 2019, la SCI [Adresse 6] a notifié à M. [M] son licenciement pour cause réelle et sérieuse.

Par requête reçue le 15 novembre 2019, M. [M] a saisi le conseil de prud’hommes de Poitiers d’une contestation de son licenciement.

Par jugement du 7 juin 2021, le conseil de prud’hommes a :

– dit que l’action de M. [H] [M] à l’encontre de la SCI [Adresse 6] est en grande partie fondée,

– dit que le licenciement de M. [H] [M] doit être requalifié en licenciement sans cause réelle et sérieuse,

– condamné la SCI [Adresse 6] à payer à M. [M] les sommes suivantes :

* 29.296 euros net à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

* 2.500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– débouté M. [M] de ses autres demandes,

– débouté la SCI [Adresse 6] de ses demandes,

– condamné la SCI [Adresse 6] aux dépens.

La SCI [Adresse 6] a interjeté appel, le 23 juin 2021, du jugement en toutes ses dispositions sauf en ce qu’il a débouté M. [M] de ses autres demandes.

Parallèlement, Mme [BX] et M. [K], agissant en qualité de gérants de la SCI [Adresse 6] ont fait assigner, le 17 mars 2020, devant le tribunal judiciaire de Poitiers Mme [S] [M], M. [H] [M] et Mme [W] [X] pour voir dire qu’ils avaient chacun commis des fautes de gestion à raison de graves négligences et d’avantages octroyés sans contrepartie réelle au détriment de l’intérêt social et la plupart du temps à leur profit personnel et pour obtenir une indemnisation à hauteur de la somme de 3.188.777 euros en réparation des préjudices subis. Par jugement du 29 mars 2021, le tribunal judiciaire de Poitiers les a déboutés de leurs demandes. Ce jugement a été partiellement infirmé dans un arrêt du 21 février 2023 rendu par la 1ère chambre civile de la cour d’appel de Poitiers qui a notamment considéré que M. [H] [M] avait commis une faute de gestion au titre de la conclusion d’un bail commercial avec la SAS [M]-[Y] le 31 août 2018 mais n’a pas reconnu les autres fautes de gestion alléguées.

L’ordonnance de clôture est intervenue le 26 avril 2023 et l’affaire fixée à l’audience du 24 mai 2023.

Par conclusions notifiées le 22 septembre 2021 par RPVA, auxquelles il convient de se référer pour un plus ample exposé des faits et des moyens, la SCI [Adresse 6] demande à la cour d’infirmer le jugement entrepris et de :

– dire que le licenciement de M. [M] repose sur une cause réelle et sérieuse,

– débouter M. [M] de ses demandes,

– condamner M. [M] à lui payer la somme de 5.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile outre les dépens.

Elle fait valoir pour l’essentiel que les 11 griefs qu’elle reproche à M. [M] sont établis et constituent une cause réelle et sérieuse au licenciement du salarié. Elle considère que le licenciement n’est pas intervenu dans des conditions brutales ou vexatoires, insistant sur le fait que les droits M. [M] ont été intégralement respectés.

Par conclusions notifiées le 27 mars 2023 par RPVA, auxquelles il convient de se référer pour un plus ample exposé des faits et des moyens, M. [M] demande à la cour de confirmer le jugement entrepris et de :

– condamner la SCI [Adresse 6] à lui payer la somme de 5.000 euros à titre de dommages et intérêts au titre de son préjudice moral,

– faire courir les intérêts légaux capitalisés à compter de la citation, calculés sur toutes les condamnations prononcées par le conseil de prud’hommes et la cour,

– condamner la SCI [Adresse 6] à lui payer la somme de 2.500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, outre les dépens en ce compris ceux d’exécution,

– débouter la SCI [Adresse 6] de ses demandes.

Il soutient en substance qu’aucun des faits qui lui reproché n’est établi et que son licenciement se trouve dépourvu de cause réelle et sérieuse. Il rappelle qu’il avait 13 années d’ancienneté de sorte qu’il lui est dû une indemnité pouvant aller jusqu’à 11,5 mois de salaire. Il indique avoir été licencié pour des prétextes fallacieux avec une violence considérable qui l’ont amené à un arrêt maladie pendant l’exécution de son préavis. Il affirme que les nouveaux gérants ont voulu se débarrasser de tous les anciens salariés et gestionnaires de la SCI et qu’il en est résulté un préjudice moral considérable. Il précise qu’en même temps qu’il était licencié, il a été sommé de quitter le logement de fonction qu’il occupait, soulignant que ces comptes bancaires avaient fait l’objet d’une saisie au prétexte de l’action en responsabilité engagée à son encontre devant le tribunal judiciaire.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la demande de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse

En application de l’article L. 1232-1 du code du travail, le licenciement pour motif personnel doit être justifié par une cause réelle et sérieuse.

Aux termes de l’article L. 1235-1 du code du travail, le juge, pour apprécier le caractère réel et sérieux des motifs de licenciement invoqués par l’employeur, forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties, et au besoin après toutes mesures d’instruction qu’il estime utiles, et, si un doute persiste, il profite au salarié.

En l’espèce, la lettre de licenciement du 23 décembre 2019 qui fixe les limites du litige en application des dispositions de l’article L. 1235-2, alinéa 2, du code du travail, énonce 11 griefs reprochés à M. [M].

Grief n°1 :

Il est reproché à M. [M] ‘d’avoir embauché en contrat à durée déterminée (CDD) aux motifs d’un accroissement temporaire d’activité M. [DB] [Y] aux fonctions de ‘technicien de maintenance : conducteur chaufferie’ et M. [O] [Z] aux fonctions de ‘manoeuvre ouvrier polyvalent’. Or, il s’agissait à l’époque de pourvoir à des emplois permanents et durables depuis que ses tâches/fonctions avaient été laissées vacantes suite à votre décision de ne plus les confier à des prestataires extérieurs ou les départs de MM. [U] et [YX]. M. [Y] nous a d’ailleurs confirmé oralement le 4 juillet 2019 qu’il avait toujours été convenu de l’embaucher en CDI. De surcroit, vous avez déclaré lors de notre entretien que ces embauches en CDD étaient, selon vous, justifiés car le contrat Loosfeld avait été résilié et que MM. [U] et [YX], autres salariés, étaient partis. De ce qui précède, force est de constater qu’il ne pouvait être recouru à un CDD pour l’embauche de ces deux personnes.’

Au soutien de ce grief, l’employeur produit les éléments suivants :

– le contrat de travail à durée indéterminée pour accroissement temporaire d’activité conclu avec M. [DB] [Y] le 7 janvier 2019, à effet du 7 janvier 2019 au 7 juillet 2019, le salarié étant engagé en qualité de technicien de maintenance polyvalent : conducteur chaufferie,

– le contrat de travail à durée indéterminée pour accroissement temporaire d’activité conclu avec M. [O] [Z] le 4 mars 2019, à effet du 4 mars 2019 au 31 août 2019, le salarié étant engagé en qualité de manoeuvre/ouvrier polyvalent,

– des factures établies par la SARL Loosfeld pour les périodes comprises entre le 1er décembre 2017 et le 30 novembre 2018 pour l’entretien des espaces verts de la résidence ‘[Adresse 6]’,

– le reçu pour solde de tout compte concernant M. [J] [U] daté du 31 mai 2019,

– le courrier daté du 22 mai 2019, de la CARSAT Centre Ouest adressé à M. [J] [U] pour lui notifier l’attribution de sa retraite personnelle à compter du 1er juin 2019,

– un mail du 24 juillet 2018 que M. [M] a adressé à Mme [I] [BX] dans lequel il indique : ‘le salaire de [DB] n’est pas encore défini, mais pour information, le salaire moyen d’un conducteur de chaufferie est de 2.000€/mois. Compte tenu de l’expérience et des compétences de [DB], je pense que nous serons au-dessus. Peut-être que ces montants te paraîtront élevés, mais encore une fois, les départs en retraite de [J] et [L] sont l’occasion de donner une nouvelle dynamique à la société. L’embauche d'[R] et [DB] ne doit pas être perçue comme un simple remplacement de 2 ouvriers par 2 autres, mais plutôt comme un élargissement de nos compétences internes, une amélioration de notre réactivité, et une optimisation des coûts. Je ne pense pas que les départs de [J] et [L] doivent servir à embaucher ‘au rabais’ du personnel moins fiable et/ou moins qualifié dans le but de réduire la charge salariale. A titre de comparaison, le coût horaire employeur pour [R] est d’environ 24€ (cela représente seulement 0,50€ de plus que [J]) et lorsque nous faisons intervenir une entreprise extérieure la main d’oeuvre coûte entre 50€ et 60€ TTC)’,

– un mail du 22 août 2018 que M. [M] a adressé à Mme [I] [BX] dans lequel il explique que ‘nous avons calculé la différence de 7€/heure de coût supplémentaire pour l’embauche de [DB] coûtait en fin d’année 12.740 €. En résumé, [DB] nous coûterait 7.000€ de moins qu’un contrat d’entretien de base pour une mission largement plus étendue et quotidienne. Concernant [R], nous avons vu ensemble qu’il coûtait 0,50€/heure de plus que [J] soit 910 € en fin d’année. Compte tenu de ce montant, je ne pense pas qu’il faille encore se poser la question de la légitimité de son embauche, surtout à la vue de la qualité de son travail et son implication au quotidien’.

De son côté, le salarié explique que :

– les pièces produites par l’employeur ne démontrent pas la réalité du grief,

– les deux salariés ont été embauchés par contrat à durée déterminée pour faire face à un accroissement d’activité non pas locative mais pour les services généraux,

– M. [Z] a été recruté en tant que manoeuvre ouvrier polyvalent car la gérance souhaitait assurer en interne la gestion des espaces verts, assurée jusque là par un prestataire extérieur, l’entreprise Loosfeld,

– M. [Z] avait un profil polyvalent adapté au fonctionnement de la SCI, permettant ainsi de le détacher sur d’autres missions à partir du moment où les besoins en espace vert auraient baissé,

– M. [Y], chauffagiste, a été recruté en tant que conducteur de la chaufferie puisque la gérance, dans sa stratégie globale d’optimisation des coûts souhaitait disposer en interne des compétences d’un chauffagiste reconnu et connaissant l’installation,

– cette embauche permettait, pour un coût inférieur à un contrat de maintenance classique de mettre en oeuvre une politique de chauffage efficace depuis les locaux techniques jusqu’aux appartements des locataires,

– ces deux embauches correspondaient donc à un accroissement temporaire d’activité de la SCI qui jusque là recourait à des prestataires extérieurs, étant précisé que ce surcroit d’activité était accentué par les deux départs en retraite progressifs de M. [YX] et de M. [U],

– le caractère temporaire des premiers temps s’est maintenu par la suite,

– personne n’a jamais contesté cette situation et la SCI n’a subi aucun préjudice.

Il résulte de ces éléments que le grief reproché à M. [M] est établi dans la mesure où il explique lui-même que la SCI [Adresse 6] ne voulait plus recourir à des prestataires extérieurs pour les espaces verts et souhaitait un chauffagiste salarié afin d’optimiser les coûts, cette stratégie financière s’inscrivant nécessairement dans le temps et non pas de manière temporaire comme le prétend M. [M]. En outre, lorsque M. [Y] et M. [Z] ont été embauchés, M. [U] et M. [YX] n’avaient pas encore quitté l’entreprise de sorte que s’il y a eu un accroissement de l’activité des services généraux en début d’année 2019 lié à la résiliation du contrat avec la société Loosfeld, les départs de M. [U] en mai 2019 et de M. [YX] étaient connus dès l’embauche de MM. [Y] et [Z] ce qui permettait de considérer que l’accroissement d’activité serait pérenne. Le fait que la SCI [Adresse 6] n’ait pas subi de préjudice importe peu, à ce stade, dès lors qu’il est établi que le motif des deux CDD n’était pas régulier.

Grief n°2 :

Il est reproché à M. [M] ‘de ne pas avoir respecté la réglementation en matière de sécurité des installations et de ne pas vous être soucié des garanties et protections de notre société à l’occasion des travaux sur la chaufferie dont vous aviez la responsabilité. En effet, lorsque nous avons repris la gérance, nous avons constaté par exemple qu’il n’y a pas de plans des installations de la nouvelle chaudière, ni de contrat de maintenance de la chaufferie, ni notices de fonctionnement, ni dossier des ouvrages exécutés (DOE) : documents légaux indispensables aux garanties sur la chaufferie. Nous avons découvert par ailleurs que le silo que vous avez fait construire pour une valeur de 300.000 euros n’était pas assuré. Lorsque nous avons demandé ces documents à M. [DB] [Y], il nous a répondu que ces documents étaient en fait inexistants. De la même manière, nous ne trouvons pas trace du logiciel de prise en main à distance de la chaufferie. En réponse, vous avez reconnu avoir signé le procès-verbal de réception de la chaufferie sans obtenir de DOE, ni plans des installations et sans mettre en place un contrat de maintenance. Compte tenu des risques et conséquences attachés à ces manquements, nous ne pouvons accepter vos explications. L’investissement très important que représente pour la société la mise en place de cette nouvelle chaudière justifiait que vous vous assuriez a minima que nos droits soient préservés et garantis dans le temps.’

Au soutien de ce grief, l’employeur produit les éléments suivants :

– un échange de mails du 22 août 2018 entre Mme [I] [BX] et M. [H] [M], la première demandant au second : ‘toujours dans la réflexion concernant l’intérêt ou pas pour la société de recruter [R] et [DB], peux-tu me dire à part Odic, si une autre société dans la Vienne est capable de faire la maintenance de la chaudière », M. [M] répondant ‘Oui, d’autres sociétés dans la Vienne peuvent s’occuper du suivi et de la maintenance de nos chaudières.[…]’,

– un contrat, non signé avec l’APAVE, de prestation de service d’abonnement d’inspection périodique des installations électriques des bureaux et des parties communes des 6 bâtiments d’habitation et de contrôle technique quinquennal des 6 ascenseurs daté du 12 novembre 2019,

– un contrat, non signé avec Socotec, de vérification périodique des installations électriques et de contrôle technique périodique des ascenseurs daté du 15 novembre 2019,

– le procès-verbal de réception sans réserve du 6 avril 2016, signé par M. [M], de la chaufferie bois,

– un document intitulé ‘descriptif technique Chaufferie Bois Résidence [Adresse 6] – Déclaration de conformité’, non daté et non signé,

– un mail de M. [DB] [V], chargé de mission au centre régional des énergies renouvelables, du 8 septembre 2020, concernant le recensement des pièces à remplacer sur l’installation chaufferie bois du [Adresse 6], dans lequel il liste une dizaine de pièces à remplacer sur la chaudière et indique les interventions nécessaires.

De son côté, le salarié produit les éléments suivants :

– le descriptif technique de la chaufferie Bois du 29 janvier 2016,

– le schéma électrique de la Résidence [Adresse 6] comprenant le coffret entrée chaufferie,

– l’attestation de M. [A] [N], responsable d’affaires Inéo Centre, qui déclare : ‘suite à la commande de M. [M], nous avons mis en place un automate de régulation de la chaufferie et des sous stations dans le but de réaliser le contrôle, la commande et la gestion du réseau de chaleur du site. Cette installation a permis également de réguler les débits de chaudière et ainsi diminuer la consommation énergétique du site en alliant chaudière à Gaz à la production de la chaudière bois’,

– 9 copies d’écran concernant les schémas de principe de la chaufferie, les départs vers les sous-stations, les schémas des trois sous-stations, la courbe de chauffage, les réglages.

M. [M] explique qu’il est inexact de prétendre qu’il n’y avait aucune documentation technique concernant la nouvelle chaudière, qu’il avait confié à INEO la mission de réaliser un programme informatique de chauffage permettant d’identifier le réseau de chauffage, de suivre son fonctionnement et de le piloter de sorte que la SCI pouvait suivre tout cela à partir de n’importe quel poste informatique y compris celui de la direction. Il ajoute que l’ensemble de la documentation technique était accessible via l’intranet et qu’il a pu obtenir les copies d’écran versées au dossier en les demandant au gestionnaire prestataire (INEO) de la chaufferie. Il précise qu’il avait donné cette indication à la nouvelle gérance lors de son entretien de licenciement et que les codes d’accès sont tout simplement dans le dossier ‘chaufferie’ en possession de la direction. Il indique qu’il a informé la mutuelle de [Localité 7] de la réalisation des travaux de modification de la chaufferie, qu’il lui a transmis la garantie décennale de l’entreprise intervenant et donc de la modification du périmètre d’assurance du [Adresse 6], l’assureur lui ayant répondu que cette installation rentrait dans le cadre de l’assurance en cours. Il déclare avoir le souvenir d’avoir reçu toute une série de documents techniques de la part de l’entreprise et que rien n’établit l’absence de DOE dans les pièces communiquées par la SCI.

Au vu de ces éléments, rien ne permet de retenir que le silo n’aurait pas été couvert par une assurance, la SCI [Adresse 6] se contentant de procéder par voie d’affirmation. Par ailleurs, si M. [M] justifie de certains documents techniques relatifs à la chaudière et indique, sans être contredit, que tous les schémas techniques de la chaudière pouvaient être consultés sur l’intranet, ce qui atteste qu’il n’a pas été totalement défaillant, le DOE (dossier des ouvrages exécutés) ne figure effectivement pas parmi les pièces du dossier. Cependant, il est rappelé que si le DOE est obligatoire pour les marchés publics, il ne l’est pour les marchés privés que si le contrat l’a prévu. Or, au cas particulier, aucun élément du dossier ne permet de retenir qu’un DOE devait être établi et remis à M. [M] en sa qualité de directeur de la SCI [Adresse 6]. Enfin, il ne fait pas débat qu’aucun contrat de maintenance de l’installation chaufferie n’a été conclu. Cependant, il résulte des pièces examinées dans le cadre du grief n°1 que M. [U] assurait cette maintenance en sa qualité de chauffagiste et que le recrutement de M. [Y] avait précisément pour but d’éviter de souscrire un contrat de maintenance et de minimiser les coûts financiers, ce que la nouvelle gérance de la SCI [Adresse 6] n’ignorait pas.

Ce grief n’est donc pas établi.

Grief n°3 :

Il est reproché à M. [M] ‘de n’avoir aucunement anticipé, ni pallié au départ de M. [J] [U], gardien, qui assurait les astreintes et intervenait en cas de problèmes sur les installations de la résidence. Lors de notre entretien, vous n’avez pas nié ce grief et avez simplement déclaré avoir assuré personnellement les astreintes pendant deux mois après son départ. Or, vous n’en avez pas les compétences; vous nous l’avez d’ailleurs écrit le 28 juin 2019. Cette situation, fort préjudiciable, ne peut être admise.’

Au soutien de ce grief, l’employeur produit les éléments suivants :

– un mail de M. [H] [M] aux nouveaux gérants, daté du 28 juin 2019, dans lequel il expose : ‘j’ai bien pris note de vos instructions concernant le téléphone d’astreinte. Cependant, j’attire votre attention sur le fait que je n’ai pas de formation de technicien et que nombre de problèmes techniques me seront difficiles à résoudre seul. De plus, je serai en congés à partir du 15 juillet pour une durée de 3 semaines. Il faudra alors définir parmi les salariés un remplaçant suffisamment compétent et qui accepte cette responsabilité.’,

– l’attestation du directeur du SDIS 86 qui certifie que ‘les sapeurs pompiers sont intervenus le 2 juillet 2019 à 22h12 sur la commune de [Localité 7], au [Adresse 1], pour une inondation intéressant plusieurs appartements’,

– un constat amiable dégâts des eaux signé le 3 juillet 2019 relatif au sinistre du 2 juillet 2019, entre la SCI [Adresse 6] et Mme [B] [JD] dans lequel les parties ont convenu que la cause du sinistre provenait d’une fuite sur une canalisation de chauffage et notamment sur le radiateur.

De son côté, le salarié produit les éléments suivants :

– un devis établi en fin d’année 2018 par la société Dalkia pour la maintenance préventive les dépannages 24h/24 et 7j/7,

– un mail du 6 juin 2019 qu’il a envoyé à ‘[Courriel 4]’ en indiquant ‘suite à mon appel du 20/05 je me permets de vous relancer afin d’obtenir un rendez-vous pour un chiffrage sur un contrat de dépannage 24/7. Nous sommes une résidence de 400 logements située dans le quartier de [Adresse 5], et nous aurions besoin d’un contrat pour des dépannages 24/24 7/7 dans les domaines de la plomberie, chauffage, électricité. Merci de me contacter dès que possible’,

– un mail du 14 juin 2019 que la société Proxiserve lui a envoyé en lui indiquant : ‘ suite au message vocal que vous m’avez laissé, je tenais à vous préciser que je ne m’occupe que des compteurs d’eau et des compteurs thermiques. Cependant, notre agence locale de [Localité 7] est tout à fait en mesure de vous fournir cette prestation.’

M. [M] explique qu’il avait anticipé le départ de M. [U] puisqu’il avait contacté plusieurs entreprises pour assurer les dépannages 24/24h et 7/7 jours, que plusieurs solutions ont été proposées aux associés en assemblée générale mais qu’aucun vote positif n’est intervenu, insistant sur le fait que l’engagement financier nécessitait l’accord des associés. Il ajoute qu’il a assuré pendant 3 mois cette astreinte technique d’avril à juin 2019 en attendant que l’assemblée générale se prononce sur une solution, reconnaissant n’avoir aucune compétence technique mais soulignant qu’il a été à la disposition des occupants nuit et jour en continu pendant ces trois mois avec l’aide de deux salariés polyvalents M. [P] et M. [Y] qui l’avaient assuré de leur disponibilité pour intervenir et l’assister.

Il résulte de ces éléments que si M. [M] justifie avoir fait des démarches pour remplacer M. [U] et assurer ainsi un service de dépannage 24h/24 et 7j/7, il n’est toutefois pas démontré qu’il aurait soumis des propositions à l’assemblée générale des associés ni qu’il se serait vu opposer un quelconque refus. Or, en raison de ce manque d’anticipation, M. [M] s’est effectivement retrouvé à assurer les astreintes alors qu’il n’en avait pas les compétences techniques comme il le reconnaît, et ce même s’il a su proposer une solution lorsqu’un sinistre est survenu le 2 juillet 2019 alors qu’il était en arrêt maladie.

Ce grief est donc établi.

Grief n°4 :

Il est reproché à M. [M] le fait suivant : ‘un incident grave est intervenu il y a quelques jours sur la chaudière en raison d’une pièce défectueuse (pneumatex) qui a provoqué une surpression des radiateurs de certains appartements, provoquant d’importantes fuites et diverses dégradations.

Cette pièce avait pourtant été identifiée comme défectueuse il y a 6 mois à l’occasion d’un premier incident. Votre inertie est fautive. Pour toute explication, vous avez déclaré avoir mesuré le risque, que vous estimiez minime. Force est de constater que vous vous êtes trompé ; un nouvel incident est survenu qui a nécessité l’intervention en urgence des pompiers. Il aurait pu être évité si vous aviez fait le nécessaire avant.’

Au soutien de ce grief, l’employeur produit les éléments suivants :

– l’attestation du directeur du SDIS 86 qui certifie que ‘les sapeurs pompiers sont intervenus le 2 juillet 2019 à 22h12 sur la commune de [Localité 7], au [Adresse 1], pour une inondation intéressant plusieurs appartements’,

– un constat amiable dégâts des eaux signé le 3 juillet 2019 relatif au sinistre du 2 juillet 2019, entre la SCI [Adresse 6] et Mme [B] [JD] dans lequel les parties ont convenu que la cause du sinistre provenait d’une fuite sur une canalisation de chauffage et notamment sur le radiateur.

De son côté, le salarié explique que :

– l’incident est survenu le 2 juillet alors qu’il était révoqué de son mandat de gérant et qu’il était en arrêt maladie,

– résidant sur place, il a été informé par un locataire d’un dégât des eaux important dans le bâtiment 6 au 2ème étage,

– à 21h33, il a informé par mail, qu’il produit, Mme [BX] de l’incident, du fait que la locataire n’arrivait pas à joindre la personne d’astreinte et de la possibilité de contacter M. [Y] sur son portable personnel,

– la SCI [Adresse 6] ne produit aucune pièce s’agissant du fait allégué qu’il n’aurait rien fait pour changer une pièce défectueuse alors que cette défectuosité aurait été précédemment identifiée,

– il a le souvenir d’un vase d’extension âgé d’une vingtaine d’années dont le changement avait été programmé puisque les pièces de remplacement avaient été approvisionnées au début de l’année 2019.

Il résulte de ces éléments qu’aucune des pièces produites ne permet de retenir qu’une pièce aurait été identifiée comme étant défectueuse 6 mois avant la survenue d’un sinistre ni que M. [M] aurait fait preuve d’inertie en ne prenant aucune mesure.

Le grief n’est donc pas établi.

Grief n°5 :

Il est reproché à M. [M] ‘d’avoir autorisé M. [DB] [Y] à entreposer une benne (container) dans le parc verdoyant de la résidence, sous la fenêtre de l’un des bâtiments, à côté d’un parking et collé à un banc public, sans condition aucune, ni convention, alors même que cette benne est fermée, qu’il y a une inscription sur la porte indiquant ‘Attention risque de brûlure’, qu’il y a un compteur électrique extérieur, que la société n’en a pas les clés, qu’elle ne peut y accéder et ignore ce qu’elle contient précisément. Dans une résidence de 400 logements locatifs, ce n’est pas admissible. Vous nous avez répondu avoir accepté ce dépôt car M. [DB] [Y] n’avait pas la possibilité ou la place de l’entreposer ailleurs. Vous avez ajouté que vous pensiez qu’elle abrite une chaudière. Or, d’une part, vous ne vous êtes pas préoccupé des éventuelles autorisations administratives nécessaires à l’installation et au stockage de ce genre de matériel, des conditions de sécurité et d’autre part, vous n’avez pas agi dans l’intérêt de la société qui ne retire aucun avantage de votre décision. En fait, et encore une fois, vous avez privilégié les intérêts de M. [DB] [Y], par ailleurs votre associé.’

Au soutien de ce grief, l’employeur produit les éléments suivants :

– des photographies d’un container, dans un parc, à proximité d’un banc, fermé à clé avec un panneau ‘Local à maintenir fermé’ et ‘Attention risque de brûlure’,

– les statuts de la SAS [M]-[Y] faisant apparaître que M. [DB] [Y] et M. [H] [M] ont constitué cette société, le 1er juin 2018, ayant pour objet l’exploitation de laveries en France et à l’étranger,

– un courrier de la SCI [Adresse 6] adressé à M. [DB] [Y], le 8 octobre 2019, en lui indiquant : ‘Nous revenons vers vous concernant le container vous appartenant que vous avez laissé dans le jardin de la résidence et dont vous seul avez les clés. Vous nous avez indiqué lors de votre départ que celui-ci était destiné à accueillir une deuxième chaudière que vous souhaitiez vendre au [Adresse 6]. Ce projet ayant été finalement rejeté, nous vous demandons de faire le nécessaire pour l’enlever de l’enceinte de la résidence et de remettre les lieux dans leur état initial et ce sous quinzaine.’

De son côté, le salarié explique que si la benne était véritablement gênante ou dangereuse, la SCI aurait réagi dès son licenciement et non pas 4 mois plus tard en demandant à son propriétaire de l’enlever. Il déclare que cette benne ne présentait aucun danger et ne gênait personne, qu’elle contenait une chaudière d’appoint, matériel inerte et non raccordé, qu’une étude avait préconisé l’installation d’une chaudière basse puissance pour fournir uniquement de l’eau chaude pendant les trois mois d’été, qu’il avait proposé cette solution lors de l’assemblée générale du 26 juin 2019 mais qu’elle a été refusée à la majorité des associés.

L’ensemble de ces éléments permet de retenir que M. [M] a effectivement autorisé M. [Y] à entreposer un container dans le parc de la résidence, sur lequel il était indiqué qu’il existait un risque de brûlure et ce sans qu’il ne soit démontré que ce risque n’était pas réel, M. [M] ne procédant que par voie d’affirmation. Le seul fait que la SCI [Adresse 6] ait attendu pour demander à M. [Y] d’enlever ce container est insuffisant pour justifier l’absence de danger lié à la présence de ce container. En tout état de cause, il n’est pas établi que la SCI [Adresse 6] aurait tiré un quelconque bénéfice à voir ce container entreposé dans son parc alors qu’elle n’en avait pas l’utilité, l’a contraignant ensuite à devoir demander à M. [Y] de bien vouloir procéder à son enlèvement.

Ce grief est donc établi.

Grief n°6 :

Il est reproché à M. [M] le fait suivant : ‘toujours depuis que nous avons repris la gérance, nous constatons qu’un contrat de travail à temps partiel a été conclu entre la société et Mme [W] [X] pour occuper les fonctions d’employée de bureau. Or, nous ne retrouvons aucune trace du travail accompli, elle n’est jamais sur les fiches de congés payés et ne se présente jamais au bureau. Vous nous avez expliqué lors de l’entretien que ce contrat avait été signé par M. [C] [BX] (père de Mme [W] [X]) et vous nous avez précisé que vous ignoriez tout des fonctions qu’elle occupait. Or, il vous appartenait au titre de vos fonctions de gérer le personnel. C’est vous qui décidiez des rémunérations, qui donniez des instructions au comptable pour établir les bulletins de salaire avec les relevés d’heures que vous établissiez. Vous ne pouviez donc ignorer que cet emploi était en fait un emploi fictif. C’est une faute grave.’

Au soutien de ce grief, l’employeur produit les éléments suivants :

– un bulletin de salaire pour le mois de juin 2019 au profit de Mme [W] [X] mentionnant qu’elle est employée en qualité d’employée de bureau depuis le 1er octobre 2012,

– la première page du courrier de licenciement de Mme [X] du 7 août 2019 dans lequel la SCI [Adresse 6] rappelle qu’elle ne trouve pas trace du travail de la salariée.

– un relevé de la prévoyance comportant les noms des salariés de la SCI sur lequel n’apparaît pas le nom de Mme [X].

De son côté, le salarié explique que :

– ce fait est prescrit puisque le contrat de travail a été souscrit en 2012,

– le recrutement de Mme [X] correspondait à un besoin de son père,

– il n’était pas mandataire social au moment du recrutement,

– cette décision prise par M. [C] [BX] était connue de tous et n’avait jamais été remise en cause,

– il a signé le contrat ‘par ordre’ ce qui ne fait pas de lui un décideur du recrutement,

– le travail de Mme [X] est reconnu par la SCI elle-même dans son assignation devant le tribunal judiciaire puisqu’elle récapitule toute une série de prestations (signature de chèques, bons de commande..),

– Mme [X] apparaît comme secrétaire de séance des assemblées générales de sorte qu’elle gérait matériellement l’assemblée, prenait des notes et collaborait avec le juriste chargé de rédiger le procès-verbal,

– cet emploi, d’une dizaine d’heures par semaine, n’était pas fictif.

Il résulte de ces éléments que le fait reproché à M. [M] n’est pas prescrit puisque si le contrat de travail litigieux a été conclu en 2012, il a perduré jusqu’en 2019, date du licenciement de Mme [X]. Néanmoins, les éléments produits par la SCI [Adresse 6] sont insuffisants pour établir la preuve du caractère fictif du contrat de travail de Mme [X] alors que :

– la SCI [Adresse 6] n’hésite pas à comptabiliser Mme [X] comme étant une salariée présente dans les effectifs au 1er janvier 2017,

– la 1ère chambre civile de la cour d’appel de Poitiers dans son arrêt du 21 février 2023 a dit que la preuve d’une gestion de fait par Mme [X] n’était pas rapportée, retenant notamment que :

*cette dernière disposait d’une procuration sur le compte de la SCI [Adresse 6] à la BNP et d’une procuration pour le compte bancaire ouvert au CIC,

* Mme [X] avait signé des chèques entre mai 2011 et avril 2015 en paiement des factures dues par la société,

* la preuve de la fictivité de son contrat de travail n’était pas rapportée.

Ce grief n’est donc pas établi.

Grief n°7 :

Il est reproché à M. [M] le fait suivant : ‘s’agissant du calcul des heures supplémentaires pour les salariés, vous semblez opérer un décompte et un lissage au mois le mois, voire sur l’année. Or, sauf exceptions, les heures supplémentaires se calculent normalement à la semaine et doivent être réglées immédiatement. En agissant ainsi, vous avez exposé la société à un risque Urssaf et/ou prud’homal certain.’

Au soutien de ce grief, l’employeur produit les éléments suivants :

– le décompte des heures travaillées par Mme [E] [U] en mars 2018 laissant apparaître la réalisation d’heures supplémentaires ainsi que le bulletin de salaire afférent ne mentionnant le paiement que de 0,25heures supplémentaires,

– le décompte des heures travaillées par Mme [E] [U] en juin 2018 laissant apparaître la réalisation d’heures supplémentaires ainsi que le bulletin de salaire afférent ne mentionnant le paiement d’aucune heure supplémentaire,

– le décompte des heures travaillées par M. [J] [U] en mars 2018 laissant apparaître la réalisation d’heures supplémentaires ainsi que le bulletin de salaire afférent ne mentionnant le paiement d’aucune heure supplémentaire,

– le décompte des heures travaillées par M. [T] [F] en février 2018 laissant apparaître la réalisation d’heures supplémentaires ainsi que le bulletin de salaire afférent ne mentionnant le paiement d’aucune heure supplémentaire,

– le décompte des heures travaillées par M. [T] [F] en mars 2018 laissant apparaître la réalisation d’heures supplémentaires ainsi que le bulletin de salaire afférent ne mentionnant le paiement d’aucune heure supplémentaire,

– le décompte des heures travaillées par M. [T] [F] en avril 2018 laissant apparaître la réalisation d’heures supplémentaires ainsi que le bulletin de salaire afférent ne mentionnant le paiement d’aucune heure supplémentaire,

– le décompte des heures travaillées par Mme [D] [YX] en février 2018 laissant apparaître la réalisation d’heures supplémentaires ainsi que le bulletin de salaire afférent ne mentionnant le paiement d’aucune heure supplémentaire,

– le décompte des heures travaillées par M. [L] [YX] en mars 2018 laissant apparaître la réalisation d’heures supplémentaires ainsi que le bulletin de salaire afférent ne mentionnant le paiement d’aucune heure supplémentaire.

De son côté, le salarié explique que :

– la situation était parfaitement gérée puisque chaque salarié et l’employeur connaissaient précisément le compte temps de chacun,

– les heures supplémentaires des salariés ont toujours été gérées de façon flexible en accord individuel avec chaque salarié, certains souhaitant être rémunérés et d’autre préférant des repos compensateurs qu’ils prenaient pendant les périodes plus calmes,

– la SCI a fait l’objet de plusieurs contrôles de l’Urssaf et cette pratique n’a fait l’objet d’aucune remarque.

Il résulte de ces éléments que l’absence de rémunération régulière des heures supplémentaires réalisées par les salariés est établie. Il n’est en outre pas justifié de ce qu’ils auraient pu bénéficier, en contrepartie, d’un repos compensateur de remplacement dans les conditions prévues par l’article L.3121-37 du code du travail, M. [M] se contentant de procéder par voie d’affirmation sans produire le moindre justificatif quant à :

– l’existence éventuelle d’une convention ou d’un accord collectif ou à défaut d’une convention ou d’un accord de branche permettant de remplacer le paiement des heures supplémentaires par un repos compensateur de remplacement,

– ou qu’à défaut d’accord, et seulement en l’absence de délégués syndicaux, la mise en place du repos compensateur de remplacement résultait d’une décision unilatérale de l’employeur (article L. 3121-37 code du travail),

– aux conditions et modalités d’attribution de ce repos compensateur.

Il n’est pas plus justifié que des contrôles auraient été opérés par l’Urssaf sans que cela ne donne lieu à des observations.

Ce grief est donc établi.

Grief n°8 :

Il est reproché à M. [M] le fait suivant : ‘la société emploie plus de 10 salariés et il n’y a pas de représentant du personnel. Des élections semblent avoir été organisées en 2013 ayant abouti avec une carence. Depuis, plus rien. Or, il vous incombait d’organiser des élections après 4 années. Là encore, votre inertie est fautive.’

Au soutien de ce grief, l’employeur produit les éléments suivants :

– la liste du personnel présent au 1er janvier 2017 laissant apparaître 11 salariés.

De son côté, le salarié explique que la liste du personnel produite par l’employeur n’a aucun caractère probatoire dès lors que certains salariés étaient à temps partiel, ce qui fait descendre, en ETP, en dessous de la barre des 11 salariés, ajoutant que le chef d’entreprise ne doit pas être compté. Il indique que des élections du personnel ont été organisées au début de l’année 2013 et ont abouti à un procès-verbal de carence. Il produit à cet effet le courrier du 2 avril 2013 que la société d’expertise comptable lui avait adressé avec le procès-verbal de carence. Il affirme qu’en 2017, l’effectif de l’entreprise ne nécessitait pas de réorganiser des élections.

Il résulte de ces éléments que des élections professionnelles ont effectivement été organisées en 2013 ayant donné lieu à un procès-verbal de carence. Il est également établi qu’en 2017, soit 4 ans plus tard, M. [M] n’a pas organisé de nouvelles élections. Cependant, si la liste du personnel présent dans la SCI [Adresse 6] au 1er janvier 2017 comporte effectivement 11 salariés, il n’en reste pas moins que la SCI [Adresse 6] ne démontre pas que, en application de l’article L.2312-2 du code du travail alors en vigueur, l’effectif d’au moins onze salariés était atteint pendant douze mois, consécutifs ou non, au cours des trois années précédentes et ce d’autant plus qu’il est avéré que certains salariés comme Mme [X] était employée à temps partiel (9,5h par semaine) de sorte qu’ils devaient être pris en compte en divisant la somme totale des horaires inscrits dans leurs contrats de travail par la durée légale ou la durée conventionnelle du travail, conformément à l’article L.1111-2 du code du travail.

Ce grief ne peut donc être considéré comme établi.

Grief n° 9 :

Il est reproché à M. [M] ‘d’avoir le 27 juin 2019 donné instruction à M. [T] [F], peintre de la société, de cesser toute commande de fournitures de sorte qu’il a été dans l’impossibilité de réaliser certaines taches dans les jours qui ont suivi. Vous n’avez pas contesté avoir donné cette instruction lors de notre entretien. Tout juste avez-vous rejeté la responsabilité sur la nouvelle gérance. Votre explication n’est pas convaincante car nous ne vous avons jamais donné pareille consigne.’

Au soutien de ce grief, l’employeur ne produit aucun élément.

De son côté, le salarié explique qu’il a été révoqué de son mandat de gérant le 26 juin 2019, que tous ses moyens de travail lui ont été retirés (clé, code d’accès..), ce qui avait été constaté par huissier de justice, et qu’il a donc été contraint le lendemain, en réponse à une question du peintre, d’indiquer à M. [F] qu’il ne pouvait passer aucune commande de peinture ni papier peint dans la mesure où aucune instruction ne lui était donnée par la nouvelle gérance quant aux travaux à faire et qu’en toute hypothèse, il n’avait plus l’autorisation de passer la moindre commande.

Il résulte de ces éléments que M. [M] ne conteste pas avoir indiquer au peintre qu’il ne pouvait plus passer de commande de fournitures le 27 juin 2019. Cependant, si M. [M] avait été révoqué, la veille, de son mandat de gérant, il restait encore à cette date le directeur salarié de la SCI, disposant à cet égard d’une certaine autonomie dans la gestion courante de la société, et ne pouvait se réfugier utilement derrière le fait que la nouvelle gérance ne lui avait donné aucune directive quant aux travaux à faire. Il n’est en outre pas justifié qu’en sa qualité de directeur, il ne pouvait plus passer la moindre commande.

Ce grief est donc établi.

Grief n°10 :

Il est reproché à M. [M] ‘d’avoir donné instruction au comptable en charge de la paie de régler à M. [J] [U], pourtant en retraite depuis le 1er juin 2019, son salaire intégral du mois de juin 2019 et d’établir son solde de tout compte au 30 juin 2019. Vous avez reconnu lors de notre entretien cette erreur. Là encore nous ne pouvons admettre autant de légèreté.’

Au soutien de ce grief, l’employeur, précisant avoir dû demander à M. [U] de rembourser le trop-perçu, produit les éléments suivants :

– le bulletin de salaire du mois de juin 2019 de M. [J] [U] révélant le paiement du mois de salaire intégral,

– le certificat de travail de M. [U] mentionnant qu’il a été employé du 1er juillet 1985 au 30 juin 2019,

– l’attestation Pôle Emploi concernant M. [U] mentionnant qu’il a été employé jusqu’au 31 mai 2019.

De son côté, le salarié explique que :

– il a effectivement commis une erreur en indiquant 30 juin au lieu de 31 mai pour M. [U],

– il ne donnait pas d’instructions au comptable,

– il a avait transmis les éléments de salaire, par mail qu’il produit, aux gérants afin que ces derniers l’adressent au comptable,

– le comptable a rectifié l’erreur en établissant une attestation Pôle emploi indiquant la date du 31 mai 2019,

– il n’a pas procédé au virement du salaire puisqu’il n’avait plus les codes d’accès à compter du 26 juin.

Il résulte de ces éléments qu’il n’est pas établi que M. [M] aurait donné des instructions au comptable pour que M. [U] perçoive un salaire au mois de juin 2019 alors qu’il se trouvait à la retraite.

Ce grief n’est donc pas établi.

Grief n°11 :

Il est reproché à M. [M] le fait suivant : ‘en décembre 2018, vous avez fait réaliser un audit de conformité incendie et évacuation des locaux. Cet audit a permis de constater notamment un risque électrique dans le local ménage du fait de la présence d’un appareil électrique (une machine à laver), risque que vous pouviez écarter de suite. De même vous n’avez pas procéder au remplacement des installations et du personnel. Vous nous avez expliqué lors de notre entretien que cela demandait une réorganisation, que le personnel avait ses habitudes et que vous n’aviez pas eu le temps. Or, en matière de sécurité, il y a toujours urgence et il faut intervenir immédiatement. Votre absence totale de réaction est fautive.’

Au soutien de ce grief, l’employeur produit les éléments suivants :

– une facture du 27 décembre 2019 acquittée par la SCI [Adresse 6] concernant des extincteurs,

– une facture du 26 décembre 2019 acquittée par la SCI [Adresse 6] concernant des panneaux de présence électrique.

De son côté, le salarié qui explique que la SCI avait un contrat de vérification annuelle des extincteurs portatifs et mobiles de sorte que la sécurité de l’immeuble était parfaitement assurée, produit les éléments suivants :

– le contrat de vérification annuelle des extincteurs portatifs et mobiles signé le 19 mai 2017 par la SCI [Adresse 6] avec la société ISS Hygiène et prévention,

– le courrier du 9 décembre 2019 de la SCI [Adresse 6] à l’attention de la société ISS indiquant ‘Nos deux sociétés sont liées depuis le 19/05/2017 par un contrat de maintenance sur les appareils suivants : extincteurs. Nous vous informons que nous souhaitons mettre fin à ce contrat respectant ainsi le préavis de 3 mois prévu au contrat. Le présent contrat prendra donc fin à sa date d’échéance soit le 19/5/2000.’

Il ajoute que la facture d’achat des extincteurs ne signifie pas qu’ils devaient nécessairement être remplacés. Il précise qu’il avait fait le nécessaire pour l’éclairage de sécurité et produit deux devis, l’un de la société Rexel daté du 12 mars 2019 et l’autre de Engie daté du 29 avril 2019.

La cour observe que le grief formulé à l’encontre de M. [M] dans la lettre de licenciement est très imprécis et que la production des deux factures par la SCI [Adresse 6] ne permet pas d’établir que M. [M] aurait été défaillant en matière de sécurité puisqu’il n’est pas démontré que les installations devaient impérativement être remplacées alors que, parallèlement, un contrat de vérification annuelle des extincteurs avait été souscrit.

Ce grief n’est donc pas établi.

*****

Au final, seuls les griefs 1, 3, 5, 7 et 9 sont établis sur les 11 griefs reprochés à M. [M]. En outre, ces griefs matériellement établis, pris dans leur ensemble, sont suffisamment sérieux pour justifier le licenciement de M. [M] puisque ce dernier a fait preuve de manquements importants notamment dans la gestion des ressources humaines de la SCI [Adresse 6], lui faisant encourir des risques contentieux et fiscaux non négligeables.

M. [M] doit donc être débouté de sa demande de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, le jugement entrepris étant infirmé de ce chef.

Sur la demande de dommages et intérêts pour préjudice moral

En application de l’article 1147 du code civil ancien devenu l’article 1231-1, le salarié licencié peut prétendre à des dommages-intérêts en réparation d’un préjudice distinct de celui résultant de la perte de son emploi et cumuler une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et des dommages-intérêts pour licenciement vexatoire, à la condition de justifier d’une faute de l’employeur dans les circonstances entourant le licenciement de nature brutale ou vexatoire.

En l’espèce, la cour a jugé que certains des griefs faits à M. [M] étaient établis de sorte que c’est en vain que le salarié prétend qu’il a été licencié pour des motifs fallacieux. Par ailleurs, M. [M] ne produit aucun élément démontrant qu’il y aurait une violence considérable exercée à son encontre lors de son licenciement. C’est également tout à fait vainement qu’il fait valoir qu’il a été contraint de quitter son logement de fonction alors que la mise à disposition de ce logement était liée au maintien de son contrat de travail, ainsi que cela ressort de l’avenant afférent. Enfin, le fait que M. [M] ait vu ses comptes bancaires faire l’objet d’une saisie conservatoire est indépendant de la procédure de licenciement puisque cette saisie était en lien avec l’instance autonome introduite devant le tribunal judiciaire par la SCI [Adresse 6] à l’encontre de M. [M] en sa qualité de gérant et non pas de salarié.

En conséquence, la cour confirme le jugement entrepris en ce qu’il a débouté M. [M] de sa demande de dommages et intérêts.

Sur les frais du procès

M. [M] qui succombe doit supporter les dépens d’appel et de première instance, le jugement entrepris étant infirmé de ce chef.

Compte tenu des circonstances du litige, il n’apparaît pas inéquitable de laisser supporter à chacune des parties la charge de ses propres frais irrépétibles. En conséquence, il convient d’infirmer le jugement entrepris qui a condamné la SCI [Adresse 6] à payer à M. [M] la somme de 2.500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile et de débouter les parties de leur demande respective formulée à hauteur d’appel.

PAR CES MOTIFS

Confirme le jugement rendu le 7 juin 2021 par le conseil de prud’hommes de Poitiers en ce qu’il a débouté M. [H] [M] de sa demande de dommages et intérêts au titre de son préjudice moral,

L’infirme pour le surplus de ses dispositions,

Statuant à nouveau sur les chefs du jugement infirmés et y ajoutant,

Dit que le licenciement de M. [H] [M] repose sur une cause réelle et sérieuse,

Déboute M. [H] [M] de sa demande de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

Condamne M. [H] [M] aux dépens d’appel et de première instance,

Déboute M. [H] [M] et la SCI [Adresse 6] de leur demande respective au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

LE GREFFIER, P°) LE PRÉSIDENT,

 


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