Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE
délivrées le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D’APPEL DE PARIS
Pôle 6 – Chambre 11
ARRET DU 06 FEVRIER 2024
(n° , 2 pages)
Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 21/06965 – N° Portalis 35L7-V-B7F-CEEP3
Décision déférée à la Cour : Jugement du 05 Juillet 2021 -Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire d’EVRY-COURCOURONNES – RG n° F 20/00569
APPELANTE
Madame [F] [D]
[Adresse 5]
[Localité 9]
Représentée par Me Sylvie CHATONNET-MONTEIRO, avocat au barreau d’ESSONNE
(bénéficie d’une aide juridictionnelle Totale numéro 2021/038058 du 29/09/2021 accordée par le bureau d’aide juridictionnelle de PARIS)
INTIMEES
S.A.S. DAPA TECHNOLOGY
[Adresse 2]
[Localité 7]
Représentée par Me Jean-Christophe BRUN, avocat au barreau de PARIS, toque : K0126
S.E.L.A.R.L. BCM ès-qualités d’administrateur de la SAS DAPA TECHNOLOGY
[Adresse 1]
[Localité 6]
Représentée par Me Jean-Christophe BRUN, avocat au barreau de PARIS, toque : K0126
S.E.L.A.R.L. [U] [V] prise en la personne de Me [U] [V] ès-qualités de mandataire judiciaire de la SAS DAPA TECHNOLOGY
[Adresse 4]
[Localité 8]
Représentée par Me Jean-Christophe BRUN, avocat au barreau de PARIS, toque : K0126
AGS-CGEA ILE DE FRANCE EST
[Adresse 3]
[Localité 10]
Représentée par Me Frédéric ENSLEN, avocat au barreau de PARIS, toque : E1350
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 10 Novembre 2023, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Monsieur Daniel FONTANAUD, Magistrat honoraire, chargé du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, entendu en son rapport, composée de :
Madame Anne HARTMANN, Présidente de chambre,
Madame Isabelle LECOQ-CARON, Présidente de chambre,
Monsieur Daniel FONTANAUD, Magistrat honoraire,
Greffier, lors des débats : Madame Manon FONDRIESCHI
ARRET :
– contradictoire
– par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
– signé par Madame Anne HARTMANN, Présidente de chambre, et par Madame Manon FONDRIESCHI, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
EXPOSE DU LITIGE
Mme [F] [D] a été engagée par la société DAPA TECHNOLOGY en qualité d’assistante administrative par contrat de travail à durée déterminée en date du 17 février 2020 pour une durée de trois mois, au motif d’un accroissement temporaire d’activité. Par avenant du 2 avril 2020, les parties ont mis fin au contrat tout en stipulant que Mme [D] serait payée jusqu’à son terme, soit jusqu’au 17 mai 2020. En dernier lieu, la rémunération de Mme [D] était de 2166.66 euros bruts.
La société compte plus de 11 salariés et applique les dispositions de la Convention collective de la Métallurgie : accords nationaux ouvriers, ETAM, ingénieurs et cadres.
Par jugement du 17 novembre 2020, le tribunal de commerce de SENS a prononcé le redressement judiciaire de la société DAPA TECHNOLOGY. Par jugement du 17 novembre 2020, le tribunal de commerce de SENS a arrêté le plan de redressement pour une durée de 10 ans et nommé commissaire à l’exécution du plan la SELARL BCM.
Mme [D] a saisi la juridiction prud’homale le 29 septembre 2020 aux fins de faire condamner la société DAPA TECHNOLOGIE à lui payer une indemnité de requalification de la relation de travail en contrat à durée indéterminée, ainsi que des indemnités de rupture du contrat de travail (dommages et intérêts pour rupture abusive, indemnité compensatrice de préavis et congés payés afférents, indemnité pour non respect de la procédure de licenciement). Par jugement du 5 juillet 2021, le Conseil de prud’hommes de D’EVRY-COURCOURONNES a jugé qu’il n’y a pas lieu de requalifier le contrat de travail à durée déterminée de Mme [D] en contrat à durée indéterminée et l’a débouté de l’ensemble de ses demandes.
Mme [D] en a relevé appel.
Par conclusions récapitulatives du 18 septembre 2023, auxquelles il convient de se reporter en ce qui concerne ses moyens, Mme [D] demande à la cour d’infirmer le jugement, de requalifier le contrat à durée déterminée en contrat à durée indéterminée, de dire le licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse et irrégulier, et de fixer au passif de la société DAPA TECHNOLOGY, prise en la personne de son représentant légal, les sommes suivantes à son profit :
– 2166.66 € au titre des dommages et intérêts pour rupture abusive
– 1083.33 € au titre de l’indemnité compensatrice de préavis
– 108.33 € au titre des congés payés y afférents
– 2166.66 € au titre de l’indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse
– 2166.66 € au titre de l’indemnité de requalification
– 2 000 € au titre de l’article 700 du Code de procédure civile.
Mme [D] demande de dire le jugement opposable à l’AGS CGEA IDF, d’assortir l’ensemble des condamnations pécuniaires des intérêts au taux légal à compter de la saisine du Conseil, et de fixer au passif de la société DAPA TECHNOLOGY, prise en la personne de son représentant légal en tous les dépens y compris les frais d’exécution éventuelle par voie d’huissier par application des articles 10 et 12 de la loi du 8 mars 2001.
Par conclusions récapitulatives du 25 janvier 2022, auxquelles il convient de se reporter en ce qui concerne ses moyens, la société DAPA TECHNOLOGY, prise en la personne de son mandataire judiciaire, la SELARL BCM, en qualité d’administrateur de la société, et Maître [U] [V], en qualité de mandataire judiciaire de la société, demandent de confirmer le jugement, de débouter Mme [D] de ses demandes, et, à titre subsidiaire , de limiter la condamnation au paiement des sommes suivantes :
– 2.166,66 euros au titre d’indemnité de requalification ;
– 108,30 euros au titre d’indemnité compensatrice de préavis ;
– 2.166,66 euros au titre d’indemnité pour licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse.
Ils demandent la condamnation de Mme [D] à verser à la société la somme de 2.000 euros au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.
Par conclusions récapitulatives du 24 janvier 2022, auxquelles il convient de se reporter en ce qui concerne ses moyens, l’AGS demande à la cour de confirmer le jugement et, subsidiairement, s’en rapporte sur l’indemnité de préavis pour 1083,33 euros, outre 108,33 euros au titre des congés payés y afférent.
Sur la garantie, l’AGS demande de :
– dire que l’AGS ne devra sa garantie au titre des créances visées aux articles L 3253-8 et suivants du code du travail que dans les termes et les conditions résultant des dispositions des articles L3253-19 et suivants et L3253-17 du code du travail.
– limiter l’éventuelle l’exécution provisoire, à supposer qu’intervienne une fixation de créances, aux hypothèses prévues aux articles R1454-14 et R1454-28 du code du travail ;
– rappeler que la somme éventuellement due au titre de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’une éventuelle astreinte, qu’elle soit ou non liquidée n’entrent pas dans le champ de la garantie de l’AGS ;
– statuer ce que de droit sur les dépens
La Cour se réfère, pour un plus ample exposé des faits, de la procédure, des moyens et des prétentions des parties, à la décision déférée et aux dernières conclusions échangées en appel conformément à l’article 455 du code de procédure civile.
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MOTIFS
Sur la demande de requalification du contrat de travail à durée déterminée en contrat de travail à durée indéterminée
Principe de droit applicable :
Il ressort des termes de l’article L.1242-2 du code du travail qu’un contrat de travail à durée déterminée ne peut être conclu que pour l’exécution d’une tâche précise et temporaire, et seulement dans les cas prévus expressément par cette disposition, dont l’accroissement temporaire de l’activité de l’entreprise.
En application de l’article L.1245-1 du code du travail dispose, tout contrat de travail conclu en méconnaissance des dispositions des articles L.1242-2 est réputé être conclu pour une durée indéterminée.
L’article L.1245-2 alinéa 2 prévoit que la requalification du contrat à durée déterminée en contrat à durée indéterminée ouvre droit pour le salarié à une indemnité à la charge de l’employeur qui ne peut être inférieure à un mois de salaire.
Application du droit à l’espèce
Mme [D] explique qu’elle a été engagée le 17 février 2020 par un contrat à durée déterminée indiquant pour motif un accroissement temporaire d’activité, mais elle soutient qu’en réalité son embauche était destinée à pallier le départ d’une des salariés de l’entreprise, Mme [J], titulaire d’un contrat à durée indéterminée, qui a quitté la société le 28 février 2020 après l’avoir formée sur son poste d’assistante administrative des ventes.
Mme [D] explique que son embauche ne s’est pas faite dans l’attente de l’arrivée d’un salarié en contrat à durée indéterminée sur ce poste, mais bien dans le seul et unique but de remplacer Mme [J] suite à son départ définitif de la société. Mme [N] [J] atteste que Mme [D] a été embauchée avant son départ de la société afin de la remplacer sur le poste d’assistante administrative.
Il ressort des pièces produites que le contrat à durée déterminée de Mme [D] a effectivement débuté le 17 février 2020, puis a été rompu d’un commun accord entre les parties le 2 avril 2020 par la signature d’un avenant. Mme [D] a ainsi travaillé effectivement au sein de la société DAPA TECHNOLOGIE pendant un mois et demi. Cependant, la société a maintenu la rémunération de la salariée jusqu’au terme initial du contrat, la dispensant de travail. Elle a donc été rémunérée pendant trois mois.
Le contrat à durée déterminée de Mme [D] se limite à mentionner pour motif ‘ un accroissement temporaire d’activité’ mais ne comporte aucune précision ou indication sur ce motif ou sur l’exécution d’une tâche précise et temporaire correspondant à ce motif.
Le contrat mentionne seulement que la salariée est engagée en qualité d’assistante administrative et effectuera les tâches suivantes : accueil des visiteurs, clients et fournisseurs, gestion des courriers et courriels, réalisation du traitement administratif des dossiers (préparation, classement, archivage), préparation de la gestion comptable. Ainsi, les termes du contrat ne font apparaître aucun élément permettant de penser que l’intéressée a été recrutée en raison d’un accroissement temporaire d’activité.
La société DAPA TECHNOLOGY conteste le fait que Mme [D] a été embauchée pour remplacer Mme [J] et fait valoir qu’au mois de mai 2019, la société a conclu avec la société Stubelj, un contrat de vente de mâts et de compresseurs dont la livraison devait être échelonnée entre les mois de mars et octobre 2020.
La société DAPA TECHNOLOGY soutient qu’il s’agit d’une commande exceptionnelle qui devait donner lieu à la livraison de 150 mâts et de 80 compresseurs dont 11 mâts et 6 compresseurs pour lesquels la livraison était prévue au mois de mars 2020. Selon l’employeur, une telle commande a eu pour conséquence un fort accroissement de l’activité de la société qui a notamment dû mettre en ‘uvre de nombreuses garanties afin de financer la réalisation et la livraison des biens commandés par son client.
Cependant, le contrat de travail ne fait pas mention de cette justification et, au surplus, les éléments versés aux débats n’apportent pas d’éléments de comparaison faisant ressortir l’accroissement d’activité allégué et ne justifient pas le caractère exceptionnel de cette commande.
Ainsi, les pièces versées au débat n’établissent pas que le contrat de travail à durée déterminée de Mme [D], conclu au mois de février 2020 pour une durée de trois mois, s’inscrivait précisément dans le cadre de cette commande et de l’accroissement de la gestion administrative et comptable qui allait en résulter.
Le jugement sera donc infirmé sur ce point et la société DAPA TECHNOLOGY sera condamnée à verser 2166.66 € au titre de l’indemnité de requalification représentant un mois de salaire.
Sur la rupture anticipée du contrat de travail à durée déterminée
Mme [D] soutient qu’elle n’a pas témoigné de sa volonté de quitter l’entreprise et que la décision de rompre le contrat de façon anticipée a été prise de manière unilatérale par l’employeur.
Il ressort cependant de l’avenant au contrat de travail à durée déterminée en date du 2 avril 2020 portant la signature des parties et la mention manuscrite ‘lu et approuvé’ que Mme [D] et l’employeur ont souhaité rompre le contrat de travail à durée déterminée de façon anticipée. L’avenant mentionne notamment expressément que ‘ Pour des raisons personnelles, la salariée ne souhaite pas poursuivre sa collaboration avec l’entreprise’.
Au vu des éléments versés au débat, la rupture a eu lieu d’un commun accord, de façon réfléchie et éclairée, sans qu’il y eu un vice du consentement.
C’est à juste titre que les premiers juges ont débouté Mme [D] de ses demandes au titre de la rupture anticipée du contrat de travail (indemnité compensatrice de préavis et congés payés y afférents et indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse).
En conséquence, le jugement du Conseil de prud’hommes sera confirmé sur ces points.
Sur la garantie de l’AGS
Il y a lieu de déclarer le présent arrêt opposable à l’AGS CGEA, intervenante en la cause, dans les limites de sa garantie légale et du plafond légal.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant publiquement par arrêt contradictoire et rendu en dernier ressort, mis à disposition au greffe,
INFIRME le jugement, mais seulement en ce qu’il a débouté Mme [F] [D] de sa demande au titre de l’indemnité de requalification de son contrat de travail à durée déterminée en contrat de travail à durée indéterminée
Et statuant à nouveau sur le chef :
REQUALIFIE le contrat de travail à durée déterminée entre Mme [F] [D] et la SAS DAPA TECHNOLOGY en date du 17 février 2020 en contrat de travail à durée indéterminée,
FIXE au passif de la SAS DAPA TECHNOLOGY, prise en la personne de son représentant légal la créance de Mme [F] [D] à la somme 2166.66 € à titre d’indemnité de de requalification du son contrat de travail à durée déterminée en contrat de travail à durée indéterminée avec intérêts au taux légal à compter de la mise à disposition du présent arrêt ;
DECLARE le présent arrêt opposable à l’AGS, intervenante en la cause, dans les limites de sa garantie légale et du plafond légal ;
DIT que l’AGS ne devra sa garantie au titre des créances visées aux articles L 3253-8 et suivants du code du travail que dans les termes et les conditions résultant des dispositions des articles L3253-19 et suivants et L3253-17 du code du travail.
CONFIRME le jugement en ses autres dispositions,
Vu l’article 700 du code de procédure civile,
DIT n’y avoir lieu à application de l’article 700 du code de procédure civile ;
FIXE les dépens au passif de la société DAPA TECHNOLOGY, y compris les frais d’exécution éventuelle par voie d’huissier.
La greffière, La présidente.