Saisie-attribution : décision du 7 décembre 2023 Cour d’appel de Versailles RG n° 23/02941

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Saisie-attribution : décision du 7 décembre 2023 Cour d’appel de Versailles RG n° 23/02941

7 décembre 2023
Cour d’appel de Versailles
RG n°
23/02941

COUR D’APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 78K

16e chambre

ARRET N°

RÉPUTÉ

CONTRADICTOIRE

DU 07 DECEMBRE 2023

N° RG 23/02941 – N° Portalis DBV3-V-B7H-V2XH

AFFAIRE :

S.A.S. HIPAY

C/

S.A.S. MAGIC PLANET

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 11 Avril 2023 par le Juge de l’exécution de NANTERRE

N° RG : 23/00794

Expéditions exécutoires

Expéditions

Copies

délivrées le : 07.12.2023

à :

Me Christophe DEBRAY, avocat au barreau de VERSAILLES

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE SEPT DECEMBRE DEUX MILLE VINGT TROIS,

La cour d’appel de Versailles a rendu l’arrêt suivant dans l’affaire entre :

S.A.S. HIPAY

N° Siret : 390 334 225 (RCS Nanterre)

[Adresse 4]

[Localité 3]

Prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

Représentant : Me Christophe DEBRAY, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 627 – N° du dossier 23151

APPELANTE

****************

S.A.S. MAGIC PLANET

N° Siret : 912 787 710 (RCS Toulouse)

[Adresse 2]

[Localité 1]

Prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

INTIMÉE DÉFAILLANTE

Déclaration d’appel signifiée à personne habilitée le 07 Juin 2023

****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l’article 805 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue à l’audience publique du 08 Novembre 2023 les avocats des parties ne s’y étant pas opposés, devant Madame Fabienne PAGES, Président chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Fabienne PAGES, Président,

Madame Caroline DERYCKERE, Conseiller,

Madame Florence MICHON, Conseiller,

Greffier, lors des débats : Mme Mélanie RIBEIRO,

EXPOSÉ DU LITIGE

La société Hipay est un établissement de paiement réglementé au sens des articles L521-1 et suivants du code monétaire et financier. Elle fournit des services de paiement réglementés par les dispositions des articles L314-1 et suivants du code précité.

Le 15 novembre 2019, la société Planet cards, société ayant pour activité la carterie personnalisée, a conclu pour une durée de 24 mois un contrat avec la société Hipay pour la gestion de l’encaissement des paiements effectués par ses clients suite aux achats en ligne.

Par jugement du 31 mars 2022, la société Planet cards a été placée en liquidation judiciaire et la SELAS Egide a été désignée en qualité de liquidateur judiciaire.

Dans le cadre de la liquidation judiciaire, le contrat du 15 novembre 2019 a été cédé par la société Planet cards à la société Magic Planet.

Prétendant à des versements par la société Hipay à la société Planet cards qui auraient du être effectués à son profit en exécution du contrat du 15 novembre 2019, la société Magic Planet a fait citer la société Hipay et la SELAS Egide en qualité de liquidateur de la société Planet cards.

Par jugement du 21 novembre 2022, le tribunal de commerce de Paris a notamment :

condamné la société Hipay à payer à la société Magic Planet la somme de 397.331,81 euros outre intérêts à compter du 8 juin 2022

condamné la société Hipay à payer à la société Magic Planet la somme de 10.000 euros à titre de dommages et intérêts

condamné la SELAS Egide en qualité de liquidateur de la société Planet cards à rembourser à la société Hipay la somme de 397 331, 81 euros, outre intérêts au taux légal à compter de l’assignation, le tout assorti du bénéfice de l’exécution provisoire.

Ce jugement a été signifié à la société Hipay par acte d’huissier du 21 novembre 2022.

En exécution du jugement du tribunal de commerce Paris susvisé, par actes d’huissier du 7 décembre 2022, dénoncés le 12 décembre 2022, la SAS Magic Planet a fait pratiquer trois saisies-attribution sur les comptes de la société Hipay entre les mains de la Société Générale, la BNP Paribas et la Deutsche Bank AG pour paiement de la somme de 415.621,34 euros.

La saisie entre les mains de la Deutsche Bank AG a fait l’objet d’une mainlevée. Celle auprès de la BNP Paribas a été fructueuse en totalité et celle auprès de la Société Générale a été infructueuse.

En exécution de cette même décision, par acte d’huissier du 8 décembre 2022 dénoncé le 12 décembre 2022, la SAS Magic Planet a fait pratiquer une saisie-attribution entre les mains de la Selas Egide es qualités pour paiement de la somme de 415 624,34 euros.

Cette saisie a été infructueuse.

Par acte d’huissier du 10 janvier 2022 la société Hipay a fait assigner à la SAS Magic Planet devant le juge de l’exécution de Nanterre en vue du prononcé de la nullité des différentes saisies attribution puis a limité sa demande au prononcé de la nullité de la seule saisie attribution du 7 décembre 2022 effectuée entre les mains de la BNP Paribas.

Par jugement contradictoire rendu le 11 avril 2023, le juge de l’exécution du tribunal judiciaire de Nanterre a :

déclaré la SAS Hipay recevable en son action

débouté la SAS Hipay de son action en nullité du procès-verbal de saisie-attribution daté du 7 décembre 2022 sur les comptes bancaires de la société Hipay ouverts dans les livres de la BNP Paribas

débouté la SAS Hipay de sa demande de délais de grâce

débouté les parties du surplus de leurs demandes, et notamment de leurs demandes de dommages et intérêts

condamné la SAS Hipay à régler à la SAS Magic Planet la somme de 4000 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile

condamné la SAS Hipay aux dépens

rappelé que la décision est exécutoire de droit.

Le 27 avril 2023, la SAS Hipay a relevé appel de cette décision.

Dans ses dernières conclusions transmises au greffe le 29 juin 2023 auxquelles il convient de se reporter pour l’exposé détaillé de ses prétentions et moyens, la société Hipay, appelante, demande à la cour de :

infirmer le jugement du juge de l’exécution du tribunal judiciaire de Nanterre du 11 avril 2023

prononcer la nullité du procès-verbal de saisie-attribution daté du 7 décembre 2022 sur le compte d’acquisition ouvert au nom de la société Hipay dans les livres de la BNP Paribas

ordonner la restitution par la société Magic Planet des sommes cantonnées sur le compte d’acquisition de la société Hipay

juger que la société Hipay pourra régler la condamnation prononcée au bénéfice de la société Magic Planet par le tribunal de commerce de Paris dans son jugement du 21 novembre 2022, selon les modalités suivantes :

paiement de la créance en 24 échéances mensuelles de 17 317,56 euros à compter du prononcé de l’arrêt

débouter la société Magic Planet de l’ensemble de ses demandes

condamner la société Magic Planet à payer à la société Hipay la somme de 4000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens de première instance et d’appel

Par acte d’huissier en date du 7 juin 2023 la société Hipay a signifié à la société Magic Planet la déclaration d’appel, l’avis de fixation et par acte du 4 juillet 2023 ses conclusions d’appelante du 29 juin 2023 dans les conditions de l’article 654 du code de procédure civile.

La société Magic Planet intimée, n’a pas constitué avocat.

Il sera statué par décision réputée contradictoire.

La clôture de l’instruction a été prononcée le 10 octobre 2023.

L’audience de plaidoirie a été fixée au 8 novembre 2023 et le délibéré au 7 décembre 2023.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la nullité du procès verbal de saisie du 7 décembre 2022 auprès de la BNP Paribas

Pour rejeter la demande de nullité de cette saisie, le premier juge a retenu que les différentes mentions sur les actescritiqués permettaient, contrairement à ce qui était soutenu par la société Hipay d’identifier l’huissier instrumentaire et donc de vérifier sa compétence, de telle sorte que l’acte était régulier en sa forme et qu’au surplus il n’était justifié d’aucun grief.

En cause d’appel, au soutien de sa demande de nullité de la saisie susvisée, la société Hipay ne conteste plus l’irrégularité formelle de l’acte de saisie susvisé mais fait désormais valoir que les sommes sur le compte bancaire ouvert auprès de la SA BNP Paribas à son nom ne peuvent être saisies s’agissant d’un compte d’acquisition, soit un compte sur lequel transitent des sommes perçues pour ses clients.

Il convient de relever que la société Hipay est un établissement de paiement réglementé au sens des dispositions de l’article L521-1 et suivants du code monétaire et financier.

Elle justifie à cette fin avoir ouvert auprès de la SA BNP Paribas en mars 2021 un compte de règlement des prestataires de service de paiement.

Aux termes de l’article L 522-17 I du code monétaire et financier

I. – Les fonds reçus soit des utilisateurs de services de paiement, soit par le biais d’un autre prestataire de services de paiement pour l’exécution d’opérations de paiement sont protégés conformément à l’une des deux méthodes suivantes, ce choix étant laissé à l’appréciation de l’établissement de paiement :

1° Les fonds reçus ne sont en aucun cas confondus avec les fonds de personnes physiques ou morales autres que les utilisateurs de services de paiement pour le compte desquels les fonds sont détenus.

Les fonds restant sur le compte de l’utilisateur de services de paiement à la fin du jour ouvrable suivant le jour où ils ont été reçus, tel que défini au d de l’article L. 133-4, sont déposés sur un compte distinct auprès d’un établissement de crédit habilité à recevoir des fonds à vue du public.

Ils peuvent aussi être investis en instruments financiers conservés dans des comptes ouverts spécialement à cet effet auprès d’une personne mentionnée aux 2° et 5° de l’article L. 542-1, dans des conditions fixées par arrêté du ministre chargé de l’économie.

Ces fonds sont protégés dans les conditions prévues à l’article L. 613-30-1 contre tout recours d’autres créanciers de l’établissement de paiement, y compris en cas de procédures d’exécution ou de procédure d’insolvabilité ouverte à l’encontre de l’établissement.

Et l’article L. 613-30-1 du même code prévoit que l’ouverture d’une procédure de sauvegarde, de redressement judiciaire ou de liquidation judiciaire ainsi que toute procédure d’exécution et toute procédure judiciaire équivalente ouverte sur le fondement d’un droit étranger à l’encontre d’un établissement de paiement n’affectent pas les fonds reçus des utilisateurs de services de paiement déposés ou investis en instruments financiers conservés dans les comptes ouverts spécialement à cet effet dans les conditions prévues à l’article L. 522-17 du même code.

Il en résulte que la saisie attribution à la requête de la société Magic Planet à l’encontre de la société Hipay, en exécution du jugement du tribunal de commerce de Paris du 21 novembre 2022 sur son compte ouvert auprès de la SA BNP Paribas alors que les fonds versés sur ce compte bénéficent de la protection prévue par les articles susvisés est nulle.

Il sera par conséquent fait droit à la demande d’annulation du procès verbal de saisie du 7 décembre 2022 auprès de la BNP Paribas et la mainlevée de la saisie attribution sera ordonnée par voie d’infirmation.

Les sommes saisies ayant été libérées entre les mains de l’huissier poursuivant, elles doivent être restituées à la société saisie, le présent arrêt vaut titre de restitution et les intérêts courent à compter de l’arrêt.

Sur sa demande de délais de paiement

Le juge de l’exécution avait à juste titre considéré qu’il ne pouvait faire droit à la demande de délais de paiement puisque la saisie attribution litigieuse fructueuse en totalité dont il avait rejeté la demande de nullité avait eu pour effet de transmettre la totalité des fonds au créancier.

En cause d’appel, il a été fait droit à l’action en contestation de la saisie attribution susvisée et le juge de l’exécution et la cour en appel de ses décisions est compétente pour statuer sur une demande de délais de grâce du débiteur formulée à l’occasion d’une saisie sur le fondement de l’article 1343-5 du code civil .

Aux termes de l’article 1343-5 du code civil, le juge peut, compte tenu de la situation du débiteur et en considération des besoins du créancier, reporter ou échelonner, dans la limite de deux années, le paiement des sommes dues.

Par décision spéciale et motivée, il peut ordonner que les sommes correspondant aux échéances reportées porteront intérêt à un taux réduit au moins égal au taux légal, ou que les paiements s’imputeront d’abord sur le capital.

Il peut subordonner ces mesures à l’accomplissement par le débiteur d’actes propres à faciliter ou à garantir le paiement de la dette.

La décision du juge suspend les procédures d’exécution qui auraient été engagées par le créancier. Les majorations d’intérêts ou les pénalités prévues en cas de retard ne sont pas encourues pendant le délai fixé par le juge.

Toute stipulation contraire est réputée non écrite.

Les dispositions du présent article ne sont pas applicables aux dettes d’aliment.

Au soutien de sa demande de délais en application des dispositions susvisées, la société Hipay fait valoir des difficultés de paiement et sollicite des délais d’une durée de 24 mois par versements de la somme mensuelle de 17.317,56 euros à compter du prononcé du présent l’arrêt.

Force est de constater que si la débitrice justifie de sa situation au sens de l’article susvisé en versant aux débats, en pièce 3,l’ordonnance de nomination d’un mandataire ad hoc en date du 25 octobre 2022 établissant ainsi des difficultés économiques, en revanche elle ne verse aux débats aucune pièce de nature à démontrer sa capacité de versement mensuel de 17.317,56 euros comme proposé étant précisé qu’elle n’a procédé à aucun versement depuis sa condamnation à paiement par le jugement susvisé en date du 21 novembre 2022, de telle sorte que sa demande de délais de paiement sera rejetée par voie de confirmation.

Aucune considération d’équité ne commande de faire application de l’article 700 du code de procédure civile au profit de la société Hipay.

PAR CES MOTIFS,

La Cour, statuant publiquement par décision réputée contradictoire et par mise à disposition au greffe,

INFIRME le jugement entrepris sauf en ce qu’il rejette la demande de délais de paiement ;

Statuant à nouveau,

Déclare nulle et de nul effet la saisie attribution diligenté par acte d’huissier du 7 décembre 2022, entre les mains de la société BNP Paribas au préjudice de la société Hipay, pour paiement de la somme de 415 621,34euros en principal, intérêts et frais, dénoncée par acte d’huissier du 12 décembre 2022 ;

En ordonne la mainlevée et rappelle que le présent arrêt vaut titre de restitution des sommes saisies-attribuées, avec intérêts au taux légal à compter de l’arrêt ;

Dit n’y avoir lieu à l’application de l’article 700 du code de procédure civile ;

Condamne la société Magic Planet aux entiers dépens.

Arrêt prononcé par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile, signé par Madame Fabienne PAGES, Président et par Madame Mélanie RIBEIRO, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le greffier, Le président,

 


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