Saisie-attribution : décision du 14 décembre 2023 Cour d’appel de Paris RG n° 23/03166

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Saisie-attribution : décision du 14 décembre 2023 Cour d’appel de Paris RG n° 23/03166

14 décembre 2023
Cour d’appel de Paris
RG n°
23/03166

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 1 – Chambre 10

ARRET DU 14 DECEMBRE 2023

(n° , 9 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 23/03166 – N° Portalis 35L7-V-B7H-CHEBC

Décision déférée à la Cour : Jugement du 08 Décembre 2022 -Juge de l’exécution de PARIS RG n° 19/00082

APPELANT

Monsieur [K] [N]

[Adresse 2]

[Localité 5]

Représenté par Me Isabelle ULMANN de la SELARL ULMANN EDERY, avocat au barreau de PARIS, toque : A449

INTIMES

Monsieur [W] [P]

[Adresse 1]

[Localité 5]

Représenté par Me Alain STIBBE de l’AARPI GRYNWAJC – STIBBE, avocat au barreau de PARIS, toque : P0211

Madame [I] [P]

[Adresse 3]

[Localité 6]

Représentée par Me Vanessa GRYNWAJC de l’AARPI GRYNWAJC – STIBBE, avocat au barreau de PARIS, toque : E1228

ETABLISSEMENT PUBLIC DGFIP

[Adresse 4]

[Localité 7]

n’a pas constitué avocat

INTERVENANTE

LE DIRECTEUR GENERAL DES FINANCES PUBLIQUES REPRES ENTANT DE L’ETAT

[Adresse 4]

[Localité 7]

n’a pas constitué avocat

COMPOSITION DE LA COUR :

L’affaire a été débattue le 15 Novembre 2023, en audience publique, devant la Cour composée de :

Mme Bénédicte PRUVOST, Présidente de chambre

Madame Catherine LEFORT, Conseillère

Monsieur Raphaël TRARIEUX, Conseiller

qui en ont délibéré, un rapport a été présenté à l’audience par Monsieur Raphaël TRARIEUX, Conseiller dans les conditions prévues par l’article 804 du code de procédure civile.

Greffier, lors des débats : M. Grégoire GROSPELLIER

ARRET :

– réputé contradictoire

– par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

– signé par Bénédicte PRUVOST, Présidente de chambre et par Grégoire GROSPELLIER, Greffier, présent lors de la mise à disposition.

*****

Déclarant agir en vertu d’un jugement rendu par le Tribunal de grande instance de Versailles le 8 avril 2014, d’un arrêt rendu par la Cour d’appel de Paris le 9 mai 2014, et de trois arrêts rendus par la Cour d’appel de Versailles les 28 avril et 7 septembre 2017, M. [P] a, le 10 décembre 2018, délivré à M. [N] un commandement valant saisie immobilière portant sur un immeuble sis [Adresse 2] à [Localité 5], qui a été publié au service de la publicité foncière de Paris 2 le 7 février 2019.

M. [P] ayant assigné M. [N] à l’audience d’orientation du juge de l’exécution de Paris, un jugement ordonnant la vente forcée a été rendu le 16 mai 2019, qui sera annulé par un arrêt de la Cour d’appel de Paris en date du 5 décembre 2019.

Un autre jugement daté du 28 octobre 2021 a, à nouveau, ordonné la vente forcée du bien, devant intervenir à l’audience du 17 février 2022 sur une mise à prix de 100 000 euros. Ce jugement sera confirmé par un arrêt de la Cour d’appel de Paris daté du 15 septembre 2022. La vente a été reportée à plusieurs reprises, en dernier lieu au 8 décembre 2022.

Mme [P] (fille de M. [P], ex-épouse de M. [N]) a déclaré sa créance à hauteur de 23 846,11 euros. Elle a déposé des conclusions à fin de subrogation le 7 décembre 2022, et le juge de l’exécution de Paris a rendu un jugement le 8 décembre 2022, signifié à M. [N] le 6 février 2023, qui a :

– déclaré parfait le désistement de M. [P] ;

– rejeté la contestation formée par M. [N] ;

– ordonné la subrogation par Mme [P] dans les poursuites de M. [P] sur le bien ;

– ordonné en conséquence sa vente forcée à l’audience du 8 décembre 2022 (le bien a été adjugé pour la somme de 270 000 euros le jour même) ;

– dit n’y avoir lieu à l’allocation de dommages et intérêts et à application de l’article 700 du code de procédure civile ;

– dit que les dépens seront compris dans les frais taxés de vente.

Selon déclaration en date du 8 février 2023, M. [N] a relevé appel de ce jugement.

En ses conclusions notifiée le 31 octobre 2023, il fait valoir :

– que son appel est recevable ; qu’en effet le jugement lui a été notifié par le greffe en lettre recommandée avec demande d’avis de réception le 25 janvier 2023, mais cette notification n’était pas accompagnée d’un document l’informant des délais et modalités de recours ; que ce jugement lui a été signifié le 6 février 2023 alors qu’il en a relevé appel le 8 février suivant ;

– que la vente forcée des lots a eu lieu le 8 décembre 2022, soit le même jour que le jugement de subrogation, avant qu’il ne puisse exercer un recours contre ledit jugement, lequel n’était pas assorti de l’exécution provisoire ;

– que ce jugement est affecté d’erreurs quant à la date d’audience et celle du jugement d’orientation ; qu’il mentionne en tant que partie la DGFIP alors que celle-ci est dépourvue de la personnalité morale ;

– que Mme [P] a sollicité la subrogation dans les droits de son père, M. [P], lors de l’audience, et avait déclaré sa créance le 28 novembre 2022, soit très peu de temps avant ; que sa contestation n’a pas pu être purgée avant l’audience d’adjudication ; que ladite contestation pouvait toutefois être formée dans le délai de quinze jours de l’article R 311-5 du code des procédures civiles d’exécution ; que les droits de la défense n’ont pas été respectés ;

– que la déclaration de créance de Mme [P] est irrecevable en vertu de l’article R 322-13 du même code ; qu’en effet elle n’a pas été notifiée à son avocat, à lui-même, ni à M. [P], créancier poursuivant ;

– que Mme [P] lui reste redevable de la somme de 70 273,49 euros au titre d’une ordonnance de non-conciliation, d’un arrêt de la Cour d’appel de Versailles en date du 19 mars 2015, et d’une ordonnance de référé rendue par le président du Tribunal de grande instance de Paris le 29 novembre 2016, mettant à sa charge le paiement d’une indemnité d’occupation ;

– que la compensation doit en conséquence jouer ;

– que le commandement valant saisie immobilière du 10 décembre 2018 a perdu tout effet en raison de l’arrêt de la Cour d’appel de Paris ayant annulé le jugement d’orientation du 5 décembre 2019 ; qu’il a été délivré au mépris de l’autorité de chose jugée attachée au jugement du 6 septembre 2018 ayant constaté la caducité d’un précédent commandement valant saisie immobilière daté du 20 octobre 2017 ; que celui du 10 décembre 2018 est en outre caduc ; qu’en effet, à l’audience de vente du 5 décembre 2019, M. [P] n’a pas requis la vente forcée et l’affaire a été renvoyée à plusieurs reprises sans jugement ;

– que la créance de M. [P] est atteinte par la prescription de cinq ans, postérieurement au 1er août 2018 ;

– que Mme [P] ne pouvait donc pas être subrogée dans ses droits ;

– que le jugement de subrogation dont appel et le jugement d’adjudication sont indissociables ;

– que le service de la publicité foncière a refusé la publication du titre de vente eu égard à la présence de formalités en attente ;

– que les frais (14 386 euros) ont été payés à tort par l’adjudicataire, le 2 février 2023, alors que l’adjudication n’était pas définitive.

M. [N] demande en conséquence à la Cour de :

– prendre connaissance des erreurs et inexactitudes affectant le jugement du 8 décembre 2022, qui sont de nature à en entraîner la nullité ;

– infirmer le jugement de subrogation, sauf en ce qu’il a constaté le désistement de M. [P] ;

– rejeter la demande de subrogation de Mme [P] ;

– condamner M. [P] au paiement de la somme de 14 386 euros avec intérêts au taux légal à compter du 2 février 2023 ;

– condamner Mme [P] à lui régler la somme de 30 000 euros à titre de dommages et intérêts ;

– annuler le jugement d’adjudication ;

– condamner Mme [P] au paiement de la somme de 5 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile ;

– la condamner aux dépens ;

– constater la caducité du commandement valant saisie immobilière du 10 décembre 2018.

Dans ses conclusions notifiées le 1er novembre 2023, M. [P] réplique :

– que les contestations du commandement valant saisie immobilière ne figurent pas dans le dispositif des conclusions de M. [N] ; que de plus, elles se heurtent à l’autorité de chose jugée attachée au jugement d’orientation confirmé par un arrêt de la Cour d’appel de Paris du 15 septembre 2022 ; qu’il s’agit là de demandes nouvelles, au demeurant irrecevables comme n’ayant pas été formées dans les premières conclusions de l’appelant comme il est dit à l’article 910-4 du code de procédure civile ;

– que contrairement à ce qu’avance M. [N], l’instance en saisie immobilière n’était pas éteinte, l’article R 311-9 du code des procédures civiles d’exécution permettant à un créancier de demander à être subrogé en cas de désistement du créancier poursuivant ;

– que le jugement de subrogation est revêtu de l’exécution provisoire de droit, comme il est dit à l’article R 121-21 du code des procédures civiles d’exécution ;

– que la demande d’annulation du jugement d’adjudication est une demande nouvelle en appel ; que de plus, ce jugement n’était appelable que s’il tranchait une contestation, ce qui n’était pas le cas en l’espèce ;

– que le titre de propriété de l’adjudicataire a été publié le 22 mai 2023 et ne peut plus être remis en cause, quand bien même le jugement d’orientation serait-il infirmé ;

– que M. [N] ne peut tout à la fois solliciter l’annulation des deux jugements en cause et réclamer le remboursement des frais de saisie immobilière ; que de plus, il n’a jamais saisi le juge de l’exécution de cette demande qui constitue une prétention nouvelle.

M. [P] demande en conséquence à la Cour de :

– déclarer les prétentions de M. [N] irrecevables ;

– le condamner au paiement de la somme de 10 000 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive ;

– le condamner au paiement de la somme de 5 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile ;

– le condamner aux dépens de première instance et d’appel.

Dans ses conclusions du 1er novembre 2023, Mme [P] soutient :

– que les contestations du commandement valant saisie immobilière ne figurent qu’au dispositif des dernières conclusions de M. [N], ces demandes étant irrecevables en vertu de l’article 910-4 du code de procédure civile ; que ce sont en outre des demandes nouvelles ; qu’elles se heurtent à l’autorité de chose jugée attachée au jugement d’orientation ;

– que contrairement à ce que prétend M. [N], l’instance en saisie immobilière n’était pas éteinte, l’article R 311-9 du code des procédures civiles d’exécution permettant à un créancier de demander à être subrogé en cas de désistement du créancier poursuivant ; qu’aucun délai ne lui était imparti pour demander cette subrogation ; qu’elle pouvait le faire verbalement comme il est prévu par le texte susvisé ;

– que sa déclaration de créance a été régulièrement notifiée par RPVA le 28 novembre 2022, M. [N] l’ayant contestée dans ses conclusions des 7 et 8 décembre 2022, auxquelles elle a répondu le 8 décembre 2022 ;

– que la contestation de ladite déclaration de créance est une demande nouvelle, comme telle irrecevable ;

– qu’elle dispose de titres exécutoires à l’encontre de M. [N] ; qu’à l’appui de sa demande de compensation, l’intéressé ne peut valablement invoquer une contre-créance ; qu’elle n’a en effet jamais été condamnée à lui payer des indemnités d’occupation ; qu’elle a quitté le bien y donnant lieu ; qu’elle a réglé les charges de copropriété jusqu’au prononcé du divorce le 16 novembre 2017 ; que postérieurement à cette date, elle n’est plus redevable du devoir de secours, car le divorce y met fin ; que le simple projet d’état liquidatif dont M. [N] se prévaut ne saurait non plus caractériser une créance dont il serait titulaire à son encontre ;

– qu’enfin le jugement d’adjudication n’était pas appelable car n’ayant pas tranché de contestation.

Mme [P] demande en conséquence à la Cour de :

– déclarer les demandes en paiement de M. [N] irrecevables comme étant des prétentions nouvelles ;

– confirmer le jugement ;

– condamner M. [N] au paiement de la somme de 10 000 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive ;

– le condamner au paiement de la somme de 5 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile ;

– le condamner aux entiers dépens

La Direction générale des finances publiques, à qui la déclaration d’appel a été signifiée le 17 mars 2023 à domicile, et le service de la publicité foncière de [Localité 5] 2, à qui elle a été signifiée le même jour à personne, n’ont pas constitué avocat.

Par message RPVA en date du 20 novembre 2023, la Cour a relevé d’office le moyen tiré de l’irrecevabilité de la demande de M. [N] à fin de condamnation de Mme [P] au paiement de la somme de 30 000 euros à titre de dommages et intérêts, laquelle ne figurait pas dans ses premières conclusions.

Mme [P] a indiqué que l’irrecevabilité des demandes de M. [N] comme étant des deandes nouvelles avait été soulevée dans ses écritures.

M. [N] a soutenu que sa demande de dommages et intérêts faisait suite aux conclusions de Mme [P] qui demandait elle-même des dommages et intérêts à son encontre ; il en a déduit que c’était pour cette raison que sa demande ne figurait pas dans ses premières écritures.

Mme [P] a répliqué qu’il ne s’agissait pas là d’une réponse à ses propres conclusions.

M. [P] n’a pas répondu.

MOTIFS

La déclaration d’appel datée du 8 février 2023 ne porte mention, s’agissant de la décision attaquée, que du jugement subrogeant Mme [P] dans les droits de M. [P]. Le jugement d’adjudication, qui constitue une décision de justice distincte, n’est pas visé dans ladite déclaration d’appel. La Cour n’est donc pas régulièrement saisie d’un appel à l’encontre dudit jugement d’adjudication, et la demande d’annulation de l’adjudication sera donc déclarée irrecevable.

En vertu de l’article 910-4 du code de procédure civile, à peine d’irrecevabilité, relevée d’office, les parties doivent présenter, dès les conclusions mentionnées aux articles 905-2 et 908 à 910, l’ensemble de leurs prétentions sur le fond. L’irrecevabilité peut également être invoquée par la partie contre laquelle sont formées des prétentions ultérieures.

Néanmoins, et sans préjudice de l’alinéa 2 de l’article 802, demeurent recevables, dans les limites des chefs du jugement critiqués, les prétentions destinées à répliquer aux conclusions et pièces adverses ou à faire juger les questions nées, postérieurement aux premières conclusions, de l’intervention d’un tiers ou de la survenance ou de la révélation d’un fait.

Dans ses premières conclusions du 7 avril 2023, M. [N] a demandé à la Cour de :

– rejeter la demande de subrogation de Mme [P] ;

– annuler le jugement d’adjudication ;

– condamner M. [P] au remboursement des frais (14 386 euros) ;

– condamner Mme [P] au paiement de diverses sommes (ces prétentions seront abandonnées) ;

– condamner M. [P] au paiement de diverses sommes (ces prétentions seront également abandonnées) ;

– condamner Mme [P] au paiement d’une somme en application de l’article 700 du code de procédure civile ;

– la condamner aux dépens.

Il s’ensuit que la demande de M. [N] à fin de prononcé de la caducité du commandement valant saisie immobilière, qui n’a pas été formalisée dans ses premières écritures d’appelant, est irrecevable. S’agissant de sa demande de dommages et intérêts, il soutient qu’elle ne l’est pas dans la mesure où il s’agit d’une réponse aux conclusions de Mme [P]. Or il résulte de la lecture des écritures de M. [N] que sa demande de dommages et intérêts est fondée sur le fait que l’intéressée ne justifiait pas lui avoir dénoncé sa déclaration de créance. Cette demande devait donc être formée dans ses premières conclusions puisqu’elle n’a pas de lien avec les demandes reconventionnelles de Mme [P]. Elle sera également déclarée irrecevable.

M. [N] soutient que le jugement est affecté d’erreurs quant à la date d’audience et celle du jugement d’orientation, et que d’autre part, il mentionne en tant que partie la DGFIP alors que celle-ci est dépourvue de la personnalité morale. Le 14 février 2023, il a déposé au greffe du juge de l’exécution une requête en rectification d’erreur matérielle à l’encontre du jugement du 8 décembre 2022, objet du présent appel. Cette requête a été déclarée irrecevable par le juge selon jugement daté du 25 mai 2023, si bien que l’intéressé ne pouvait le critiquer qu’en en relevant appel, ce qu’il n’a pas fait, et non pas en reprenant ses demandes dans le cadre d’une autre procédure. D’ailleurs, il résulte de la lecture de cette requête, dans laquelle M. [N] n’a pas craint de prétendre que le juge avait ‘perdu la raison’, qu’il conteste en réalité la teneur de ce jugement et sa motivation en droit (au sujet du projet d’état liquidatif, des indemnités d’occupation dues, de la pension alimentaire, de la régularité de la procédure de saisie immobilière). Les demandes de M. [N] au sujet de ces prétendues erreurs matérielles seront déclarées irrecevables.

M. [N] poursuit l’infirmation du jugement du 8 décembre 2022 en ce qu’il a écarté ses contestations et subrogé Mme [P] dans les droits de M. [P], dans le cadre de la saisie immobilière.

En vertu de l’article R 311-9 du code des procédures civiles d’exécution :

Les créanciers inscrits et les créanciers énumérés à l’article 2377 et au 3° de l’article 2402 peuvent, à compter de la publication du commandement valant saisie et à tout moment de la procédure, demander au juge de l’exécution leur subrogation dans les droits du poursuivant, par voie de demande incidente ou verbalement à l’audience d’adjudication.

La subrogation peut être sollicitée en cas de désistement du créancier poursuivant ou s’il y a négligence, fraude, collusion ou toute autre cause de retard imputable au poursuivant.

La décision qui rejette la demande de subrogation n’est pas susceptible de recours à moins qu’elle mette fin à la procédure.

La subrogation emporte substitution dans les poursuites et dans les droits et obligations fixés au cahier des conditions de vente prévu à l’article R. 322-10.

(…)

Aucun délai minimal n’est édicté par ce texte entre le moment où le créancier sollicite la subrogation dans les droits du créancier poursuivant et le jour de l’audience de vente forcée ; il prévoit même que la demande peut être faite lors de celle-ci. Dans ces conditions, c’est en vain que M. [N] se plaint de ce qu’il n’a pas eu le temps d’organiser sa défense au motif que Mme [P] avait déposé des conclusions à fin de subrogation tardivement. Il est d’autant moins fondé à le faire qu’il a pu former toute contestation utile devant le juge de l’exécution, lequel a répondu aux moyens par lui soulevés.

Il est également irrecevable, pour s’opposer à la demande de subrogation, à critiquer la régularité du commandement valant saisie immobilière à lui délivré par M. [P], créancier poursuivant, faute de l’avoir fait à l’audience d’orientation, puisque c’est à cette audience que doivent être formées toutes les contestations. De plus, celles relatives à la créance de ce dernier sont étrangères à la régularité et au bien fondé de la demande de Mme [P].

M. [N] prétend que la déclaration de créance de Mme [P] est irrecevable en vertu de l’article R 322-13 du code des procédures civiles d’exécution. Il ne s’agit pas là d’une demande nouvelle puisqu’elle a été formée au stade de la première instance. Selon le texte précité, les créanciers qui ont inscrit leur sûreté sur l’immeuble après la publication du commandement de payer valant saisie mais avant la publication de la vente, interviennent à la procédure en déclarant leur créance, arrêtée en principal frais et intérêts échus au jour de la déclaration. A peine d’irrecevabilité, la déclaration est faite par acte d’avocat déposé au greffe du juge de l’exécution dans un délai d’un mois suivant l’inscription et est accompagnée d’une copie du titre de créance et du bordereau d’inscription et d’un état hypothécaire levé à la date de l’inscription. La déclaration est dénoncée, dans les mêmes formes ou par signification, le même jour ou le premier jour ouvrable suivant, au créancier poursuivant et au débiteur.

Il sera rappelé que devant le juge de l’exécution, en matière de saisie immobilière, les parties sont tenues de constituer avocat comme il est dit à l’article R 311-4 du code des procédures civiles d’exécution ; et l’article 419 alinéa 2 du code de procédure civile prévoit que l’avocat ne peut se décharger de son mandat de représentation que du jour où il est remplacé par un nouveau représentant constitué par la partie.

C’est donc dans des conditions exemptes de critiques que Mme [P] a, le 28 novembre 2022, dénoncé sa déclaration de créance à Maître [B] [T], alors conseil de M. [N]. Elle l’a également dénoncée au conseil de M. [P], créancier poursuivant.

M. [N] invoque la compensation pour s’opposer à la demande de subrogation de Mme [P].

Conformément à l’article 1347-1 du code civil, sous réserve des dispositions prévues à la sous-section suivante, la compensation n’a lieu qu’entre deux obligations fongibles, certaines, liquides et exigibles.

Sont fongibles les obligations de somme d’argent, même en différentes devises, pourvu qu’elles soient convertibles, ou celles qui ont pour objet une quantité de choses de même genre.

M. [N] se prétend créancier de Mme [P] en vertu d’une ordonnance de non-conciliation datée du 28 octobre 2010. Celle-ci a notamment condamné Mme [P] à lui payer une provision ad litem et dit qu’elle devra régler les charges courantes de l’appartement situé au 5ème étage du lot 7 du domicile conjugal, ainsi que les charges de copropriété de l’ensemble des lots à charge de récompense, y compris de ceux appartenant en propre à M. [N]. Par ordonnance en la forme des référés datée du 29 novembre 2016, le président du Tribunal de grande instance de Paris a constaté que Mme [P] était redevable envers l’indivision portant sur le lot n° 12 de l’immeuble sis [Adresse 2] à [Localité 5] de la somme provisoire de 30 000 euros et condamné provisionnellement l’intéressée à payer à M. [N] cette somme ; en outre le juge a fixé provisoirement l’indemnité d’occupation mensuelle due par Mme [P] à l’indivision à 552 euros, l’intéressée étant condamnée provisionnellement au paiement de ladite somme à compter du 1er décembre 2016. Le 26 juillet 2013, a été dressé un projet d’acte liquidatif selon lequel Mme [P] restait redevable à M. [N] d’un arriéré d’indemnités d’occupation de 14 400 euros ; elle était aussi débitrice de charges de copropriété pour la somme de 73 115,47 euros. Toutefois les comptes entre les parties restent à faire dans le cadre des opérations de liquidation de leur régime matrimonial ; une assignation en partage a d’ailleurs été délivrée par Mme [P] à M. [N] le 17 avril 2023 et la décision n’est pas rendue à ce jour par le Juge aux affaires familiales de Paris. Les indemnités d’occupation en cause n’étaient dues par Mme [P] que pour la durée de la procédure de divorce, soit jusqu’au 10 septembre 2018, date à laquelle le conseiller de la mise en état de la Cour d’appel de Versailles a constaté le désistement d’appel de M. [N] à l’encontre du jugement du 16 novembre 2017 prononçant le divorce. La Cour relève que c’est l’indivision, et non pas M. [N], qui est créancière des indemnités d’occupation. Il sera d’ailleurs relevé que par jugement du 9 mars 2017, le juge de l’exécution de Paris a annulé un commandement à fin de saisie-vente, que M. [N] avait délivré à Mme [P] au titre d’un arriéré d’indemnités d’occupation. Une autre décision de ce magistrat datée du 16 mai 2017 a annulé une saisie-attribution que M. [N] avait mise en place le 15 février 2017 à l’encontre de son ex épouse. Par jugement du 31 janvier 2012, le Juge aux affaires familiales de Versailles a notamment débouté M. [N] de sa demande de pension alimentaire au titre du devoir de secours mais par arrêt du 19 mars 2015, la Cour d’appel de Paris a infirmé ce jugement sur ce point et a mis à la charge de Mme [P] le paiement d’un devoir de secours mensuel de 300 euros. Cette mesure ne s’appliquait, elle aussi, que pour le cours de la procédure de divorce. Mme [P] soutient avoir réglé cette dette et il sera observé que le projet d’acte liquidatif reste taisant au sujet d’un éventuel arriéré de devoir de secours.

Le 17 mars 2023, M. [N] a fait sommation à Mme [P] de lui régler la somme de 20 000 euros au titre d’une clause pénale stipulée dans un protocole selon lequel M. [P] s’engageait à ne pas requérir la vente forcée de son bien, protocole qui n’avait pas été respecté par l’intéressé. Mme [P] n’est pas redevable des dettes de son père si bien que la compensation ne peut pas jouer.

Il résulte de tout ce qui précède que la contre-créance que M. [N] prétend détenir à l’encontre de Mme [P] n’est pas fongible, certaine, liquide et exigible, si bien que les conditions légales de la compensation ne sont pas réunies.

Enfin, si M. [N] prétend que le service de la publicité foncière a rejeté la demande de publication du titre de vente, cette circonstance n’a aucune incidence sur la régularité ou le bien fondé de la demande de subrogation formée par Mme [P].

Le jugement sera confirmé en ce qu’il a subrogé cette dernière dans les droits de M. [P] au titre de la présente saisie immobilière. Et l’issue du litige commande également de le confirmer en ce qu’il n’a pas accueilli la demande de dommages et intérêts de M. [N].

M. [N] demande à la Cour de condamner M. [P] au remboursement des frais taxés de saisie (14 386 euros). Selon l’article 564 du code de procédure civile, à peine d’irrecevabilité relevée d’office, les parties ne peuvent soumettre à la cour de nouvelles prétentions si ce n’est pour opposer compensation, faire écarter les prétentions adverses ou faire juger les questions nées de l’intervention d’un tiers, ou de la survenance ou de la révélation d’un fait. L’article 566 permet toutefois aux parties d’ajouter aux prétentions soumises au premier juge des demandes qui en sont l’accessoire, la conséquence ou le complément nécessaire. La demande susvisée n’ayant pas été présentée lors des débats de première instance, elle doit être déclarée irrecevable.

Le droit d’action ou de défense en justice ne dégénère en abus qu’en cas de malice, mauvaise foi ou erreur grossière, équipollente au dol, de sorte que la condamnation à des dommages-intérêts doit se fonder sur la démonstration de l’intention malicieuse et de la conscience d’un acharnement procédural voué à l’échec, sans autre but que de retarder ou de décourager la mise en ‘uvre par la partie adverse du projet contesté, en l’espèce la saisie immobilière litigieuse. Le principe du droit d’agir implique que la décision judiciaire de retenir le caractère non fondé des prétentions ne suffit pas à caractériser l’abus de l’exercice du droit. Plusieurs titres exécutoires ayant été rendus à l’encontre de Mme [P], l’appelant a pu estimer, dans des conditions ne caractérisant pas un abus, que les contre-créances constituaient un obstacle à sa demande de subrogation dans la procédure de saisie immobilière. Faute de caractère abusif de la présente action en justice, M. [P] et Mme [P] seront déboutés de leurs demandes de dommages et intérêts.

M. [N], qui succombe en son appel, sera condamné à payer à chacun des intimés la somme de 2 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux dépens d’appel.

PAR CES MOTIFS

– DECLARE irrecevables les demandes de M. [K] [N] à fin d’annulation de l’adjudication, de condamnation de Mme [I] [P] au paiement de la somme de 30 000 euros à titre de dommages et intérêts, de constatation de la caducité du commandement valant saisie immobilière, de condamnation de M. [W] [P] à lui rembourser des frais, et de rectification d’erreurs matérielles ;

– CONFIRME le jugement en date du 8 décembre 2022 ;

– DEBOUTE M. [P] de sa demande de dommages et intérêts ;

– DEBOUTE Mme [I] [P] de sa demande de dommages et intérêts ;

– CONDAMNE M. [K] [N] à payer à M. [W] [P] la somme de 2 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile ;

– CONDAMNE M. [K] [N] à payer à Mme [I] [P] la somme de 2 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile ;

– CONDAMNE M. [K] [N] aux dépens d’appel.

Le greffier, Le président,

 


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