Saisie-attribution : décision du 14 décembre 2023 Cour d’appel de Paris RG n° 23/04572

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Saisie-attribution : décision du 14 décembre 2023 Cour d’appel de Paris RG n° 23/04572

14 décembre 2023
Cour d’appel de Paris
RG n°
23/04572

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 1 – Chambre 10

ARRET DU 14 DECEMBRE 2023

(n° , 7 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 23/04572 – N° Portalis 35L7-V-B7H-CHIF3

Décision déférée à la Cour : Jugement du 07 Février 2023 -Juge de l’exécution de PARIS RG n° 22/82097

APPELANTE

S.A.S. EUROPEENNE DE BIOMASSE

[Adresse 1]

[Localité 4]

Représentée par Me Michel GUIZARD de la SELARL GUIZARD ET ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : L0020

Ayant pour avocat plaidant Me Frédéric SUEUR, avocat au barreau de PARIS

INTIMEE

S.A.S. AURIGNAC FINANCE

[Adresse 2]

[Localité 3]

Représentée par Me Anne GRAPPOTTE-BENETREAU de la SCP GRAPPOTTE BENETREAU, avocats associés, avocat au barreau de PARIS, toque : K0111

Ayant pour avocat plaidant Me Patrick MARES, avocat au barreau de PARIS

COMPOSITION DE LA COUR :

L’affaire a été débattue le 15 Novembre 2023, en audience publique, devant la Cour composée de :

Mme Bénédicte PRUVOST, Présidente de chambre

Madame Catherine LEFORT, Conseillère

Monsieur Raphaël TRARIEUX, Conseiller

qui en ont délibéré, un rapport a été présenté à l’audience par Monsieur Raphaël TRARIEUX, Conseiller dans les conditions prévues par l’article 804 du code de procédure civile.

Greffier, lors des débats : M. Grégoire GROSPELLIER

ARRET :

– contradictoire

– par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

– signé par Bénédicte PRUVOST, Présidente de chambre et par Grégoire GROSPELLIER, Greffier, présent lors de la mise à disposition.

Déclarant agir en vertu d’un jugement rendu le 8 novembre 2022 par le Tribunal de commerce de Paris, actuellement frappé d’appel, par actes de commissaire de justice des 25 et 28 novembre 2022, la société Aurignac Finance a fait pratiquer deux saisies conservatoires à l’encontre de la société Européenne de Biomasse, entre les mains de la société BNP Paribas, l’une pour la somme de 2 112 280,68 euros (représentant le principal, les frais irrépétibles et les dépens dus en vertu du jugement précité), l’autre pour celle de 921 073,58 euros (représentant les intérêts). Ces mesures lui ont été dénoncées le 30 novembre 2022.

Par acte en date du 19 décembre 2022, la société Européenne de Biomasse a fait assigner la société Aurignac Finance devant le juge de l’exécution du Tribunal judiciaire de Paris, aux fins notamment de voir annuler ces saisies conservatoires et d’en voir ordonner la mainlevée.

Par jugement du 7 février 2023, qui sera signifié le 20 mars 2023, celui-ci a :

– rejeté la demande d’annulation des saisies conservatoires ;

– rejeté la demande de mainlevée des saisies conservatoires ;

– rejeté la demande de dommages et intérêts de la société Européenne de Biomasse ;

– condamné la société Européenne de Biomasse à payer à la société Aurignac Finance la somme de 2 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

– rejeté la demande de la société Européenne de Biomasse formée au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

– condamné la société Européenne de Biomasse aux dépens.

Pour statuer ainsi, le juge de l’exécution a retenu :

– qu’il résultait des captures d’écran produites par la société Européenne de Biomasse que la mainlevée des saisies-attributions pratiquées le 22 novembre avait été effectuée à la même date et à la même heure que les saisies conservatoires, soit le 28 novembre, libérant les fonds et permettant un nouveau séquestre de ceux-ci, indépendamment de l’effet attributif immédiat, qui n’était pas intervenu en l’espèce ;

– que l’absence de notification préalable entre avocats du jugement du 8 novembre 2022 n’avait pas pour effet la nullité de la signification dudit jugement à partie ; qu’en tout état de cause, ladite notification entre avocats n’avait pas lieu d’être, s’agissant d’une instance introduite avant le 1er janvier 2020, la représentation par avocats n’étant alors pas obligatoire devant le Tribunal de commerce ;

– que son autorisation n’était pas nécessaire pour pratiquer les saisies conservatoires, le jugement du Tribunal de commerce de Paris servant de fondement auxdites saisies, en vertu de l’article L 511-2 du code des procédures civiles d’exécution ;

– que la créance était fondée en son principe, puisque d’une part, son principal n’était pas remis en cause par la société Européenne de Biomasse, d’autre part, que les intérêts avaient été calculés en application de la décision du 8 novembre 2022, et qu’il n’avait pas le pouvoir de modifier leur montant, d’autant que ce jugement faisait l’objet d’un appel en cours ;

– que l’ancienneté du litige, le refus de la société débitrice de produire des éléments récents permettant d’apprécier sa situation financière au moment des saisies, ainsi que sa réticence au cours de l’expertise judiciaire caractérisaient l’existence de menaces pesant sur le recouvrement.

Par déclaration du 3 mars 2023, la société Européenne de Biomasse a formé appel de ce jugement.

Par ses dernières conclusions du 9 novembre 2023, la société Européenne de Biomasse demande à la Cour de :

A titre principal,

– infirmer le jugement déféré en ce qu’il a jugé valides les saisies conservatoires litigieuses ;

Et, statuant à nouveau,

– déclarer nulles et de nul effet les saisies conservatoires pratiquées par la société Aurignac Finance pour un montant supérieur à la quotité disponible sur son compte bancaire ouvert au sein de la banque BNP Paribas ;

– infirmer le jugement déféré en ce qu’il a jugé que la créance de la société Aurignac Finance paraissait fondée en son principe et qu’une menace pesait sur le recouvrement de cette créance ;

Et, statuant à nouveau:

– en tous les cas, ordonner la mainlevée des saisies conservatoires pratiquées par la société Aurignac Finance sur son compte bancaire ;

A titre subsidiaire,

– infirmer le jugement déféré et ordonner la mainlevée desdites saisies conservatoires pratiquées entre les mains de la BNP, en contrepartie d’un nantissement ou d’un séquestre entre les mains du Bâtonnier de l’ordre des avocats ; ordonner le séquestre de l’intégralité (soit 200 000) des actions de la SAS FICA-HPCI, lui appartenant à ce jour, et ce, jusqu’à ce qu’une décision exécutoire intervienne dans le litige l’opposant à la société Aurignac Finance, étant précisé qu’en cas de séquestre, elle devra continuer à pouvoir exercer les droits de vote et autres droits politiques liés à sa qualité d’actionnaire ;

En tous les cas,

– condamner la société Aurignac Finance à lui verser la somme de 250 000 euros au titre de caractère abusif des saisies pratiquées ;

– condamner la société Aurignac Finance à lui verser la somme de 10 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’au paiement des entiers dépens.

L’appelante relève que la société Aurignac Finance ne démontre pas l’antériorité de la mainlevée de la saisie-attribution (pratiquée irrégulièrement en raison de l’absence d’exécution provisoire du jugement fondant cette saisie) sur les saisies conservatoires, alors qu’en application de l’article L 211-2 du code des procédures civiles d’exécution, une saisie conservatoire ne peut permettre d’apppréhender des sommes ayant déjà fait l’objet d’une précédente saisie.

Elle fait valoir en outre :

– que le contrat prévoyait une rémunération maximale de 450 000 euros sur le montant de la créance en principal ;

– que sur le montant des intérêts, un taux d’intérêt avait été défini contractuellement et indiqué sur les propres factures de la société Aurignac Finance, de sorte qu’il n’a pas lieu d’appliquer le taux défini par la Banque centrale européenne ; que changer ce taux ne revient pas à modifier le dispositif du jugement au fond, qui ne dispose pas d’un caractère exécutoire, d’autant qu’il s’agit d’une mesure conservatoire et non d’une exécution forcée ;

– que l’ancienneté du litige et les longueurs procédurales ne sont pas de son fait, puisqu’elle reconnaît avoir eu des difficultés à obtenir les pièces confidentielles relatives aux sociétés dont elle est actionnaire minoritaire, et qu’il appartenait à la société Aurignac Finance de démontrer qu’une menace pesait sur le recouvrement de sa créance ; qu’en tout état de cause, sa situation financière est excellente, comme le prouvent les nombreuses pièces versées au débat, les mesures conservatoires risquant cependant de mettre en péril le dévelopemment de l’activité de l’entreprise.

Elle considère que ces saisies sont abusives d’une part comme ayant été mises en place alors que le jugement au fond n’était pas exécutoire, bloquant ainsi le règlement des salariés et fournisseurs, d’autre part, en ce que leur montant est supérieur à la condamnation prononcée par le Tribunal de commerce, lui causant une préjudice en ce que lesdites saisies retardent l’acquisition d’un terrain pour y installer une future usine.

Par ses dernières conclusions du 9 novembre 2023, la société Aurignac Finance demande à la Cour de :

– confirmer le jugement déféré en toutes ses dispositions ;

– débouter la société Européenne de Biomasse de l’ensemble de ses demandes, fins et prétentions ;

En tout état de cause,

– condamner la société Européenne de Biommasse à lui verser la somme de 10 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

– la condamner aux entiers dépens de l’instance, dont distraction au profit de la SCP Grappotte Benetreau en application de l’article 699 du code de procédure civile.

La société Aurignac Finance fait valoir que l’instance devant le Tribunal de commerce ayant été introduite le 14 août 2018, soit avant le 1er janvier 2020, la représentation par avocat n’était alors pas obligatoire de sorte que la notification préalable du jugement à avocat avant signification de celui-ci à partie ne l’était pas non plus.

Elle prétend que la saisie conservatoire pratiquée le 25 novembre 2022 est valide, puisque la saisie-attribution antérieurement mise en place a fait l’objet d’une mainlevée le même jour, et que la seconde saisie conservatoire a été pratiquée le 28 novembre 2022, soit trois jours après la mainlevée de la saisie-attribution, de sorte qu’il n’y avait aucun obstacle au séquestre des fonds disponibles sur le compte de l’appelante.

Elle relève ensuite :

– que les saisies conservatoires ont été pratiquées sur le fondement du jugement du Tribunal de commerce, soit une décision de justice, en application de l’article L 511-2 du code des procédures civiles d’exécution ;

– que cette décision a jugé la créance fondée en son principe, et que remettre en cause le montant principal de la créance reviendrait à modifier son dispositif ; que le taux retenu par le juge du fond pour calculer les intérêts est celui qui a lieu d’être appliqué conformément à l’article L 441-10, II du code decommerce, en l’absence de stipulation contractuelle, d’autant que ce taux n’a jamais été contesté par l’appelante en première instance ; que la TVA entre bien dans l’assiette de calcul des intérêts de retard ; qu’enfin, la société Européenne de Biomasse a fait obstruction à l’émission de la facture finale permettant de déterminer le montant de la rémunération définitive ;

– que le risque dans le recouvrement de la créance est caractérisé, puisque celle-ci est contestée depuis 2018, que le montant est important, qu’il n’est pas garanti que les sommes saisies demeurent sur le compte de la débitrice, et que le paiement de celles-ci constitue un risque pour la pérennité de l’entreprise, dont la situation financière est opaque et la dette très élevée ;

– que l’appelante devra être déboutée de sa demande subsidiaire, en application des articles 542 et 954 du code de procédure civile, puisqu’elle ne sollicite pas l’infirmation du jugement à titre subsidiaire dans son dispositif, et en tout état de cause, elle n’apporte aucun élément permettant d’estimer la valeur effective de sa participation dans la société FICA-HPCI.

La société Aurignac Finance conteste le caractère abusif des saisies conservatoires, puisque qu’elle n’a pas commis de faute, l’erreur étant imputable au juge du fond qui n’a pas prononcé l’exécution provisoire du jugement, raison pour laquelle elle a donné mainlevée des saisies-attributions , et fait valoir en outre que l’appelante n’apporte aucun justificatif d’un quelconque préjudice.

MOTIFS

Une saisie-attribution a été opérée entre les mains de la société BNP Paribas sur la requête de la société Aurignac Finance le 22 novembre 2022, puis une autre le 23 novembre 2022 (dénoncée à la débitrice le 25 novembre 2022). Il n’est pas justifié d’actes d’huissier emportant mainlevée de ces deux saisies-attributions. Toutefois il résulte de la lecture d’un mail émanant du tiers saisi daté du 1er décembre 2022 que le 23 novembre 2022 est intervenu un ‘déblocage’. Par mail du 24 novembre 2022, le conseil de la société Européenne de Biomasse avait pris note de ce qu’il avait été donné mainlevée de l’ensemble des saisies à l’exception de celle pratiquées entre les mains de la société BNP Paribas. Si demeurent des incertitudes sur la date exacte à laquelle la mainlevée des deux saisies-attributions a été donnée, il faut considérer qu’à ce jour, celle-ci est opérée, ce que les parties ne contestent ni l’une ni l’autre dans leurs conclusions. La Cour adopte les motifs du premier juge qui a justement relevé que si ces saisies-attributions avaient opéré un effet attributif immédiat, le versement des fonds au créancier était subordonné à la signification au tiers saisi d’un certificat de non contestation, ou au prononcé d’une décision de justice rejetant la contestation, si bien que dans l’intervalle, la société Aurignac Finance pouvait régulariser une saisie conservatoire sur des fonds objet des saisies-attributions régularisées sur sa propre demande, qui conserve ses effets dès lors que lesdites saisies-attributions n’ont pas été menées jusqu’à leur terme. Il sera ici rappelé que la mainlevée d’une saisie-attribution entraîne l’anéantissement rétroactif de l’effet attributif immédiat des fonds saisis. Le jugement sera confirmé en ce qu’il a refusé d’annuler les deux saisies conservatoires.

En vertu de l’article L 511-2 du code des procédures civiles d’exécution, en matière de saisies conservatoires, une autorisation préalable du juge n’est pas nécessaire lorsque le créancier se prévaut d’un titre exécutoire ou d’une décision de justice qui n’a pas encore force exécutoire. Il en est de même en cas de défaut de paiement d’une lettre de change acceptée, d’un billet à ordre, d’un chèque ou d’un loyer resté impayé dès lors qu’il résulte d’un contrat écrit de louage d’immeubles.

En l’espèce, la société Aurignac Finance détenant un titre, à savoir un jugement rendu par le Tribunal de commerce de Paris le 8 novembre 2022, elle était dispensée de se pourvoir d’une autorisation du juge de l’exécution, et même de notifier préalablement ledit jugement qui n’avait pas besoin d’être exécutoire pour servir de fondement à une saisie conservatoire. Il importe donc peu que ledit jugement ait été régulièrement signifié ou non, ou qu’il bénéficie de l’exécution provisoire ou pas.

L’article R 512-1 du Code des procédures civiles d’exécution énonce que si les conditions prévues pour pratiquer une saisie conservatoire, à savoir l’existence d’une créance paraissant fondée en son principe et des circonstances susceptibles d’en menacer le recouvrement, ne sont pas réunies, la mainlevée de la mesure conservatoire peut être ordonnée à tout moment. Il appartient au créancier de prouver que ces conditions sont remplies.

S’agissant de la créance paraissant fondée en son principe, il résulte des pièces produites que suivant jugement daté du 8 novembre 2022, le Tribunal de commerce de Paris a condamné la société Européenne de Biomasse à payer à la société Aurignac Finance la somme de 2 092 046,40 euros avec intérêts de retard au taux appliqué par la Banque centrale européenne à son opération de refinancement le plus récent, majoré de dix points à compter du 6 juillet 2018, outre 20 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile et les dépens. Il existe donc pour le moins une créance paraissant fondée en son principe à hauteur de ces sommes, et c’est en vain que la débitrice conteste la teneur du jugement rendu à son encontre. En effet, selon l’article R 121-1 alinéa 2 du code des procédures civiles d’exécution, le juge de l’exécution ne peut ni modifier le dispositif de la décision de justice qui sert de fondement aux poursuites ni en suspendre l’exécution. Les saisies conservatoires ont en outre été mises en place à hauteur des sommes prévues par le jugement susvisé et non pas d’une somme supérieure.

S’agissant des circonstances menaçant le recouvrement de la créance, il convient de déterminer si les craintes que l’intimée entretient à ce sujet sont légitimes, sans qu’il soit besoin de démontrer que la société Européenne de Biomasse se trouve nécessairement en cessation des paiements ou dans une situation financière irrémédiablement compromise.

Ne sauraient être retenues l’ancienneté de la dette ou la soi-disant attitude dilatoire que la débitrice aurait adoptée au cours des opérations d’expertise, ces éléments étant étrangers à la notion de risque sur le recouvrement.

Les comptes bancaires sur lesquels les saisies conservatoires ont été opérées étaient créditeurs à hauteur de 3 049 606,25 euros et 937 325,57 euros soit une somme supérieure à la créance invoquée par la société Aurignac Finance. Le capital social de la débitrice, qui constitue le gage irréductible des créanciers, s’élève à 5 677 020 euros. L’appelante indique dans ses écritures que son chiffre d’affaires sur l’année 2022 s’est élevé à 3 705 470 euros ; cette somme est proche du quantum de la créance (3 033 354,26 euros). Par ailleurs, les résultats de la société Européenne de Biomasse ont été négatifs sur l’exercice 2021-2022 mais ceci s’explique par la mise en amortissement de certains projets, ayant fait l’objet de provisions pour charge correspondant à des dépenses déjà réglées. Une attestation de l’expert-comptable indique qu’il ressort de la liasse fiscale provisoire que les produits d’exploitation pour l’exercice clos au 30 juin 2023 s’élèvent à un total de 5 796 691 euros. Par ailleurs, la société Européenne de Biomasse démontre bénéficier du soutien de ses actionnaires aux fins de financer son développement par des émissions obligataires. Elle est donc parfaitement solvable, et la société Aurignac Finance ne saurait en disconvenir, puisque dans ses conclusions déposées devant le conseiller de la mise en état de la Cour d’appel de Paris, à l’occasion d’une demande à fin de voir ordonner l’exécution provisoire du jugement du Tribunal de commerce de Paris, elle a déclaré que la société Européenne de Biomasse ‘disposait de liquidités importantes’.

Dans ces conditions, la société Aurignac Finance échoue dans l’administration de la preuve de circonstances susceptibles de menacer le recouvrement de son dû.

Dès lors que l’une des conditions de fond de mise en place d’une saisie conservatoire fait défaut, il doit en être ordonné mainlevée, le jugement étant réformé en ce sens.

La société Européenne de Biomasse réclame la somme de 250 000 euros à titre de dommages et intérêts pour saisie abusive. En application de l’article L 512-2 du code des procédures civiles d’exécution, les frais occasionnés par une mesure conservatoire sont à la charge du débiteur, sauf décision contraire du juge. Lorsque la mainlevée a été ordonnée par le juge, le créancier peut être condamné à réparer le préjudice causé par la mesure conservatoire. Ce texte, qui est indépendant des dispositions de l’article L 121-2 du même code, ne prévoit pas qu’il soit nécessaire de démontrer une faute du créancier, si bien qu’il est indifférent de savoir si la société Aurignac Finance a engagé la procédure de saisie conservatoire de façon abusive ou non.

Les comptes bancaires de la société Européenne de Biomasse ont été bloqués à hauteur de 76 % de leur montant, pour plus de trois millions d’euros, depuis le 25 novembre 2022, jusqu’au jour où le présent arrêt sera mis à exécution, soit durant plus d’un an. De toute évidence son fonctionnement a été entravé par l’impossibilité dans laquelle elle s’est trouvée de régler ses charges courantes et ses investissements. La société Aurignac Finance sera condamnée à lui régler une somme de 50 000 euros de ce chef.

La société Aurignac Finance sera condamnée au paiement de la somme de 3 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux dépens de première instance et d’appel.

PAR CES MOTIFS

– INFIRME le jugement en date du 7 février 2023 en en toutes ses dispositions sauf en celles ayant rejeté la demande d’annulation des saisies conservatoires en date des 25 et 28 novembre 2022 ;

et statuant à nouveau :

– ORDONNE la mainlevée des saisies conservatoires en date des 25 et 28 novembre 2022 ;

– CONDAMNE la société Aurignac Finance à payer à la société Européenne de Biomasse la somme de 50 000 euros à titre de dommages et intérêts ;

– CONDAMNE la société Aurignac Finance à payer à la société Européenne de Biomasse la somme de 3 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile ;

– CONDAMNE la société Aurignac Finance aux dépens de première instance et d’appel.

Le greffier, Le président,

 


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