Saisie-attribution : décision du 14 décembre 2023 Cour d’appel de Papeete RG n° 22/00267

·

·

Saisie-attribution : décision du 14 décembre 2023 Cour d’appel de Papeete RG n° 22/00267

14 décembre 2023
Cour d’appel de Papeete
RG n°
22/00267

N° 451

MF B

————–

Copie exécutoire

délivrée à :

– Me Maisonnier,

le 14.12.2023.

Copie authentique

délivrée à :

– Me Piriou,

le 14.12.2023.

REPUBLIQUE FRANCAISE

COUR D’APPEL DE [Localité 3]

Chambre Civile

Audience du 14 décembre 2023

RG 22/00267 ;

Décision déférée à la Cour : jugement n° 21/510, rg n°20/00466 du Tribunal Civil de Première Instance de [Localité 3] du 15 novembre 2021 ;

Sur appel formé par requête déposée et enregistrée au greffe de la Cour d’appel le 12 septembre 2022 ;

Appelante :

La Sa Eurotitrisation, Sa inscrite au Rcs de Bobigny sous le n° 352 458 368 B dont le siège social est sis [Adresse 1], agissant poursuites et diligences en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège,

Agissant en qualité de représentant du fonds commu de titrisation Crédinvest, compartiment Crédinvest 2 venant aux droits de la Banque de Polynésie en vertu d’un acte de cession de créance du 28 juillet 2017 ;

Ayant pour avocat la Selarl Jurispol, représentée par Me Yves PIRIOU, avocat au barreau de [Localité 3] ;

Intimée :

Mme [H] [B] épouse [G], née le [Date naissance 2] 1975 à [Localité 3], de nationalité française, demeurant à [Adresse 4] ;

Représentée par Me Michèle MAISONNIER, avocat au barreau de [Localité 3] ;

Ordonnance de clôture du 8 septembre 2023 ;

Composition de la Cour :

La cause a été débattue et plaidée en audience publique du 12 octobre 2023, devant Mme BRENGARD, président de chambre, M. RIPOLL et Mme MARTINEZ, conseillers, qui ont délibéré conformément à la loi ;

Greffier lors des débats : Mme SUHAS-TEVERO ;

Arrêt contradictoire ;

Prononcé par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 264 du code de procédure civile de Polynésie française ;

Signé par Mme BRENGARD, président et par Mme SUHAS-TEVERO, greffier, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

A R R E T,

Par acte d’huissier du 30 novembre 2020 dénoncé le 2 décembre 2020, la société Eurotitrisation a fait pratiquer une saisie attribution des sommes détenues par l’office notarial Delgrossi Buirette Chin Foo pour le compte de Mme [H] [B], pour obtenir le paiement de la somme de 34’129’770 XPF, la saisie étant fondée sur un acte authentique de prêt passé le 10 décembre 2003 dont la débitrice saisie s’est portée caution personnelle solidaire et indivise.

Le tiers saisi a déclaré détenir la somme de 8’869’031 XPF pour le compte de Mme [B].

Par requête enregistrée le 15 décembre 2020, Mme [B] a demandé au tribunal d’annuler la saisie attribution pratiquée le 30 novembre 2019 et d’en ordonner la mainlevée, aux motifs que les fonds saisis qui provenaient de la vente d’un appartement n’étaient pas détenus par le notaire mais par la caisse des dépôts et consignations de sorte qu’ils n’étaient pas disponibles. Elle faisait également valoir que le quantum de la créance était incertain puisque le décompte produit par la société créancière ne prenait pas en compte les sommes déjà perçues de la part du liquidateur du débiteur principal qui est la société SARL Escale Polynésienne ni les sommes perçues au titre de la saisie-arrêt sur les salaires de M. [I] [T], qui s’était porté également caution personnelle solidaire et indivise dudit acte de prêt.

***

Suivant jugement n° 21/510 rendu contradictoirement le 15 novembre 2021, le tribunal civil de première instance de [Localité 3] a,

‘ ordonné la mainlevée de la saisie attribution querellée,

‘ condamné la société Eurotitrisation à payer à Mme [B] une indemnité de procédure de 180’000 XPF et à supporter les entiers dépens.

Le tribunal a notamment retenu que la société Eurotitrisation ne justifie pas du quantum de sa créance car les éléments du dossier montraient que Maître [V] liquidateur de la société Escale polynésienne avait procédé à une saisie-arrêt sur les salaires de l’autre caution, M. [I] [G] et qu’il avait également diligenté la vente amiable d’un bien immobilier dont le prix de 24 millions XPF avait été affecté au paiement des créanciers inscrits dont la société Eurotitrisation faisait partie.

***

Suivant requête du 12 septembre 2022, la société Eurotitrisation déclarant agir en qualité de représentant du fonds commun de titrisation Credinvest compartiment Credinvest 2 venant aux droits de la banque de Polynésie en vertu d’un acte de cession de créances du 28 juillet 2017, a relevé appel. En ses conclusions récapitulatives du 7 septembre 2023, elle entend voir la cour, statuant au vu des articles 395-1,395-2,798 du code de procédure civile de la Polynésie française et l’article L214 -172 du code monétaire et financier,

Infirmer le jugement entrepris, puis débouter Mme [B] de l’ensemble de ses prétentions,

‘ attribuer les sommes saisies à la société Eurotitrisation,

‘ en tout état de cause, condamner Mme [B] à lui payer la somme de 300’000 XPF au titre des frais irrépétibles de première instance d’appel, en plus des entiers dépens.

En ses dernières conclusions du 11 août 2023, Mme [H] [B] demande,

– de déclarer irrecevable la requête d’appel de la société Eurotitrisation déposée le 12 septembre 2022 enregistrée au greffe de la cour d’appel plus de 7 mois après la délivrance de la signification du jugement et en conséquence, constater que le jugement du 15 novembre 2021 a force de chose jugée, puis débouter la société Eurotitrisation de toutes ses demandes puis la condamner au paiement d’une indemnité de procédure de 450’000 XPF en plus des dépens,

‘ subsidiairement, dire que la société rue Eurotitrisation était irrecevable pour défaut de qualité pour agir car elle a fait pratiquer une mesure d’exécution à l’encontre de l’intimée qui n’a pas été informée de la cession de créances signée le 28 juillet 2017 puisque la lettre d’information produite par la société Eurotitrisation (pièce 14) ne lui a pas été adressée, et par suite annuler la saisie attribution pour ce motif,

‘ pour le surplus, confirmer le jugement entrepris sur la condamnation de la société Eurotitrisation au paiement des frais irrépétibles des dépens puis la condamner en plus au paiement de ces mêmes frais en appel à hauteur de 450 000 XPF.

Pour un plus ample exposé des faits de la cause, de la procédure, des prétentions des parties, il est renvoyé à la décision déférée et aux dernières conclusions d’appel des parties. Se conformant aux dispositions de l’article 268 du code de procédure civile de la Polynésie française, la cour répondra aux moyens par les motifs ci-après.

MOTIFS DE LA DECISION :

Sur la recevabilité de l’appel :

Mme [B] conclut à l’irrecevabilité de l’appel de la société Eurotitrisation au motif qu’il a été formé hors délai, plus de 7 mois après la notification du jugement effectuée par acte d’huissier du 15 février 2022 délivré à son avocat au cabinet duquel la société avait élu domicile.

L’intimée soutient ainsi que le conseil de la société Eurotitrisation était ainsi seul habilité à recevoir la signification de l’assignation et se prévaut de l’article 395-1 du code de procédure civile de Polynésie française qui dispose que : la signification à personne morale est faite à personne lorsque l’acte est délivré à son représentant légal, à un fondé de pouvoir de ses derniers, ou à toute personne habilitée à cet effet. La signification est valable même si la copie est refusée par la partie.

Cependant, en l’espèce, l’argumentation est inopérante puisque Maître [R], avocat de la société Eurotitrisation, a déclaré refuser de recevoir l’acte de signification au motif qu’il n’y avait pas de domicile élu par sa cliente : ainsi, la signification n’est pas réputée faite, même si les autres actes de la procédure de saisie ont été reçus par l’avocat de la société Eurotitrisation en raison du domicile élu, car le refus du conseil de recevoir l’acte d’huissier ne peut être interprété par les juges, comme une man’u-vre de la cliente elle-même destinée à occulter le cours du délai d’appel et il appartenait à l’huissier d’effectuer les diligences nécessaires pour délivrer la signification du jugement à la société Eurotitrisation elle-même.

Dès lors, la signification n’ayant pas été faite à l’égard de société Eurotitrisation, le délai d’appel n’a pas couru de sorte que son appel est recevable.

Au fond :

Suivant acte notarié du 10 décembre 2003, la banque de Polynésie a consenti à la société l’Escale Polynésienne un prêt d’un montant de 19’000’000 XPF, ce prêt étant adossé à l’acquisition d’un fonds de commerce de restauration situé à [Localité 3].

En garantie du prêt, M. [I] [G] et Mme [H][B] son épouse, se sont portés caution personnelle, solidaire et indivise.

Invoquant des incidents de paiement, la banque de Polynésie a prononcé l’exigibilité anticipée du prêt par courrier du 23 février 2007 adressé à la débitrice principale, la société l’Escale Polynésienne qui a finalement été placée en redressement judiciaire par jugement du tribunal mixte de commerce de [Localité 3] le 11 février 2008 puis en liquidation judiciaire par jugement du 14 avril 2008.

La banque de Polynésie a déclaré sa créance entre les mains de Maître [V] liquidateur judiciaire de la société l’Escale Polynésienne pour un montant de 16’135’088 XPF, admise à titre privilégiée.

Suivant acte du 28 juillet 2017, la banque de Polynésie a cédé par voie de titrisation, sa créance au profit du compartiment Credinvest 2 du fonds commun de titrisation Credinvest représenté par la société Eurotitrisation.

Le 30 novembre 2020, la société Eurotitrisation a fait pratiquer la saisie contestée entre les mains de l’office notarial, tiers saisi.

A l’appui de son appel, critiquant les motifs du jugement entrepris, la société Eurotitrisation fait valoir,

– qu’elle dispose d’une créance liquide et exigible, comme le requiert l’article 798 du code de procédure civile de Polynésie française,

– que le tribunal a ajouté une condition aux dispositions légales, à savoir que la créance doit également être ‘certaine’,

– que les débiteurs n’ont pas contesté la déchéance du terme du prêt,

– que contrairement à ce que soutient Mme [B], la société l’Escale Polynésienne a qualité pour procéder au recouvrement de la créance cédée le 28 juillet 2017 par la banque de Polynésie et qu’elle a régulièrement avisé Mme [B] de la cession de créance par courrier du 30 juillet 2019.

Mme [B] réplique qu’au regard des dispositions combinées des articles L 214-172 et L214-180 du code monétaire et financier applicable en Polynésie française, la société Eurotitrisation ne justifie pas de son droit d’agir à son égard car l’acte de cession produit ne stipule rien en ce qui concerne la désignation de l’entité chargée du recouvrement desdites créances et en outre, Mme [B] n’a pas été informée du changement de créancier.

***

L’article L214-172 dans sa rédaction issue de l’ordonnance n°2013-676 du 25 juillet 2013 dispose : «Lorsque des créances sont transférées à l’organisme, leur recouvrement continue d’être assuré par le cédant ou par l’entité qui en était chargée avant leur transfert, dans des conditions définies par une convention passée avec la société de gestion de l’organisme.

Toutefois, tout ou partie du recouvrement peut être confié à une autre entité désignée à cet effet, dès lors que le débiteur en est informé par lettre simple».

Le dernier alinéa de ce texte a été modifié par deux textes légaux comme suit :

– L’ordonnance n°2017-1432 du 4 octobre 2017 : «Toutefois, tout ou partie du recouvrement de ces créances peut être assuré directement par la société de gestion ou confié par elle, par voie de convention, à une autre entité désignée à cet effet. Chaque débiteur est informé de ce changement».

– La loi n°2019-486 du 22 mai 2019 : «Toutefois, à tout moment, tout ou partie du recouvrement de ces créances peut être assuré directement par la société de gestion en tant que représentant légal de l’organisme ou être confié par elle, par voie de convention, à une autre entité désignée à cet effet ‘ En cas de changement de toute entité chargée du recouvrement ‘ chaque débiteur est informé de ce changement par tout moyen, y compris par acte judiciaire ou extrajudiciaire».

Ces dispositions et modifications successives sont applicables en Polynésie française en application de l’article L752-6 précité.

En tout état de cause, ce débat n’a que peu d’intérêt pour le présent procès puisque l’article L214-172 issu de la loi du 22 mai 2019, prévoit bien qu’en cas de changement de l’entité chargée du recouvrement de la créance, le débiteur concerné doit être informé de ce changement par tout moyen.

Il appartenait donc à la société Eurotitrisation de justifier de son droit d’agir en établissant qu’elle a bien informé Mme [B] qui est la débitrice poursuivie, de ce qu’elle était dorénavant chargée du recouvrement de la créance de la banque de Polynésie la concernant.

Or, s’agissant de l’information de Mme [B] dont la société Eurotitrisation doit rapporter la preuve, il est versé aux débats,

D’une part, le courrier recommandé de déchéance du terme adressé à la société l’Escale Polynésienne, le 23 février 2007 et le courrier adressé à M. [G] à la même date par la banque de Polynésie le mettant en demeure de payer les sommes dues : ces lettres n’émanent pas de la cessionnaire de la créance et ne concernent pas Mme [B].

D’autre part, un courrier daté du 30 juillet 2019 intitulé ‘mise en recouvrement’ émanant de la société Eos France, et établi à l’attention de Mme [H] [G]. Mais cette pièce n°14 n’est assortie d’aucune autre pièce permettant de vérifier l’effectivité de son envoi à Mme [B] épouse [G]. La cour relève d’ailleurs qu’il n’est pas produit d’autre document concernant le mandat conféré à la société Eos France pour procéder au recouvrement d’une créance de la banque de Polynésie déclarée cédée au Fonds Commun de Titrisation Credinvest- Compartiment Credvinst 2, lui-même représentée par la société Eurititrisation.

Dans ces conditions, en l’absence de preuve de ce que Mme [B] a été dûment informée de la cession de la créance de la Banque de Polynésie à la société Eurotitrisation, la cour, statuant par motifs propres, juge qu’il y a lieu de confirmer le jugement ayant ordonné la mainlevée de la saisie querellée faute pour l’appelante de prouver qu’elle disposait d’un titre à l’égard de Mme [B] lui permettant d’engager une voie d’exécution forcée.

– Sur les frais du procès,

La société Eurotitrisation qui succombe doit être condaméne aux dépens et au paiement d’une indemnité de procédure d’appel.

PAR CES MOTIFS,

La Cour, statuant contradictoirement et en dernier ressort ;

Vu l’appel de la société Eurotitrisation agissant en qualité de représentant du fonds commun de titrisation Credinvest compartiment Credinvest 2 venant aux droits de la banque de Polynésie,

Le déclare recevable en la forme,

Vu l’absence de preuve de l’information donnée à Mme [H] [B] épouse [G] relativement à la modification de l’entité chargée de recouvrer la créance de la Banque de Polynésie à son égard,

Dit que la société Eurotitrisation n’a pas justifié qu’elle disposait d’un titre à l’égard de [H] [B],

Annule la saisie-attribution pratiquée suivant procès-verbal d’huissier du 30 novembre 2020 entre les mains de la SCP sur Delgrossi Buirette Chin Foo sur les fonds détenus pour le compte de Mme [B],

Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions,

Y ajoutant, vu les articles 406 et 407 du code de procédure civile de Polynésie française,

Condamne la société Eurotitrisation aux dépens d’appel avec distraction au profit de Maître Michèle Maisonnier, avocat qui en fait la demande,

Condamne également l’appelante au paiement à Mme [B] d’une indemnité de procédure d’appel de 300 000 XPF,

Rejette le surplus des demandes.

Prononcé à [Localité 3], le 14 décembre 2023.

Le Greffier, Le Président,

signé : M. SUHAS-TEVERO signé : MF BRENGARD

 


0 0 votes
Évaluation de l'article
S’abonner
Notification pour
guest
0 Commentaires
Le plus ancien
Le plus récent Le plus populaire
Commentaires en ligne
Afficher tous les commentaires
Chat Icon
0
Nous aimerions avoir votre avis, veuillez laisser un commentaire.x