Saisie-attribution : décision du 14 décembre 2023 Cour d’appel de Paris RG n° 23/02993

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Saisie-attribution : décision du 14 décembre 2023 Cour d’appel de Paris RG n° 23/02993

14 décembre 2023
Cour d’appel de Paris
RG n°
23/02993

Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 6 – Chambre 2

ARRET DU 14 DECEMBRE 2023

(n° , 5 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 23/02993 – N° Portalis 35L7-V-B7H-CHSAR

Décision déférée à la Cour : Ordonnance du 24 Mars 2023 – Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de Bobigny – RG n° 23/00001

APPELANT :

Monsieur [U] [N]

[Adresse 1]

[Localité 4]

Représenté par Me Songul TOP, avocat au barreau de PARIS, toque : C1474

INTIMÉE :

S.A.S. SEMI DECOBAIE & ALUMAX, prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité audit siège,

[Adresse 2]

[Localité 3]

Représentée par Me Jean-Marie HYEST, avocat au barreau de PARIS, toque : P0311

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 905 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 09 Novembre 2023, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Monsieur Eric LEGRIS, président, chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Eric LEGRIS, président

Marie-Paule ALZEARI, présidente

Christine LAGARDE, conseillère

Greffière lors des débats : Madame Alicia CAILLIAU

ARRÊT :

– Contradictoire

– par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile

– signé par Eric LEGRIS, président et par Sophie CAPITAINE, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

FAITS, PROCÉDURE ET MOYENS DES PARTIES :

M. [U] [N] a été engagé en qualité de vitreur à compter du 26 septembre 2000 par la société Decobaie.

Par jugement en date du 18 janvier 2017, le tribunal de commerce de Bobigny a arrêté le plan de cession de la société Decobaie au profit de la société Groupe Logware.

La société SAS Semi-Decobaie Alumax (SDA), a été créée au mois de janvier 2017; elle est filiale à 100% de la société Groupe Logware.

Estimant qu’il s’est vu à compter du 29 juin 2015 interdire l’accès à son poste de travail, M. [N] a saisi, le 07 juillet 2015, le conseil de prud’hommes de Bobigny aux fins notamment de voir juger que la rupture de son contrat de travail ne repose ni sur une faute grave ni sur une cause réelle et sérieuse et d’ordonner la résiliation judiciaire du contrat de travail.

Par jugement du 11 juillet 2017, le conseil de prud’hommes de Bobigny a :

– Prononcé la résiliation judiciaire du contrat de travail de M. [U] [N] à la date du présent jugement ;

– Dit que la rupture du contrat de travail de Monsieur [N] ne repose ni sur une faute grave, ni sur une cause réelle et sérieuse ;

– Condamné la société Groupe Logware à verser à M. [N] les sommes suivantes :

38.640 euros au titre des salaires de juillet 2015 à mars 2017 ;

3.864 euros au titre des congés payés y afférents ;

7.209,65 euros au titre de l’indemnité légale de licenciement ;

22.080 euros au titre des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse

11.040 euros au titre des dommages et intérêts ;

3680 euros au titre de l’indemnité compensatrice de congés payés sur préavis ;

2478 euros au titre de l’indemnité compensatrice de congés payés pour la période du 29 mai au 29 juin 2015 ;

3.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

– Rappelé que les créances salariales porteront intérêts de doit à compter de la date de réception par la partie défenderesse de la convocation devant le bureau de conciliation, soit le 22 juillet 2017, et les créances à caractère indemnitaire porteront intérêt au taux légal à compter du jour du prononcé du présent jugement ;

– Ordonné l’exécution provisoire de l’article 515 du code de procédure civile ;

– Ordonné la capitalisation des intérêts échus ;

– Ordonné la remise de bulletins de paie pour la période de juillet 2015 à la rupture judiciaire, la remise de l’attestation pôle emploi et certificat de travail conformes.

Le 14 juin 2022, M. [N] a saisi le conseil de prud’hommes de Bobigny en référé.

Par ordonnance de référé du 24 mars 2023, le conseil de prud’hommes de Bobigny a :

– Dit n’y avoir lieu à référé ;

– Laisse les dépens à la charge de la partie demanderesse.

Vu l’appel interjeté par M. [U] [N] à la date du 28 avril 2023.

Vu les dernières conclusions déposées le 11 octobre 2023 par M. [U] [N] qui demande de :

– réformer l’ordonnance de référé du 24 mars 2023 du conseil de prud’hommes de Bobigny en ce qu’elle a :

Dit n’y avoir lieu à référé;

Laissé les dépens à la charge de la partie demanderesse.

Statuant de nouveau :

– Condamner la société Semi Decobaie et Alumax, venant aux droits de la société Groupe Logware, à verser à M. [U] [N] une somme provisionnelle de 54.841,72 euros au titre de la réparation du préjudice subi par lui et causé par la remise extrêmement tardive de ses documents de fin de contrat par la société Semi Decobaie et Alumax, venant aux droits de la société Groupe Logware ;

– Assortir la condamnation de la société Semi Decobaie et Alumax, venant aux droits de la société Groupe Logware, à verserà M. [U] [N] une somme provisionnelle de 54.841,72 euros assortie de l’intérêt au taux légal à compter de la saisine du conseil de prud’hommes ;

– Condamner la société Semi Decobaie et Alumax à payer à M. [U] [N] la somme de 2.000 euros par application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens.

Vu les dernières conclusions déposées le 10 juillet 2023 par la SAS Semi Decobaie et Alumax, qui demande de :

– Confirmer l’ordonnance de référé rendue le 24 mars 2023 par le conseil de prud’hommes de Bobigny ;

En conséquence,

– Dire en conséquence n’y avoir lieu à référé ;

– Débouter M. [N] de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions ;

– Faire droit à la demande reconventionnelle de la société Semi Decobaie et Alumax;

– Condamner M. [N] à payer la somme provisionnelle de 10 000 euros pour procédure abusive à l’encontre de la société Semi Decobaie et Alumax;

– Condamner M. [N] à payer la somme de 3 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

– Condamner M. [N] aux entiers dépens.

L’ordonnance de clôture a été rendue le 13 octobre 2023.

Pour un plus ample exposé des faits de la cause et des prétentions des parties, il est fait expressément référence aux pièces du dossier et aux écritures déposées, conformément aux dispositions de l’article 455 du code procédure civile.

SUR CE,

M. [N] fait valoir que l’employeur n’a pas respecté les termes du jugement, ne procédant que de manière extrêmement tardive, à la remise de l’attestation pôle emploi et du certificat de travail conformes, qu’il a fallu en effet plus de trois ans pour que la société Semi-Decobais et Alumax, venue aux droits de la société Groupe Logware, remette l’attestation pôle emploi à M. [N] et son certificat de fin de travail, soit seulement le 24 juillet 2020.

Il indique que cette remise tardive l’a empêché de percevoir les droits au chômage auxquels il avait droit et l’a placé dans une situation financière particulièrement critique, ne perçevant que le RSA depuis plus de 3 ans. Il estime la perte de revenus causée par le comportement du Groupe Logware à la somme totale de 54.841,72 euros.

Il estime que sa prétention n’est pas sérieusement contestable et conteste en réplique toute force majeure susceptible d’exonérer la responsabilité de la société Semi-Decobaie et Alumax.

La société intimée fait valoir en réplique que, si elle n’a pas immédiatement établi les documents légaux de fin de contrat, ce retard est dû aux mutations qu’elle a connu entre 2017 et 2019 du fait de la procédure collective ouverte à l’encontre de la société Decobaie, puis de sa reprise à la barre du tribunal de commerce par la société Semi Decobaie Alumax, puis de la fusion intervenue entre les sociétés Logware et Foncière Beauvau.

Elle ajoute que le document produit par l’appelant ne démontre pas que la carence d’indemnités chômage soit due à une remise tardive des documents de fin de contrat de la société Decobais, mais seulement que M. [N] ne démontre pas, en 2022, avoir travaillé 130 jours ou 910 heures.

Elle soutient finalement que M. [N] est défaillant dans l’administration de la preuve d’une faute de l’employeur et d’un lien de causalité direct avec le préjudice qu’il allègue.

L’article R 1455-5 du code du travail dispose que :

« Dans tous les cas d’urgence, la formation de référé peut, dans la limite de la compétence des conseils de prud’hommes, ordonner toutes les mesures qui ne se heurtent à aucune contestation sérieuse ou que justifie l’existence d’un différend. »

L’article R.1455-7 du même code prévoit que : « Dans le cas où l’existence de l’obligation n’est pas sérieusement contestable, la formation de référé peut accorder une provision au créancier ou ordonner l’exécution de l’obligation même s’il s’agit d’une obligation de faire. »

En l’espèce, il est constant que la société Semi-Decobais et Alumax, venue aux droits de la société Groupe Logware, n’a remis à M. [N] l’attestation pôle emploi le concernant et son certificat de fin de travail qu’en juillet 2020.

La société intimée rappelle le contexte des mutations qu’elle a connu entre 2017 et 2019 du fait de la procédure collective suivie à l’encontre de la société Decobaie au profit de la société Groupe Logware, aux droits de laquelle est venue la société Semi Decobaie Alumax, qui a pour président la société Foncière Beauveau, laquelle avait fusionné par voie d’absorption en octobre 2017 avec la société groupe Logware ; la délivrance des documents a ainsi successivement incombé à la société Groupe Logware puis à compter de la fusion-absorption à la société Foncière Beauveau puis à la société Semi Decobaie Alumax ; ces multiples mutations ont pu compliquer la remise des documents de fin de contrat à M. [N] ; elle ne constituaient toutefois pas un cas de force majeure empêchant leur remise au salarié, ordonnée par le conseil de prud’hommes.

La société intimée rappelle et justifie que M. [N], après avoir fait pratiquer une saisie-attribution fructueuse en exécution des sommes allouées en première instance, lui a par ailleurs délivré une assignation devant le juge de l’exécution du tribunal judiciaire de Bobigny par laquelle il sollicite parallèlement d’assortir la décision du conseil de prud’hommes de Bobigny du 11 juillet 2017, en ce qu’elle a ordonné la remise de bulletins de paie, d’une astreinte.

M. [N] fait valoir dans le cadre de la présente instance que la remise tardive de l’attestation Pôle emploi et du certificat de travail l’a empêché de percevoir les droits au chômage auxquels il avait droit.

Il est observé que sa demande indemnitaire est calculée sur une période s’étendant jusqu’au 31 mars 2023.

M. [N] produit au soutien de son affirmation les documents de fin de contrat établis par l’employeur en janvier et février 2020, – avant leur transmission qui est intervenue de manière effective en juillet 2020 -, ainsi que plusieurs documents de Pôle emploi justifiant qu’il a perçu courant 2019 à 2022 l’allocation de solidarité spécifique (ASS) et un courrier de Pôle emploi daté du 16 août 2022 lui indiquant que sa demande d’admission à l’allocation d’aide au retour à l’emploi (ARE) n’a pas pu recevoir de suite favorable faute de justifier en application du règlement d’assurance chômage avoir travaillé 130 jours ou 910 heures.

Comme le relève justement l’intimée, ce courrier produit par l’appelant ne démontre pas que la carence d’indemnités chômage soit due à une remise tardive des documents de fin de contrat de la société Decobais, mais seulement que M. [N] ne démontre pas, en 2022, avoir travaillé 130 jours ou 910 heures.

Il est ainsi justifié, compte tenu de ces éléments, d’une difficulté sérieuse au regard de l’administration de la preuve, qui incombe pourtant à M. [N], d’une faute de l’employeur qui soit en lien de causalité direct avec le préjudice tel qu’il l’allègue.

En conséquence, l’ordonnance de référé du 24 mars 2023 du conseil de prud’hommes de Bobigny ayant dit n’y avoir lieu à référé est confirmée.

L’appréciation inexacte qu’une partie fait de ses droits n’est pas en soi constitutive d’une faute justifiant sa condamnation à des dommages et intérêts pour procédure abusive et il convient dans ces conditions de débouter la société Semi-Decobaie Alumax de sa demande de provision formée à ce titre.

Compte tenu de la solution du litige, la décision entreprise sera confirmée de ces deux chefs et par application de l’article 696 du code de procédure civile, les dépens d’appel seront mis à la charge de M. [N].

La demande formée par la société Semi-Decobaie Alumax au titre des frais irrépétibles en cause d’appel sera accueillie, à hauteur de 1.000 euros.

PAR CES MOTIFS :

LA COUR, statuant publiquement et contradictoirement,

CONFIRME l’ordonnance entreprise,

DÉBOUTE la SAS Semi Decobaie et Alumax de sa demande de provision pour procédure abusive,

CONDAMNE M. [U] [N] aux dépens d’appel,

CONDAMNE M. [U] [N] à payer à la SAS Semi Decobaie et Alumax la somme de 1.000 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile

La greffière, Le président,

 


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