Saisie-attribution : décision du 10 janvier 2024 Cour d’appel d’Aix-en-Provence RG n° 23/03705

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Saisie-attribution : décision du 10 janvier 2024 Cour d’appel d’Aix-en-Provence RG n° 23/03705

10 janvier 2024
Cour d’appel d’Aix-en-Provence
RG n°
23/03705

COUR D’APPEL D’AIX-EN-PROVENCE

Chambre 2-4

ARRÊT AU FOND

DU 10 JANVIER 2024

N° 2024/6

Rôle N° RG 23/03705 – N° Portalis DBVB-V-B7H-BK6AI

[D] [V]

[S] [C]

C/

S.A. [8]

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

Me Gilles ALLIGIER

Me Maxime ROUILLOT

Décision déférée à la Cour :

Ordonnance du Juge de la mise en état de NICE en date du 21 Février 2023 enregistré(e) au répertoire général sous le n° 21/01248.

APPELANTS

Madame [D] [V]

née le [Date naissance 1] 1969 à [Localité 10], demeurant [Adresse 5]

représentée par Me Gilles ALLIGIER, avocat au barreau D’AIX-EN-PROVENCE (avocat postulant) et par Me Estelle CIUSSI de la SCP KLEIN, avocat au barreau de NICE (avocat plaidant)

Monsieur [S], [I] [C]

né le [Date naissance 2] 1957 à [Localité 16], demeurant [Adresse 5]

représenté par Me Gilles ALLIGIER, avocat au barreau D’AIX-EN-PROVENCE (avocat postulant) et par Me Estelle CIUSSI de la SCP KLEIN, avocat au barreau de NICE (avocat plaidant)

INTIMEE

S.A. [8], société anonyme

coopérative de banque populaire à capital variable, régie les articles L 512-2 et suivants du code monétaire et financier, et de l’ensemble des textes relatifs aux banques populaires et aux établissements de crédit, anciennement dénommée [9], immatriculée au RCS de Grenoble, sous le n° [N° SIREN/SIRET 7], agissant poursuites et diligences en la personne de son représentant légal en exercice, domicilié es qualité audit siège.

Dont le siège social est sis [Adresse 6]

représentée par Me Maxime ROUILLOT de la SELARL SELARL D’AVOCATS MAXIME ROUILLOT- FRANCK GAMBINI, avocat au barreau de NICE substituée par Me Sophie BERLIOZ, avocat au barreau de NICE.

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

L’affaire a été débattue le 06 Décembre 2023 en audience publique devant la cour composée de :

Madame Michèle JAILLET, Présidente

Madame Nathalie BOUTARD, Conseillère

Mme Pascale BOYER, Conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Mme Fabienne NIETO.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 10 Janvier 2024.

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 10 Janvier 2024,

Signé par Madame Michèle JAILLET, Présidente et Mme Fabienne NIETO, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

EXPOS” DU LITIGE

Mme [D] [V] et M. [S] [C] se sont mariés le [Date mariage 4] 2004 à [Localité 15] (06), après avoir adopté par acte notarié du 17 juin 2004 le régime matrimonial de la séparation de biens.

Le 02 avril 2010, les époux ont acquis un appartement situé [Adresse 5] et un garage situé [Adresse 3] (06), au prix total de 800 000 €, financé en totalité par un prêt contracté auprès du [11].

M. [S] [C], dirigeant de la société [14], s’est porté caution des engagements souscrits par cette société auprès de la [9] dans la limite de la somme de 870 500 €.

Cette société a fait l’objet d’un plan de cession le 21 juin 2010 puis d’une liquidation judiciaire le 21 mars 2011.

Par arrêt du 28 mars 2013, signifié le 25 avril 2013, la cour d’appel de céans a notamment condamné M. [S] [C] au paiement à la [9] la somme de 870 000€, avec intérêts au taux légal à compter du 05 janvier 2011.

Le 16 juillet 2013, la [9] a procédé aux formalités d’inscription d’hypothèque judiciaire définitive pour une somme de 881 059,04 € sur les biens appartenant aux époux.

Le 13 août 2013, la [9] a, par acte d’huissier, procédé à une dénonce de saisie attribution à M. [S] [C] pour une somme de 887 414,94 €.

Par acte d’huissier en date du 23 mars 2021, la [8] a assigné les époux [C] devant le tribunal judiciaire de Nice aux fins de licitation partage du bien indivis.

Par conclusions d’incident du 12 décembre 2022, les consorts [C] ont demandé au juge de la mise en état notamment de déclarer les demandes irrecevables et de radier l’inscription d’hypothèque judiciaire définitive du 16 juillet 2013.

Par ordonnance contradictoire du 21 février 2023, auquel il convient de se référer pour plus ample exposé des faits, de la procédure et des prétentions des parties, le juge de la mise en état du tribunal judiciaire de Nice a :

Déclaré recevables les demandes de la [8];

Débouté Monsieur [S] [C] et Madame [D] [V] de l’intégralité de leurs demandes ;

Débouté la [8] de sa demande tenant à ce qu’il soit jugé que ‘l’éventuelle absence de purge du délai pour former tierce opposition par Madame [D] [V] à l’encontre de l’arrêt rendu par la cour d’appel d’AlX-EN-PRO VENCE n’est pas de nature à entraver l’action initiée sur le fondement de l`article 815-17 alinéa 3 du Code civil”:

Condamné Monsieur [S] [C] et Madame [D] [V] aux dépens de la procédure d’incident;

Condamné Monsieur [S] [C] et Madame [D] [V] au paiement de la somme de 4.000 euros sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile;

Renvoyé l’affaire à l’audience de mise en état du 12 septembre 2023 à 10h15 et enjoint au conseil de Monsieur [S] [C] et Madame [D] [V] de conclure avant cette date :

Rejeté le surplus des demandes.

Les parties n’ont pas justifié de la signification de cette décision.

Par déclaration reçue le 09 mars 2023, les consorts [C] ont interjeté appel de cette décision.

La procédure concernant un appel contre une ordonnance de mise en état, l’affaire a, selon les dispositions de l’article 905 du code de procédure civile et par avis du 02 mai 2023, été fixée à bref délai à l’audience du 06 décembre 2023 et la clôture fixée au 08 novembre 2023.

Dans le dernier état de leurs conclusions en réplique déposées par voie électronique le 04 octobre 2023, les appelants demandent à la cour de :

Vu l’article 779 du CPC,

Vu les articles 31 et 122 du CPC

Vu les articles 503, 582 et 586 du CPC,

Vu les articles 215 alinéa 3 et 1415 du Code Civil,

Concomitamment,

CONFIRMER l’ordonnance rendue le 21 février 2023 par le Juge de la mise en état du TJ de NICE en ce qu’elle a débouté la [8] de sa

demande tenant à ce qu’il soit jugé que « l’éventuelle absence de purge du délai pour former tierce opposition par Mme [V] à l’encontre de l’arrêt rendu par la Cour d’appel d’AIX EN PROVENCE n’est pas nature à entraver l’action initiée sur le fondement de l’article 815-17 alinéa 3 du Code Civil ».

REFORMER l’ordonnance rendue le 21 février 2023 par le Juge de la mise en état du TJ de NICE en ce qu’elle a

– déclaré recevables les demandes de la [8]

– débouté les époux [C] de l’intégralité de leurs demandes

– condamné les époux [C] au paiement de la somme de 4.000 € sur le fondement de l’article 700 du CPC

– rejeté le surplus des demandes

STATUANT A NOUVEAU,

DECLARER irrecevable la [8] de l’ensemble de ses demandes en licitation et partage du bien indivis entre les époux [C] sis à [Adresse 5] constituant leur logement de famille pour défaut de qualité à agir, faute par elle de justifier de sa qualité de créancière de M. [C] et de ce qu’elle viendrait aux droits de la [9].

DECLARER irrecevable la [8] de l’ensemble de ses demandes en l’absence de justificatif des démarches amiables exigées par l’article 1360 du CPC.

DECLARER irrecevable la [8] de l’ensemble de ses demandes faute de signification par la banque de la décision de condamnation de M. [C] du 28 mars 2013 dont elle fonde ses poursuites à l’encontre de son épouse Mme [D] [V].

DECLARER irrecevable la [8] de l’ensemble de ses demandes tant que l’arrêt du 28 mars 2013 n’est pas purgé de la voie de la tierce opposition ouverte à Mme [D] [V].

DECLARER irrecevable la [8] de l’ensemble de ses demandes en l’état des dispositions protectrices du logement familial de l’article 215 alinéa 3 du Code Civil qui peuvent être opposées au créancier agissant sur le fondement de l’article 815-17 du code Civil en cas de fraude.

DECLARER irrecevable la [8] de l’ensemble de ses demandes en l’absence de la preuve de ce que Mme [D] [V] ait consenti à l’engagement de caution de son époux au profit de la Banque.

ORDONNER subséquemment la radiation de l’inscription d’hypothèque judiciaire définitive publiée le 16 juillet 2013 prise par la [9] aux droits de laquelle viendrait la [8] sur l’immeuble objet de la présente instance appartenant à M. et Mme [C].

DIRE ET JUGER que les frais de radiation seront intégralement supportés par la [8].

DEBOUTER la [8] de l’ensemble de ses demandes.

CONDAMNER la [8] à payer aux époux [C] la somme de 3.000 € au titre de l’article 700 du CPC ainsi qu’aux entiers dépens distraits au profit de Me Gilles ALLIGIER.

Dans le dernier état de ses écritures récapitulatives transmises par voie électronique le 1er juin 2023, l’intimée sollicite de la cour de :

DEBOUTER Monsieur [S] [C] et Madame [D] [V] épouse [C] de l’intégralité de leurs moyens d’irrecevabilité,

CONFIRMER la décision entreprise en toutes ses dispositions non contraires au présent dispositif,

En conséquence,

JUGER que la [8] justifie de son intérêt et de sa qualité à agir,

Vu les dispositions de l’article 815-17 alinéa 3 du Code Civil,

JUGER que les dispositions des articles 215 du Code Civil de l’article 1360 du Code de Procédure Civile ne sont pas applicables aux actions obliques initiées sur le fondement des dispositions de l’article 815-17 alinéa 3 du Code Civil,

JUGER que les dispositions de l’article 1415 du Code Civil ne sont pas applicables aux époux mariés sous le régime de la séparation de biens,

JUGER que l’éventuelle absence de purge du délai pour former tierce opposition par Madame [D] [V] à l’encontre de l’arrêt rendu par la Cour d’Appel d’AIX EN PROVENCE n’est pas de nature à entraver l’action initiée sur le fondement de l’article 815-17 alinéa 3 du Code Civil,

CONDAMNER solidairement Monsieur [S] [C] et Madame [D] [V] épouse [C] à payer à la [8] la somme de 10.000 €uros en application des dispositions de l’article 700 du Code de Procédure Civile.

La procédure a été clôturée le 08 novembre 2023.

MOTIFS DE LA DÉCISION

En application des dispositions de l’article 455 du code de procédure civile, il est expressément renvoyé pour plus de précisions sur les faits, prétentions et arguments des parties aux conclusions récapitulatives régulièrement déposées.

Sur l’étendue de la saisine de la cour

Il convient de rappeler que :

– en application de l’article 954 du code de procédure civile, la cour ne doit statuer que sur les prétentions énoncées au dispositif,

– l’article 9 du code de procédure civile dispose qu”il incombe à chaque partie de prouver conformément à la loi les faits nécessaires au succès de sa prétention’ et que l’article 954 du même code, dans son alinéa 1er, impose notamment aux parties de formuler expressément ses prétentions et les moyens de fait et de droit sur lesquels chacune des prétentions est fondée ‘avec indication pour chaque prétention des pièces invoquées et leur numérotation’,

– ne constituent pas des prétentions au sens de l’article 4 du code de procédure civile les demandes des parties tendant à voir ‘constater’ ou ‘donner acte’, de sorte que la cour n’a pas à statuer.

Il n’y a donc lieu de reprendre ou d’écarter dans le dispositif de la présente décision que les demandes portant sur des moyens ou éléments de fait relevant des chefs de décision devant figurer dans la partie exécutoire de l’arrêt.

Les demandes de ‘donner acte’ sont dépourvues de tout enjeu juridique et ne constituent pas des prétentions au succès desquels les parties pourraient avoir un intérêt légitime à agir au sens de l’article 4 du code de procédure civile.

Par ailleurs l’effet dévolutif de l’appel implique que la cour connaisse bdes faits survenus au cours de l’instance d’appel et depuis l’ordonnance entreprise et statue sur tous les éléments qui lui sont produits même s’ils ne se sont révélés à la connaissance des parties qu’en cours d’instance d’appel.

Toutes les dispositions de l’ordonnance querellée qui ne sont pas contestées par les parties sont devenues définitives.

Le jugement est critiqué dans son intégralité, à l’exception du rejet de la demande de l’établissement bancaire relative à la purge du délai de tierce opposition.

Sur l’identité des parties

Dans l’ordonnance attaquée, M. [C] est tantôt prénommé [I] tantôt [S].

Par soit-transmis du 23 novembre 2023, il a été demandé copie de la carte nationale d’identité de M. [C].

La photocopie du passeport de M. [C] transmise permet d’établir qu’il se prénomme [S], [I].

Sur la qualité à agir de la [8]

L’article 31 du code de procédure civile dispose que ‘l’action est ouverte à tous ceux qui ont un intérêt légitime au succès ou au rejet d’une prétention, sous réserve des cas dans lesquels la loi attribue le droit d’agir aux seules personnes qu’elle qualifie pour élever ou combattre une prétention, ou pour défendre un intérêt déterminé’.

Pour déclarer l’action de l’intimée recevable, le premier juge a relevé que le seul changement de dénomination sociale est sans impact sur la personne morale créancière et n’a pas fait perdre à la [8] la qualité de créancier.

Les appelants soutiennent en substance que l’établissement bancaire n’a pas qualité à agir faute d’avoir produit les formalités de publicité justifiant du changement de dénomination sociale de sorte qu’elle ne justifie pas l’existence d’un intérêt légitime à s’approprier la dénomination, d’autant que, dans le procès-verbal produit, était prévue une condition suspensive. L’action de la banque est donc irrecevable faute pour la [8] d’avoir justifier de sa qualité de créancière.

L’intimée avance son intérêt à agir en produisant un extrait du procès-verbal de l’assemblée générale extraordinaire des sociétaires de la [9] du 07 décembre 2016 modifiant, dans sa sixième résolution, la dénomination sociale devenant la [8]. La publication de cette modification a été effectuée dans le BODACC du 06 janvier 2017, et celle de la fusion des établissements bancaires autorisée par les autorités européennes dans le journal d’annonces légales les affiches de [Localité 13] et du Dauphiné’ le 16 décembre 2016.

Les appelants n’apportent aucun élément au soutien de leur argumentation. Il convient de rappeler que le changement de dénomination sociale ne modifie aucunement la personnalité morale, ce qui est attesté par le même numéro de RCS, de sorte que la [8] nouvellement dénommée ‘[8]’ au lieu de ‘[Localité 12]’ détient bien une créance envers l’appelant.

L’intimée justifie par ses pièces produites des formalités de publicité légale tant du changement de dénomination que de la réalisation de la condition suspensive, contrairement aux appelants qui ne soutiennent leur moyen par aucune pièce, contrairement aux dispositions de l’article 954 du code de procédure civile rappelé ci-dessus.

C’est donc par une juste analyse que le premier juge a déclaré l’action de la [8] recevable, de sorte que l’ordonnance attaquée doit être confirmée.

Sur les démarches amiables de l’article 1360 du code de procédure civile

L’article 1360 du code de procédure civile impose, dans le cadre des partages judiciaires, à l’assignation en justice de contenir, à peine d’irrecevabilité, un descriptif sommaire du patrimoine à partager et de préciser les intentions du demandeur quant à la répartition des biens ainsi que les diligences entreprises en vue de parvenir à un partage amiable.

L’ordonnance a rappelé la jurisprudence constante selon laquelle le créancier de l’indivisaire ne disposant, sur le fondement de l’article 815-17 alinéa 3 du code civil, que de la faculté de provoquer le partage au nom de son débiteur, les dispositions de l’article 1360 du code de procédure civile ne sont pas applicables à l’action oblique en partage.

Les appelants soulignent l’objet de l’action intentée, le partage judiciaire du bien indivis. Or, l’assignation ne contient pas les mentions exigées à peine d’irrecevabilité, mais se contente d’évoquer les échanges intervenus entre les conseils des parties dans le but de régler la dette.

L’intimée fait valoir en visant la jurisprudence de la cour de cassation que s’agissant d’une action oblique sur le fondement de l’article 815-17 alinéa 3 du code civil, l’article 1360 du code de procédure civile n’est pas applicable.

Les appelants n’apportent au soutien de leur moyen aucun élément contraire à la jurisprudence de la cour de cassation rappelée par le premier juge ni ne produit aucune pièce.

Il convient donc de confirmer l’ordonnance querellé en ce qu’elle a déclaré recevable la demande de l’établissement bancaire à cet égard.

Sur le logement familial

Selon l’alinéa 3 de l’article 215 du code civil, ‘les époux ne peuvent l’un sans l’autre disposer des droits par lesquels est assuré le logement de la famille, ni des meubles meublants dont il est garni. Celui des deux qui n’a pas donné son consentement à l’acte peut en demander l’annulation : l’action en nullité lui est ouverte dans l’année à partir du jour où il a eu connaissance de l’acte, sans pouvoir jamais être intentée plus d’un an après que le régime matrimonial s’est dissous’.

L’ordonnance a écarté l’irrecevabilité soulevée par les appelants sur cette base rejetant l’existence d’une fraude de la part de l’établissement bancaire et soulignant que les époux n’apportaient pas la preuve que le bien constituait bien le logement familial.

Les appelants affirment essentiellement que le bien indivis constitue le logement de la famille, que la licitation en partage poursuivie rentre dans le champ des actes de disposition et que l’épouse s’y est opposée. Par ailleurs, le choix de l’action de la banque constitue une fraude afin d’éviter le recours à une hypothèque conventionnelle du logement familial soumise à la cogestion impérative.

Visant une jurisprudence de la cour de cassation, l’intimée souligne que les dispositions protectrices du logement familial de l’article 215 alinéa 3 du code civil ne peuvent être opposés aux créanciers personnels d’un indivisaire usant de la faculté de provoquer le partage au nom de leurs débiteurs en application de l’article 815-17 alinéa 3 du même code.

Le seul document produit par les appelants est une attestation EDF datant de près de deux ans (05 novembre 2021) et ne justifiant en rien le caractère familial du logement, mais seulement de la titularité des appelants d’un contrat souscrit auprès d’EDF, ‘sur la base de leurs déclarations’. Ils sont donc défaillants à établir la condition essentielle à l’application de l’article qu’ils invoquent.

Par ailleurs, selon une jurisprudence constante, la disposition avancée par les appelants ne concerne que l’indisponibilité du logement dans les rapports entre époux, et est inopposable aux créanciers. Aucune fraude du créancier n’est prouvée, celui-ci n’ayant fait qu’user d’une prérogative légale lui appartenant. Enfin, l’inscription d’une hypothèque n’est pas en soi un acte de disposition au sens de l’article visé.

Dès lors, il y a lieu de confirmer l’ordonnance entreprise.

Sur la signification de la décision du 28 mars 2013 et la tierce opposition

L’article 503 du code de procédure civile prévoit que ‘les jugements ne peuvent être exécutés contre ceux auxquels ils sont opposés à moins que l’exécution n’en soit volontaire.

En cas d’exécution au seul vu de la minute, la présentation de celle-ci vaut notification’.

Selon l’article 582 du code de procédure civile, la tierce-opposition est une voie extraordinaire de recours tendant à faire rétracter ou réformer un jugement au profit d’un tiers qui l’attaque. Elle remet en question relativement à son auteur les points jugés qu’elle critique, pour qu’il soit à nouveau statué en fait ou en droit.

Selon l’article 583 du code de procédure civile, ‘ est recevable à former tierce opposition toute personne qui y a intérêt, à la condition qu’elle n’ait été ni partie ni représentée au jugement qu’elle attaque.

Les créanciers et autres ayants cause d’une partie peuvent toutefois former tierce opposition au jugement rendu en fraude de leurs droits ou s’ils invoquent des moyens qui leur sont propres.

En matière gracieuse, la tierce opposition n’est ouverte qu’aux tiers auxquels la décision n’a pas été notifiée ; elle l’est également contre les jugements rendus en dernier ressort même si la décision leur a été notifiée.’

Le premier juge a déclaré recevable l’action de la banque indiquant que l’épouse était une personne tierce à la procédure, que l’action oblique n’était pas une procédure d’exécution de l’arrêt qui n’avait donc pas à être signifié à l’épouse.

Les appelants invoquent l’absence de signification de la décision dont se prévaut l’intimée, en l’espèce l’arrêt rendu par la cour de céans du 28 mars 2013, rendant toute action fondée sur le partage du bien immobilier indivis inopposable à cette dernière et la voie de recours de la tierce opposition ouverte à l’épouse en raison de l’absence de signification de la décision du 28 mars 2013.

L’intimée souligne essentiellement qu’elle n’a jamais été créancière de l’épouse, qui n’a jamais été partie de la procédure. Aucune décision n’avait donc à lui être signifiée, ce qu’elle reconnaît implicitement en invoquant la voie de recours de tierce opposition, et que la condamnation ne porte aucun préjudice à l’épouse, s’agissant d’une condamnation de l’époux, et qu’en tout état de cause, le recours n’a pas d’effet suspensif.

L’arrêt rendu par la cour de céans le 28 mars 2013 ne l’est qu’entre l’appelant débiteur et l’intimée. L’appelante n’était pas partie à l’instance relative à un engagement personnel de son époux, de sorte qu’aucune disposition légale n’imposait à l’établissement bancaire de lui signifier la décision.

Ce que reconnaissent les appelants en l’absence de visa d’un texte au soutien de leur moyen et en invoquant la voie de la tierce-opposition. Ils n’apportent pas la démonstration de la fraude qu’ils allèguent pour écarter les dispositions légales, le créancier disposant du choix de poursuite.

La cour ne peut que relever que l’appelante ne justifie pas, plus de dix ans après l’arrêt de la cour rendu le 28 mars 2013, avoir engagé ce recours sur le fondement des articles rappelés ci-dessus.

L’ordonnance entreprise doit donc être confirmée de ce chef.

L’ordonnance querellée a débouté l’intimée de sa demande tendant à ce qu’il soit jugé que ‘l’éventuelle purge du délai pour former opposition par Madame [D] [V] à l’encontre de l’arrêt rendu par la cour d’appel d’AIX-EN-PROVENCE n’est pas de nature à entraver l’action initiée sur le fondement de l’article 815-7 alinéa 3 du Code Civil’.

Les appelants demandent la confirmation de ce chef, l’intimée sollicitant dans la confirmation de la décision entreprise, sans viser de manière spécifique d’infirmer de chef, de sorte que l’effet dévolutif n’a pas opéré.

La cour non saisie de l’infirmation expresse de ce chef ne peut que le confirmer.

Sur le consentement de la caution

Aux termes de l’article 1415 du code civil, ‘chacun des époux ne peut engager que ses biens propres et ses revenus, par un cautionnement ou un emprunt, à moins que ceux-ci n’aient été contractés avec le consentement exprès de l’autre conjoint qui, dans ce cas, n’engage pas ses biens propres’.

L’ordonnance critiquée a déclaré recevable l’action de la banque à cet égard, rappelant que cet article n’était applicable qu’au régime de la communauté légale.

Les appelants soutiennent en substance que le régime matrimonial n’a pas d’impact sur l’application des dispositions de cet article, faisant obstacle à l’action de la banque, d’autant que la preuve du consentement de l’épouse à la garantie n’a pas été apportée.

L’intimée relève essentiellement que l’article 1415 du code civil n’est pas applicable aux époux mariés sous le régime de la séparation de biens. Elle rappelle que l’épouse a la possibilité d’arrêter l’action en payant la dette en lieu et place de son époux coindivisaire.

L’article 1415 du code civil n’est applicable qu’aux époux mariés sous le régime légal ou sous tout autre régime communautaire faute de dispositions contraires, ce qui n’est pas le cas des appelants qui sont défaillants à établir que les dispositions de cet article s’appliquent à leur situation.

En conséquence, l’ordonnance entreprise doit être confirmée de ce chef.

Sur la radiation de l’inscription de l’hypothèque judiciaire du 16 juillet 2013

Les appelants tirent de l’absence de consentement de l’épouse à l’engagement de l’appelant l’impossibilité pour la banque de procéder à une inscription d’hypothèque.

Alors qu’il leur en fait obligation aux termes de l’article 954 du code de procédure civile, les appelants ne motivent ni en droit ni en fait leur moyen.

Le juge de la mise en état a souligné que cette demande dépassait sa compétence.

L’ordonnance étant confirmée en ce qu’elle a rejeté les irrecevabilités soulevées, le rejet de la demande relative à l’inscription de l’hypothèque ne peut qu’être confirmée.

Sur les dépens et l’article 700 du code de procédure civile

L’ordonnance entreprise doit être confirmée en ses dispositions relatives aux dépens et aux frais irrépétibles.

Les appelants, qui succombent, doivent être condamnés aux dépens d’appel, de sorte qu’il n’y a pas lieu à statuer sur leur demande de recouvrement direct et qu’ils seront déboutés de leur demande de remboursement de frais irrépétibles.

L’intimée a exposé des frais de défense complémentaires en cause d’appel ; il convient de faire application de l’article 700 du code de procédure civile à son profit à hauteur de 10 000 euros.

La solidarité étant soit légale soit conventionnelle, la condamnation sera prononcée in solidum.

PAR CES MOTIFS

La Cour,

Statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort,

Confirme l’ordonnance critiquée,

Y ajoutant,

Condamne Mme [D] [V] épouse [C] et M. [S] [C] aux dépens d’appel,

Dit n’y avoir lieu de statuer sur la demande de recouvrement direct de Mme [D] [V] épouse [C] et M. [S] [C],

Déboute Mme [D] [V] épouse [C] et M. [S] [C] de leur demande de remboursement de leurs frais irrépétibles,

Condamne in solidum Mme [D] [V] épouse [C] et M. [S] [C] à verser à la [8] une indemnité complémentaire de 10 000 €uros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

Déboute les parties de leurs demandes plus amples ou contraires.

Prononcé par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile,

Signé par Madame Michèle JAILLET, présidente, et par Madame Fabienne NIETO, greffière, auquel la minute de la décision a été remise par la magistrate signataire.

la greffière la présidente

 


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