Saisie-attribution : décision du 12 janvier 2024 Cour d’appel de Rennes RG n° 23/02345

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Saisie-attribution : décision du 12 janvier 2024 Cour d’appel de Rennes RG n° 23/02345

12 janvier 2024
Cour d’appel de Rennes
RG n°
23/02345

2ème Chambre

ARRÊT N°12

N° RG 23/02345

N° Portalis DBVL-V-B7H-TVZS

M. [F] [M]

C/

S.A. HOIST FINANCE AB

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

– Me PRENEUX

– Me SIROT

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE RENNES

ARRÊT DU 12 JANVIER 2024

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :

Président : Monsieur Joël CHRISTIEN, Président de Chambre,

Assesseur : Monsieur David JOBARD, Président de Chambre,

Assesseur : Monsieur Jean-François POTHIER, Conseiller,

GREFFIER :

Madame Catherine VILLENEUVE, lors des débats, et Mme Ludivine BABIN, lors du prononcé,

DÉBATS :

A l’audience publique du 09 Novembre 2023

devant Monsieur Jean-François POTHIER, magistrat rapporteur, tenant seul l’audience, sans opposition des représentants des parties et qui a rendu compte au délibéré collégial

ARRÊT :

Contradictoire, prononcé publiquement le 12 Janvier 2024 par mise à disposition au greffe comme indiqué à l’issue des débats et signé par Monsieur Jean-François POTHIER, Conseiller, ayant participé au délibéré collégial, pour le Président empêché,

****

APPELANT :

Monsieur [F] [M]

né le [Date naissance 1] 1957 à [Localité 6] (65)

[Adresse 4]

[Localité 3]

Représenté par Me Stéphanie PRENEUX de la SELARL BAZILLE, TESSIER, PRENEUX, postulant, avocat au barreau de RENNES

Représenté par Me Morgane LE LUHERNE et Me Jérémy SIMON de la SELARL KACERTIS, plaidants, avocats au barreau de NANTES

INTIMÉE :

S.A. HOIST FINANCE AB

[Adresse 2]

[Localité 5]

Représentée par Me Pierre SIROT de la SELARL RACINE, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de NANTES

EXPOSE DU LITIGE

Selon offre préalable de crédit immobilier du 27 janvier 2009 acceptée le 12 février 2009 et réitérée par acte authentique du 27 avril 2009, le Crédit foncier de France (le Crédit foncier) a, en vue de financer l’acquisition d’un appartement vendu en l’état futur d’achèvement à [Localité 7] (74), consenti à M. [F] [M] et Mme [N] [V] (les époux [M]) un prêt de 185 900 euros au taux révisable de 5,20 % l’an remboursable sur une durée prévisionnelle de 12 mensualités de 805,57 euros et 288 mensualités de 1 131,18 euros, hors assurance emprunteur.

Prétendant que les échéances de remboursement n’étaient plus honorées, le Crédit foncier s’est prévalu de la déchéance du terme, puis, par acte du 17 janvier 2017, a fait délivrer aux époux [M] un commandement de payer valant saisie immobilière.

Par jugement d’orientation du 22 septembre 2017, le juge de l’exécution de Thonon-les-Bains a notamment :

constaté que la créance du Crédit foncier à l’encontre des époux [M] s’élève à la somme de 185 955,42 euros en principal, intérêts et frais accessoires, arrêtée au 5 mai 2017,

autorisé les époux [M] à procéder à la vente amiable de leurs biens et droits immobiliers objet de la saisie.

Par second jugement du 1er décembre 2017, le juge de l’exécution a notamment :

constaté la vente amiable des biens et droits immobiliers objet de la saisie,

ordonné la radiation des inscriptions d’hypothèques et de privilèges prises du chef des époux [M].

Le 6 juillet 2018, une convention de cession de créances a été régularisée entre le Crédit foncier et la société Hoist Finance AB (la société Hoist Finance), et, par lettre recommandée avec accusé de réception du 18 juillet 2018, cette dernière a notifié à M. [M] la cession de créance au titre du prêt qui lui avait été consenti par le Crédit foncier.

Puis, statuant sur requête aux fins d’homologation du projet de distribution de la société Hoist Finance , le juge de l’exécution a, par ordonnance du 30 décembre 2019, homologué le projet de distribution du prix de vente de l’immeuble, et la société Hoist Finance, venant aux droits du Crédit foncier, a ainsi perçu en sa qualité de créancier inscrit, la somme de 129 312,92 euros.

La société Hoist Finance a ensuite, par acte du 16 décembre 2021, fait signifier à M. [M] la cession de créance constatée par procès-verbal d’huissier du 10 juillet 2018, ainsi que l’acte authentique revêtu de la formule exécutoire du 27 avril 2009.

Aux termes de ce même acte, elle lui faisait délivrer commandement pour avoir paiement de la somme de 85 364,59 euros en principal, intérêts et frais.

Puis, la société Hoist Finance a fait procéder, suivant procès-verbal du 30 septembre 2022, à la saisie-attribution des comptes ouverts par M. [M] auprès du Crédit mutuel, pour avoir paiement d’une somme de 84 767,35 euros en principal, intérêts et frais, cette saisie ayant été dénoncée à M. [M] par acte du 7 octobre 2022.

Contestant l’opposabilité de la cession de créance et invoquant l’extinction de la dette, M. [M] a, par acte du 4 novembre 2022, fait assigner la société Hoist Finance devant le juge de l’exécution de Saint-Nazaire en mainlevée de la saisie.

Après avoir soulevé d’office à l’audience du 2 mars 2023 l’irrecevabilité résultant de l’absence de dénonciation de la contestation de la saisie-attribution à l’huissier instrumentaire, et autorisé le demandeur à produire toute pièce justificative dans le délai de quinze jours, le juge de l’exécution a, par jugement du 30 mars 2023 :

déclaré M. [M] irrecevable en sa contestation à la saisie-attribution pratiquée par la société Hoist Finance signifiée entre les mains de la Caisse Fédérale de Crédit mutuel le 30 septembre 2022, dénoncée le 7 octobre 2022, pour obtenir le paiement de la somme de 84 767,35 euros,

condamné M. [M] à payer à la société Hoist Finance la somme de 1 000 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux dépens.

M. [M] a relevé appel de ce jugement le 14 avril 2023, et aux termes de ses dernières conclusions du 13 juin 2023, il demande à la cour de :

réformer le jugement dont appel,

à titre liminaire, déclarer M. [M] recevable en sa contestation à la saisie-attribution pratiquée par la société Hoist Finance,

à titre principal, ordonner la mainlevée complète et totale de la saisie-attribution signifiée à la Caisse fédérale de Crédit mutuel le 30 septembre 2022, et dénoncée le 7 octobre 2022 à M. [M],

condamner la société Hoist Finance à lui verser la somme de 20 000 euros au titre des dommages et intérêts pour saisie abusive,

condamner la société Hoist Finance au paiement de l’ensemble des frais afférents à la saisie-attribution à laquelle elle a fait procéder abusivement,

à titre subsidiaire, lui accorder les plus larges délais de paiement,

en tout état de cause, condamner la société Hoist Finance à lui verser la somme de 5 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens.

Aux termes de ses dernières conclusions du 7 juillet 2023, la société Hoist Finance demande à la cour, si celle-ci devait juger la contestation formée par M. [M] à l’égard de la saisie-attribution diligentée par la société Hoist Finance recevable et infirmer le jugement attaqué, de :

dire que la société Hoist finance, venant aux droits du Crédit foncier, justifie être titulaire à l’égard de M.[M] d’une créance, certaine, liquide et exigible,

dire que M.[M] ne justifie pas de sa situation financière actuelle,

‘décerner acte à M.[M] de ce qu’il renonce à sa demande de délais de paiement’,

en tout état de cause dire la demande de délais de paiement de M.[M] mal fondée, et l’en débouter,

débouter M.[M] de ses demandes, fins et conclusions,

débouter M.[M] de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile et des dépens,

condamner M.[M] à lui payer une somme de 2 000 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens d’instance et d’appel.

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure ainsi que des prétentions et moyens des parties, la cour se réfère aux énonciations de la décision attaquée ainsi qu’aux dernières conclusions déposées par les parties, l’ordonnance de clôture ayant été rendue le 12 octobre 2023.

EXPOSE DES MOTIFS

Sur la recevabilité de la contestation

Il résulte des dispositions de l’article R. 211-11 du code des procédures civiles d’exécution qu’à peine d’irrecevabilité, les contestations relatives à la saisie sont formées dans le délai d’un mois à compter de la dénonciation de la saisie au débiteur, et sous la même sanction, elles sont dénoncées le même jour ou, au plus tard, le premier jour ouvrable suivant, par lettre recommandée avec demande d’avis de réception, à l’huissier de justice qui a procédé à la saisie.

Au soutien de son appel, M. [M] produit devant la cour l’accusé de réception signé par l’huissier instrumentaire en date du lundi 7 novembre 2022, justifiant ainsi de l’envoi le jour même, soit le vendredi 4 novembre 2022, de l’acte de dénonciation faite à l’huissier de justice qui a procédé à la saisie.

Après réformation du jugement attaqué, il convient donc de déclarer recevable la contestation de M. [M].

Sur l’opposabilité de la cession de créance

M. [M] soutient que la cession de créance lui serait inopposable, faute de lui avoir été notifiée.

Aux termes de l’article 1324 du code civil issu de l’article 3 de l’ordonnance du 10 février 2016 en vigueur le 1er octobre 2016, la cession est opposable au débiteur si elle lui a été notifiée.

Il s’en évince qu’à l’égard du débiteur cédé, la cession est opposable par une simple notification, laquelle peut être effectuée par tout moyen, et notamment par courrier.

Or, par lettre recommandée avec accusé de réception du 18 juillet 2018, la société Hoist Finance justifie avoir bien notifié à M. [M] la cession de créance.

Il en effet produit par l’intimée l’accusé de réception de cet envoi, signé par le destinataire le 21 juillet 2018.

Au surplus, la société Hoist Finance a, par acte du 16 décembre 2021, fait signifier à M. [M] la cession de créance constatée par procès-verbal d’huissier du 10 juillet 2018, ainsi que l’acte authentique revêtu de la formule exécutoire du 27 avril 2009, le même acte contenant également commandement de payer.

Il s’ensuit que la cession de créance est bien opposable à M. [M].

Sur l’exigibilité de la créance

M. [M] soutient que la créance alléguée par la société Hoist Finance serait éteinte par l’effet du jugement rendu le 1er décembre 2017 par le juge de l’exécution de Thonon-les-Bains, et que cette extinction de la dette pour cause de règlement serait confirmée par le courrier électronique du Crédit foncier du 19 avril 2022 qui a attesté que le prêt, source de la créance, serait soldé dans son intégralité.

En l’occurrence, selon jugement d’orientation du 22 septembre 2017, le juge de l’exécution de Thonon-les-Bains a constaté que la créance du Crédit foncier à l’encontre des époux [M] s’élevait à la somme de 185 955,42 euros en principal, intérêts et frais accessoires, arrêtée au 5 mai 2017, et autorisé les époux [M] à procéder à la vente amiable du bien saisi.

Par second jugement du 1er décembre 2017, le juge de l’exécution a constaté la vente amiable du bien saisi et ordonné la radiation des inscriptions d’hypothèques et privilèges.

Et, à l’issue de la procédure de distribution du prix de vente, la société Hoist Finance, venant aux droits du Crédit foncier, a perçu en sa qualité de créancier inscrit, la somme de 129 312,92 euros.

Ainsi que le fait valoir à juste titre l’intimée, la vente amiable du bien sur lequel le Crédit foncier était inscrit, vente intervenue sur autorisation judiciaire dans le cadre de la procédure de saisie immobilière, n’a pas permis d’éteindre la créance litigieuse.

A cet égard, c’est à tort que l’appelant invoque un courriel du Crédit foncier du 19 avril 2022 pour prétendre que la créance serait éteinte, alors que par second courriel du 18 novembre 2022 annulant et remplaçant le précédent courriel du 19 avril 2022, le Crédit foncier a indiqué à M. [M] que son ‘prêt n° 4164998 n’apparaît pas soldé dans (ses) livres mais cédé à la société Hoist Finance AB suivant contrat de cession en date du 6 juillet 2028’, et l’invitait donc à se ‘rapprocher de la société Hoist Finance AB pour connaître la situation actuelle de (son) prêt.’

Il s’ensuit que la dette résiduelle du Crédit foncier, aux droits duquel intervient désormais la société Hoist Finance, n’est pas éteinte et subsiste jusqu’à complet paiement.

La société Hoist Finance justifie donc bien d’une créance certaine, liquide et exigible à l’égard de M. [M].

Selon décompte actualisé du commissaire de justice au 10 novembre 2022, la créance résiduelle de la société Hoist Finance s’établissait à cette date à la somme de 84 507,68 euros.

M. [M] qui n’expose par ailleurs aucun moyen de nature à remettre en cause le décompte de la créance, tant sur le principal que sur le montant des intérêts et les frais, sera donc débouté de sa demande de mainlevée de la saisie-attribution pratiquée le 30 septembre 2022 entre les mains du Crédit mutuel.

Il convient toutefois de donner effet à cette saisie dans la limite de la somme de 84 507,68 euros, selon décompte produit ci-dessus par l’intimée.

Sur la demande de dommages-intérêts

Puisqu’il a été jugé que la cession de créance avait été régulièrement notifiée à M. [M] et que le créancier saisissant justifait d’une créance certaine liquide et exigible, la demande de condamnation de la société Hoist Finance au paiement de la somme de 20 000 à titre de dommages-intérêts pour saisie abusive, est dénuée de fondement et sera rejetée.

Sur le délai de grâce

Aux termes de l’article R. 121-1 du code des procédures civiles d’exécution, le juge de l’exécution ne peut ni modifier le dispositif de la décision de justice qui sert de fondement aux poursuites, ni en suspendre l’exécution, mais, après signification du commandement ou de l’acte de saisie, il a néanmoins compétence pour accorder un délai de grâce.

Toutefois, selon l’article L. 211-2 du code des procédures civiles d’exécution, l’acte de saisie-attribution emporte, à concurrence des sommes pour lesquelles elle est pratiquée, attribution immédiate de la créance saisie au profit du saisissant.

Il résulte de la combinaison de ces texte que, du fait de l’effet attributif immédiat de la saisie-attribution, le débiteur ne peut en suspendre les effets en sollicitant un délai de grâce, et que le juge de l’exécution ne peut donc être saisi d’une demande de délai de grâce que, lorsque la créance saisie ne permet pas le règlement intégral de la créance cause de la saisie, pour le recouvrement à venir du reliquat.

Au soutien de sa demande de délai de grâce, M. [M] produit son avis d’imposition de 2021, mentionnant au titre de l’année 2020, un revenu brut global de 32 574 euros.

Mais il a été précédemment souligné que le délai de grâce ne saurait avoir d’effet sur la saisie-attribution déjà pratiquée.

D’autre part, au regard de l’ancienneté de la créance, le créancier est en droit de recouvrer sans attendre le reliquat de sa créance que la saisie n’a permis de payer qu’à hauteur de la somme de 977,60 euros, étant en outre observé que selon courrier du 10 janvier 2022 M. [M] a fait auprès du commissaire de justice une proposition de règlement d’un montant de 14 296 euros pour solde de tout compte, proposition portée à la somme de 18 000 euros par lettre en date du 9 février 2022.

Cette demande sera donc rejetée.

Sur les frais irrépétibles

Il n’y a pas matière à application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile au bénéfice de quiconque, tant en première instance qu’en cause d’appel.

PAR CES MOTIFS, LA COUR :

Infirme le jugement rendu le 30 mars 2023 par le juge de l’exécution de Saint-Nazaire, sauf en ce qu’il a condamné M. [M] aux dépens ;

Déclare recevable la contestation de M. [F] [M], mais le déboute de l’ensemble de ses demandes ;

Donne toutefois effet à la saisie-attribution pratiquée le 30 septembre 2022 par la société Hoist Finance AB sur les comptes ouverts par M. [F] [M] auprès du Crédit mutuel dans la limite de la somme de 84 507,68 euros ;

Dit n’y avoir lieu à application de l’article 700 du code de procédure civile, tant en première instance qu’en cause d’appel ;

Condamne M. [F] [M] aux dépens d’appel ;

Rejette toutes autres demandes contraires ou plus amples.

LE GREFFIER LE PRESIDENT

 


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