Saisie-attribution : décision du 17 janvier 2024 Cour d’appel de Paris RG n° 22/02411

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Saisie-attribution : décision du 17 janvier 2024 Cour d’appel de Paris RG n° 22/02411

17 janvier 2024
Cour d’appel de Paris
RG n°
22/02411

Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 5 – Chambre 6

ARRET DU 17 JANVIER 2024

(n° , 9 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 22/02411 – N° Portalis 35L7-V-B7G-CFFEV

Décision déférée à la Cour : Jugement du 26 Novembre 2021 -Tribunal de Grande Instance de PARIS – RG n° 18/05252

APPELANTE

S.C.I. FIDJI

[Adresse 2]

[Localité 3]

N° SIRET : 394 847 495

Représentée par Me Julien MALLET de la SELASU MVA AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, toque : A0905

INTIMÉE

S.A. BNP PARIBAS

[Adresse 1]

[Localité 4]

N° SIRET : B 662 042 449

Représentée par Me Corinne LASNIER BEROSE de l’ASSOCIATION ASSOCIATION LASNIER-BEROSE et GUILHEM, avocat au barreau de PARIS, toque : R239

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 14 Novembre 2023, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposé, devant M. Marc BAILLY Président de chambre, et MME Laurence CHAINTRON, Conseillère.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

M. Marc BAILLY, Président de chambre

M. Vincent BRAUD, Président

MME Laurence CHAINTRON, Conseillère

Greffier, lors des débats : Mme Mélanie THOMAS

ARRÊT :

– CONTRADICTOIRE

– par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

– signé par M. Marc BAILLY, Président de chambre et par Mme Mélanie THOMAS, Greffier, présent lors de la mise à disposition.

* * * * *

Suivant offre préalable émise le 27 mars 2008 et acceptée le 6 avril 2008, la société Fortis Banque a consenti à la société civile immobilière Fidji un prêt immobilier d’un montant de 345 000 euros, remboursable en 180 mensualités, au taux fixe de 5 % l’an, destiné à financer l’acquisition d’un bien immobilier à usage locatif situé à [Localité 5]. Le taux effectif global figurant dans l’offre de prêt s’élevait à 6,312 % l’an et le taux de période à 0,526 %.

Le prêt a été réitéré par acte authentique du 26 mai 2008, mentionnant un taux effectif global figurant à l’offre de prêt de 6,512 % l’an et un taux de période mensuel de 0,543 %.

Se prévalant du non-paiement des échéances convenues, la société BNP Paribas, venant aux droits de la société Fortis Banque, a mis en demeure la société civile Fidji d’avoir à lui payer l’intégralité des sommes restant dues au titre du prêt, soit 249 112,17 euros, par lettre du 26 novembre 2014.

Le 31 janvier 2017, la société BNP Paribas a procédé à une saisie attribution entre les mains du Cabinet Delabove, gestionnaire de la location du bien immobilier. La saisie attribution a été dénoncée par acte d’huissier du 7 février 2017, puis a été levée par jugement en date du 1er septembre 2017 rendu par le juge de l’exécution du tribunal de grande instance de Chartres, saisi à cette fin par la société civile Fidji, qui contestait l’opposabilité de la déchéance du terme du prêt.

Par lettre recommandée en date du 9 octobre 2017, la société BNP Paribas a adressé à la société Fidji une mise en demeure d’avoir à lui payer la somme de 106 177,61 euros correspondant aux échéances impayées du 22 septembre 2014 au 22 septembre 2017, dans un délai d’un mois, à peine de déchéance du terme.

Puis elle a, par courrier recommandé en date du 20 novembre 2017, prononcé la déchéance du terme du prêt de 345 000 euros, sommant la société Fidji de lui payer la somme de 283 065,89 euros.

Par acte d’huissier du 27 février 2018, la société BNP Paribas a fait délivrer à la société Fidji un commandement de payer la somme de 285 805,29 euros.

Par exploit d’huissier en date du 25 avril 2018, la société civile Fidji a fait assigner la société anonyme BNP Paribas devant le tribunal de grande instance de Paris, en responsabilité et aux fins d’obtenir notamment la nullité de la stipulation d’intérêts conventionnels ou la déchéance du prêteur de son droit aux intérêts conventionnels.

Par jugement rendu le 26 novembre 2021, le tribunal judiciaire de Paris a :

– déclaré la société civile immobilière Fidji irrecevable en sa demande d’annulation de la stipulation d’intérêts conventionnels et de sa demande de déchéance du droit aux intérêts conventionnels ;

– déclaré la société civile immobilière Fidji recevable en sa demande de dommages-intérêts ;

– débouté la société civile immobilière Fidji de sa demande de dommages-intérêts ;

– rejeté la fin de non-recevoir soulevée par la société civile immobilière Fidji, tirée de la prescription de l’action en paiement dirigée contre elle ;

– condamné la société civile immobilière Fidji à payer à la société anonyme BNP Paribas les sommes suivantes :

– 266 815,29 euros avec intérêts au taux conventionnel de 5 % l’an sur la somme de 232 151,56 euros à compter du 20 novembre 2017,

– 1 000 euros avec intérêts au taux légal à compter du 20 novembre 2017 ;

– ordonné que les intérêts des sommes dues seront capitalisés par périodes annuelles, conformément aux dispositions de l’article 1154 ancien devenu l’article 1343-2 du code civil;

– débouté la société civile immobilière Fidji de sa demande de délais de paiement ;

– condamné la société civile immobilière Fidji à payer à la société anonyme BNP Paribas la somme de 2 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

– condamné la société civile immobilière Fidji aux dépens ;

– ordonné l’exécution provisoire.

Par déclaration du 1er février 2022, la SCI Fidji a interjeté appel de ce jugement.

Aux termes de ses dernières écritures notifiées par voie électronique le 25 avril 2022, la SCI Fidji demande, au visa des articles 1231-1 et 1343-5 du code civil et L. 311-3 s. du code de la consommation, à la cour de :

– infirmer le jugement du 26 novembre 2021 en l’ensemble de ses dispositions,

Statuant à nouveau,

– juger qu’elle est un emprunteur non averti,

– juger que le prêt qui lui a été consenti par la société BNP Paribas en date du 27 mars 2008 est manifestement excessif,

– juger que la société BNP Paribas a manqué à son devoir de mise en garde à son égard ;

En conséquence,

– condamner la société BNP Paribas à lui régler la somme de 283 065,89 euros au titre de la perte de chance de ne pas contracter le prêt litigieux,

– ordonner la compensation de cette somme avec celle qui pourrait être due à la société BNP Paribas,

A titre subsidiaire,

– juger que l’offre de prêt qui lui a été adressée ne respecte pas les dispositions des anciens articles L. 313-1 et R. 313-1 du code de la consommation,

Sur la sanction :

– prononcer la nullité de la stipulation conventionnelle d’intérêts,

– juger que le taux d’intérêt conventionnel (5 % l’an) doit être remplacé par le taux d’intérêt légal en vigueur à la date de conclusion du prêt, soit 3,99 %,

A défaut,

– juger que la société BNP Paribas sera déchue de son droit aux intérêts conformément aux dispositions de l’ancien article L. 312-33 du code de la consommation,

En conséquence,

– ordonner à la société BNP Paribas, sous astreinte de 50 euros par jour de retard passé le délai d’un mois à compter de la date de signification du jugement à intervenir, de produire un nouveau décompte laissant apparaître le solde dû par elle, déduction faite des intérêts indument payés,

En outre,

– dire que la demande de la société BNP Paribas est prescrite quant aux mensualités échues entre août 2014 à septembre 2015,

En conséquence,

– déduire du capital restant dû réclamé par la société BNP Paribas, la somme de 40 940,48 euros, correspondant aux quatorze mensualités de 2 924,32 euros échues entre août 2014 à septembre 2015,

A titre plus subsidiaire,

– lui octroyer le bénéfice d’un délai de grâce de vingt-quatre mois,

En conséquence,

– reporter le paiement des sommes dues pour une durée de vingt-quatre mois à compter de la signification de la présente décision,

– substituer le taux d’intérêt légal au taux contractuel pendant la durée de vingt-quatre mois,

En tout état de cause,

– condamner la société BNP Paribas à lui payer la somme de 3 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens.

Aux termes de ses dernières écritures notifiées par voie électronique le 8 juillet 2022, la société BNP Paribas demande, au visa des articles 1103, 1104, 1344, 1231-6, 1343-2 du code civil, L. 110-4 du code de commerce, et L. 312 et suivants du code de la consommation, à la cour de :

– juger l’appelante irrecevable car prescrite et mal fondée en son appel, et la débouter de toutes ses demandes,

– confirmer le jugement rendu le 26 novembre 2021 en ce qu’il a débouté la SCI Fidji et la juger recevable et fondée,

Statuant à nouveau,

– condamner la SCI Fidji à lui payer la somme de 283 065,89 euros, avec intérêts au taux de 5 %, sur le principal de 232 151,56 euros, à compter du 20 novembre 2017, au titre du prêt immobilier,

– ordonner la capitalisation des intérêts,

Y ajoutant,

– condamner l’appelante à lui payer 5 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure ainsi qu’aux entiers dépens,

– condamner l’appelante aux entiers dépens, en application de l’article 696 du code de procédure civile.

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure, des moyens et des prétentions des parties, il est expressément renvoyé aux dernières conclusions écrites déposées en application de l’article 455 du code de procédure civile.

L’ordonnance de clôture a été rendue le 3 octobre 2023 et l’audience fixée au 14 novembre 2023.

MOTIFS

Sur la prescription de l’action en responsabilité et la demande d’indemnisation

La société BNP Paribas critique le jugement déféré en ce qu’il a déclaré recevable comme non prescrite la demande en paiement de dommages et intérêts formée par la société appelante pour manquement de la banque à son obligation de mise en garde et octroi excessif de crédit au motif que le point de départ de la prescription doit être fixé au jour des premières difficultés de paiement.

Elle fait valoir que la SCI Fidji est une société civile immobilière professionnelle et que le point de départ de la prescription doit être fixé au jour de la date de souscription du contrat de prêt car c’est à cette date qu’il convient de se placer pour apprécier une éventuelle faute et un préjudice.

La société civile immobilière Fidji fait valoir, à titre principal, au visa de l’article 1147 du code civil, devenu 1231-1, que la société BNP Paribas a manqué au devoir de mise en garde lui incombant.

En réponse à la fin de non-recevoir soulevée par la banque, tirée de la prescription de son action en responsabilité, elle invoque les dispositions de l’article 2224 du code civil et soutient que le point de départ du délai de prescription doit être fixé à la date à laquelle elle a eu connaissance du dommage résultant du manquement au devoir de mise en garde, soit à la date du premier impayé, survenu en 2014, et en déduit que son action engagée par acte du 25 avril 2018 dans le délai de cinq ans suivant cette date, est recevable.

Il est de jurisprudence constante que le dommage résultant d’un manquement à l’obligation de mise en garde consistant en la perte de chance de ne pas contracter ou d’éviter le dommage qui s’est réalisé se manifeste dès l’octroi du crédit à moins que l’emprunteur ne démontre qu’il pouvait à cette date, légitimement ignorer ce dommage.

S’il est désormais de jurisprudence que l’action en responsabilité de l’emprunteur non averti à l’encontre du prêteur au titre d’un manquement à son devoir de mise en garde se prescrit par cinq ans à compter du premier incident permettant à l’emprunteur d’appréhender l’existence et les conséquences éventuelles d’un tel manquement, il y a lieu de relever que, contrairement à ce qu’a jugé le tribunal, cette jurisprudence ne s’applique que lorsque l’emprunteur est non averti.

Or, il ressort de l’extrait Kbis et des statuts versés aux débats par la banque que la société civile immobilière Fidji, immatriculée au registre du commerce et des sociétés de Chartres, sous le numéro 3948474895R, a été créée le 12 avril 1994 par ses associés, M. [W] [M], gérant de société, et Mme [E] [S], secrétaire, avec pour objet social :

‘- L’acquisition, la prise à bail, la mise en valeur de tous terrains et l’édification sur lesdits terrains de bâtiments,

– La construction ou l’achat de tous biens immobiliers,

– La propriété, l’administration et l’exploitation par bail, location ou sous-location de biens immobiliers acquis, loués ou édifiés par la société,

– La disposition et l’aliénation des biens immobiliers composant le patrimoine de la société,

– Et plus généralement, toutes opérations, de quelque nature qu’elles soient, se rattachant directement ou indirectement à cet objet et susceptibles d’en favoriser la réalisation ; La société peut, notamment constituer hypothèque ou toute sûreté réelle sur les biens sociaux, dès lors que ces actes ou opérations ne portent pas atteinte à la nature civile de cet objet.’

L’objet du prêt litigieux destiné à financer l’acquisition d’un bien immobilier à usage locatif situé à [Localité 5] rentrait donc parfaitement dans l’objet social de la SCI Fidji et cette dernière, en sa qualité de professionnelle de l’immobilier, doit être considérée comme un emprunteur averti.

Il en résulte, en application de la jurisprudence précitée, que le dommage résultant d’un prétendu manquement à l’obligation de mise en garde de la société BNP Paribas consistant en la perte de chance de ne pas contracter ou d’éviter le dommage qui s’est réalisé, s’est manifesté dès l’octroi du prêt du 6 avril 2008, date du point de départ de la prescription.

Par conséquent, l’action en responsabilité initiée par la SCI Fidji par exploit d’huissier du 25 avril 2018, doit être déclarée irrecevable, comme prescrite, pour avoir été initiée plus de cinq ans après le 6 avril 2008.

Le jugement déféré sera donc infirmé en ce qu’il a déclaré recevable la demande d’indemnisation formée par l’appelante en réparation du préjudice subi induit par le manquement de la banque à son devoir de mise en garde.

Sur la prescription de la demande en nullité de la stipulation d’intérêts conventionnels et de la demande en déchéance du droit aux intérêts

S’agissant du caractère erroné du taux effectif global, la société Fidji conclut à la recevabilité de ses demandes formées sur ce fondement, considérant que le point de départ du délai de prescription de l’action en annulation de la stipulation d’intérêts conventionnels comme de celle tendant à la déchéance du droit aux intérêts, doit être fixé à la date où l’erreur affectant le taux effectif global est découverte par l’emprunteur, soit en l’occurrence à compter de l’analyse réalisée par son conseil. Sur le fond, la société Fidji invoque les dispositions de l’article R.313-1 du code de la consommation, relève l’absence de proportionnalité entre le taux de période et le taux effectif global et soutient que la durée de référence utilisée pour le calcul du taux effectif global ne serait pas celle de l’année civile bissextile de 366 jours alors que le prêt a été conclu en 2008. Elle ajoute que la durée de la période ne lui a pas été communiquée, n’ayant été informée que du taux de période et observe que l’ensemble des frais, notamment les frais de notaire, les frais liés à la souscription d’une assurance contre l’incendie et les frais liés à la domiciliation des loyers n’ont pas été pris en compte pour le calcul du taux effectif global. Elle en déduit que la stipulation des intérêts conventionnels doit être annulée, ou à défaut, que la déchéance du droit aux intérêts doit être prononcée.

La société BNP Paribas sollicite la confirmation du jugement déféré en ce qu’il a déclaré ces demandes prescrites. Elle estime que les demandes fondées sur l’éventuelle erreur affectant le taux effectif global, sont prescrites, le point de départ du délai de prescription quinquennale devant être fixé à la date de souscription du contrat, en vertu de l’article L.110-4 du code de commerce, l’emprunteur ayant eu connaissance des conditions du prêt litigieux dès cette date. Elle soutient par ailleurs que les demandes fondées sur l’irrégularité du taux effectif global ne sont pas fondées ; elle fait valoir que le taux effectif global figurant dans l’offre de prêt est proportionnel au taux de période et indique que l’erreur matérielle commise par le notaire dans l’acte authentique de prêt lui est inopposable puisque des taux corrects annoncés dans l’offre de prêt ont été utilisés pour le calcul de l’échéancier. Elle ajoute avoir calculé le taux effectif global sur la base d’un mois normalisé de 30,4166 jours en sorte qu’aucune irrégularité tenant à la durée de référence pour le calcul du taux effectif global ne peut être alléguée. Elle ajoute que seul le taux effectif global devait figurer dans l’offre de prêt et non la durée de la période, l’article R.313-1 du code de la consommation ne prévoyant pas une telle information pour les crédits immobiliers. Enfin, elle estime que les contestations relatives aux frais sont tardives et non justifiées.

Sur la prescription de la demande d’annulation de la stipulation d’intérêts conventionnels du contrat de prêt

L’action fondée sur l’erreur affectant le taux effectif global mentionné dans l’écrit constatant le contrat de prêt, qui vise à sanctionner l’absence de consentement de l’emprunteur au coût global du prêt, relève du régime de la prescription quinquennale de l’article 1304, ancien, du code civil, étant précisé que lorsque le prêt a été contracté pour des besoins professionnels, cette prescription court à compter du jour du contrat, qui est celui où l’emprunteur a connu ou aurait dû connaître cette erreur.

En l’espèce, ainsi qu’indiqué et comme l’a relevé le tribunal, l’appelante a souscrit le prêt litigieux en qualité de professionnelle, de sorte que le point de départ de l’action en nullité de la stipulation d’intérêts conventionnels doit être fixé à la date de la souscription du prêt, soit le 6 avril 2008.

De surcroît, comme l’a relevé le tribunal, le défaut de communication de la durée de la période qu’elle allégue était nécessairement apparent dès cette date. Le point de départ de la prescription doit donc être fixé au jour de l’acceptation de l’offre, soit le 6 avril 2008, date à laquelle l’appelante était en mesure de vérifier, par elle-même ou en s’en remettant à un tiers, l’exactitude du taux effectif global et aurait donc dû connaître, dès cette date, l’erreur qu’elle invoque tenant au défaut de communication de la durée de la période, sans report possible tiré de la révélation postérieure des autres irrégularités invoquées par l’appelante.

Il s’en induit que la demande d’annulation de la stipulation d’intérêts conventionnels fondée sur l’erreur affectant le taux effectif global mentionné dans l’écrit constatant le contrat de prêt, initiée par l’assignation du 25 avril 2018, soit plus de cinq années après la conclusion de ce contrat, est irrecevable comme prescrite, le jugement étant confirmé de ce chef.

Sur la prescription de la demande en déchéance du droit aux intérêts conventionnels

L’action tendant au prononcé de la sanction civile que constitue la déchéance du droit aux intérêts fondée sur l’erreur affectant le taux effectif global indiqué dans l’offre de prêt, prévue par l’article L. 312-33 du code de la consommation dans sa version applicable au présent litige, relève du régime de la prescription quinquennale, anciennement décennale, de l’article L. 110-4 du code de commerce instaurée par la loi n° 2008-561 du 17 juin 2008 portant réforme de la prescription en matière civile, laquelle est applicable à compter du 19 juin 2008 date de son entrée en vigueur, conformément aux dispositions transitoires prévues à l’article 26-II, dès lors que le délai de prescription décennale n’était pas expiré à cette date et sans que la durée totale puisse excéder la durée de dix ans prévue par la loi antérieure.

Le point de départ de cette prescription est le jour où l’emprunteur a connu ou aurait dû connaître cette erreur, c’est-à-dire la date de la convention, jour de l’acceptation de l’offre, lorsque l’examen de sa teneur permet de constater l’erreur, ou lorsque tel n’est pas le cas, la date de la révélation de celle-ci à l’emprunteur.

Il résulte des développements qui précèdent que le délai de prescription de l’action en déchéance du droit aux intérêts a commencé à courir à la date d’acceptation de l’offre, soit le 6 avril 2008, de sorte que ce délai a expiré le 19 juin 2013 et que l’action initiée par assignation du 25 avril 2018 est de la même manière irrecevable comme prescrite.

Sur la demande en paiement de la banque

Sur la prescription

S’agissant de la prescription de l’action en paiement des mensualités échues entre août 2014 et septembre 2015, la société Fidji invoque les dispositions de l’article L. 137-2 du code de la consommation prévoyant un délai de prescription biennal et rappelle qu’à l’égard d’une dette payable par termes successifs, la prescription se divise comme la dette elle-même et court à l’égard de chacune de ses fractions à compter de son échéance. Elle relève qu’entre la date du premier incident de paiement, survenu en août 2014, et la date de la mise en demeure envoyée en octobre 2017, il s’est écoulé plus de trois ans, et en déduit que la demande en paiement des mensualités échues entre août 2014 et septembre 2015 est prescrite.

La société BNP Paribas fait valoir que les dispositions de l’article L.137-2 du code de la consommation, prévoyant un délai de prescription de deux ans, ne sont pas applicables, la société appelante n’étant pas un consommateur personne physique. Elle estime que seul est applicable le délai de prescription de cinq ans prévu par l’article 2224 du code civil, et en déduit que son action en paiement est recevable.

C’est par des motifs pertinents que la cour adopte que le tribunal a considéré que :

– la prescription biennale prévue par l’article L.137-2 du code de la consommation, devenu L.218-2, n’a pas vocation à s’appliquer puisque la société civile immobilière Fidji n’a pas la qualité de consommateur mais doit être considérée comme professionnelle, le prêt litigieux ayant été conclu en vue de l’acquisition d’un bien destiné à la location, conformément à son objet social,

– il en résulte que le délai de prescription quinquennale prévu par 2224 du code civil est applicable à la demande en paiement formée par la société BNP Paribas,

– à l’égard d’une dette payable par termes successifs, la prescription se divise comme la dette elle-même et court à l’égard de chacune de ses fractions à compter de son échéance, de sorte que, si l’action en paiement des mensualités impayées se prescrit à compter de leurs dates d’échéance successive, l’action en paiement du capital restant dû se prescrit à compter de la déchéance du terme, qui emporte son exigibilité,

– en l’espèce, la société BNP Paribas poursuit le paiement des échéances échues impayées entre le mois de septembre 2014 et le mois de septembre 2017, ainsi que du capital restant dû arrêté à la date de la déchéance du terme prononcée le 20 novembre 2017,

– la banque ayant formulé sa demande en paiement aux termes de ses première conclusions notifiées par voie électronique le 15 octobre 2018, soit dans le délai de cinq ans suivant l’échéance échue impayée la plus ancienne, la prescription n’est pas acquise et la fin de non-recevoir doit être rejetée.

Il y a donc lieu de confirmer le jugement déféré de ce chef.

Sur la demande en paiement

Le jugement déféré n’étant pas autrement critiqué en ce qu’il condamne la société civile immobilière Fidji à payer à la société anonyme BNP Paribas la somme de 266 815,29 euros avec intérêts au taux conventionnel de 5 % l’an sur la somme de 232 151,56 euros à compter du 20 novembre 2017, il sera confirmé de ce chef.

Eu égard à l’exécution partielle du contrat de prêt, le montant de la clause pénale apparaît manifestement excessif au regard du coût du crédit, de sorte que le jugement sera également confirmé sur la réduction de la clause pénale à la somme de 1 000 euros avec intérêts au taux légal à compter du 20 novembre 2017, en application de l’article 1231-5 du code civil.

Sur la demande de délais de paiement

A titre subsidiaire, la société Fidji sollicite, au visa de l’article 1343-5 du code civil, l’octroi de délais de grâce, sous la forme d’un report du paiement des sommes dues, dans la limite de deux années. Elle expose que n’étant pas parvenue à louer les appartements, elle ne peut supporter les charges que réprésentent les mensualités accordées par la banque à hauteur de 2 924,36 euros et relève que la société BNP Paribas n’a pas de besoins financiers particuliers eu égard au montant de son capital social.

La société BNP Paribas s’oppose à l’octroi de délais de paiement au motif que la société appelante ne verse aux débats aucun élément comptable et financier sur sa situation financière actuelle et a déjà bénéficié de larges délais depuis sa mise en demeure, sans proposer aucun règlement.

En application de l’article 1343-5 du code civil, le juge peut, compte tenu de la situation du débiteur et en considération des besoins du créancier reporter ou échelonner le paiement des sommes dues dans la limite de deux ans.

En l’espèce, comme l’a relevé à juste titre le tribunal, la société civile immobilière Fidji ne produit aucun élément concernant sa situation financière actuelle. Les relevés d’Assedic au nom de Mme [S] versés aux débats datent de septembre 2006 et le courrier de pôle emploi du 7 juillet 2009 (pièces de l’appelante n° 18 et 19).

Par ailleurs, elle a déjà bénéficié d’un délai de paiement de plus de 9 ans depuis la mise en demeure du 26 novembre 2014.

Le jugement déféré sera par conséquent confirmé en ce qu’il a débouté la société Fidji de sa demande de délais de paiement.

Sur la capitalisation des intérêts

Il y a lieu de confirmer le jugement déféré en ce qu’il a ordonné la capitalisation des intérêts échus pour une année entière conformément aux dispositions de l’article 1154, devenu 1343-2 du code civil.

Sur les dépens et les frais irrépétibles

Aux termes de l’article 696, alinéa premier, du code de procédure civile, la partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n’en mette la totalité ou une fraction à la charge d’une autre partie. L’appelante sera donc condamnée aux dépens.

En application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou qui perd son procès à payer à l’autre partie la somme qu’il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Sur ce fondement, l’appelante sera condamnée à payer à la société BNP Paribas la somme de 2 000  euros.

PAR CES MOTIFS,

CONFIRME le jugement du tribunal judiciaire de Paris du 26 novembre 2021 sauf en ce qu’il a déclaré la société civile immobilière Fidji recevable en sa demande de dommages- intérêts ;

Statuant à nouveau du chef de la décision infirmée et y ajoutant,

DECLARE irrecevable comme prescrite la société civile immobilière Fidji en son action en responsabilité et en sa demande de dommages-intérêts ;

Y ajoutant,

CONDAMNE la société civile immobilière Fidji à payer à la société BNP Paribas la somme de 2 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNE la société civile immobilière Fidji aux entiers dépens d’appel ;

REJETTE toute autre demande.

* * * * *

LE GREFFIER LE PRESIDENT

 


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