Saisie-attribution : décision du 18 janvier 2024 Tribunal judiciaire de Saint-Denis de La Réunion RG n° 23/00799

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Saisie-attribution : décision du 18 janvier 2024 Tribunal judiciaire de Saint-Denis de La Réunion RG n° 23/00799

18 janvier 2024
Tribunal judiciaire de Saint-Denis de La Réunion
RG n°
23/00799

TRIBUNAL JUDICIAIRE DE ST DENIS

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

MINUTE N°
1ERE CHAMBRE
AFFAIRE N° RG 23/00799 – N° Portalis DB3Z-W-B7H-GIQ7
NAC : 78F

JUGEMENT DU JUGE DE L’EXÉCUTION

le 18 janvier 2024

DEMANDERESSE

S.A.R.L. SOCIETE CONSTRUCTION BOURBONNAISE (SCB)
[Adresse 1]
[Adresse 1]
Rep/assistant : Maître Alicia BUSTO de la SELARL CHICAUD ET PREVOST OCEAN INDIEN, avocats au barreau de SAINT-DENIS-DE-LA-REUNION
Rep/assistant : Me Yann PREVOST, avocat au barreau de SAINT-DENIS-DE-LA-REUNION

DÉFENDERESSE

S.C.I. [U]
[Adresse 2]
[Adresse 2]
Rep/assistant : Me Pierre-yves BIGAIGNON, avocat au barreau de SAINT-DENIS-DE-LA-REUNION

*****************

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

LORS DES DÉBATS

Le juge de l’exécution :Audrey AGNEL,
Greffier :Dévi POUNIANDY

Audience publique du 26 octobre 2023

LORS DU DÉLIBÉRÉ

Jugement contradictoire du 18 janvier 2024, en premier ressort.

Prononcé par mise à disposition par Audrey AGNEL, Vice-présidente, assistée de Mme Dévi POUNIANDY, Greffière

Copie exécutoire délivrée à :Me Pierre-yves BIGAIGNON et Maître Alicia BUSTO le
Expédition délivrée aux : parties le

EXPOSE DU LITIGE:

La Société Construction Bourdonnaise (SCB) a fait procéder, le 9 octobre 2020, à une saisie-attribution entre les mains de la société [U] au préjudice de Monsieur [N] [U] pour le recouvrement d’une créance de 451.475,17 euros en vertu d’un acte notarié du 20 février 2013 contenant affectation hypothécaire et cautionnement solidaire de Messieurs [N] [U] et [L] [V] en garantie des engagements de la société LES TAMARINS ayant attribué à la société SCB un marché pour la construction d’un ensemble immobilier de bureaux sis [Adresse 3] pour un montant total de 3.836.823,53 euros et ayant été placée en liquidation judiciaire par un jugement du 8 septembre 2020.

Cette saisie a été dénoncée à Monsieur [N] [U] le 14 octobre 2020.

La société [U] ayant déclaré à l’huissier instrumentaire qu’elle ne détenait aucune somme pour le compte de Monsieur [N] [U] et n’ayant transmis aucune pièce justificative à l’appui de ses déclarations, la société SCB a, par un acte de commissaire de justice du 5 mars 2021, saisi le juge de l’exécution du Tribunal judiciaire de Saint-Denis qui, par un jugement rendu le 10 février 2022, a :
– validé, en tant que de besoin, la saisie-attribution effectuée le 9 octobre 2020 entre les mains de la société [U] par la société SCB sur les sommes détenues par elle au profit de Monsieur [N] [U] et portant sur la somme de 451.475,17 euros ;
– condamné la société [U] à verser à la société SCB la somme de 10.000 euros à titre de dommages et intérêts ;
– ordonné à la société [U] de produire dans le délai de 8 jours suivant la signification de la présente décision, l’ensemble des documents et bilans comptables relatifs à ses exercices 2019 et 2020 ;
– assorti cette injonction de production de pièces comptables d’une astreinte de 500 euros par jour passé un délai de 8 jours, après la signification de la présente décision, et pour une durée de 4 mois, à l’encontre de la société [U] ;
– condamné la société [U] à verser à la société SCB la somme de 2.000 euros en application de l’article 700 du Code de procédure civile ;
– condamné la société [U] aux entiers dépens ;
– rappelé que les décisions du juge de l’exécution bénéficient de l’exécution provisoire de droit.
Ce jugement a été confirmé par un arrêt de la Cour d’appel de Saint-Denis de la Réunion du 29 novembre 2022.

Se plaignant de l’inexécution de l’obligation de renseignement lui incombant, la société SCB a, par un acte de commissaire de justice du 24 février 2023 signifié à personne morale, fait assigner la société [U] devant le juge de l’exécution de ce tribunal aux fins de faire :
– liquider l’astreinte prononcée contre la société [U] à la somme de 60.000 euros et la condamner à lui payer cette somme ;
– assortir l’obligation de faire pesant sur la société [U] d’une nouvelle astreinte provisoire de 1.000 euros par jour de retard dont le point de départ sera le jugement à intervenir ;
– condamner la société [U] à lui payer la somme de 5.000 euros de dommages et intérêts au titre de sa résistance abusive et de sa légèreté blâmable dans l’exécution du jugement du 10 février 2022 du juge de l’exécution près le tribunal judiciaire de Saint-Denis ;
– condamner la société [U] au paiement de la somme de 2.000 euros au titre de l’article 700 du Code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens.

A l’audience du 26 octobre 2023, date à laquelle l’affaire a été évoquée après plusieurs renvois à la demande d’au moins l’une des parties, la société SCB, représentée par son conseil et reprenant oralement ses conclusions du 6 septembre 2023, a abandonné sa demande de fixation d’une nouvelle astreinte provisoire au motif que la société [U] a fini par s’exécuter le 4 avril 2022. Elle a sollicité la liquidation de l’astreinte à la somme de 21.500 euros pour la période du 22 février 2022 au 4 avril 2022 et a maintenu ses demandes pour le surplus. Elle a conclu au rejet de la demande renconventionnelle adverse tendant au paiement de dommages et intérêts.

La société [U], représentée par son conseil et reprenant oralement ses conclusions du 20 avril 2023, a conclu au débouté de l’ensemble des demandes adverses et a sollicité, à titre reconventionnel, la condamnation de la société SCB à lui payer la somme de 20.000 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive, la somme de 3.000 euros au titre des frais irrépétibles ainsi que les entiers dépens.

Pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, il convient de se reporter à leurs écritures et observations orales conformément aux dispositions de l’article 455 du Code de procédure civile.

L’affaire a été mise en délibéré par mise à disposition au greffe au 7 décembre 2023, puis prorogée au 18 janvier 2024.

MOTIFS DE LA DECISION:

Sur la liquidation de l’astreinte provisoire

L’article L 131-3 du Code des procédures civiles d’exécution dispose que l’astreinte, même définitive, est liquidée par le juge de l’exécution, sauf si le juge qui l’a ordonnée reste saisi de l’affaire ou s’en est expressément réservé le pouvoir.

Selon l’article L. 131-4 du même code, le montant de l’astreinte provisoire est liquidé en tenant compte du comportement de celui à qui l’injonction a été adressée et des difficultés qu’il a rencontrées pour l’exécuter, la charge de la preuve de la constatation de l’inexécution ou de l’exécution tardive incombant en principe à la partie qui demande cette liquidation, le débiteur de l’obligation étant en revanche tenu de justifier de ce que l’obligation prescrite a été correctement exécutée, étant précisé qu’il appartient au juge de l’exécution d’apprécier les difficultés auxquelles a pu être confronté le débiteur de l’astreinte et le cas échéant l’existence d’une cause étrangère.

Selon les termes de l’article R. 131-1 du Code des procédures d’exécution, l’astreinte prend effet à la date fixée par le juge, laquelle ne peut pas être antérieure au jour où la décision portant obligation est devenue exécutoire.

Par un jugement du 10 février 2022 devenu définitif, le juge de l’exécution de ce tribunal a enjoint à la société [U] de produire l’ensemble des documents et bilans comptables de ses exercices 2019 et 2020 dans un délai de 8 jours suivant la signification du jugement, sous astreinte de 500 euros par jour de retard passé ce délai, et ce, pour une durée de 4 mois.

Ce jugement a été notifié par le greffe à la société [U] par une lettre recommandée avec accusé de réception du 10 février 2022 reçue le 14 février 2022. La décision est donc exécutoire depuis cette date.

Toutefois, le juge ayant fixé l’astreinte a prévu qu’elle ne commencerait à courir qu’à l’issue d’un délai de 8 jours suivant la signification de la décision.

La société SCB reconnaît qu’elle n’a pas fait procéder à la signification du jugement du 10 février 2022 en faisant appel à un commissaire de justice.

Or, en l’absence de cette formalité qui se distingue de la notification effectuée par le greffe et qui constitue une modalité particulière fixée par le juge, le délai de 8 jours prévu pour produire l’ensemble des documents et bilans comptables des exercices 2019 et 2020 n’a jamais commencé à courir, non plus que l’astreinte assortissant cette obligation.

Par suite, la société SCB doit être déboutée de sa demande de liquidation de l’astreinte provisoire.

Sur les demandes de dommages et intérêts

En vertu de l’article L. 121-3 du Code des procédures civiles d’exécution, le juge de l’exécution a le pouvoir de condamner le débiteur à des dommages-intérêts en cas de résistance abusive.

L’article 32-1 du Code de procédure civile dispose que celui qui agit en justice de manière dilatoire ou abusive peut être condamné à une amende civile d’un maximum de 10.000 euros, sans préjudice des dommages-intérêts qui seraient réclamés.

La société SCB invoque la résistance abusive de la société [U] à communiquer les documents demandés par le commissaire de justice en méconnaissance de son obligation de renseignement ainsi que sa légèreté blâmable dans l’exécution du jugement du juge de l’exécution du 10 février 2022. Elle sollicite l’octroi de la somme de 5.000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice.

Il y a lieu de constater que la société [U] a déjà été condamnée à payer à la société SCB la somme de 10.000 euros à titre de dommages et intérêts pour ne pas avoir fourni, en sa qualité de tiers saisi, les pièces justificatives demandées par l’huissier instrumentaire dans le cadre de la saisie-attribution pratiquée le 9 octobre 2020.

En outre, et compte tenu de l’issue donnée au présent litige, la nouvelle demande de dommages et intérêts présentée par la société SCB pour résistance abusive à produire les documents demandés ne peut qu’être rejetée.

La société [U] sollicite, à titre reconventionnel, l’allocation d’une somme de 20.000 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive considérant que la présente procédure en liquidation d’astreinte a été introduite avec une légèreté blâmable et que la société SCB tente de “battre monnaie” à son préjudice.

La condamnation à des dommages et intérêts pour procédure abusive suppose que soit caractérisée la faute de la partie perdante faisant dégénérer en abus l’exercice du droit d’ester en justice.

En l’espèce, il n’est pas démontré que la saisine du juge de l’exécution par la société SCB procèderait d’une intention de nuire ou d’une quelconque légèreté blâmable, l’appréciation inexacte qu’une partie fait de ses droits n’étant pas constitutive d’une faute.

La société [U] ne justifiant pas du caractère abusif de la procédure diligentée par la société SCB, il y a lieu de la débouter de sa demande de dommages et intérêts.

Sur les dépens et l’application de l’article 700 du code de procédure civile

La société SCB, partie perdante, supportera la charge des entiers dépens de l’instance.

L’équité commande de ne pas faire application des dispositions de l’article 700 du Code de procédure civile.

La présente décision est de plein droit exécutoire à titre provisoire en application des dispositions des articles 514 et 514-1 du Code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

Le juge de l’exécution, statuant publiquement par mise à disposition au greffe, par jugement contradictoire et en premier ressort,

DÉBOUTE la société SCB de sa demande de liquidation de l’astreinte provisoire et de sa demande de dommages et intérêts.

DÉBOUTE la société [U] de sa demande reconventionnelle de dommages et intérêts pour procédure abusive.

DIT n’y avoir lieu à application des dispositions de l’article 700 du Code de procédure civile.

REJETTE toute autre demande.

CONDAMNE la société SCB au paiement des entiers dépens.

CONSTATE l’exécution provisoire de plein droit la présente décision.

LE GREFFIERLE JUGE DE L’EXECUTION

 


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