Saisie-attribution : décision du 21 mars 2023 Cour d’appel de Besançon RG n° 21/01144

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Saisie-attribution : décision du 21 mars 2023 Cour d’appel de Besançon RG n° 21/01144

21 mars 2023
Cour d’appel de Besançon
RG n°
21/01144

ARRÊT N°

FD/FA

COUR D’APPEL DE BESANÇON

– 172 501 116 00013 –

ARRÊT DU 21 MARS 2023

PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE ET COMMERCIALE

Contradictoire

Audience publique du 17 janvier 2023

N° de rôle : N° RG 21/01144 – N° Portalis DBVG-V-B7F-EMQG

S/appel d’une décision du TJ HORS JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP DE BELFORT en date du 03 juin 2021 [RG N° 20/00054]

Code affaire : 50Z Autres demandes relatives à la vente

SARL CREA HOME C/ [P] [T], [Y] [C], BANQUE POPULAIRE ALSACE LORRAINE CHAMPAGNE

PARTIES EN CAUSE :

SARL CREA HOME prise en la personne de son gérant en exercice

Sise [Adresse 2] – inscrite au RCS de Mulhouse sous le numéro 481 179 463

Représentée par Me Ludovic PAUTHIER de la SCP DUMONT – PAUTHIER, avocat au barreau de BESANCON

APPELANTE

ET :

Monsieur [P] [T]

né le 27 Juin 1952 à [Localité 6], de nationalité française, avocat,

demeurant [Adresse 4]

Représenté par Me Sylvie MARCON-CHOPARD, avocat au barreau de BELFORT

Monsieur [Y] [C]

né le 31 Janvier 1962 à [Localité 5], de nationalité française,

demeurant [Adresse 3]

Représenté par Me Sylvie MARCON-CHOPARD, avocat au barreau de BELFORT

BANQUE POPULAIRE ALSACE LORRAINE CHAMPAGNE venant aux droits de la BANQUE POPULAIRE D’ALSACE, agissant poursuites et diligences de son Directeur Général domicilié en cette qualité audit siège, inscrite au RCS de Metz sous le numéro 356 801 571

Sise [Adresse 1]

Représentée par Me Delphine GROS de la SELARL AITALI -GROS-CARPI-LE DENMAT-DE BUCY-BECHARI, avocat au barreau de BESANCON

INTIMÉS

COMPOSITION DE LA COUR :

Lors des débats :

PRÉSIDENT : Monsieur Michel WACHTER, Président de chambre.

ASSESSEURS : Mesdames Bénédicte MANTEAUX et Florence DOMENEGO, conseillers.

GREFFIER : Madame Fabienne ARNOUX, Greffier.

Lors du délibéré :

PRÉSIDENT : Monsieur Michel WACHTER, Président de chambre

ASSESSEURS : Mesdames Bénédicte MANTEAUX, conseiller et Florence DOMENEGO, magistrat rédacteur.

L’affaire, plaidée à l’audience du 17 janvier 2023 a été mise en délibéré au 21 mars 2023. Les parties ont été avisées qu’à cette date l’arrêt serait rendu par mise à disposition au greffe.

**************

FAITS ET PRÉTENTIONS DES PARTIES :

Selon contrat en date du 20 mai 2011, la SARL CREA HOME a vendu à M. et Mme [M] un kit de construction d’une maison en bois, dont elle a sollicité la fabrication à la SAS [C] BÂTIMENT pour un montant de 45 182,41 euros selon devis en date du 8 février 2012.

En suite de difficultés apparues dans l’exécution par la SAS [C] BATIMENT de ses obligations, le juge des référés du tribunal de grande instance de Mulhouse a condamné la SAS [C] BATIMENT à livrer le kit de construction sous astreinte de 1 000 euros par jour de retard à compter de la signification, par ordonnance en date du 26 juillet 2012.

Par jugement en date du 25 avril 2014, l’astreinte a été liquidée par le juge de l’exécution à la somme de 40 000 euros, pour la période du 27 juillet 2012 au 27 février 2013, somme réduite à 20 000 euros par arrêt de la cour d’appel de Colmar en date du 23 février 2015.

Le 16 mai 2014, à la demande de la BANQUE POPULAIRE ALSACE LORRAINE CHAMPAGNE, qui était créancière de la SARL CREA HOME en vertu d’un jugement du tribunal de grande instance de Mulhouse en date du 8 juillet 2013, Maître [S], huissier de justice à [Localité 7], a procédé à une saisie attribution entre les mains de la SAS [C] BATIMENT, représentée par M. [Y] [C], son président, et M. [T], son avocat.

La SAS [C] BATIMENT a été déclarée en redressement judiciaire le 3 décembre 2015, puis placée en liquidation judiciaire le 22 novembre 2016.

Le 12 janvier 2017, la SARL CREA HOME s’est vue signifier un commandement de saisie vente mentionnant la somme restant due à la BANQUE POPULAIRE ALSACE LORRAINE CHAMPAGNE, laquelle n’était réduite d’aucun fonds provenant de la saisie attribution précédemment pratiquée.

Estimant que, dans le cadre de cette saisie attribution, M. [Y] [C] et M. [P] [T],son avocat, avaient commis une faute engageant leur responsabilité extra contractuelle en ayant fait sciemment de fausses déclarations à l’huissier instrumentaire, la SARL CREA HOME a saisi le 1er mars 2019 le tribunal de grande instance de Strasbourg, qui s’est déclaré incompétent au profit du tribunal de grande instance de Belfort, lequel a, dans son jugement du 3 juin 2021 :

– débouté la SARL CREA HOME de ses demandes ;

– débouté M. [P] [T] de sa demande de dommages et intérêts pour atteinte à son honorabilité et à son intégrité professionnelle ;

– condamné la SARL CREA HOME à verser à M. [T] la somme de 2 500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;

– condamné la SARL CREA HOME à verser à M. [Y] [C] la somme de 2 500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;

– condamné la SARL CREA HOME à payer à la BANQUE POPULAIRE ALSACE LORRAINE CHAMPAGNE la somme de 1 500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;

– condamné la SARL CREA HOME aux dépens.

Pour se déterminer ainsi, les premiers juges ont retenu :

– que la SARL CREA HOME ne rapportait la preuve ni de la dissimulation qu’avait faite M. [T] des fonds dont il était détenteur sur son compte CARPA pour la SAS [C] BÂTIMENT ni de ses fausses déclarations ni de sa connivence avec son client ;

– que si M. [C] avait faussement déclaré qu’il avait versé 40 000 euros à son avocat et qu’il avait une saisie administrative à tiers détenteur, de telles déclarations ressortaient plus d’une erreur que de l’intention de nuire aux intérêts des créanciers ou d’empêcher la saisie ;

– qu’aucune faute n’était en conséquence établie à l’encontre de M. [T] et de M. [C] ;

– qu’aucune faute n’était au surplus établie à l’encontre de la SARL CREA HOME.

Par déclaration en date du 28 juin 2021, la SARL CREA HOME a relevé appel de cette décision et dans ses dernières conclusions transmises le 23 septembre 2021, elle demande à la cour de :

– infirmer le jugement en ce qu’il a :

– l’a déboutée de ses demandes ;

– l’a condamnée à verser à M. [T] une somme de 2 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

– l’a condamnée à verser à M. [C] une somme de 2500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

– l’a condamnée à verser à la BANQUE POPULAIRE ALSACE LORRAINE CHAMPAGNE une somme de 1.500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure – l’a condamnée aux dépens ;

– confirmer le jugement pour le surplus ;

– condamner en conséquence solidairement M. [C] et M. [T] à lui payer la somme de 20 000 euros avec intérêts légaux à dater du 23 février 2015 date à laquelle la somme était due ;

– débouter M. [C] et M. [T] de l’ensemble de leurs demandes ;

– déclarer le jugement à intervenir commun et opposable à la Banque Populaire Alsace Lorraine Champagne ;

– condamner solidairement M. [C] et M. [T] à lui payer la somme de 3 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

– condamner solidairement M. [C] et M. [T] aux dépens.

A l’appui de ses demandes, la SARL CREA HOME fait principalement valoir que M. [C] et M. [T] ont fait sciemment de fausses déclarations à l’huissier instrumentaire ; que leur responsabilité aurait dû être engagée sur le fondement de l’article R 211-5 du code des procédures civiles d’exécution par le créancier poursuivant ; qu’elle est de ce fait recevable à rechercher leur responsabilité délictuelle de droit commun dès lors qu’elle ne peut plus espérer l’exécution de la saisie attribution au profit de la Banque Populaire compte-tenu de la liquidation de la SAS [C] BATIMENT et qu’elle présente en conséquence un préjudice à hauteur de 20 000 euros.

Dans leurs dernières conclusions transmises le 20 décembre 2021, M. [T] et M. [C] demandent à la cour de :

– confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions ;

– condamner la SARL CREA HOME à leur payer la somme complémentaire de 3 500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;

– condamner la SARL CREA HOME aux dépens de première instance et d’appel.

M. [T] et M. [C] font principalement valoir que si des fonds ont bien été remis sur le compte CARPA de Maître [T] en février 2014, ces derniers ont cependant été transférés à la SAS [C] BATIMENT le 24 avril 2014 et donc décaissés avant la demande en liquidation de l’astreinte ; que Me [T] n’a été dépositaire d’aucun autre fonds pour le compte de la SAS [C] BÂTIMENT ; qu’il n’a donc commis aucune faute ; qu’il n’a répondu à l’huissier instrumentaire qu’au regard des éléments dont il se souvenait sans volonté de mentir et que la présente action porte atteinte à son honorabilité.

Ils soutiennent également que si M. [C] a déclaré que la somme de 40 000 euros avait été déposée sur le compte CARPA, cette déclaration inexacte n’a cependant pas été réalisée intentionnellement ; qu’elle s’est effectuée qu’au regard des informations dont il disposait, étant rappelé que la société employait 150 personnes et disposait d’un service administratif dédié ; et qu’il n’a en conséquence commis aucune faute.

Dans ses dernières conclusions transmises le 20 décembre 2021, la BANQUE POPULAIRE ALSACE LORRAINE CHAMPAGNE demande à la cour de :

– confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions ;

– condamner la SARL CREA HOME à lui payer la somme de 1 500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile et les dépens.

La banque fait principalement valoir que faute de fonds présents, la saisie-attribution qu’elle avait fait diligenter s’était avérée infructueuse et qu’elle n’avait ainsi appréhendé aucune somme.

Pour l’exposé complet des moyens des parties, la cour se réfère à leurs dernières conclusions susvisées, conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile.

L’ordonnance de clôture a été rendue le 27 décembre 2022.

MOTIFS DE LA DÉCISION :

Il sera constaté à titre liminaire que le jugement déféré n’est pas remis en cause s’agissant du rejet de la demande de dommages et intérêts formée en première instance par M. [T].

La société CREA HOME recherche la responsabilité extra contractuelle de M. [T] et de M. [C].

Aux termes de l’article 1382 du code civil, dans sa rédaction applicable à la cause, tout fait quelconque de l’homme qui cause à autrui un dommage oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer, à charge pour le demandeur de rapporter la preuve d’une faute, d’un préjudice et d’un lien de causalité.

En l’espèce, une procédure de saisie attribution a été diligentée le 16 mai 2014 par la Banque Populaire à l’encontre de la SAS [C] BATIMENT au titre des sommes dont cette dernière restait redevable à la SARL CREA HOME, sa débitrice, et un acte de saisie a ainsi été signifié d’une part à la personne de M. [C], son président, lequel a déclaré ‘ les 40 000 euros ont été versés à notre avocat, Maître [P] [T], de [Localité 6]. Nous avons déjà une opposition antérieure des impôts’, et d’autre part à M. [T], lequel a déclaré ‘je tiens compte de votre intervention- je tiens à signaler que la société [C] a fait appel de cette décision.’

Si la SARL CREA HOME fait grief aux premiers juges de ne pas avoir déduit de ces déclarations la faute commise par M. [C] et M. [T] à son encontre, ces derniers ont cependant rappelé à raison que l’appelante ne rapportait pas la preuve du caractère mensonger des déclarations ainsi faites.

Aucun élément ne vient en effet établir que les déclarations faites par M. [T] auraient été erronées, dès lors que le jugement du juge de l’exécution faisait effectivement l’objet d’un appel devant la cour d’appel de Colmar, laquelle infirmera le montant de l’astreinte liquidée dans son arrêt du 23 février 2015.

M. [T] n’a pas plus manqué aux obligations posées par l’article R 211-5 du code des procédures civiles d’exécution à l’égard du créancier saisissant, dès lors qu’il n’était ni le débiteur saisi, à défaut de tout titre détenu par la Banque Populaire ou la SARL CREA HOME à son encontre, ni le tiers saisi, aucun élément ne venant établir qu’il aurait été le débiteur personnel de la SAS [C] BATIMENT.

En effet, si M. [T] a certes reçu pour le compte de la SAS [C] BATIMENT la somme de 17 723,43 euros par l’intermédiaire de Mme [Z], huissier de justice, le 25 février 2014, cette somme a fait l’objet d’un versement sur le compte CARPA, conformément aux dispositions des articles 53-9° de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 et 235-2 du décret n°91-1197 du 27 novembre 1991, de telle sorte que la saisie attribution ne pouvait être pratiquée qu’entre les mains du président de cet organisme, avec dénonciation à M. [T] au titre de son sous-compte affaires, démarche que l’huissier de justice mandaté par la SARL CREA HOME n’a aucunement réalisée.

Les pièces produites par M. [T] mettent par ailleurs en exergue qu’une demande de décaissement au profit de la SAS [C] BATIMENT a été enregistrée le 24 avril 2014 et réalisée par la CARPA le 29 avril 2014, de telle sorte qu’au jour de la saisie attribution, cet avocat ne disposait plus d’aucun fonds, ce que la Banque Populaire confirme dans ses conclusions, et qu’il n’a de fait commis aucune dissimulation de la situation financière de son client, a fortiori avec la connivence de ce dernier.

La faute imputée par l’appelante à M. [T] n’est en conséquence pas démontrée.

Quant aux déclarations imputées à M. [C], il convient de relever qu’elles ont été faites parl’intéressé, non à titre personnel, mais en sa qualité de représentant légal de la SAS [C] BATIMENT, dont il était le président.

Or, pour voir sa responsabilité personnelle recherchée à l’égard des tiers, le président de la SAS, tout comme les administrateurs et directeurs généraux des SA, doit avoir commis une faute intentionnelle d’une particulière gravité, incompatible avec l’exercice normal de ses fonctions sociales. (Cass com 20 mai 2003 n° 17.092).

Or, en l’état, comme l’ont retenu à juste titre les premiers juges, si M. [C] a certes indiqué de manière erronée que la somme de 40 000 euros avait été versée à son avocat, aucun élément ne vient cependant établir qu’une telle déclaration a été réalisée sciemment dans le but de nuire aux intérêts du créancier ou d’empêcher la saisie, alors même que la taille de la société et la présence d’un service administratif dédié pouvaient légitimement conduire son président à ne pouvoir délivrer, sur simple interpellation de l’officier ministériel, une réponse exacte de l’état réel des avoirs et des dettes de la société.

Il n’est pas plus démontré par l’appelante, alors qu’une telle charge de la preuve lui incombe, que M. [C] aurait commis une faute séparable de ses fonctions sociales et qui lui soit imputable personnellement.

Enfin, s’agissant du préjudice invoqué, la Banque Populaire a rappelé dans ses conclusions que la saisie attribution diligentée le 16 mai 2014 était de toute façon infructueuse, de telle sorte qu’indépendamment des déclarations faites par les deux intimés, elle n’aurait pu procéder à aucune appréhension de fonds permettant de la désintéresser partiellement de la créance qu’elle détenait sur la SARL CREA HOME.

La SARL CREA HOME disposait par ailleurs de la possibilité de procéder elle-même à la saisie des sommes dont restait débitrice à son égard la SAS [C] BATIMENT en suite de l’arrêt du 23 février 2015, démarche que cette dernière ne justifie pas avoir engagée préalablement à la procédure collective, puis postérieurement par une déclaration de créance entre les mains du liquidateur.

C’est donc à bon droit qu’en l’absence de faute et de préjudice démontrés, les premiers juges ont débouté la SARL CREA HOME de sa demande de dommages et intérêts à l’encontre de M. [C] et de M. [T].

Le jugement entrepris sera en conséquence confirmé de ce chef.

PAR CES MOTIFS :

La cour, statuant contradictoirement, après débats en audience publique et en avoir délibéré conformément à la loi, :

– Confirme le jugement du tribunal judiciaire de Belfort en date du 3 juin 2021 en toutes ses dispositions ;

– Condamne la SARL CREA HOME aux dépens d’appel ;

– Et vu l’article 700 du code de procédure civile, condamne la SARL CREA HOME à payer à M. [P] [T] et à M. [Y] [C] la somme de 3 000 euros et à la BANQUE POPULAIRE ALSACE LORRAINE CHAMPAGNE la somme de 1 500 euros et déboute la SARL CREA HOME de sa demande présentée sur le même fondement.

Ledit arrêt a été signé par Michel Wachter, président de chambre, magistrat ayant participé au délibéré et Fabienne Arnoux, greffier.

Le greffier, Le président,

 


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