Saisie-attribution : décision du 21 mars 2023 Cour d’appel d’Aix-en-Provence RG n° 19/14717

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Saisie-attribution : décision du 21 mars 2023 Cour d’appel d’Aix-en-Provence RG n° 19/14717

21 mars 2023
Cour d’appel d’Aix-en-Provence
RG n°
19/14717

COUR D’APPEL D’AIX-EN-PROVENCE

Chambre 1-1

ARRÊT AU FOND

DU 21 MARS 2023

N° 2023/ 115

Rôle N° RG 19/14717 – N° Portalis DBVB-V-B7D-BE44R

SCI SAINT CLAIR

C/

SCP MOUTON LE FLOCH

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

Me Pascal ALIAS

Me Jean-mathieu LASALARIE

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Tribunal de Grande Instance d’AIX EN PROVENCE en date du 05 Septembre 2019 enregistré(e) au répertoire général sous le n° 17/06530.

APPELANTE

SCI SAINT CLAIR agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés es qualité audit siège.

demeurant [Adresse 2]

représentée par Me Pascal ALIAS, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE substitué par Me Annie PROSPERI, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE

INTIMEE

SCP MOUTON LE FLOCH,

demeurant [Adresse 1]

représentée par Me Jean-mathieu LASALARIE de l’ASSOCIATION WILSON/DAUMAS, avocat au barreau de MARSEILLE, substitué par Me Karla GANZ, avocat au barreau de MARSEILLE

PARTIE(S) INTERVENANTE(S)

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

L’affaire a été débattue le 14 Février 2023 en audience publique devant la cour composée de :

Monsieur Olivier BRUE, Président

Mme Danielle DEMONT, Conseiller

Madame Louise DE BECHILLON, Conseillère

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Madame Céline LITTERI.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 21 Mars 2023.

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 21 Mars 2023,

Signé par Monsieur Olivier BRUE, Président et Madame Céline LITTERI, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES :

La SCI Saint Clair reproche à la SCP Mouton Le Floch, huissiers de justice, de ne pas avoir dénoncé en temps utile à l’huissier instrumentaire, une assignation en contestation devant le juge de l’exécution, d’une saisie-attribution pratiquée à la demande de M. et Mme. [O] le 6 juillet 2016, entre les mains du notaire chargé de la vente de leur bien immobilier.

Elle précise qu’en raison de l’irrégularité de la procédure de contestation de la saisie-attribution, elle a dû transiger avec l’autre partie qui a obtenu l’attribution de la somme de 80.000 euros, sur les 168.500 euros consignés sur le compte-séquestre et le désistement de son pourvoi en cassation.

Vu l’assignation du 27 septembre 2017, par laquelle la SCI Saint Clair a fait citer la SCP Mouton Le Floch, huissiers de justice devant le tribunal de grande instance d’Aix en Provence.

Vu le jugement rendu le 5 septembre 2019, par cette juridiction ayant:

– Dit que la faute de la SCP Mouton Le Floch engageant sa responsabilité n’est pas démontrée.

– Débouté la SCI Saint Clair de l’ensemble de ses demandes.

– Condamné la la SCI Saint Clair à verser à la SCP Mouton Le Floch la somme de 3.000 €, en vertu de l’article 700 du code de procédure civile.

– Condamné la SCI Saint Clair aux dépens.

Vu la déclaration d’appel du 19 septembre 2019, par la SCI Saint Clair.

Vu les conclusions transmises le 13 avril 2021, par l’appelante.

Elle souligne que la dénonce de la contestation d’une saisie-attribution, le même jour que sa signification, à l’huissier de justice qui a procédé à la saisie, par lettre recommandée avec demande d’avis de réception, est une formalité prévue, à peine d’irrecevabilité de la contestation, par l’article R. 211-11 du code des procédures civiles d’exécution, dans sa version applicable au cas d’espèce, dont seule la partie qui était chargée de l’exécuter, doit prouver qu’elle a été régulièrement accomplie. Elle ajoute que malgré plusieurs demandes, la SCP Mouton Le Floch n’a jamais adressé la preuve de l’envoi, « le même jour » par courrier recommandé avec accusé de réception, de cette dénonce.

La SCI Saint Clair fait valoir qu’en vertu des dispositions de l’article 1315, devenu 1353 du code civil, il appartient à la partie à laquelle est opposée l’inobservation d’une formalité, de rapporter la preuve que celle-ci a été régulièrement accomplie et que mettre à sa charge, la preuve du défaut de dénonce dans le délai prescrit, revient à lui demander une preuve négative, impossible à rapporter.

Elle expose que transmis sur l’injonction du conseiller de la mise en état par ordonnance rendue 2 décembre 2020,la preuve de dépôt tamponnée par la Poste concernant l’envoi de ce courrier porte la date du 5 août 2016,soit le lendemain de la signification de la contestation de saisie-attribution.

Selon elle, la cour d’appel de Montpellier ne pouvait requalifier et annuler le bail, dès lors que la loi du 6 juillet 1989, sur les baux d’habitation instaure un ordre public de protection et non de direction. Il lui était donc possible d’obtenir, selon elle, sur renvoi de cassation, la condamnation des locataires au paiement de la somme de 74’650 €, au titre des arriérés de loyer. Elle ajoute que l’octroi d’un droit d’usage d’habitation reconnu par la cour d’appel ne pouvait faire l’objet de restitution des loyers versés, dès lors qu’aucun élément ne permet de démontrer qu’il était gratuit.

L’appelante estime que la saisie-attribution n’était pas fondée, dès lors qu’aucune condamnation au remboursement de loyers n’était mentionnée dans l’arrêt mis à exécution par les époux [O].

La SCI Saint Clair affirme qu’un lien de causalité direct existe entre la faute de l’huissier et la nécessité de signer une transaction défavorable à ses intérêts, afin d’obtenir la mainlevée de la saisie-attribution.

Vu les conclusions transmises le 14 février 2020, par la SCP Mouton Le Floch.

Elle observe que la SCI Saint Clair n’apporte pas la preuve qui lui incombe que l’envoi de la notification de l’assignation devant le juge de l’exécution à l’huissier de justice est intervenu tardivement et donc de l’existence d’une faute.

La SCP Mouton Le Floch soutient subsidiairement que les préjudices allégués n’ont aucun lien de causalité direct avec la faute qui lui est reprochée. Elle observe que l’assignation demandait la mainlevée partielle de la saisie-attribution à concurrence de la somme de 75’650 € et que la transaction prévoyant le versement au profit des époux [O] de la somme de 80’000 € à titre indemnitaire, ainsi que la renonciation au pourvoi en cassation, dont l’issue devait être forcément favorable selon l’appelante, ne fait pas mention de l’irrecevabilité de la contestation de la saisie-attribution.

Vu l’ordonnance de clôture rendue le 24 janvier 2023.

SUR CE

Estimant que l’huissier de justice a commis une faute en ne notifiant pas l’assignation en contestation de la saisie-attribution à l’huissier instrumentaire dans le délai de l’article R. 211-11 du code des procédures civiles d’exécution, dans sa version alors applicable, la SCI Saint Clair réclame, sur le fondement de la responsabilité civile délictuelle du mandataire, la condamnation de la SCP Mouton Le Floch à lui payer des dommages et intérêts, correspondant au montant remis aux époux [O], ainsi qu’à l’indemnisation de la perte de chance d’avoir gain de cause devant la cour de cassation et d’avoir pu exécuter le jugement rendu le 15 juillet 2016 à son profit.

L’huissier de justice et son client sont liés par un contrat de mandat.

L’article 1991 du code civil édicte que le mandataire répond des dommages-intérêts qui pourraient résulter de l’inexécution de son mandat.

L’article 1992 précise qu’il répond des fautes commises dans sa gestion.

Les huissiers de justice sont tenus, par les devoirs de leur charge, à mettre en ‘uvre tous les soins et diligences pour assurer, dans les conditions prescrites par la loi, l’exercice de leur mandat.

La faute de l’huissier peut ainsi résulter du non-respect des délais, impartis par la loi.

Il apparaît, au vu de la preuve d’envoi produite que l’assignation délivrée le 4 août 2016 à la demande de la SCI Saint Clair, en contestation devant le juge de l’exécution de la saisie-attribution effectuée le 6 juillet 2016, entre les mains du notaire chargé de vendre son bien immobilier, n’a été dénoncée à la SCP Bringuier Caussil, huissiers de justice l’ayant pratiquée, que le lendemain, soit par lettre recommandée avec avis de réception postée le 5 août 2016 et reçue le 8 août 2016 et ce, en violation des dispositions de l’article R. 211-11 du code des procédures civiles d’exécution.

Le défaut de dénonciation, le jour même, de la signification de la contestation de la saisie-attribution au créancier saisissant est sanctionnée par l’irrecevabilité de la contestation.

Il est ainsi établi qu’en ne procédant pas le jour même de la délivrance de l’assignation à l’envoi de sa dénonciation à l’huissier instrumentaire de la saisie-attribution, la SCP Mouton Le Floch a commis une faute professionnelle.

Il incombe au demandeur en dommages-intérêts d’apporter la preuve de l’existence d’un préjudice certain en lien direct avec la faute.

La SCI Saint Clair affirme avoir été contrainte de conclure une transaction en l’état de l’irrégularité de la contestation de la saisie-attribution.

Il y a cependant lieu de constater que dans le rappel des faits et des procédures intervenues entre les parties, de la transaction datée du 4 novembre 2016, il est mentionné que la saisie-attribution est contestée devant le juge de l’exécution de Montpellier, sans faire état de son irrecevabilité, comme un motif de l’accord.

Ce document précise que la transaction entend régler l’intégralité des litiges opposant les parties, révélant qu’elle s’inscrit dans un cadre plus large que celui de la seule saisie-attribution pratiquée le 6 juillet 2016.

Si la transaction prévoit le désistement du pourvoi en cassation formé à l’encontre de l’arrêt rendu au fond le 16 février 2016 par la cour d’appel de Montpellier, le lien entre le sort de cette décision et la poursuite de la procédure en contestation de la saisie-attribution n’est pas établi, alors que les appelants soutiennent dans leurs propres conclusions que ce recours avait de fortes chances de prospérer et devait leur permettre d’obtenir une condamnation au paiement de loyers en leur faveur, dans le cadre de la procédure de renvoi sur cassation.

La société appelante ne fournit par ailleurs pas d’éléments juridiques précis et circonstanciés de nature à démontrer que l’arrêt rendu par la cour d’appel de Montpellier ayant annulé le contrat de bail les liant aux époux [O], avait de grandes chances de faire l’objet d’une cassation.

Si la SCI Saint Clair a accepté de renoncer à l’exécution du jugement rendu le 15 juillet 2016, par le juge de l’exécution de Montpellier, dans le cadre de la contestation d’une opposition pratiquée le 4 mai 2016 entre les mains du notaire, ayant condamné les époux [O] à lui payer la somme de 4 000 € à titre de dommages-intérêts et celle de 2000 €, en application de l’article 700 du code de procédure civile, il apparaît que cette procédure concernant, certes les mêmes parties et le même litige, est totalement distincte de la saisie-attribution pratiquée le 6 juillet 2016.

La saisie-attribution pratiquée le 6 juillet 2016 entre les mains du notaire chargé de la vente du bien la SAS Casa Immobilier mobilier appartenant à la SCI Saint Clair portait sur la somme de 158’470,82 €.

L’assignation en contestation de cette saisie délivrée le 4 août 2016, a sollicité la mainlevée partielle de la saisie à hauteur de 75’650,56 €, la reconnaissant donc à priori valable à concurrence de la différence, soit 81’820,26 €, ce alors même qu’elle a réclamé la consignation du surplus.

Le protocole transactionnel prévoit que les époux [O] donnent mainlevée partielle de la saisie-attribution pratiquée le 6 juillet 2016 et sollicitent, ce qui est accepté par la SCI Saint Clair, l’attribution de la somme de 80’000 € à leur profit, le solde des sommes saisies entre les mains de la SCP de notaires revenant à la SCI Saint Clair.

Il précise que les sommes sont versées à titre d’indemnités réciproques.

Ses termes sont contradictoires en ce qu’il comporte le désistement définitif d’actions en justice qui n’est pas contesté , ni remis en cause et mentionne par ailleurs qu’il est conclu sans reconnaissance par l’une quelconque des parties du bien ou mal fondé des prétentions de chacune.

Il apparaît ainsi que la société appelante devait bénéficier de la somme de 78’470,82€, supérieure au montant réclamé dans le cadre de la mainlevée partielle de la saisie-attribution et intégrant de fait l’essentiel des condamnations visées dans le jugement rendu le 15 juillet 2016 par le juge de l’exécution.

Dans ces conditions l’existence d’un préjudice certain et d’un lien de causalité direct entre la faute et celui-ci ne sont pas démontrés.

Les demandes formées par la SCI Saint Clair sont, en conséquence, rejetées.

Le jugement est confirmé.

Il y a lieu de faire application de l’article 700 du code de procédure civile.

La partie perdante est condamnée aux dépens, conformément aux dispositions de l’article 696 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La Cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire et en dernier ressort,

Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions,

Y ajoutant,

Condamne la SCI Saint Clair à payer à la SCP Mouton Le Floch, la somme de 3 000 €, en application de l’article 700 du Code de procédure civile,

Condamne la SCI Saint Clair aux dépens d’appel qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.

LE GREFFIER LE PRESIDENT

 


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