Saisie-attribution : décision du 23 mars 2023 Cour d’appel de Versailles RG n° 22/05719

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Saisie-attribution : décision du 23 mars 2023 Cour d’appel de Versailles RG n° 22/05719

23 mars 2023
Cour d’appel de Versailles
RG n°
22/05719

COUR D’APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 78F

16e chambre

ARRET N°

CONTRADICTOIRE

DU 23 MARS 2023

N° RG 22/05719 – N° Portalis DBV3-V-B7G-VNBK

AFFAIRE :

[U], [K] [X]

C/

[W] [N] divorcée [X]

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 05 Septembre 2022 par le Juge de l’exécution de PONTOISE

N° RG : 21/05194

Expéditions exécutoires

Expéditions

Copies

délivrées le : 23.03.2023

à :

Me Véronique FAUQUANT de la SCP PETIT MARCOT HOUILLON, avocat au barreau de VAL D’OISE

Me Stéphane LIN de la SELARL SELARL GRIMBERG ET ASSOCIÉS, avocat au barreau de VAL D’OISE

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE VINGT TROIS MARS DEUX MILLE VINGT TROIS,

La cour d’appel de Versailles a rendu l’arrêt suivant dans l’affaire entre :

Monsieur [U], [K] [X]

né le [Date naissance 4] 1944 à [Localité 7]

de nationalité Française

[Adresse 6]

[Localité 5]

Représentant : Me Véronique FAUQUANT de la SCP PETIT MARCOT HOUILLON, Postulant, avocat au barreau de VAL D’OISE, vestiaire : 100 – N° du dossier 2101634 – Représentant : Me Claude HYEST, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : E0103

APPELANT

****************

Madame [W] [N] divorcée [X]

née le [Date naissance 2] 1955 à [Localité 8]

de nationalité Française

[Adresse 3]

[Localité 1]

Représentant : Me Stéphane LIN de la SELARL SELARL GRIMBERG ET ASSOCIÉS, Postulant, avocat au barreau de VAL D’OISE, vestiaire : 98 – N° du dossier 2022114 – Représentant : Me Sandra ELMALEH, Plaidant, avocat au barreau de GRASSE, vestiaire : 270

INTIMÉE

****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l’article 805 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue à l’audience publique du 15 Février 2023 les avocats des parties ne s’y étant pas opposés, devant Madame Caroline DERYCKERE, Conseiller chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Fabienne PAGES, Président,

Madame Caroline DERYCKERE, Conseiller,

Madame Florence MICHON, Conseiller,

Greffier, lors des débats : Mme Mélanie RIBEIRO,

EXPOSÉ DU LITIGE

En vertu d’une ordonnance de non-conciliation du juge aux affaires familiales du tribunal de grande instance de Grasse du 28 mai 2018 et d’un jugement rectificatif en date du 3 décembre 2018, Mme [W] [N] a fait dénoncer le 24 septembre 2021 à M [U] [X], un procès-verbal de saisie-attribution en date du 17 septembre 2021 puis le 28 octobre 2021, un procès-verbal de saisie-attribution en date du 21 octobre 2021, que M [X] a successivement contestés devant le juge de l’exécution de Pontoise par assignations du 18 octobre 2021 et du 25 novembre 2021 pour défaut de titre exécutoire susceptible de fonder les poursuites pour les montants réclamés a savoir respectivement les sommes de 21 681,80 euros et 10 204,15 euros.

Ces deux saisies ont été entièrement fructueuses.

Après jonction des deux procédures de contestation, le juge de l’exécution de Pontoise par jugement contradictoire du 5 septembre 2022 a :

déclaré irrecevables les contestations relatives aux saisies attribution des 17 septembre 2021 et 21 octobre 2021 ; 

condamné M. [X] à payer à Mme [N] la somme de 2 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

condamné M. [X] aux dépens ;

rappelé que l’exécution provisoire de la décision est de droit ;

débouté les parties de leurs demandes plus amples ou contraires. 

Le 12 septembre 2022, M [X] a interjeté appel du jugement.

Aux termes de ses dernières conclusions transmises au greffe le 4 novembre 2022, auxquelles il convient de se reporter pour l’exposé détaillé de ses prétentions et moyens, l’appelant demande à la cour de :

infirmer purement et simplement le jugement rendu par le juge de l’exécution du tribunal judiciaire de Pontoise le 5 septembre 2022 ;

Et statuant à nouveau :

juger nulle et de nul effet, la procédure de saisie-attribution diligentée à la requête de Mme [N] suivant procès-verbal de saisie-attribution du 17 septembre 2021 et dénonciation du procès-verbal de saisie-attribution du 24 septembre 2021 ;

juger nulle et de nul effet, la procédure de saisie-attribution diligentée à la requête de Mme [N] suivant procès-verbal de saisie-attribution du 21 octobre 2021 et dénonciation du procès-verbal de saisie-attribution du 28 octobre 2021 ;

ordonner la restitution des sommes principales de 21 681,80 euros et 10 204,15 euros ainsi que de tous frais et dépens qui ont été perçus par l’huissier poursuivant à raison du caractère exécutoire du jugement du juge de l’exécution du tribunal judiciaire de Pontoise en date du 5 septembre 2022 ;

condamner Mme [N] à payer à M. [X] la somme de 10 000 euros pour procédure abusive et injustifiée ;

condamner Mme [N] à payer à M. [X] la somme de 8 000 euros en vertu de l’article 700 du code de procédure civile ;

débouter Mme [N] de toute demande plus ample ou contraire ;

la condamner en tous les dépens de première instance et d’appel.

Par dernières conclusions transmises au greffe le 2 décembre 2022, auxquelles il convient de se reporter pour l’exposé détaillé de ses prétentions et moyens, Mme [N], intimée, demande à la cour de :

confirmer le jugement rendu le 5 septembre 2022 par le juge de l’exécution du tribunal judiciaire de Pontoise ;

débouter M. [X] de toutes ses demandes, fins et conclusions ;

prononcer la validité du procès-verbal de saisie-attribution du 17 septembre 2021 et dénoncé à M. [X] en date du 24 septembre 2021 ; 

prononcer la validité du procès-verbal de saisie-attribution du 21 octobre 2021 et dénoncé à M. [X] en date du 28 octobre 2021 ;

dire qu’il n’y aura pas lieu à restitution des sommes perçues par Mme [N] au titre des saisies-attributions ;

condamner M. [X] au paiement de la somme de 10 000 euros à titre de dommages et intérêts pour le préjudice matériel et moral subi par Mme [N] ; 

condamner M. [X] au paiement de la somme de 8 000 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens, en ce compris les frais relatifs à la saisie-attribution ;

condamner M. [X] de tous les dépens de première instance et d’appel. 

La clôture de l’instruction a été prononcée le 10 janvier 2023.

L’audience de plaidoirie a été fixée au 15 février 2023 et le prononcé de l’arrêt au 23 mars 2023 par mise à disposition au greffe de la cour, dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

MOTIFS DE LA DÉCISION

A titre liminaire la cour rappelle qu’en application des dispositions de l’article 954 du code de procédure civile, elle ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif, pour autant qu’elles sont soutenues par des moyens développés dans la discussion et ne répond aux moyens que pour autant qu’ils donnent lieu à une prétention correspondante figurant au dispositif des conclusions.

Sur la recevabilité des contestations

Le premier juge a sanctionné le défaut de production par le demandeur, des lettres de dénonciation des assignations en contestation des saisies à l’huissier poursuivant, auxquelles l’article R211-11 du code des procédures civiles d’exécution contraint le débiteur saisi de procéder par lettre recommandée avec accusé de réception le jour même de la délivrance de l’assignation ou au plus tard le premier jour suivant.

Devant la cour, l’appelant reconnaît la méprise, et produit les courriers justifiant du respect de la formalité prétendument omise. Mme [N], tout en concluant à la confirmation du jugement, ne soulève plus cette cause d’irrecevabilité mais argumente sur le fond en faveur de la validité de ses saisies.

Le jugement doit être infirmé en ce qu’il déclare les contestations irrecevables. La cour, investie de l’entier litige par l’effet dévolutif de l’appel statue sur le fond de la contestation.

Sur l’existence du titre exécutoire

M [X] fait valoir sans développer davantage son moyen que les deux saisies-attributions n’ont été précédées d’aucune mise en demeure ni signification des facture dont le paiement lui est réclamé, et qu’elles sont nulles pour « défaut de titre de paiement définitif portant sur des sommes liquides et exigibles ».

Mme [N] expose les circonstances dans lesquelles son mari a quitté le domicile conjugal du jour au lendemain sans explication, la laissant sans ressources, l’introduction de la procédure de divorce, et l’ordonnance de non-conciliation du 28 mai 2018 lui ayant attribué la jouissance gratuite du domicile conjugal à charge pour l’époux de prendre en charge toutes les charges courantes d’occupation du logement. M [X] ayant fait en sorte que toutes les factures soient adressées uniquement à son épouse, elle a été contrainte de faire préciser par jugement rectificatif du 3 décembre 2018, la liste des dépenses devant être qualifiées de charges courantes du logement mises expressément à la charge de M [X], à savoir : taxe d’habitation, assurance MACIF, EDF, Régie des eaux, Canal Belletrud, alarme télésurveillance, entretien jardin et piscine. Elle précise que toutes les factures comprises dans cette liste ont été adressées à M [X] avec des mises en demeure de payer les charges en question, préalablement à chaque saisie. D’ailleurs, le juge de l’exécution de Pontoise a eu l’occasion par jugement du 27 janvier 2020, de valider dans la limite de 4 750,59 €, une précédente saisie attribution du 1er mars 2019 qu’elle avait fait pratiquer pour avoir paiement d’une somme totale de 7020,08 €.

Elle se réfère également à un jugement du tribunal correctionnel de Grasse du 1er juin 2022 qui a déclaré M [X] coupable d’abandon de famille depuis mai 2018 pour être resté volontairement plus de 2 mois sans acquitter le montant des charges courantes du logement attribué à Mme [N], mises à sa charge par l’ordonnance de non-conciliation du 28 mai 2018.

M [X], n’a pas répliqué à cette argumentation qui contredit les affirmations ci-dessus rappelées portées dans ses premières conclusions.

Force est de constater que l’ordonnance de non-conciliation du 28 mai 2018 a clairement institué M [X] débiteur des charges du logement dont la jouissance gratuite a été attribuée à l’épouse, et que le jugement rectificatif du 3 décembre 2018, constatant le désaccord entre les parties sur la définition du terme charges courantes, occasionnant une difficulté d’exécution, l’a interprété en listant le type de factures qui devaient être réglées par M [X], à savoir, comme l’a relaté Mme [N], taxe d’habitation, assurance MACIF, EDF, Régie des eaux, Canal Belletrud, alarme télésurveillance, entretien jardin et piscine.

Il ne résulte d’aucune disposition de ces décisions que les sommes dues ne seraient exigibles qu’après une mise en demeure préalable de M [X]. Quoi qu’il en soit, Mme [N] produit toutes les mises en demeure adressées à M [X], soit directement soit en tentant l’intermédiation de leurs avocats respectifs.

En outre, la mesure étant justifiée par le fait que Mme [N], sans emploi s’était retrouvée démunie au départ brutal de son mari, s’il eût été préférable que M [X], rendu destinataire des factures les acquitte lui-même directement, il est parfaitement démontré que celui-ci ayant catégoriquement refusé de prendre part aux dépenses relatives à ce bien indivis, l’ensemble des factures servant de cause aux saisies-attributions a bien été réglé préalablement par Mme [N], qui justifie dès lors de sa qualité de créancière des sommes liquides et exigibles et bien comprises dans les prévisions de l’ordonnance du 28 mai 2018 telle que rectifiée par le jugement du 3 décembre 2018. Ces décisions régulièrement signifiées respectivement les 25 juin 2018 et 21 décembre 2018 conformément aux dispositions de l’article 503 du code de procédure civile, constituent donc des titres exécutoires permettant de fonder les saisies, de sorte que la contestation de M [X] non étayée plus spécifiquement, doit être rejetée. La demande de restitution des sommes appréhendées par chaque mesure de saisie ne peut qu’être rejetée.

Sur la demande de dommages et intérêts de Mme [N]

Mme [N] réitère en cause d’appel sa demande de réparation de son préjudice tant matériel que moral à hauteur de 10 000 €, sur le fondement de l’article 1240 du code civil, en reprochant le comportement procédurier de M [X], qui la contraint à de multiples démarches onéreuses et épuisantes moralement pour recouvrer les sommes qu’elle se trouve à devoir assumer à la place de ce dernier.

Cependant, il doit être rappelé que le juge de l’exécution (et la cour statuant en appel de ses décisions) n’a pas le pouvoir de délivrer un titre exécutoire, en dehors des cas où un texte le prévoit expressément. En l’occurrence, c’est l’article L121-3 du code des procédures civiles d’exécution qui lui donne le pouvoir de condamner le débiteur à des dommages et intérêts en cas de résistance abusive.

L’abus suppose la caractérisation d’une faute distincte de la seule résistance du débiteur à la mesure d’exécution pratiquée. Il doit être constaté au vu des pièces produites, que M [X], n’a jamais payé spontanément les charges litigieuses dont les deux décisions exécutoires l’ont rendu débiteur. Mis à part le fait qu’il ne veut plus avoir affaire à son ex-épouse, ce qui résulte de ses courriers, il n’a dans aucune procédure jamais clairement argumenté juridiquement sa position pour tenter de justifier sa résistance au paiement, y compris devant le tribunal correctionnel devant lequel il a été poursuivi pour abandon de famille, sur le fondement des dites charges du bien indivis occupé par Mme [N], étant cependant précisé que le jugement de condamnation n’est pas à ce jour définitif.

Il n’en demeure pas moins, que chaque demande amiable de paiement de la part de Mme [N] entraîne pour elle la nécessité de procéder à mesure d’exécution formée, qui sera contestée y compris en appel. Les mesures étant fructueuses, et les contestations rejetées, les factures finissent par être payées ainsi que les frais de saisie, mais avec un retard de plusieurs années.

Mme [N] démontre par conséquent le préjudice tant matériel que moral résultant des difficultés de recouvrement auxquelles l’expose systématiquement le comportement de M [X] dans un but exclusivement dilatoire.

En réparation, et par voie d’infirmation, il sera alloué à Mme [N] une somme de 5000 € à titre de dommages et intérêts.

M [X] supportera les dépens d’appel et l’équité commande d’allouer à Mme [N] la somme de 6000 € sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La Cour, statuant publiquement par décision contradictoire en dernier ressort,

INFIRME la décision entreprise en toutes ses dispositions ;

Statuant à nouveau,

Rejette les contestations de M [X] relatives aux saisies-attributions respectivement pratiquées à son préjudice des 17 septembre 2018 et 21 octobre 2018, qui, entièrement fructueuses devront jouer leur plein effet ;

Déboute M [U] [X] de toutes ses demandes ;

Condamne M [U] [X] à payer à Mme [W] [N] la somme de 5000 € à titre de dommages et intérêts pour résistance abusive ;

Condamne M [U] [X] à payer à Mme [W] [N] la somme de 6000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;

Condamne M [U] [X] aux dépens d’appel.

– prononcé par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

– signé par Madame Fabienne PAGES, Président et par Madame Mélanie RIBEIRO, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le greffier, Le président,

 


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