Saisie-attribution : décision du 23 mars 2023 Cour d’appel d’Aix-en-Provence RG n° 22/07781

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Saisie-attribution : décision du 23 mars 2023 Cour d’appel d’Aix-en-Provence RG n° 22/07781

23 mars 2023
Cour d’appel d’Aix-en-Provence
RG n°
22/07781

COUR D’APPEL D’AIX-EN-PROVENCE

Chambre 1-9

ARRÊT AU FOND

DU 23 MARS 2023

N° 2023/ 262

N° RG 22/07781 – N° Portalis DBVB-V-B7G-BJPM2

S.A.R.L. PHOCEENNE DE CONSTRUCTION ETD’ISOLATION

C/

S.A.R.L. DALOREC

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

Me DAVAL-GUEDJ

Me CHDAILI

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Juge de l’exécution de MARSEILLE en date du 28 Avril 2022 enregistré (e) au répertoire général sous le n° 251/07025.

APPELANTE

S.A.R.L. PHOCÉENNE DE CONSTRUCTION ET D’ISOLATION prise en la personne de son représentant légal domicilié ès qualité au siège social sis, demeurant [Adresse 1]

représentée par Me Maud DAVAL-GUEDJ de la SCP COHEN GUEDJ MONTERO DAVAL GUEDJ, avocat au barreau D’AIX-EN-PROVENCE, assistée de Me Serge TAVITIAN de la SELARL SELARL MNEMON, avocat au barreau de MARSEILLE

INTIMEE

S.A.R.L. DALOREC, demeurant [Adresse 3]

représentée par Me Nabila CHDAILI de la SELARL LEX PHOCEA, avocat au barreau de MARSEILLE

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions des articles 804, 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 09 Février 2023, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Monsieur Ambroise CATTEAU, Conseiller, qui a fait un rapport oral à l’audience, avant les plaidoiries.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Madame Evelyne THOMASSIN, Président

Madame Pascale POCHIC, Conseiller

Monsieur Ambroise CATTEAU, Conseiller

Greffier lors des débats : Madame Ingrid LAVALLEE.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 23 Mars 2023.

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 23 Mars 2023

Signé par Madame Evelyne THOMASSIN, Président et Madame Ingrid LAVALLEE, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

Faits, procédure et prétentions des parties :

Une ordonnance du 16 février 2021 du président du tribunal de commerce de Marseille enjoignait à la société La Phocéenne de Construction et d’Isolation (ci-après dénommée PCI) de payer, à la société Dalorec, au titre de factures, la somme de 7 915,29 € avec intérêts au taux légal à compter du 27 octobre 2020 et les dépens.

Le 10 mars 2021, l’ordonnance précitée, était signifiée à la société PCI. En l’absence d’opposition, elle était revêtue, le 13 avril suivant, de la formule exécutoire.

Le 24 juin 2021, la société Dalorec faisait délivrer à la Société Marseillaise de Crédit une saisie-attribution des sommes détenues pour le compte de la société PCI aux fins de paiement de la somme de 8 860,59 €. Le 29 juin suivant, la saisie précitée était dénoncée à la société PCI, laquelle faisait assigner, le 26 juillet suivant, la société Dalorec devant le juge de l’exécution de Marseille aux fins de paiement d’une somme de 10 000 € de dommages et intérêts pour abus de saisie.

Aux termes d’un jugement du 28 avril 2022, le juge de l’exécution de Marseille :

– rejetait la contestation de la société PCI,

– déboutait la société Dalorec de sa demande de dommages et intérêts,

– condamnait la société PCI au paiement d’une indemnité de 2 500 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens.

Le premier juge retenait la recevabilité de la contestation exercée dans le mois de la dénonce de la saisie au débiteur. Il rejetait l’existence d’un abus de saisie en l’état d’un titre exécutoire conférant à la société Dalorec une créance liquide et exigible, et de l’absence de paiement volontaire. Il écartait toute compensation avec une prétendue créance de 105 111,56 € que la société Dalorec avait reconnu devoir au cours d’opérations d’expertise judiciaire mais pour des travaux dont elle contestait la qualité considérée comme médiocre par l’expert judiciaire.

Le jugement précité était notifié par la voie postale mais l’accusé de réception signé retourné au greffe ne portait pas la mention de sa date. Par déclaration reçue le 30 mai 2022 au greffe de la cour, la société PCI formait appel de ce jugement.

Aux termes de ses dernières écritures notifiées le 6 janvier 2023, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé du litige, la société Dalorec demande à la cour de :

– réformer le jugement déféré,

– condamner la société PCI au paiement d’une somme de 10 000 € de dommages et intérêts,

– condamner la société PCI au paiement d’une indemnité de 2 000 € pour frais irrépétibles ainsi qu’aux frais d’exécution et aux entiers dépens distraits au profits de la SCP Cohen-Guedj- Montero-Daval-Guedj.

Elle fonde sa demande indemnitaire sur l’abus de saisie au motif que la société Dalorec reconnaissait lui devoir la somme de 105 000 € qu’elle retient mais délivrait une saisie-attribution pour recouvrer 8 000 €. Elle soutient que l’intimée pouvait déduire 8 000 € de sa dette mais ne pouvait procéder à l’exécution forcée. Elle invoque un préjudice constitué par l’atteinte à son image et à son crédit auprès de son banquier.

Aux termes de ses dernières écritures notifiées le 21 octobre 2022, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé du litige, la société Dalorec demande à la cour de :

– confirmer le jugement déféré,

– condamner la société PCI au paiement d’une somme de 5 000 € de dommages et intérêts pour procédure abusive et une indemnité de 5 000 € pour frais irrépétibles ainsi que des entiers dépens.

Elle relève que l’appelante ne sollicite pas la nullité de la saisie contestée et rappelle que sa créance résulte du solde de 10 factures ayant pour objet le traitement de déchets.

Elle dénonce la confusion faite avec un autre contentieux sur un autre marché de travaux relatif à la mise en place d’un centre de traitements de déchets à [Localité 2] pour lequel elle a payé la somme de 962 507 €. Elle soutient avoir été contrainte d’arrêter l’activité de ce centre à la suite de fortes vibrations des poteaux de soutien de l’installation construits par l’appelante. Elle rappelle qu’une expertise judiciaire est en cours et que la société PCI a été déboutée de sa demande provisionnelle par le juge des référés, lequel a aussi prononcé la mainlevée de sa saisie conservatoire pour défaut de créance paraissant fondée en son principe. Elle conclut à l’absence de créance certaine et exigible de nature à fonder la compensation alléguée.

L’instruction de l’affaire était close par ordonnance du 10 janvier 2023.

A l’audience du 9 février 2022, la cour mettait au débat l’absence de demande de mainlevée ou de nullité de la saisie contestée dans le dispositif des conclusions de l’appelante. Elle autorisait les parties à lui adresser une note en délibéré sous quinzaine mais aucune note ne lui était adressée.

MOTIVATION DE LA DÉCISION :

– Sur la demande indemnitaire de la société PCI,

Selon les dispositions de l’article L 111-7 du code des procédures civiles d’exécution, le créancier a le choix des mesures propres à assurer l’exécution ou la conservation de sa créance, toutefois l’exécution de ces mesures ne peut excéder ce qui se révèle nécessaire pour obtenir le paiement de l’obligation.

Selon les dispositions de l’article L 121-2 du même code, le juge de l’exécution a le pouvoir d’ordonner la mainlevée de toute mesure inutile ou abusive et de condamner le créancier à des dommages et intérêts en cas d’abus de saisie.

En l’espèce, la société PCI a saisi le premier juge d’une demande de dommages et intérêts pour abus de saisie sans solliciter la mainlevée de la saisie qu’elle considère abusive.

En tout état de cause, le caractère abusif de la saisie-attribution contestée doit être apprécié au jour de sa délivrance, soit le 24 juin 2021. A cette date, la société Dalorec disposait d’un titre exécutoire, constitué par une ordonnance d’injonction de payer du 16 février 2021 d’un montant de 7 915,29 € outre intérêts au taux légal , dont la société PCI a reçu la signification, le 10 mars suivant. En l’absence d’exécution spontanée de cette ordonnance, la société Dalorec était bien fondée à faire procéder, plus de deux mois après, à son exécution forcée au moyen d’une saisie-attribution sur compte bancaire, délivrée le 24 juin 2021.

La société PCI doit justifier avoir été en mesure, le 24 juin 2021, d’opposer une exception de compensation à la société Dalorec. Or, cette dernière suppose, en application de l’article 1347-1  du code civil, l’existence d’obligations réciproques, fongibles, certaines, liquides et exigibles et ne peut donc être retenue en présence d’une créance non admise ni dans son principe, ni dans son quantum par la partie à laquelle elle était opposée.

Or, au titre de l’appréciation du caractère certain de la créance, il doit être relevé qu’aucune condamnation n’avait été prononcée, au 24 juin 2021, à l’encontre de la société Dalorec au titre du paiement de factures d’autres travaux pour un montant total de 105 111,56 €. Au cours de l’expertise judiciaire, cette dernière a contesté leur exigibilité au motif allégué qu’elle disposait d’une créance indemnitaire d’un montant supérieur ( évalué ultérieurement à 260 390 € devant le juge du fond ) au titre du défaut de qualité des prestations de la société PCI qualifiées de médiocres par l’expert judiciaire dont les opérations ont eu lien entre octobre 2020 et juin 2021. Le caractère certain de la créance alléguée par la société PCI et évaluée à 105 111 €, n’était donc pas établi au jour de la saisie du 24 juin 2021 de sorte qu’elle ne peut invoquer utilement une compensation entre créances réciproques.

Ainsi, la délivrance d’une saisie-attribution du 24 avril 2021, suite à l’absence d’exécution spontanée de l’ordonnance d’injonction de payer 16 février 2021, ne peut être imputée à faute au créancier poursuivant. En l’absence d’abus, la demande indemnitaire de la société PCI n’est pas fondée et doit être rejetée.

Enfin, la société PCI se contente de procéder par voie d’affirmation et ne produit aucun élément de preuve de nature à étayer le préjudice allégué d’atteinte à son image, notamment à l’égard de son banquier.

Par conséquent, le jugement déféré sera confirmé en ce qu’il a débouté la société PCI de sa demande de dommages et intérêts.

– Sur la demande indemnitaire de la société Dalorec,

Selon les dispositions de l’article 1240 du code civil, tout fait quelconque de l’homme qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer.

Leur application suppose l’existence d’une faute dans l’exercice du droit de contestation de la société PCI et un préjudice subi en lien avec la première.

Un contentieux est né entre les parties au titre de l’exécution de deux marchés de travaux distincts. La société Dalorec a pris l’option procédurale, dans le cadre d’un autre marché, de ne pas payer les factures de travaux de la société PCI d’un montant de 105 111 €. Un jugement du 5 décembre 2022 l’a pourtant condamnée à payer ladite somme. La contestation de la saisie-attribution délivrée pour un montant de 7 915 € en principal s’inscrit dans ce contexte de compte entre les parties.

Ainsi, la société Dalorec ne justifie pas que le droit d’agir en justice de la société PCI a dégénéré en abus de sorte que le rejet de sa demande indemnitaire par le premier juge sera confirmé.

Par conséquent, le jugement déféré sera confirmé dans toutes ses dispositions.

– Sur les demandes accessoires,

En application de l’article L 111-8 alinéa 1 du code des procédures civiles d’exécution, les frais d’exécution restent à la charge de la société PCI dès lors qu’elle n’établit pas leur défaut manifeste de nécessité au moment où ils ont été exposés.

L’équité ne commande pas de faire application de l’article 700 du code de procédure civile.

La société PCI, partie perdante, supportera les dépens d’appel.

PAR CES MOTIFS :

La cour, statuant après débat en audience publique et en avoir délibéré, conformément à la loi, par arrêt contradictoire, prononcé par mise à disposition au greffe,

CONFIRME le jugement déféré dans toutes ses dispositions,

Y ajoutant,

DIT que les frais de la saisie contestée sont à la charge de la société Phocéenne de Construction et d’Isolation,

DIT n’y avoir lieu à application de l’article 700 du code de procédure civile,

CONDAMNE la société Phocéenne de Construction et d’Isolation aux dépens d’appel.

LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE

 


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