Saisie-attribution : décision du 23 mars 2023 Cour d’appel d’Aix-en-Provence RG n° 21/13357

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Saisie-attribution : décision du 23 mars 2023 Cour d’appel d’Aix-en-Provence RG n° 21/13357

23 mars 2023
Cour d’appel d’Aix-en-Provence
RG n°
21/13357

COUR D’APPEL D’AIX-EN-PROVENCE

Chambre 1-9

ARRÊT AU FOND

DU 23 MARS 2023

N° 2023/ 254

Rôle N° RG 21/13357 N° Portalis DBVB-V-B7F-BIDHB

[K] [E] épouse [O]

C/

S.A.S. EOS FRANCE

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

Me Pascal CERMOLACCE

Me Paul GUEDJ

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Juge de l’exécution d’AIX EN PROVENCE en date du 02 Septembre 2021 enregistré au répertoire général sous le n° 21/01200.

APPELANTE

Madame [K] [E] épouse [O]

née le [Date naissance 1] 1971 à [Localité 4]

de nationalité Française,

demeurant [Adresse 3]

représentée et assistée par Me Pascal CERMOLACCE de la SELARL CABINET CERMOLACCE-GUEDON, avocat au barreau de MARSEILLE, substitué par Me Alexia FARRUGGIO, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE

INTIMÉE

S.A.S. EOS FRANCE

anciennement dénommée EOS CREDIREC et venant aux droits de la société COFIDIS

prise en la personne de son représentant légal en exercice, domicilié en cette qualité au siège social sis [Adresse 2]

représentée par Me Paul GUEDJ de la SCP COHEN GUEDJ MONTERO DAVAL GUEDJ, avocat au barreau D’AIX-EN-PROVENCE,

assistée de Me Cédric KLEIN, avocat au barreau de PARIS

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

L’affaire a été débattue le 08 Février 2023 en audience publique. Conformément à l’article 804 du code de procédure civile, Monsieur Ambroise CATTEAU, Conseiller, a fait un rapport oral de l’affaire à l’audience avant les plaidoiries.

La Cour était composée de :

Madame Evelyne THOMASSIN, Président

Madame Pascale POCHIC, Conseiller

Monsieur Ambroise CATTEAU, Conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Madame Josiane BOMEA.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 23 Mars 2023.

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 23 Mars 2023,

Signé par Madame Evelyne THOMASSIN, Président et Madame Josiane BOMEA, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

FAITS, PROCÉDURE, PRÉTENTIONS DES PARTIES

Une ordonnance d’injonction de payer du 10 novembre 1994 du juge d’instance d’Aix en Provence enjoignait à madame [K] [E] de payer à la société Cofidis, la somme de 12 707,26 francs avec intérêts de retard à compter du 10 octobre 1994 ainsi que la somme de 26,50 francs. Elle était signifiée à personne, le 5 décembre 1994, et la formule exécutoire était apposée le 6 janvier 1995.

Le 28 février 2013, une cession de créances entre la société Cofidis et la société Contentia France concernait notamment celle détenue à l’encontre de madame [E].

Le 4 septembre 2017, la société Contentia France changeait de dénomination au profit d’Eos Contentia. Le 16 novembre 2018, elle était dissoute au profit de son associé unique, la société Eos Crédirec, laquelle changeait de dénomination, en début d’année 2019, au profit d’Eos France.

Le 11 juin 2018, la société Eos Contentia faisait procéder à la signification à madame [E] de l’ordonnance d’injonction de payer exécutoire et d’un commandement de payer, ladite signification étant convertie en procès-verbal de recherches infructueuses. Le 13 juin 2018, madame [E] signait l’accusé de réception de la lettre d’envoi prévue par l’article 659 du code de procédure civile.

Le 5 mars 2021, la société Eos France faisait procéder à la banque postale à une saisie-attribution des sommes détenues pour le compte de madame [E] aux fins de paiement de la somme de 4 371,11 €. Le solde créditeur du compte permettait la saisie du montant précité.

Le 11 mars suivant, la saisie était dénoncée à madame [E] avec la cession de sa créance du 28 février 2013.

Le 1er avril 2021, madame [E] faisait assigner la société Eos France (venant aux droits d’Eos Contentia anciennement Contentia France ) venant aux droits de la société Cofidis devant le juge de l’exécution d’Aix en Provence aux fins de mainlevée et de nullité de la saisie attribution précitée et à défaut, de cantonnement à la somme de 1 937,21 €.

Un jugement du 2 septembre 2021 du juge de l’exécution d’Aix en Provence :

– déboutait madame [E] de l’intégralité de ses demandes,

– validait la saisie-attribution du 5 mars 2021,

– disait n’y avoir lieu à application de l’article 700 du code de procédure civile,

– condamnait madame [E] aux dépens incluant les frais de saisie-attribution.

Le premier juge retenait la recevabilité de la contestation du 1er avril 2021 suite à la dénonce du 11 mars 2021 de la saisie contestée. Il considérait que le créancier justifie de la signification du 11 mars 2021 à madame [E] de la cession de créance, laquelle peut intervenir à tout moment y compris par voie de conclusions comme en l’espèce. Il soulignait que la cession de créance résulte de la signification du 11 juin 2018 du commandement de payer délivré par la société Contentia venant aux droits de la société Cofidis et qu’en tout état de cause, la preuve d’un grief n’est pas rapportée. Il rappelait que la prescription trentenaire initiale a été réduite à dix ans à compter du 19 juin 2018 de sorte que le titre n’est pas prescrit. Il rejetait la demande de cantonnement au motif que le créancier est en droit de poursuivre le recouvrement des arriérés échus plus de cinq ans avant sa demande et que la prescription biennale doit être écartée.

Par déclaration reçue le 17 septembre 2021, madame [E] formait appel du jugement précité.

Aux termes de ses dernières conclusions notifiées le 27 juin 2022, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé des moyens, madame [E] demande à la cour de :

– déclarer son appel recevable,

– infirmer le jugement déféré dans toutes ses dispositions,

– statuant à nouveau,

A titre principal,

– prononcer la mainlevée de la saisie-attribution du 5 mars 2021 et à titre subsidiaire, prononcer sa nullité,

– infiniment subsidiairement, cantonner la saisie à la somme de 1 937,21 €,

– condamner la société Eos France au paiement d’une indemnité de 2 000 € pour frais irrépétibles ainsi qu’aux entiers dépens.

Elle fonde sa demande de mainlevée sur le défaut de qualité de créancier de la société Eos France en application de l’article 1690 du code civil au motif de l’inopposabilité de la cession de créance signifiée postérieurement à la délivrance de la saisie contestée.

Elle fonde sa demande de nullité de la saisie sur la prescription du titre exécutoire à compter du 19 juin 2018, laquelle n’a pas été interrompue par le commandement de payer du 11 juin 2018 sans signification préalable de la cession de créance. Elle relève que ledit commandement ne mentionne pas que la société Eos Contentia vient aux droits de la société Cofidis et affirme que le grief est constitué par la perte du bénéfice de l’effet extinctif de la prescription. Enfin, elle fonde sa demande de cantonnement sur la prescription biennale des intérêts en application de l’article L 218-2 du code de la consommation.

Aux termes de ses dernières écritures notifiées le 25 juillet 2022, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé des moyens, la société Eos France demande à la cour de :

A titre principal,

– déclarer la cour non saisie pour défaut d’effet dévolutif de la déclaration d’appel,

A titre subsidiaire, confirmer le jugement déféré dans toutes ses dispositions,

En tout état de cause,

– débouter madame [E] de toutes ses demandes,

– condamner madame [E] au paiement d’une indemnité de 2 000 € pour frais irrépétibles et aux entiers dépens d’appel.

Elle invoque le bénéfice de l’article 562 du code de procédure civile et le défaut de saisine de la cour par la déclaration d’appel, laquelle ne mentionne pas les chefs du jugement critiqués alors que la déclaration complète ne lui a pas été signifiée et que les conclusions d’appel demandent la réformation du jugement dans toutes ses dispositions sans préciser les chefs du jugement critiqués.

Elle affirme que la cession de créance du 28 février 2013 est opposable à madame [E] en l’état d’une lettre d’information du 19 mai 2017 de rappel de l’origine, du principe et du montant de la créance. Elle rappelle qu’aucune disposition légale n’impose une signification de la cession de créance antérieure à la délivrance d’une mesure d’exécution forcée alors qu’une notification peut intervenir par voie de conclusions et que madame [E] ne peut se prévaloir d’aucun grief en l’absence de paiement partiel entre les mains d’un créancier cédant.

Elle conteste la prescription de l’ordonnance d’injonction de payer du 10 novembre 1994 signifiée à personne le 5 décembre 1994 au motif qu’elle a été interrompue par la signification du commandement de payer du 11 juin 2018 même en l’absence de signification antérieure de la cession de créance, laquelle ne fait pas grief. Elle en conclut que ce titre lui confère une créance en principal et intérêts soumis à la seule prescription quinquennale et non à la prescription biennale.

L’instruction de la procédure était close par ordonnance du 6 septembre 2022.

MOTIVATION DE LA DÉCISION

Sur l’effet dévolutif de l’appel,

Selon les dispositions de l’article 562 du code de procédure civile, l’appel défère à la cour la connaissance des chefs de jugement qu’il critique expressément et de ceux qui en dépendant.

Cependant, si la déclaration avec la mention ‘ appel total ‘ ne vaut pas saisine régulière de la cour, cette irrégularité peut être couverte par la signification d’une déclaration complète portant mention d’une demande de réformation et de prétentions précises.

En l’espèce, le jugement déféré était notifié par lettre recommandée avec accusé de réception signé le 13 septembre 2021 par madame [E]. Si la déclaration d’appel par voie électronique du 17 septembre 2021 mentionne ‘ appel total ‘, les notifications du réseau RPVA établissent la signification, du 27 septembre 2021 (soit dans le délai d’appel et le délai de 10 jours de la réception de l’avis de fixation ) à la société Eos France, de sa déclaration d’appel complétée du 17 septembre 2021 et de l’avis de fixation à bref délai du 23 septembre 2021.

La déclaration d’appel signifiée le 27 septembre 2021 et les conclusions d’appel notifiées le 6 octobre 2021 ( soit dans le délai d’un mois à compter de la réception de l’avis de fixation à bref délai ) mentionnent une demande de réformation du jugement déféré dans toutes ses dispositions et des prétentions de mainlevée, nullité et cantonnement de la saisie contestée.

Il s’en déduit que la cour est valablement saisie d’une demande de réformation du jugement déféré dans toutes ses dispositions et des prétentions précitées.

Sur la demande de mainlevée de la saisie-attribution du 5 mars 2021,

Selon les dispositions de l’article L 211-1 du code des procédures civiles d’exécution, tout créancier muni d’un titre exécutoire constatant une créance liquide et exigible peut, pour en obtenir le paiement, saisir entre les mains d’un tiers les créances de son débiteur portant sur une somme d’argent.

Selon les dispositions de l’article 1690 du code civil, dans leur rédaction applicable à la cession de créance du 28 février 2013, le cessionnaire n’est saisi à l’égard des tiers que par la signification du transport faite au débiteur. Néanmoins, le cessionnaire peut être également saisi par l’acceptation du transport par le débiteur dans un acte authentique.

En application de la disposition précitée, la cession de créance n’a d’effet qu’entre les parties jusqu’à sa signification au débiteur cédé ou son acceptation par celui-ci. A défaut de signification ou d’acceptation précitée, les tiers dont le débiteur cédé ne peuvent se la voir opposer ni s’en prévaloir.

En l’espèce, la société Cofidis est titulaire d’une ordonnance du 10 novembre 1994, signifiée à personne le 5 décembre suivant, laquelle enjoint à madame [E] de payer la somme de 12 707,96 francs.

La cession de créance du 28 février 2013 entre la société Cofidis et la société Contentia, aux droits de laquelle se trouve la société Eos France, est inopposable à madame [E] jusqu’à ce qu’elle lui soit signifiée.

La lettre du 19 mai 2017 de la société Eos Crédirec à madame [E] ne constitue pas un acte de signification. En outre, la société Eos France ne justifie pas de la réception de cette lettre par madame [E]. Enfin, cette lettre ne mentionne pas la cession de créance du 28 février 2013. De même, la cession précitée n’est pas mentionnée sur le procès-verbal de signification du 11 juin 2018, à madame [E], de l’ordonnance d’injonction de payer avec commandement de payer, alors qu’elle est délivrée à la demande de la société Contentia venant aux droits de Cofidis.

La cession de créance du 28 février 2013 n’est mentionnée que sur la dénonce du 11 mars 2021 à madame [E], de la saisie-attribution du 5 mars 2021. Ainsi, au jour de la délivrance de cette saisie, la cession précitée entre la société Cofidis et la société Contentia était inopposable à madame [E]. Elle ne pouvait donc fonder la saisie-attribution du 5 mars 2021.

Par conséquent, le jugement déféré doit être infirmé et la mainlevée de la saisie-attribution du 5 mars 2021 doit être ordonnée.

Sur les demandes accessoires,

La société Eos France, partie perdante, supportera les dépens de première instance et d’appel.

L’équité commande d’allouer à madame [E], contrainte d’engager des frais irrépétibles pour assurer la défense de ses intérêts, une indemnité de 2 000 € en application de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant après débats en audience publique et après en avoir délibéré, conformément à la loi, par arrêt contradictoire, prononcé par mise à disposition au greffe,

INFIRME le jugement déféré dans toutes ses dispositions,

STATUANT à nouveau et y ajoutant,

ORDONNE la mainlevée de la saisie-attribution du 5 mars 2021,

CONDAMNE la société Eos France au paiement d’une indemnité de 2 000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile à madame [K] [E],

CONDAMNE la société Eos France aux dépens de première instance et d’appel.

LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE

 


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