Saisie-attribution : décision du 23 mars 2023 Cour d’appel de Versailles RG n° 22/01275

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Saisie-attribution : décision du 23 mars 2023 Cour d’appel de Versailles RG n° 22/01275

23 mars 2023
Cour d’appel de Versailles
RG n°
22/01275

COUR D’APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 30B

12e chambre

ARRET N°

CONTRADICTOIRE

DU 23 MARS 2023

N° RG 22/01275 – N° Portalis DBV3-V-B7G-VBFV

AFFAIRE :

S.A.R.L. JACQUEBOT LAVAGE

C/

S.C.I. DE LA CROIX JACQUEBOT.

SELARL MMJ

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 09 mars 2020 par le Tribunal judiciaire de PONTOISE

N° Chambre : 2

N° RG : 18/09380

Expéditions exécutoires

Expéditions

Copies

délivrées le :

à :

Me Joseph SOUDRI

Me Yann-Charles CORRE

TJ PONTOISE

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE VINGT TROIS MARS DEUX MILLE VINGT TROIS,

La cour d’appel de Versailles a rendu l’arrêt suivant dans l’affaire entre :

S.A.R.L. JACQUEBOT LAVAGE

RCS Pontoise n° 505 063 677

[Adresse 2]

[Localité 7]

Représentée par Me ZEINE et Me Joseph SOUDRI de la SELARL SOUDRI & ZEINE, avocats au barreau du VAL D’OISE, vestiaire : 19

APPELANTE

****************

S.C.I. DE LA CROIX JACQUEBOT

RCS Pontoise n° 490 190 220

[Adresse 1]

[Localité 6]

Représentée par Me Yann-Charles CORRE, avocat au barreau du VAL D’OISE, vestiaire : 4

INTIMEE

****************

SELARL MMJ, en la personne de Me [K] [C], ès-qualités de mandataire judiciaire de la SCI DE LA CROIX JACQUEBOT désignée à cette fonction par jugement rendu le 23.11.2021

[Adresse 8]

[Adresse 8]

[Localité 5]

S.E.L.A.R.L. V & V, en la personne de Me [L] [E], ès-qualités d’administrateur judiciaire de la SCI DE LA CROIX JACQUEBOT désignée à cette fonction par jugement rendu le 23.11.2021

[Adresse 3]

[Localité 4]

Représentées par Me Yann-Charles CORRE, avocat au barreau du VAL D’OISE, vestiaire : 4

PARTIES INTERVENANTES

Composition de la cour :

En application des dispositions de l’article 805 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue à l’audience publique du 17 Janvier 2023 les avocats des parties ne s’y étant pas opposés, devant Monsieur François THOMAS, Président chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Monsieur François THOMAS, Président,

Madame Nathalie GAUTRON-AUDIC, Conseiller,

Madame Bérangère MEURANT, Conseiller,

Greffier, lors des débats : M. Hugo BELLANCOURT,

EXPOSE DES FAITS

Par acte sous seing privé du 8 avril 2009, la société SCI de la Croix Jacquebot (ci-dessous, société de la Croix Jacquebot) a donné à bail commercial à la SARL Jacquebot Lavage (ci-dessous, la société Jacquebot Lavage), dans un ensemble immobilier sis [Adresse 2], un local d’une superficie d’environ 130 m² constitué de trois pistes de lavage, de deux pistes aspiration et d’un local technique de 2,30 m² sur 4 m² (sic), les surfaces louées étant exclusivement destinées à la station de lavage.

La location a été consentie et acceptée pour une durée de 9 années entières et consécutives qui ont commencé à courir à compter du 8 avril 2009 pour se terminer le 28 février 2018.

Le loyer annuel a été fixé à 12.000 € HT et HC, payable en douze termes égaux, mensuellement et d’avance le 1er de chaque mois et pour la première fois le 8 avril 2009.

En sus du loyer, le preneur était tenu de verser avec chaque terme, à titre d’avance, un douzième des charges annuelles constatées pour l’année écoulée.

Par acte du 18 octobre 2018, la société de la Croix Jacquebot a fait délivrer un commandement de payer les loyers visant la clause résolutoire à la société Jacquebot Lavage pour un montant en principal de 34.928,06 €.

Par acte du 16 novembre 2018, la société Jacquebot Lavage a fait délivrer à la société de la Croix Jacquebot une opposition à commandement de payer, et l’a assignée devant le tribunal de grande instance de Pontoise aux fins de voir déclarer nul le commandement de payer.

Par jugement du 9 mars 2020, le tribunal judiciaire de Pontoise a :

– déclaré’irrecevables’les’demandes’dirigées’contre’Monsieur'[Y]'[D]’à’titre personnel,’

-débouté’la’société Jacquebot Lavage’de’sa’demande’de nullité’du’commandement’de’payer du 18’octobre 2018,

– constaté’la’résiliation’de’plein’droit’du’bail’du’8’avril’2009’à’la’date’du’18’novembre’2018,

– dit’que’la’société Jacquebot Lavage,’ainsi’que’tous’occupants’de’son’chef,’devront’libérer’les lieux’loués, à’savoir’le’local’de’130’m²’situé’au’28’ZA’de’la’Croix’Jacquebot,consistant’en’3 pistes’de’lavage,’2’pistes d’aspiration’et’un’local’technique,’dans’un’délai’d’un’mois’à’compter de’la’signification’du’jugement’;’à défaut, autorisé la société de la Croix Jacquebot à faire procéder à l’expulsion, au besoin avec l’assistance’de’la’force’publique’et’d’un’serrurier,

– dit’que’le’sort’des’meubles,’marchandises’et’effets’mobiliers’se’trouvant’éventuellement’dans les’lieux’sera réglé’conformément’aux’articles’L.433-1, L.433-2,’R.433-1’à’R.433-6’du’code des’procédures’civiles’d’exécution,

– condamné’la’société Jaquebot Lavage’à’payer’à’la’société de la Croix Jacquebot, ‘au’titre’de la’dette locative’arrêtée’à’la’date’du’30’novembre’2019,’la’somme’de’52.695,32’€ augmentée des intérêts’au’taux’légal à’compter’du’18’octobre’2018’sur’la’somme’de’34.928,06’€, et à compter’du jugement’sur’le’surplus,

– condamné’la’société Jacquebot Lavage’à’payer’à’la’société de la Croix Jacquebot une indemnité mensuelle’d’occupation’égale’au’dernier’loyer’mensuel,’augmentée’des remboursements de charges’et’de toutes’les’sommes’dues’aux’termes du’bail’jusqu’à’la restitution’des’lieux’et’la remise’des’clés,’

– condamné’la société Jacquebot Lavage’à’payer’à’la’société de la Croix Jacquebot’la’somme de 2.500’€’sur’le’fondement’de’l’article’700’du’code’de’procédure’civile,

– débouté’la’société de la Croix Jacquebot’du’surplus’de’ses’demandes,’

– ordonné’l’exécution’provisoire’du’jugement,’

-condamné’la’société Jacquebot Lavage aux’dépens,’qui’comprendront le coût’du commandement de payer’du’18’octobre’2018.

La société Jacquebot Lavage a fait appel le 1er juin 2020.

Par jugement du 23 novembre 2021, le tribunal judiciaire de Pontoise a prononcé l’ouverture d’une procédure de redressement judiciaire à l’encontre de la société de la Croix Jacquebot.

Par ordonnance du 7 décembre 2021, l’interruption d’instance a été prononcée.

Maître [K] [C], membre de la SELARLU MMJ, a été désigné mandataire judiciaire.

Maître [L] [E], membre de la SELARL V & V, a été désigné administrateur judiciaire.

PRETENTIONS DES PARTIES

Par dernières conclusions du 30 novembre 2022, la société Jacquebot Lavage demande à la cour de :

– infirmer le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Pontoise le 9 mars 2020, en ce qu’il a :

/ déclaré irrecevables les demandes dirigées contre M. [Y] [D] à titre personnel ;

/ débouté la société Jacquebot Lavage de sa demande de nullité du commandement de payer du 18 octobre 2018 ;

/ constaté la résiliation de plein droit du bail du 8 avril 2009 à la date du 18 novembre 2018 ;

/ dit que la société Jacquebot Lavage devra libérer les lieux dans un délai d’un mois à compter de la signification du présent jugement, et à défaut l’autoriser à faire procéder à son expulsion ;

/ condamné la société Jacquebot Lavage à payer à la société de la Croix Jacquebot la somme de 52.695,32€ ;

/ condamné la société Jacquebot Lavage au paiement d’une indemnité d’occupation ;

/ condamné la société Jacquebot Lavage à payer à la société de la Croix Jacquebot la somme de 2.500€ sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

Statuant à nouveau :

– accueillir la société Jacquebot Lavage dans l’ensemble de ses demandes, fins et moyens ;

– juger l’action de la société de la Croix Jacquebot irrecevable faute d’intérêt à agir ;

– juger que le bailleur n’est pas de bonne foi ;

– juger qu’il y a inexécution de la part de la société de la Croix Jacquebot des clauses du bail ;

En conséquence :

à titre principal :

– débouter la société de la Croix Jacquebot de toutes ses demandes, fins et conclusions ;

– déclarer nul et de nul effet le commandement de payer visant la clause résolutoire du 18 octobre 2018 ;

à titre subsidiaire :

– juger que la société Jacquebot Lavage n’a plus d’activité, les portes du garage ayant été fermées à clés ;

– débouter la société de la Croix Jacquebot au paiement d’une indemnité d’occupation (sic) ;

– accorder à la société Jacquebot Lavage les plus larges délais pour régler sa dette locative dont elle n’est pas responsable ;

En tout état de cause :

– condamner la société de la Croix Jacquebot au paiement de la somme de 3.000 € au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;

– condamner la société de la Croix Jacquebot aux dépens.

Par conclusions du 14 décembre 2022, la société de la Croix Jacquebot, la Selarl MMJ prise en la personne de Me [K] [C], ès-qualités de mandataire judiciaire de la société de la Croix Jacquebot, la Selarl V&V prise en la personne de Me [L] [E], ès-qualités d’administrateur judiciaire de la société de la Croix Jacquebot, demandent à la cour de :

– déclarer recevable et bien fondée la société de la Croix Jacquebot en ses demandes et moyens de défense ainsi qu’en son appel incident et y faisant droit ;

– déclarer recevables et bien fondés la Selarl MMJ, prise en la personne de Maître [C], ès-qualités de mandataire judiciaire de la société de la Croix Jacquebot, désigné à cette fonction par jugement rendu le 23 novembre 2021, et la SELARL V & V, prise en la personne de Maître [E] ès-qualités d’administrateur judiciaire de la société de la Croix Jacquebot, désigné à cette fonction par jugement rendu le 23 novembre 2021, en leurs interventions volontaires et y faisant droit ;

– prendre acte que la Selarl MMJ, prise en la personne de Maître [C], ès qualités de mandataire judiciaire de la société de la Croix Jacquebot, et la Selarl V & V, prise en la personne de Maître [E], désignés par jugement rendu le 23 novembre 2021, se joignent aux moyens de défense et demandes reconventionnelles bien fondées de la société de la Croix Jacquebot ;

– dire et juger n’y avoir lieu à statuer sur les chefs du jugement déclarant irrecevables les demandes formulées à l’encontre de M. [Y] [D] à titre personnel et déboutant la société de la Croix Jacquebot de sa demande de nullité du commandement de payer du 18 octobre 2018, la cour n’étant saisie d’aucune prétention à ce sujet au regard du dispositif des premières conclusions d’appelant ;

– déclarer irrecevable la demande d’infirmation du jugement en ce qu’il a déclaré irrecevables les demandes dirigées contre M. [D] à titre personnel formulée par la société Jacquebot Lavage pour la première fois par voie de conclusions signifiées le 16 novembre 2022, en application de l’article 910-4 du code de procédure civile, au besoin l’en débouter ;

– déclarer irrecevable la demande d’infirmation du jugement en ce qu’il a débouté la société Jacquebot Lavage de sa demande de nullité du commandement de payer du 18 octobre 2018 formulée par la société Jacquebot Lavage pour la première fois par voie de conclusions signifiées le 16 novembre 2022, en application de l’article 910-4 du code de procédure civile, au besoin l’en débouter ;

– déclarer irrecevable la demande tendant à ce que soit déclaré nul et de nul effet le commandement de payer du 18 octobre 2018 formulée par la société Jacquebot Lavage pour la première fois par voie de conclusions signifiées le 16 novembre 2022, en application de l’article 910-4 du code de procédure civile, au besoin l’en débouter ;

– déclarer irrecevable la demande de condamnation de la société de la Croix Jacquebot à verser une somme de 3.000 € au titre des frais irrépétibles formulée par la société Jacquebot Lavage pour la première fois par voie de conclusions signifiées le 5 octobre 2021, en application de l’article 910-4 du code de procédure civile, au besoin l’en débouter ;

– débouter la société Jacquebot Lavage de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions, dont notamment sa demande nouvelle et subsidiaire de délais de paiement ;

– confirmer le jugement rendu le 9 mars 2020 par le tribunal judiciaire de Pontoise en ce qu’il a :

‘/ déclaré’irrecevables’les’demandes’dirigées’contre’M. [D]’à’titre ‘personnel,’

/ débouté’ la société Jacquebot Lavage’sa’demande de’nullité’du’commandement de’payer du’18 octobre’2018,

/ constaté’la’résiliation’de’plein’droit’du’bail’du’8’avril’2009’à’la’date’du’18’novembre’2018,

/ dit’que’la’société’Jacquebot Lavage,’ainsi’que’tous’occupants’de’son’chef, ‘devront’libérer les lieux loués,’à’savoir’le’local’de’130’m²’situé’au’28’ZA’de’la’Croix’Jacquebot, ‘consistant en 3 pistes de lavage, 2 pistes’d’aspiration’et’un’local’technique, dans un délai d’un mois à compter de’la’signification’du jugement; à défaut,’autorise’la société de la Croix Jacquebot à’faire procéder à’son’expulsion,’au’besoin’avec l’assistance’de’la’force’publique’et’d’un’serrurier,

/dit’que’le’sort’des’meubles,’marchandises’et’effets’mobiliers’se’trouvant’éventuellement’dans les’lieux’sera réglé’conformément’aux’articles’L.433-1,’L.433-2,’R.433-1’à’R.433-6’du’code des’procédures’civiles’d’exécution,

/ condamné’la’société’Jacquebot Lavage’à’payer’à’société de la Croix Jacquebot, au’titre de’la’dette’locative’arrêtée’à’la’date’du’30’novembre’2019,’la’somme’de’52.695,32’€ augmentée des’intérêts’au taux’légal’à’compter’du’18’octobre’2018’sur’la’somme’de’34.928,06’€,’et’à’compter du’jugement’sur’le surplus,

/ condamné’la’société’Jacquebot Lavage à’payer’à’la’société’de la Croix Jacquebot une indemnité’mensuelle’d’occupation’égale’au’dernier’loyer’mensuel,’augmentée’des’remboursements de’charges et’de’toutes’les’sommes’dues’aux’termes ‘du’bail’jusqu’à’la’restitution’des lieux et la’remise’des’clés,’

/ condamné’la’société’Jacquebot Lavage’à’payer’à’la’société’de la Croix Jacquebot la’somme de’2.500’€’sur’le’fondement’de’l’article’700’du’code’de’procédure’civile,

/ ordonné’l’exécution’provisoire’du’jugement,’

/ condamné’la’société’Jacquebot Lavage’aux’dépens,’qui’comprendront le’coût’du’commandement’de payer’du’18’octobre’2018′ ;

Et y ajoutant,

– condamner au titre de l’actualisation de la dette locative la société Jacquebot Lavage à payer à la société de la Croix Jacquebot la somme complémentaire de 33.571,43 € au titre des loyers, indemnités d’occupation, charges et taxes dus sur la période s’écoulant du 1er décembre 2019 au 31 décembre 2021 inclus, augmentée des intérêts au taux légal à compter de l’arrêt à intervenir,

– infirmer le jugement dont appel en ce qu’il a débouté la société de la Croix Jacquebot de sa demande de dommages et intérêts pour procédure abusive et dilatoire,

Et statuant à nouveau sur ce point,

– condamner la société Jacquebot Lavage à verser à la société de la Croix Jacquebot une somme de 5.000 € à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive et dilatoire,

– condamner la société Jacquebot Lavage à payer à la société de la Croix Jacquebot la somme de 5.000 € chacun au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– condamner la société Jacquebot Lavage aux entiers dépens de première instance et d’appel, lesquels comprendront le coût du commandement de payer daté du 18 octobre 2018.

L’ordonnance de clôture a été prononcée le 5 janvier 2023.

MOTIVATION

La cour observe que la recevabilité de l’intervention et des conclusions de la Selarl MMJ, prise en la personne de Maître [C], ès qualités de mandataire judiciaire de la société de la Croix Jacquebot, et la Selarl V & V, prise en la personne de Maître [E], ès qualités d’administrateur judiciaire désignés par jugement rendu le 23 novembre 2021, en ce qu’ils se joignent aux moyens de défense et demandes reconventionnelles de la société de la Croix Jacquebot, n’est pas contestée.

Sur la résiliation du bail

La société Jacquebot Lavage indique que la société de la Croix Jacquebot est provisoirement gérée par M. [D], qui diligente une procédure à l’encontre de la société Jacquebot Lavage dont il est associé, et qu’à ce titre il est lui-même responsable du défaut de paiement des loyers dus par cette société. Elle en déduit que l’action est irrecevable au vu des articles 31 et 32 du code de procédure civile.

Elle dénonce l’absence de bonne foi de M. [D], gérant de la société de la Croix Jacquebot, qui entrave la bonne marche de la société Jacquebot Lavage et qui n’exécute pas ses propres obligations, de sorte que le commandement de payer est selon elle nul, et ajoute que cette demande est recevable en cause d’appel.

Elle conteste la recevabilité de la demande tendant à sa condamnation au paiement des loyers actualisés, n’étant plus redevable que d’une indemnité d’occupation.

Elle relève que depuis le jugement, la banque Crédit Agricole a fait procéder à une saisie attribution à exécution successive, de sorte que les loyers dus à la société de la Croix Jacquebot sont réglés directement à la banque, ce qui établit encore l’irrégularité de la procédure de résiliation judiciaire et le défaut d’intérêt de la société de la Croix Jacquebot, qui ne peut revendiquer le fait d’être créancière alors qu’elle ne règle pas les mensualités de son prêt auprès de la banque Crédit Agricole.

La société de la Croix Jacquebot rappelle que l’étendue de la saisine de la cour est limitée aux dénonciations de l’acte qui a déféré le jugement à la cour, et que dans ses premières conclusions la société Jacquebot Lavage ne formule aucune demande à l’encontre de M. [D], ni ne sollicite la nullité du commandement de payer du 18 octobre 2018. Elle en déduit qu’aucune demande de ce chef ne peut plus être présentée, et que celles de l’appelante en ce sens sont tardives.

Elle relève, au vu de l’article 910-4 du code de procédure civile, que les demandes de la société Jacquebot Lavage fondées sur l’article 700 du code de procédure civile sont irrecevables.

S’agissant de l’intérêt à agir et de la bonne foi, elle avance que M. [D], gérant de la société de la Croix Jacquebot, doit défendre les intérêts de celle-ci, et que l’absence de règlement de loyers lui cause un préjudice certain. Elle fait état de la dégradation de sa situation financière, ajoute qu’elle serait moins endettée si la société Jacquebot Lavage respectait ses obligations, et qu’il est de son intérêt de mettre un terme à la jouissance gratuite des locaux que s’octroie la société Jacquebot Lavage, qui a cessé tout paiement de loyers depuis juillet 2016. Elle relève que la société Jacquebot Lavage ne conteste ni le principe ni le quantum de sa dette. Elle indique avoir été contrainte, temporairement, de fermer un local technique afin d’éviter tout acte de vandalisme. Elle soutient que l’absence totale d’exploitation de la station de lavage par la société Jacquebot Lavage montre que l’appelante organise sa déconfiture et cherche à retarder la restitution des lieux par tous moyens. Elle remarque que le pourvoi en cassation de l’appelante ne porte pas sur la révocation de M. [V] de ses fonctions de gérant de la société intimée.

Elle sollicite l’acquisition de la clause résolutoire, du fait de l’absence de paiement des loyers par la société de la Croix Jacquebot depuis 2016.

******

Sur l’effet dévolutif et les irrecevabilités soulevées par l’intimée

La cour observe que les dernières conclusions de la société Jacquebot Lavage ne contiennent aucune demande présentée à l’encontre de M. [D], de sorte qu’il n’y a pas lieu de statuer sur la recevabilité d’une telle demande.

Par déclaration d’appel du 1er juin 2020, la société Jacquebot Lavage a interjeté appel du jugement du 9 mars 2020 ‘en ce que cette décision :

– déclare’irrecevables’les’demandes’dirigées’contre’Monsieur'[Y]'[D]’à’titre personnel,

– la déboute’de’sa’demande’de nullité’du’commandement’de’payer’du 18’octobre 2018,

– constate’la’résiliation’de’plein’droit’du’bail’du’8’avril’2009’à’la’date’du’18’novembre’2018,

– dit’que’la’société Jacquebot Lavage devra’libérer’les lieux’loués dans un délai d’un mois à compter de’la’signification’du’présent jugement, et’à défaut, ‘l’autorise’ à faire procéder à son expulsion,

– condamne’la’société Jaquebot Lavage’à’payer’à’la’société de la Croix Jacquebot’la’somme de’52.695,32’€,

-condamne’la’société Jacquebot Lavage’au paiement d’une indemnité’d’occupation,

– condamne’cette société au paiement d’une indemnité article 700 CPC’.

Dans ses premières conclusions du 28 août 2020, la société Jacquebot Lavage a demandé à la cour de :

‘- infirmer la décision entreprise ;

– dire et juger que l’action de la société de la Croix Jacquebot est irrecevable faute d’intérêt à agir ;

– dire et juger que le bailleur n’est pas de bonne foi ;

– débouter en conséquence, la société de la Croix Jacquebot de toutes ses demandes, fins et conclusions ;

– à titre subsidiaire, accorder à la société Jacquebot Lavage les plus larges délais pour régler sa dette locative dont elle n’est pas responsable ;

– condamner la société de la Croix Jacquebot aux entiers dépens dont distraction au profit de la SCP Soudri & Associés’.

L’article 910-4 du code de procédure civile prévoit en son 1er alinéa qu’ ‘à peine d’irrecevabilité, relevée d’office, les parties doivent présenter, dès les conclusions mentionnées aux articles 905-2 et 908 à 910, l’ensemble de leurs prétentions sur le fond. L’irrecevabilité peut également être invoquée par la partie contre laquelle sont formées des prétentions ultérieures’.

Si, le dispositif des premières conclusions prises devant la cour conformément à l’article 908 du code de procédure civile de la société Jacquebot Lavage ne contenait pas de demande de nullité du commandement de payer du 18 octobre 2018, il y était notamment sollicité l’infirmation de la décision entreprise, et sa déclaration d’appel précisait expressément que l’appel était relevé à l’encontre de la décision de 1ère instance en ce qu’elle la déboutait de sa’demande’de nullité’du’commandement’de payer’du 18’octobre 2018.

Les chefs de la décision de 1ère instance critiqués, énumérés dans la déclaration d’appel, n’ont pas à être obligatoirement repris et mentionnés dans le dispositif des conclusions de l’appelant.

Dès la déclaration d’appel, la société Jacquebot Lavage contestait la décision de 1ère instance en ce qu’elle l’a déboutée de sa demande de nullité du commandement de payer.

Aussi, et au vu de ce qui précède, la société de la Croix Jacquebot est-elle recevable à solliciter, dans le dispositif de ses dernières conclusions, que soit déclaré nul le commandement de payer du 18 octobre 2018.

Par contre, ni la déclaration d’appel ni les premières conclusions prises par la société Jacquebot Lavage en application de l’article 908 du code de procédure civile ne contiennent de demande fondée sur l’article 700 du même code. Sa demande reposant sur ce fondement dans ses conclusions ultérieures n’est pas destinée ‘à répliquer aux conclusions et pièces adverses ou à faire juger les questions nées, postérieurement aux premières conclusions, de l’intervention d’un tiers ou de la survenance ou de la révélation d’un fait’ ainsi que le prévoit l’alinéa 2 de l’article 910-4. Aussi, cette demande sera déclarée irrecevable.

Sur la recevabilité de la demande de résiliation judiciaire du contrat de bail

MM. [V] et [D] sont tous les deux associés des sociétés Jacquebot Lavage et la Croix Jacquebot. M. [V] est gérant de la société Jacquebot Lavage (il était auparavant gérant de la société de la Croix Jacquebot), M. [D] de la société de la Croix Jacquebot.

Par jugement du 20 février 2017, le tribunal de grande instance de Pontoise a notamment révoqué M. [V] de ses fonctions de gérant de la société de la Croix Jacquebot, jugement confirmé sur ce point par arrêt de la cour d’appel de Versailles du 4 février 2020. Comme le relève la société de la Croix Jacquebot, le pourvoi engagé par M. [V] à l’encontre de cet arrêt ne porte pas sur cette révocation.

L’article 31 du code de procédure civile prévoit que l’action est ouverte à tous ceux qui ont un intérêt légitime au succès ou au rejet d’une prétention, sous réserve des cas dans lesquels la loi attribue le droit d’agir aux seules personnes qu’elle qualifie pour élever ou combattre une prétention, ou pour défendre un intérêt déterminé. Selon l’article 32, est irrecevable toute prétention émise par ou contre une personne dépourvue du droit d’agir.

Si la société Jacquebot Lavage avance que l’action engagée par la société de la Croix Jacquebot représentée par son gérant M. [D] n’est pas recevable faute d’intérêt légitime, M. [D] étant lui-même responsable du défaut de paiement de l’appelante en sa qualité d’associé de cette société, la procédure de résiliation du bail est engagée non par M. [D], mais par la société de la Croix Jacquebot, bailleresse représentée par son gérant.

C’est la société de la Croix Jacquebot qui a fait délivrer le commandement de payer visant la clause résolutoire à la société Jacquebot Lavage, et qui a demandé que soit constatée l’acquisition de cette clause et la résolution de plein droit du bail.

En sa qualité de bailleresse, la société de la Croix Jacquebot a bien un intérêt légitime à obtenir que soit constaté le défaut de paiement des loyers du preneur, et la résiliation de la vente.

En conséquence, la société Jacquebot Lavage sera déboutée de sa demande tendant à l’irrecevabilité de l’action de la société de la Croix Jacquebot.

Sur la bonne foi du bailleur

La société Jacquebot Lavage indique que M. [D], gérant de la société de la Croix Jacquebot, est partiellement responsable du mauvais fonctionnement de la société Jacquebot Lavage, tout comme de la société bailleresse à qui il ne rembourse pas son compte courant.

Le rapport de fin de mission du mandataire ad hoc, désigné par ordonnance du 23 janvier 2018 aux fins de rechercher un accord amiable entre la société de la Croix Jacquebot et ses créanciers sur des délais de paiement et remises de dettes, conclut que la mauvaise entente entre les associés paralyse la vie de la société.

Pour autant, et comme indiqué précédemment, il est de l’intérêt de la société de la Croix Jacquebot que ses locataires procèdent au paiement des loyers dus, et à défaut libèrent les lieux loués afin qu’ils puissent être proposés à de nouveaux locataires.

La débitrice de l’obligation de paiement des loyers dus à la société de la Croix Jacquebot est bien la société Jacquebot Lavage, dont le gérant est M. [V] et non M. [D], et la société Jacquebot Lavage ne conteste pas le non-paiement des loyers à sa charge et d’un arriéré locatif, de sorte qu’elle ne peut soutenir que c’est de mauvaise foi que la société de la Croix Jacquebot a initié la procédure en résiliation du contrat de bail.

La société de la Croix Jacquebot a expliqué avoir fermé provisoirement, en juillet 2020, l’accès à un local technique par nécessité de sécuriser les lieux, et la société Jacquebot Lavage n’a fourni aucun élément remettant en cause les raisons avancées par le bailleur ni n’a soutenu que cette fermeture s’était prolongée ou s’était reproduite, de sorte qu’il n’est pas justifié que la bailleresse ait cherché à entraver son bon fonctionnement en fermant l’établissement ; ce d’autant que cette fermeture est intervenue postérieurement au commandement de payer et à l’assignation.

Il n’est pas d’avantage justifié que la société de la Croix Jacquebot ait empêché l’accès des clients de la société Jacquebot Lavage, celle-ci ne versant aucun constat d’huissier, témoignage ou pièce justifiant que son fonctionnement est empêché par la société de la Croix Jacquebot.

Aussi, la mauvaise foi invoquée par la société Jacquebot Lavage au soutien de sa demande de nullité du commandement de payer n’est pas établie.

Comme l’a relevé le jugement, il n’est pas démontré que le gérant de la société de la Croix Jacquebot doive obtenir l’autorisation de l’assemblée des associés pour faire délivrer un commandement de payer, et le recouvrement des impayés est justifié dans le cadre d’une bonne gestion de la société, et apparaît conforme à son intérêt social.

Enfin, le fait que le Crédit Agricole, créancier de la société de la Croix Jacquebot, ait fait procéder à une saisie attribution à exécution successive entre les mains de la société Jacquebot Lavage par procès-verbal du 14 avril 2021, à la suite du défaut de paiement de ses échéances par le bailleur auprès de ce créancier, ne peut établir que la demande de la bailleresse tendant à obtenir le paiement des loyers dus par le preneur n’était pas justifiée.

Il est de plus établi que le 24 juin 2021, le Crédit Agricole a procédé à la main-levée de cette saisie attribution, de sorte que la société de la Croix Jacquebot est fondée à solliciter le paiement de ses loyers.

La société Jacquebot Lavage sera donc déboutée de sa demande tendant à voir constater que le bailleur n’est pas de bonne foi, et de sa demande en nullité du commandement de payer.

Sur l’acquisition de la clause résolutoire

Le contrat de bail contient une clause de résiliation à défaut de paiement d’un seul terme, clause résolutoire expressément visée par le commandement de payer les loyers délivré le 18 octobre 2018 à la société Jacquebot Lavage, à la demande de la société de la Croix Jacquebot.

Ce commandement de payer visait au principal la somme de 34.928,06 €, et y était annexé un extrait du grand livre clients de la société de la Croix Jacquebot dressant la liste des impayés par la société Jacquebot Lavage, depuis le 22 juin 2016 jusqu’au 1er octobre 2018, pour ce montant.

La société Jacquebot Lavage ne conteste ni le principe, ni le montant de la dette locative dénoncée par la société de la Croix Jacquebot et non réglée dans le mois de la signification du commandement. Aussi, le commandement de payer doit produire ses effets.

Sur les délais de paiement

Si la société Jacquebot Lavage sollicite des délais de paiement, en dénonçant l’absence de règlement de ses parts par M. [D], et le fait qu’il gérait mal la société de la Croix Jacquebot, elle ne justifie pas avoir réglé un loyer depuis le mois de juillet 2016, et ne fait pas état de propositions de règlement. Elle n’allègue pas être en mesure de régler cette dette locative, même par paiements échelonnés.

En conséquence, la demande de la société Jacquebot Lavage tendant à se voir reconnaître des délais de paiement n’apparaît pas suffisamment justifiée, et il n’y sera pas fait droit.

Aussi, faute de paiement dans le mois suivant le commandement de payer, celui-ci doit produire ses effets, et le jugement sera confirmé en ce qu’il a constaté la résiliation de plein droit du bail du 8 avril 2009.

Sur la condamnation prononcée à l’encontre de la société Jacquebot Lavage

Le jugement a condamné’la’société Jaquebot Lavage’à’payer’à’la’société de la Croix Jacquebot, au’titre’de la’dette locative’arrêtée’à’la’date’du’30’novembre’2019,’la’somme’de 52.695,32’€ augmentée des intérêts’au’taux’légal à’compter’du’18’octobre’2018’sur’la’somme de’34.928,06’€, et à compter’du jugement’sur’le’surplus.

Au regard des pièces produites, Cette condamnation sera confirmée.

La société Jacquebot Lavage soutient que M. [D] ferme les portes d’accès de la cour, empêchant les clients d’accéder au garage et entravant le bon fonctionnement de cette société.

Toutefois, et comme déjà indiqué, elle ne produit pas de pièces établissant que la société de la Croix Jacquebot entrave son fonctionnement, ce qui justifierait d’une inexécution du contrat au sens de l’article 1219 du code civil empêchant la société de la Croix Jacquebot de pouvoir prétendre au paiement de loyers.

Il a aussi été précisé que la saisie-attribution du Crédit Agricole avait été levée, de sorte que la société de la Croix Jacquebot est fondée à solliciter le paiement de ses loyers.

Elle produit deux décomptes des loyers dus par la société Jacquebot Lavage, l’un montrant que la dette locative s’est élevée au mois de juillet 2020 inclus à la somme de 67.586,41 €, l’autre chiffrant cette dette locative en décembre 2021 à la somme de 86.266,75 € (dont à déduire 52.695,32 € dans les deux décomptes).

En conséquence, il sera fait droit à la demande de la société de la Croix Jacquebot tendant à la condamnation de la société Jacquebot Lavage au paiement de la somme complémentaire de 33.571,43 € (86.266,75 – 52.695,32) au titre des loyers, indemnités d’occupation, charges et taxes dus sur la période s’écoulant du 1er décembre 2019 au 31 décembre 2021 inclus, augmentée des intérêts au taux légal à compter de l’arrêt.

Sur la demande de dommages-intérêts

La société Jacquebot Lavage s’oppose à cette demande, laquelle n’apparaît pas justifiée selon elle, et dénonce l’intention malicieuse du bailleur.

L’exercice d’une action en justice de même que la défense à une telle action, constitue en principe un droit et ne dégénère en abus de droit que dans le cas de malice, de mauvaise foi ou d’erreur grossière équipollente au dol.

Faute pour la société de la Croix Jacquebot de démontrer que l’engagement de la procédure par la société Jacquebot Lavage aurait été abusif, le jugement sera confirmé en ce qu’il a débouté la société de la Croix Jacquebot de sa demande reconventionnelle de dommages et intérêts pour procédure abusive.

Sur les autres demandes

Le jugement sera confirmé s’agissant des condamnations aux dépens et frais irrépétibles de 1ère instance.

Succombant au principal, la société Jacquebot Lavage sera condamnée au paiement des dépens d’appel, ainsi qu’au versement d’une somme de 2.500 € à la société de la Croix Jacquebot sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La Cour statuant par arrêt contradictoire,

Statuant dans les limites de l’appel,

Déclare irrecevable la demande de la société Jacquebot Lavage présentée sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

Rejette les autres moyens d’irrecevabilité,

Confirme le jugement en toutes ses dispositions,

y ajoutant

Condamne au titre de l’actualisation de la dette locative la société Jacquebot Lavage à payer à la société de la Croix Jacquebot la somme complémentaire de 33.571,43 € au titre des loyers, indemnités d’occupation, charges et taxes dus sur la période s’écoulant du 1er décembre 2019 au 31 décembre 2021 inclus, augmentée des intérêts au taux légal à compter du présent arrêt,

Déboute les parties de leurs autres demandes,

Condamne la société Jacquebot Lavage à payer à la société de la Croix Jacquebot la somme de 2.500 € chacun au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

Condamne la société Jacquebot Lavage aux entiers dépens d’appel.

– prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

– signé par Monsieur François THOMAS, Président et par M. BELLANCOURT, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le greffier, Le président,

 


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