Saisie-attribution : décision du 30 mars 2023 Cour d’appel d’Aix-en-Provence RG n° 21/07583

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Saisie-attribution : décision du 30 mars 2023 Cour d’appel d’Aix-en-Provence RG n° 21/07583

30 mars 2023
Cour d’appel d’Aix-en-Provence
RG n°
21/07583

COUR D’APPEL D’AIX-EN-PROVENCE

Chambre 1-9

ARRÊT SUR RENVOI APRES CASSATION

DU 30 MARS 2023

N° 2023/295

Rôle N° RG 21/07583 – N° Portalis DBVB-V-B7F-BHPWL

Jonction avec le RG 21/7717 et le RG21/10779

MUTUELLE ALLIANZ VIE

C/

[U] [X]

[P] [X]

[N] [X]

[C] [W]

Association DE SECURITE ET D’ASSISTANCECOLLECTIVE (ASAC)

S.A. GIRARDET

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

Me FICI

Me ERMENEUX

Me MAGNAN

Décision déférée à la Cour :

Après arrêt de la Cour de Cassation de PARIS en date du 25 Mars 2021 enregistré (e) au répertoire général sous le n° 19-19.324 cassant l’arrêt de la Cour d’appel de MONTPELLIER en date du 07 Mai 2019 et renvoyant à la Cour d’appel d’Aix en Provence l’appel du jugement du Tribunal judiciaire de MONTPELLIER en date du 28 Novembre 2017 enregistré au répertoire général sous le numéro RG 15/5792 .

APPELANTE

MUTUELLE ALLIANZ VIE SA inscrite au RCS de Nanterre sous le n°340234962 prise en la personne de ses représentants légaux domiciliésaudit siège sis

demeurant [Adresse 2]

représentée par Me Isabelle FICI de la SELARL LIBERAS FICI & ASSOCIES, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE, assistée de Me Emmanuelle CARDON de la SCP Herald anciennement Granrut, avocat au barreau de PARIS, plaidant

INTIMES

Madame [U] [X] prise tant en son nom personnel qu’en sa qualité d’héritière de Monsieur [S] [X], décédé le [Date décès 9] 2005,

née le [Date naissance 7] 1967 à [Localité 13], demeurant [Adresse 10]

Monsieur [P] [X] pris tant en son nom personnel qu’en sa qualité d’héritier de Monsieur [S] [X], décédé le [Date décès 9] 2005,

né le [Date naissance 1] 1964 à [Localité 12], demeurant [Adresse 3]

Madame [N] [X] prise tant en son nom personnel qu’en sa qualité d’héritière de Monsieur [S] [X], décédé le [Date décès 9] 2005,

née le [Date naissance 5] 1965 à [Localité 13], demeurant [Adresse 3]

Tous représentés par Me Agnès ERMENEUX de la SCP ERMENEUX-CAUCHI & ASSOCIES, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE, substituée par Me Alexia FARRUGGIO, avocat au barreau D’AIX EN PROVENCE, assistés de Me Patrick BOUYGUES, avocat au barreau de MONTPELLIER

Monsieur [C] [W] pris en qualité de liquidateur amiable de la SociétéGIRARDET

signifiée à personne habilitée le 20/08/2021, demeurant [Adresse 6]

non comparant

Association DE SECURITE ET D’ASSISTANCECOLLECTIVE (ASAC) prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié es qualité au siège social sis

demeurant [Adresse 8]

représentée par Me Isabelle FICI de la SELARL LIBERAS FICI & ASSOCIES, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE, assistée de Me Emmanuelle CARDON de la SCP Herald anciennement Granrut, avocat au barreau de PARIS, plaidant

S.A. GIRARDET actuellement en liquidation amiable; représentée par son liquidateur amiable la société A.J. PARTENAIRES (Maître [W] [C]) dont le siège est sis [Adresse 4], demeurant Chez Société A.J. Partenaires, [Adresse 6]

représentée par Me Joseph MAGNAN de la SCP MAGNAN PAUL MAGNAN JOSEPH, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE, assistée de Me Robert GUILLAUMOND, avocat au barreau de PARIS, plaidant, Me Valérie MAYER, avocat au barreau de PARIS

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

L’affaire a été débattue le 19 Janvier 2023 en audience publique. Conformément à l’article 804 du code de procédure civile, Agnès DENJOY, Présidente de Chambre, a fait un rapport oral de l’affaire à l’audience avant les plaidoiries.

La Cour était composée de :

Madame Agnès DENJOY, Président

Madame Pascale POCHIC, Conseiller

Monsieur Dominique TATOUEIX, Magistrat honoraire

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Madame Ingrid LAVALLEE.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 02 Mars 2023, puis prorogé au 30 Mars 2023.

ARRÊT

Réputé contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 30 Mars 2023,

Signé par Madame Agnès DENJOY, Président et Madame Ingrid LAVALLEE, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

FAITS ET PROCEDURE

Suivant arrêt de la cour d’appel de Lyon du 4 février 1998, [S] [X], aujourd’hui décédé, et ses enfants, M. et Mmes [P], [N] et [U] [X], ainsi que d’autres ont été déclarés coupables d’escroqueries et/ou de recel d’escroqueries au préjudice de la caisse régionale de Crédit Agricole de l’Ain.

Par la suite, la caisse régionale de Crédit Agricole de l’Ain qui ne s’était pas constitué partie civile a cédé sa créance à la société de bourse Girardet en l’état d’un protocole transactionnel du 4 octobre 2001.

[S] [X] est décédé le [Date décès 9] 2005.

Par un arrêt du 2 août 2007 devenu définitif, la cour d’appel de Lyon a condamné in solidum la SCI Wagram et M. et Mmes [P], [N] et [U] [X], tant en leur nom personnel qu’en leur qualité d’héritiers de [S] [X] ainsi que M. [M] [L] et son épouse à payer à la société Girardet la somme de 4 878 368 € avec intérêts au taux légal à compter du 11 mars 1998 et avec capitalisation des intérêts.

La société Girardet en liquidation amiable représentée par son liquidateur, M. [W] [C], a fait pratiquer le 9 juillet 2015 des saisies-attribution entre les mains de la société Allianz-Vie pour obtenir l’attribution des fonds placés par [S] [X] et par M. et Mmes [P], [N] et [U] [X] sur des contrats d’”épargne-retraite” auxquels ces derniers avaient adhéré respectivement en 1988 et 1989 par l’intermédiaire de l’Association de Sécurité et d’Assistance Collective (ASAC).

La société Allianz-Vie a saisi le juge de l’exécution du tribunal de grande instance de Montpellier par assignation du 7 août 2015 aux fins de voir déclarer insaisissables les fonds, au motifs qu’ils lui avaient été remis dans le cadre de contrats d’assurance sur la vie et, eut égard au dénouement du contrat auquel avait adhéré [S] [X] à la suite de son décès, aux fins de voir déterminer qui avait vocation à recevoir le montant de ce capital-décès.

Le 11 août 2015, les consorts [X] et la SCI Wagram ont également saisi le juge de l’exécution aux fins de déclarer nulles les saisies-attribution du 9 juillet 2015 et de dire y avoir lieu à reddition des comptes entre les parties.

En cours d’instance devant le juge de l’exécution et par actes des 28 et 29 septembre 2015, la société Girardet a fait assigner M. et Mmes [X], la société Allianz-Vie et l’ASAC devant le tribunal de grande instance de Montpellier aux fins de voir dire que lui étaient inopposables les placements effectués par [S], [P], [N] et [U] [X] en ce qu’ils auraient pour effet de rendre insaisissables des fonds issus de délits d’escroqueries et de recel, ainsi que définitivement jugé.

Les consorts [X] ont répliqué en invoquant la prescription de l’action engagée par la société Girardet.

Par jugement du 18 novembre 2016, le juge de l’exécution du tribunal judiciaire de Montpellier a sursis à statuer sur l’ensemble des demandes des parties dans l’attente de la décision définitive devant être rendue dans l’instance précitée pendante devant le tribunal de grande instance de Montpellier.

Par le jugement dont appel du 28 novembre 2017, le tribunal de grande instance de Montpellier a, notamment :

– déclaré irrecevable l’exception de litispendance soulevée par Mme [U] [X], M. [P] [X] et Mme [N] [X] pris tant en leur nom personnel qu’en leur qualité d’héritiers de [S] [X],

– rejeté la fin de non-recevoir tirée de la prescription invoquée par les consorts [X] et par l’assureur Allianz-Vie et l’ASAC,

– déclaré illicites les contrats d’assurance-vie souscrits le 2 février 1989 par les consorts [X] comme entachés de fraude et déclaré ces contrats inopposables à la société Girardet, à compter de la date de leur souscription, le 28 février 1989,

– dit que les consorts [X] n’ont aucun droit à revendiquer le caractère insaisissable desdits capitaux sur le fondement des dispositions du code des assurances régissant les contrats d’assurance-vie,

– déclaré inopposable à la société Girardet le caractère insaisissable des primes versées sur les contrats d’assurance-vie de Mme [U] [X], M. [P] [X], Mme [N] [X] et [S] [X],

‘ rejeté la demande de dommages-intérêts de la société Girardet représentée par son liquidateur amiable Me [W] [C],

‘ débouté la société Allianz-Vie et l’ASAC de leur demande tendant à voir juger que l’inopposabilité du caractère insaisissable des primes versées sur les contrats d’assurance-vie auxquels [U] [P] et [N] [X] ont adhéré ne pourra avoir aucune conséquence sur les mesures d’exécution pratiquées antérieurement à la décision à intervenir,

– déclaré le jugement opposable à Allianz-Vie et à l’ASAC,

– condamné solidairement Mmes [U] et [N] et M. [P] [X] tant en leur qualité personnelle quand leur qualité d’héritiers de M. [S] [X] à payer à la société Girardet en la personne de son liquidateur amiable M. [W] [C] la somme de 3 000 € en application de l’article 700 du code de procédure civile,

– condamné les mêmes solidairement à payer à la société Allianz-Vie et à l’ASAC prises ensemble la somme de 3 000 € en application de l’article 700 du code de procédure civile,

– rejeté le surplus des demandes,

– ordonné l’exécution provisoire,

– condamné solidairement les consorts [X] aux dépens.

Suivant arrêt du 7 mai 2019, la cour d’appel de Montpellier a confirmé cette décision.

La Cour de cassation a cassé cet arrêt en toutes ses dispositions le 25 mars 2021 et a renvoyé l’affaire devant la cour d’appel d’Aix-en-Provence après avoir dit que l’action engagée par la société Girardet, qui tendait à se voir déclarer inopposables les contrats d’assurance sur la vie en raison de la fraude commise par les consorts [X] s’analysait en une action personnelle qui relevait de la prescription quinquennale prévue à l’article 2224 du code civil, quand bien même elle aurait été soulevée à l’occasion de l’exécution d’un jugement.

La société Allianz-Vie a saisi cette cour de renvoi le 20 mai 2021 (instance n° RG 21/07583) puis à nouveau le 16 juillet 2021 (instance n° RG 21/10079)

Les consorts [X] ont saisi cette cour de renvoi le 25 mai 2021 (instance n° RG 21/07717)

L’ASAC a saisi cette cour de renvoi le 16 juillet 2021 (instance n° RG 21/10079)

PRETENTIONS DES PARTIES :

La SA en liquidation amiable Girardet – demandeur originel – demande à la cour, suivant dernières conclusions déposées le 3 février 2022 de :

– sur l’appel formé par Mme [N] [X] tant en son nom qu’en sa qualité d’ayant droit de [S] [X] :

– déclarer irrecevables la saisine de cette cour de renvoi par Mme [N] [X] et ses conclusions, tant en son nom qu’en qualité d’héritière de [S] [X] ;

– confirmer le jugement dont appel en ce qui concerne l’inopposabilité à la société Girardet du contrat d’épargne retraite n° 64000/13626 souscrit par [N] [X] et du contrat d’épargne retraite n° 64000/11468 souscrit par [S] [X]

– sur l’appel formé par [P] et [U] [X] ainsi que par la société Allianz-Vie et l’ASAC :

– confirmer le jugement dont appel en ce qui concerne [U] et [P] [X] et rejeter l’appel de l’ASAC et de la société Allianz-Vie sauf en ce qui concerne la partie de la décision relative aux primes versées sur les contrats d’assurance-vie de [U], [P], [N] et [S] [X]

– fixer au 17 octobre 2014 le point de départ de la prescription de l’action de la société Girardet,

– dire que son action n’est pas prescrite,

– dire que lui sont inopposables en vertu du principe “fraus omnia corrumpit” les contrats souscrits par les précités, sans restriction et de manière rétroactive à compter du 8 août 1988 en ce qui concerne le contrat souscrit par [S] [X] et à compter du 28 février 1989 pour les contrats souscrits par [U], [P] et [N] [X] ;

-dire en particulier que [U], [P] et [N] [X] tant en leur nom personnel qu’en leur qualité d’héritiers de [S] [X] ne peuvent revendiquer à quelque titre que ce soit, l’insaisissabilité des capitaux constitués au titre de ces contrats ;

– dire que l’inopposabilité des contrats qui sera prononcée n’affectera pas la possibilité pour la société Girardet de se faire attribuer par le juge de l’exécution la totalité des capitaux constitutifs des 4 contrats d’assurance-vie concernés, composés des fonds de souscription, majorés de leur rendement financier décompté selon les dispositions desdits contrats ;

– déclarer la décision à intervenir opposable à l’ASAC et à la société Allianz-Vie,

– condamner in solidum les consorts [X] ainsi que l’ASAC et la société Allianz-Vie à lui verser à titre de dommages-intérêts la somme de 200 000 euros,

‘ condamner in solidum [U], [P] et [N] [X] tant en leur nom personnel qu’en leur qualité d’héritiers de [S] [X] à lui payer la somme de 20 000€ en application de l’article 700 du code de procédure civile au titre de l’instance d’appel,

– condamner l’ASAC et Allianz-Vie à lui payer à ce même titre la somme de 10 000€

– condamner in solidum [U], [P] et [N] [X] aux dépens de première instance et d’appel,

– confirmer le jugement qui a condamné les consorts [X] à lui payer la somme de 3 000 € en application de l’article 700 du code de procédure civile.

La société Girardet invoque l’irrecevabilité de la saisine de la cour par Mme [N] [X] et de ses conclusions sur le fondement des articles 960 et 961 du code de procédure civile au motif que l’acte de saisine de la cour par Mme [N] [X] et ses conclusions ne mentionnent ni sa profession ni surtout son domicile réel, étant noté que celle-ci se déclare domiciliée chez son frère [Adresse 3] alors qu’elle se domiciliait précédemment à [Localité 11]) et alors qu’il a été établi :

– qu’elle n’était pas domiciliée à [Localité 11] ainsi qu’il résulte de 3 procès-verbaux de recherche des 4 novembre 2014, 17 janvier 2018 et 15 juin 2021 qui démontrent qu’elle n’avait à cette adresse aucun domicile réel ;

– que Mme [N] [X] se prétend en dernier lieu domiciliée chez son frère ce qui n’est pas conforme à la réalité car Mme [N] [X] qui avait été sommée de justifier de la réalité de ce domicile par acte d’huissier du 22 septembre 2021 n’a pas produit de justificatif et que d’ailleurs, dans un arrêt rendu le 27 janvier 2022 dans une affaire distincte, la cour d’appel de Montpellier a reconnu la fausseté de cette nouvelle domiciliation de Mme [N] [X].

La société Girardet précise que cette fausse domiciliation lui fait grief.

Elle en tire la conclusion que le jugement déféré doit être confirmé en ce qui concerne le contrat d’épargne retraite auquel a adhéré Mme [N] [X] et en ce qui concerne le capital-décès issu du contrat d’épargne retraite auquel avait adhéré [S] [X] au titre duquel elle intervient en qualité d’héritière, de manière indivisible avec ses frères et s’urs, et en raison de l’indivisibilité de l’action des héritiers de [S] [X] au titre de ce contrat.

Sur le fond, pour le surplus, et à titre subsidiaire en ce qui concerne [N] [X], l’appelante estime que son action n’est pas prescrite.

Elle expose à ce titre :

– que le point de départ de la prescription est en l’espèce le 17 octobre 2014, qui est la date à laquelle elle a été informée par conclusions de l’ASAC et d’Allianz-vie de la nature des contrats d’épargne-retraite de contrats d’assurance-vie ;

– qu’en tout état de cause, les effets des saisies-arrêt de 1991 ont interrompu la prescription en vertu du caractère lié des actions qu’elle a engagées et qui concourent toutes au même objectif;

‘ que la fraude commise par les consorts [X] ne leur permet pas de se prévaloir de l’insaisissabilité des capitaux ;

– qu’elle était dans l’impossibilité d’agir tant qu’elle était laissée volontairement dans l’ignorance de la nature juridique des contrats de placement dit “épargne-retraite” souscrits par les consorts [X] ;

– qu’elle a été informée très tardivement dans le cours des procédures d’exécution qu’elle a engagées que les fonds n’avaient été recueillis par l’ASAC non pour son compte mais pour le compte de la société d’assurances AGF auxquels les fonds furent immédiatement transmis en vertu d’un contrat conclu entre ces sociétés en 1988 et qui n’a jamais été versé aux débats ;

– que sous l’apparence de contrats de capitalisation dits «épargne-retraite» les fonds furent ainsi placés en réalité sous la forme de contrats d’assurance-vie insaisissables par nature.

Elle rappelle qu’une saisie pénale était intervenue sur la diligence du parquet le 21 octobre 1991 entre les mains de l’ASAC et qu’à cette époque, cette dernière n’avait pas protesté contre le fait qu’elle avait été constituée «gardienne» des fonds alors qu’elle s’en était déjà dessaisie au profit de la société AGF.

Elle rappelle également que l’ASAC n’avait pas plus protesté lorsqu’elle avait procédé à quatre saisies-arrêt entre les mains de cette dernière le 16 décembre 1991 et que l’ASAC avait même déclaré à l’huissier instrumentaire avoir procédé, conformément à la réquisition du SRPJ, à la conservation des capitaux constitués sur les quatre contrats d’épargne-retraite.

Or, à la suite d’une longue procédure, ces 4 saisie-arrêts ont été définitivement validées par un jugement du tribunal de grande instance de Montpellier du 25 novembre 2008 confirmé par arrêt du 30 novembre 2009.

Elle rappelle que par acte du 11 décembre 2006, elle a fait procéder à une saisie-attribution entre les mains de l’ASAC à l’encontre des consorts [X] et [L] et que dans le cadre de cette procédure, l’ASAC a indiqué à l’huissier saisissant qu’elle « donnerait une réponse écrite sous 48 heures », réponse qui n’est jamais intervenue.

Elle admet que par la suite, l’avocat de la société AGF-Vie devenue Allianz-Vie avait écrit à son huissier le 20 décembre 2006 que l’ASAC ne pouvait être considérée comme débitrice d’aucune somme n’étant que souscriptrice d’une assurance collective à laquelle les assurés avaient adhéré et que les fond étaient indisponible du fait de la réquisition judiciaire du 21 octobre 1991 et d’un avis à tiers détenteur du Trésor public.

Toutefois elle considère que cette lettre ne l’a pas informée sur les points essentiels :

– montant placé par l’ASAC pour le compte des consorts [X] auprès de la société d’assurances,

– identification des contrats,

– le fait que l’ASAC s’était dessaisie de la totalité des fonds avant même les saisies pénales et civiles d’octobre et décembre 1991 et que l’ASAC ne pouvait donc être valablement considérée comme tiers saisi et que les poursuites exercées entre les mains de l’ASAC étaient vaines.

Elle ajoute que rien ne démontre que l’annexe à cette lettre du 20 décembre 2006 à savoir une lettre des AGF au procureur de la République datée du 28 février 2006 selon laquelle la société AGF indiquait au parquet que les consorts [X], notamment, avaient souscrit des contrats d’assurance-vie auprès d’elle par l’intermédiaire de l’ASAC, lui ait été communiquée.

Elle souligne que ce n’est qu’après la mainlevée de la réquisition pénale, prononcée par un arrêt de la cour d’appel de Lyon du 16 janvier 2014, qu’elle a saisi le juge de l’exécution du tribunal de grande instance de Paris à l’encontre de l’ASAC et d’Allianz-Vie en déclaration affirmative et mise à exécution des 4 saisies-arrêt du 16 décembre 1991 et de la saisie-attribution du 11 décembre 2006.

Elle estime en tout état de cause que la prescription a été interrompue en vertu de l’article 2244 ancien du code civil repris par les articles 2241, 2242 et 2244 nouveaux, applicables en vertu des actes interruptifs que sont les actes des procédures de saisies-arrêts du 16 décembre 1991 et de leurs instances en validité, ainsi que des procédures de validité intervenues devant le tribunal de grande instance de Montpellier puis la cour d’appel de Montpellier suivant arrêt du 30 novembre 2009, s’agissant d’actions qui ont été introduites avant l’entrée en vigueur de la loi du 17 juin 2008 portant réforme de la prescription en matière civile et de son article 26 III, qui dispose que lorsqu’une instance a été introduite avant l’entrée en vigueur de la loi, l’action est poursuivie et jugée conformément à la loi ancienne, ce qui a pour conséquence que la prescription trentenaire de droit commun et les dispositions des articles 2244 anciens et suivants du code civil sont applicables.

Elle soutient en effet que l’ensemble de ces instances sont liées pour poursuivre le même objectif et que l’interruption de prescription relative aux procédures de saisie-arrêt s’étend à la présente action.

Elle précise que les contrats d’épargne-retraite proprement dits ne lui ont été communiqués que le 19 novembre 2014 sur sommation du 23 octobre 2014 et que ce n’est que par des conclusions notifiées le 17 octobre 2014 que l’ASAC et Allianz lui ont exposé de façon claire et détaillée les faits de nature à faire échapper les fonds aux mesures d’exécution qu’elle avait engagées.

La société Girardet estime donc qu’avant le 17 octobre 2014, aucun acte ni document, que ce soit de l’information pénale ni des procédures civiles ou d’exécution ayant opposé les parties, n’avait fait état d’un ou plusieurs faits qu’elle devait connaître ou dont elle aurait dû avoir connaissance au sens de l’article 2224 du code civil, à savoir le fait que les capitaux avaient été placés en assurance-vie après remise des fonds à un assureur.

Elle en déduit que son action en inopposabilité de l’insaisissabilité des primes fondée sur le principe “fraus omnia corrumpit” n’est pas prescrite eu égard à la date à laquelle elle a engagé son action devant le tribunal de grande instance de Montpellier en septembre 2015.

La société Girardet ajoute que jusqu’aux arrêts de la chambre mixte de la Cour de cassation du 23 novembre 2004, la qualification de tels contrats de placements financiers comme étant des contrats d’assurance-vie était incertaine et affirme que ce n’est qu’en vertu de ces quatre arrêts que la qualification d’assurance-vie de tels contrats de placement a été retenue lorsque ces derniers comportent une clause bénéficiaire en cas de décès du souscripteur et qu’ont pu être qualifiés, à l’inverse, de contrats de capitalisation les placements ne comportant pas une telle clause en cas de décès.

Elle estime en tout état de cause que la prescription a été interrompue en vertu des articles 2244 anciens devenus 2241 et suivants du code civil résultant de la loi du 17 juin 2008 par les procès-verbaux de saisies-arrêts diligentés entre les mains de l’ASAC par acte du 21 décembre 1991, les assignations en validité des saisies intervenues aux termes des actes et par les juridictions suivant arrêt de la cour d’appel de Montpellier du 30 novembre 2009 puis par l’assignation en déclaration affirmative délivrée les 11 et 12 juin 2014 devant le juge de l’exécution de Paris ; que l’ensemble de ces actes procéduraux forment un tout, depuis la saisie conservatoire à sa mise à exécution puisqu’elle tendent à l’appréhension par la société Girardet des sommes issues des détournements commis par les consorts [X] : il s’agit, selon la société Girardet d’actions dites “liées”, ce en vertu d’une jurisprudence bien établie, et actions pour lesquelles l’interruption de la prescription s’est poursuivi de 1991 jusqu’à la solution du litige intervenue le 6 septembre 2018.

Elle conteste ensuite la position de l’assureur et de l’association ASAC selon laquelle les actes délivrés sur le fondement des saisies-arrêt de décembre 1991 n’ont pu avoir aucun effet juridique du fait de leur caducité en absence d’assignation du tiers saisi en déclaration affirmative et du fait que les saisies arrêts ont été réalisées entre les mains de l’ASAC et non entre les mains de l’assureur.

Sur ce point, elle verse aux débats l’assignation en déclaration affirmative délivrée par actes des 11 et 12 juin 2014 à l’association ASAC et à la société d’assurances Allianz ayant fait suite aux 4 saisies-arrêt du 16 décembre 1991.

Par ailleurs elle rappelle que les saisies dont il est question ont été validées par l’arrêt de la cour d’appel de Montpellier du 30 novembre 2009.

En ce qui concerne la portée rétroactive de l’inopposabilité de l’insaisissabilité des primes qu’elle demande, elle estime que la prétention de l’assureur et de l’ASAC à rejeter ce caractère rétroactif ne repose sur aucun fondement et que leur demande si elle était acceptée, conduirait à enlever toute efficacité à la décision qui sera rendue et que cette prétention devra nécessairement être rejetée et qu’il appartiendra ensuite au juge de l’exécution de statuer sur les mérites de la saisie-attribution du 9 juillet 2015 en considération de la décision à intervenir.

En ce qui concerne, enfin, le contrat d’épargne retraite qui avait été conclu par [S] [X], elle rappelle que du fait du décès du souscripteur, les capitaux investis sont désormais disponibles ; que toutefois, la société d’assurance refuse de lui reverser les sommes en invoquant la stipulation pour autrui qui attribue les fonds aux bénéficiaires désigné par le contrat et ce rétroactivement dès cette désignation.

L’ASAC et Allianz-Vie suivant dernières conclusions identiques notifiées le 15 février 2022 dans les trois instances n° 21-7583, 21-7717 et 21-10 779 demandent à la cour de :

– confirmer le jugement en ce qu’il a dit qu’elles étaient recevables à invoquer la prescription de l’action de la société Girardet à leur égard,

– réformer le jugement pour le surplus,

Statuant à nouveau, de :

– juger que l’inopposabilité du caractère insaisissable des primes versées sur les contrats d’assurance-Vie auquel [U] [P] et [N] [X] ont adhéré ne pourra avoir aucune conséquence sur les mesures d’exécution pratiquées antérieurement à la décision à intervenir et qu’il appartiendra le cas échéant à la société Girardet de faire procéder à une nouvelle mesure d’exécution sur le fondement de la décision ;

– juger que seuls les contrats de [P], [N] et [U] [X] sont concernés par les demandes ;

– dire que l’insaisissabilité ne pourra concerner que la valeur de rachat disponible sur les contrats au jour du prononcé de la décision à intervenir ;

– à titre subsidiaire, leur donner acte de ce qu’elles s’en rapportent à justice sur la demande d’inopposabilité du caractère insaisissable des primes versées sur les contrats d’assurance-vie auquel [U] [P] et [N] [X] ont adhéré ;

– en toute hypothèse, débouter la société Girardet de ses demandes ;

– condamner la partie succombante à leur verser la somme de 6 000 € en application de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux dépens.

L’assureur et l’association rappellent qu’en vertu de l’article L. 132 ‘ 14 du code des assurances, les primes versées sur des contrats d’assurance-vie sont insaisissables tant que lesdits contrats ne sont pas dénoués et que cette règle ne souffre aucune exception puisqu’inhérente au régime juridique du contrat d’assurance-vie.

Les mêmes reconnaissent en revanche que cet état de fait ne concerne pas le contrat de [S] [X] puisque ce dernier est décédé.

Elles précisent que ces règles avaient été rappelées à la société Girardet dans le cadre de la réponse apportée lors de la saisie-attribution notifiée le 9 juillet 2015.

Elles estiment qu’en tout état de cause, l’action introduite par la société Girardet est prescrite en vertu de l’article 2224 du code civil.

Elles ajoutent que les bénéficiaires désignés par [S] [X] dans le cadre de son contrat ont accepté le bénéfice du contrat le [Date décès 9] 2005, en conséquence de quoi, les capitaux décès sont irrévocablement réputés être entrés dans le patrimoine des bénéficiaires depuis la souscription ainsi qu’il résulte de l’article L 132 ‘ 12 du code des assurances de sorte que la saisie-attribution pratiquée sur le contrat de [S] [X] réalisée le 9 juillet 2015 est dépourvue d’effet attributif .

Elles rappellent que devant le juge de l’exécution du tribunal de grande instance de Paris puis devant la cour d’appel, la société Girardet s’est vue rappeler que la prescription de l’action engagée contre le tiers saisi était la prescription quinquennale et que la prescription de cette action était acquise.

Elles considèrent en réponse à l’argumentation de la société Girardet, que le fait que l’association ASAC se serait rendue coupable de man’uvre dolosives destinées à l’empêcher de connaître la nature de contrat d’assurance-vie des contrats “d’épargne-retraite” auxquels avaient adhéré les consorts [X] n’est pas démontré.

Elles estiment que la société Girardet ne démontre pas non plus que sont réunies les conditions d’application des causes de suspension ou d’interruption de la prescription visées à l’article 2234 du code civil.

Elles invoquent au contraire un manque de diligence voire de clairvoyance de la société Girardet dans la conduite de ses actions.

Elles rappellent que l’avocat de la société Allianz avait fait savoir expressément à la société Girardet à la suite de la saisie du 11 décembre 2006 que les contrats litigieux étaient des contrats d’assurance sur la vie et que l’ASAC intervenait en tant que souscripteur et non en tant qu’assureur et en déduit que l’action de la société Girardet a été prescrite au plus tard 5 ans après à cette date.

Elles rappellent que dans le cadre d’une autre procédure engagée devant le juge de l’exécution du tribunal de grande instance de Paris en 2014, la société Girardet s’était déclarée informée de ce que «l’ASAC avait transféré les fonds à la compagnie AGF dans le cadre d’une assurance collective »

L’ASAC rappelle quant à elle qu’elle n’a jamais détenu les primes versées par les consorts [X], n’étant que souscriptrice des contrats pour le compte de ses adhérents.

Elle rappelle l’arrêt rendu le 30 mars 2017 par la cour d’appel de Paris et l’arrêt de rejet de la Cour de cassation du 6 septembre 2018 qui lui a fait suite selon lequel l’action engagée par la société Girardet contre l’assureur et l’ASAC fondée sur un manquement de ces dernières à leur obligation d’information était à la fois prescrite et mal fondée.

Elles contestent que la prescription de l’action ait été interrompue par les saisies-arrêts engagées en 1991 et invoquent les dispositions de l’article 2243 du code civil selon lequel l’interruption de la prescription est non avenue lorsqu’une mesure d’exécution est déclarée caduque ce qui la prive de tout effet, alors que la société Allianz ne s’est jamais vue notifier les quatre saisies-arrêts de 1991, raison pour laquelle ces quatre saisies-arrêts ont été privées de tout effet juridique et qu’elles ne peuvent avoir pu interrompre la prescription.

Quant à l’assignation qui leur a été délivrée devant le juge de l’exécution du tribunal de grande instance de Paris par acte d’huissier du 12 juin 2014, elle n’a eu aucun effet interruptif à leur égard puisqu’à cette date, la prescription était déjà acquise.

Elles contestent la notion d’”actions liées” dans le cas d’espèce.

Elles rappellent que suivant arrêt de la cour d’appel de Paris du 30 mars 2017, la société Girardet a été déboutée de ses demandes de condamnation in solidum de l’ASAC et de la société Allianz en application des articles R.211 ‘ 5 alinéa 1 et 2 du code des procédures civiles d’exécution et qu’en conséquence, l’interruption de la prescription invoquée par celle-ci à ce titre est définitivement non avenue.

Encore subsidiairement, elles estiment qu’il appartient à la société Girardet de démontrer que les fonds versés par les consorts [X] dans le cadre de leurs différents contrats d’assurance-vie sont issus des infractions pour lesquelles ils ont été pénalement condamnés.

Elles font observer que le jugement dont appel a déclaré illicites les contrats d’assurance-vie souscrits le 28 février 1989 par les consorts [X] excluant de ce fait le contrat souscrit par [S] [X] le 1er septembre 1988 alors que par ailleurs le même jugement fait droit à la demande de la société Girardet tendant à l’inopposabilité du caractère insaisissable des primes versées sur les contrats de [S], [U], [P] et [N] [X], ce qui est incohérent.

Elles estiment qu’en tout état de cause, le contrat souscrit par [S] [X] n’est pas concerné puisque le contrat a été dénoué par son décès.

Elles critiquent également le jugement dont appel en ce qu’il a déclaré inopposables à la société Girardet les contrats d’assurance vie eux-mêmes et non l’insaisissabilité des primes. Elles soulignent que le fait de prononcer l’inopposabilité des contrats à la société Girardet a pour conséquence que cette dernière ne pourrait à aucun titre s’en prévaloir ce qui leur apparaît «totalement inepte »

Elles critiquent également le fait que le jugement n’a pas précisé si l’inopposabilité prononcée concernait les primes versées, la valeur de rachat des contrats ou le capital-décès en ce qui concerne [S] [X], de sorte que le jugement s’il était confirmé serait inexécutable.

En ce qui concerne la demande de dommages-intérêts formulée par la société Girardet à l’encontre de l’ensemble des parties, elles estiment que la demande est inconsistante et non fondée et qu’elle doit être rejetée.

Elles estiment que leur position n’a été le résultat que des procédures introduites de façon inadéquate et infondée par la société Girardet et des griefs inexistants fondés sur une supposée fraude ou dol.

Suivant dernières conclusions notifiées le 26 juillet 2021 dans le cadre de l’instance n° 21-7717 et le 20 septembre 2021 dans le cadre de l’instance n° 21-7583 et de l’instance n° 21-10 779, M. et Mmes [P], [U] et [N] [X] demandent à la cour de :

– réformer le jugement du tribunal de grande instance de Montpellier du 28 novembre 2017 en toutes ses dispositions,

– dire que l’action engagée par la société Girardet devant le tribunal de grande instance de Montpellier suivant assignations des 28 et 29 septembre 2015 est soumise à la prescription quinquennale de droit commun de l’article 2224 du code civil et qu’elle est prescrite et irrecevable ;

– condamner la société Girardet à leur verser à chacun la somme de 4 000 € en application de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux dépens.

Les consorts [X] font valoir en substance que la société Girardet connaissait au moins depuis le 6 décembre 2001 l’existence des contrats d’assurance-vie et que son action en inopposabilité de l’insaisissabilité des primes est prescrite s’agissant d’une prescription quinquennale ainsi qu’il résulte de l’article 2224 du Code civil.

Ils ajoutent qu’en tout état de cause, les capitaux issus du contrat d’assurance-vie souscrit par [S] [X] ont été dévolus à ses enfants bénéficiaires du contrat à la date de son décès en vertu de la clause bénéficiaire contractuelle et que la saisie-attribution est sans objet en ce qui concerne le contrat autrefois souscrit par [S] [X] et inefficace eu égard à l’insaisissabilité des fonds en vertu des dispositions du droit des assurances.

Ils s’associent, pour le surplus à l’argumentation de lAssureur Allianz et de l’ASAC

MOTIFS DE LA DECISION

Il y a lieu de joindre les instances connexes numéro 21 ‘ 7583, 21 ‘ 7717 et 21 ‘ 10779 sous le n° 21-7583 et de statuer par un seul arrêt.

Sur la recevabilité de la saisine de la cour par Madame [N] [X] (instance 21-7717) et des conclusions prises par cette dernière :

L’irrégularité de la saisine de la cour sur renvoi de cassation par Mme [N] [X] et de ses conclusions peuvent caractériser une nullité de la saisine et des conclusions de cette dernière à condition que celui qui l’invoque démontre un grief, ainsi qu’il résulte de l’article 114 du code de procédure civile, s’agissant d’un cas de nullité pour vice de forme.

En se contentant de déclarer que l’indication par Madame [N] [X] d’un domicile fictif lui cause grief, la société Girardet ni n’allègue un grief ni a fortiori ne le démontre.

En conséquence la nullité de la saisine de la cour par Mme [N] [X] dans l’instance RG 21-7717 et de ses conclusions ne peuvent être prononcées.

Sur le fond :

L’action engagée devant le tribunal de grande instance de Montpellier par la société en liquidation Girardet visant à voir prononcer l’inopposabilité de l’insaisissabilité de primes d’assurance-vie versée par les consorts [X] entre les mains de la société d’assurances AGF devenue Allianz-vie fondée sur le principe “fraus omnia corrumpit” est une action personnelle mobilière dont le délai de prescription était de 30 ans jusqu’à l’entrée en vigueur de la loi du 18 juin 2008 qui a réduit la prescription à cinq ans.

L’action a été engagée par assignations délivrées les 28 et 29 septembre 2015.

Vu l’article 2224 du code civil, l’action engagée était soumise à la prescription quinquennale dont le point de départ se situait à la date à laquelle le titulaire du droit avait connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l’exercer.

Or, il ressort de conclusions notifiées par la société Girardet le 6 décembre 2001 devant le tribunal de grande instance de Lyon dans une affaire RG 98-5778 où la société Girardet poursuivait les consorts [X], [L] et la société civile Wagram en vue de les voir condamner in solidum à lui payer une certaine somme représentant le montant de son préjudice, que la société Girardet soutenait aux termes desdites conclusions que les fonds détournés par les consorts [X] avaient servi à l’acquisition « de biens mobiliers et immobiliers et de contrats d’assurance-vie » et que ces fonds «avaient fait l’objet de mesures de saisies conservatoires dont le sort était soumis à l’appréciation du tribunal de grande instance de Montpellier».

Ainsi il faut considérer que dès le 6 décembre 2001, la société savait ou en tout cas aurait dû savoir que les fonds, produits des escroqueries et recels commis par les consorts [X], avaient été investis par ces derniers sous forme de contrats d’assurance-vie avec toutes les conséquences de droit.

Si la société Girardet avait conservé un doute sur ce point il lui appartenait de sommer la société AGF afin que cette dernière lui fasse part de sa position sur la qualification des contrats dits d’”épargne- retraite” auxquels avaient adhéré chacun des consorts [X],

Il est ainsi démontré que la société Girardet savait ou en tout cas aurait dû savoir au jour de ses conclusions du 6 décembre 2001 que les fonds étaient investis en contrats d’assurance-vie et qu’ils étaient, par conséquent, insaisissables.

La prescription de son action ayant été ramenée à 5 ans, en application de la loi du 18 Juin 2008, l’action a été prescrite le 19 Juin 2013.

Sur la notion d’actions liées :

Les voies d’exécution engagées par la société Girardet l’ont été en vue de saisir des fonds que par hypothèse la société Girardet dit avoir présumé qu’ils étaient placés en contrats de capitalisation.

Son intention de récupérer les fonds auxquels elle estimait avoir droit est constante mais pour autant il ne peut pas être considéré que les actions et voies d’exécution qu’elle a engagées au fil du temps puissent être qualifiés de “liées”, les fondements et l’objet de ces actions étant distincts.

Les actes de procédure réalisés dans le cadre des voies d’exécution à la suite de l’arrêt de la cour d’appel de Lyon du 4 février 1998 et de la cession de créance du 4 octobre 2001 n’ont pu interrompre la prescription de l’action en inopposabilité de l’insaisissabilité des primes d’assurance-vie engagée par la société Girardet en 2015.

Sur la qualification juridique qualifié d’incertaine par la société Girardet des contrats d’épargne retraite jusqu’aux arrêts de la Cour de cassation du 23 novembre 2004 :

Cette question est sans incidence sur la solution du litige dès lors que la société Girardet a elle-même qualifié les contrats d’épargne-retraite auxquels avaient adhéré les consorts [X] de contrats d’assurance-vie dès 2001.

Sur l’interruption de la prescription pour impossibilité d’agir invoquée par la société Girardet:

Aux termes de l’article 2234 du code civil la prescription ne court pas ou est suspendue contre celui qui est dans l’impossibilité d’agir par suite d’un empêchement résultant de la loi, de la convention ou de la force majeure.

Il incombe à la partie qui invoque cette disposition de faire la preuve des circonstances caractérisant une impossibilité d’agir.

La société Girardet estime qu’elle n’a eu la possibilité d’agir car elle ignorait la qualification du contrat d’épargne retraite auquel avaient adhéré les consorts [X].

Le problème relève donc de l’article 2224 du code civil et non de l’article 2234 dans la mesure où la société Girardet aurait dû se renseigner sur ce point auprès de l’assureur en temps utile.

Aucune impossibilité d’agir n’est démontrée.

Par conséquent l’action en inopposabilité de l’insaisissabilité des primes d’assurance-vie investie par chacun des consorts [X] auprès de la société AGF devenue Allianz-vie par l’intermédiaire de l’association ASAC doit être déclaré prescrite et irrecevable.

Par voie de conséquence les demandes de dommages-intérêts de la société en liquidation Girardet doivent être rejetées.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement, de façon réputé contradictoire,

Prononce la jonction des instances n° 21 ‘ 7583, 21 ‘ 7717 et 21 ‘ 10779 sous le n° 21-7583;

Rejette la demande de nullité de la saisine de cette cour de renvoi et des conclusions de Mme [N] [X] ;

Infirme le jugement déféré en toutes ses dispositions ;

Statuant à nouveau,

Déclare prescrite et irrecevable l’action engagée par la société en liquidation Girardet contre la société Allianz-vie, l’association l’ASAC et contre M. [P] [X], Mme [U] [X] et Mme [N] [X] ;

Déboute la société en liquidation Girardet de l’ensemble de ses demandes ;

Vu l’article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes de la société Allianz-vie, de l’ASAC et des consorts [X] ;

Condamne la société en liquidation Girardet aux dépens de première instance et d’appel.

LA GREFFIERE LA PRESIDENTE

 


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