Saisie-attribution : décision du 30 mars 2023 Cour d’appel de Paris RG n° 22/07021

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Saisie-attribution : décision du 30 mars 2023 Cour d’appel de Paris RG n° 22/07021

30 mars 2023
Cour d’appel de Paris
RG n°
22/07021

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 1 – Chambre 10

ARRÊT DU 30 MARS 2023

(n° , 6 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général :

N° RG 22/07021 – N° Portalis 35L7-V-B7G-CFTJ3

Décision déférée à la cour :

Jugement du 09 février 2022-Juge de l’exécution de Paris-RG n° 21/81708

APPELANT

Monsieur [F] [T]

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représenté par Me Florian CANDAN, avocat au barreau de PARIS, toque : C1869

INTIMÉE

S.A.S. VALENTINE LOEB

[Adresse 2]

[Localité 4]

Représentée par Me Yahia MERAKEB de la SELARL ESEÏS Avocats, avocat au barreau de PARIS, toque : P0284

COMPOSITION DE LA COUR

L’affaire a été débattue le 2 mars 2023, en audience publique, devant la cour composée de :

Madame Bénédicte PRUVOST, président de chambre

Madame Catherine LEFORT, conseiller

Monsieur Raphaël TRARIEUX, conseiller

qui en ont délibéré, un rapport a été présenté à l’audience par Monsieur Raphaël TRARIEUX, conseiller, dans les conditions prévues par l’article 804 du code de procédure civile.

GREFFIER lors des débats : Monsieur Grégoire GROSPELLIER

ARRÊT

-contradictoire

-par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

-signé par Madame Bénédicte PRUVOST, président de chambre et par Monsieur Grégoire GROSPELLIER, greffier présent lors de la mise à disposition.

Déclarant agir en vertu d’une ordonnance d’injonction de payer en date du 7 avril 2021, signifiée le 27 avril suivant, la société Valentine Loeb a, le 30 juillet 2021, dressé un procès-verbal de saisie-attribution entre les mains de la SCCV CRCAM et à l’encontre de M. [T], pour avoir paiement de la somme de 9 543,82 euros ; cette mesure d’exécution sera dénoncée au débiteur le 3 août 2021.

M. [T] ayant contesté cette saisie-attribution devant le juge de l’exécution de Paris, qu’il a saisi par assignation datée du 3 septembre 2021, ce magistrat a, par jugement en date du 9 février 2022 :

– déclaré recevables les demandes de M. [T] ;

– rejeté la demande d’annulation de l’ordonnance d’injonction de payer du 7 avril 2021, ainsi que les demandes à fin de caducité et de constat de son caractère non avenu ;

– rejeté la demande d’annulation de la signification de l’ordonnance d’injonction de payer exécutoire ;

– rejeté la demande d’annulation du commandement à fin de saisie-vente en date du 21 juillet 2021 ;

– rejeté la demande d’annulation du procès-verbal de saisie-attribution ;

– rejeté sa demande de mainlevée ;

– rejeté la demande d’annulation de l’acte de dénonciation de la saisie-attribution ;

– cantonné la saisie-attribution à hauteur de 8 652,06 euros au titre du principal, de 229,36 euros au titre des frais, de 117,75 euros au titre du coût du procès-verbal de saisie-attribution, et de 17,62 euros au titre du droit visé à l’article A 444-31 du code de commerce ;

– dit que l’huissier de justice devra recalculer les intérêts au taux légal applicable aux professionnels, ainsi que la provision à valoir sur lesdits intérêts, sur une durée d’un mois ;

– ordonné la mainlevée de la saisie-attribution pour le surplus ;

– rejeté la demande de dommages et intérêts formée par M. [T] ;

– condamné M. [T] à payer à la société Valentine Loeb la somme de 1 500 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile ;

– rejeté la demande de M. [T] en application de l’article 700 du code de procédure civile ;

– condamné M. [T] aux dépens.

Pour statuer ainsi, le juge de l’exécution a notamment relevé :

– que la fin de non-recevoir tirée de l’autorité de chose jugée attachée à l’ordonnance d’injonction de payer ne peut être opposée aux contestations portant sur d’autres questions que la demande en paiement ;

– que l’acte de signification de l’ordonnance d’injonction de payer mentionne, en ses dispositions qui font foi jusqu’à inscription de faux, que ladite ordonnance était jointe à l’acte ;

– qu’une éventuelle erreur quant au montant de la dette ne peut avoir pour conséquence la nullité de l’acte de saisie-attribution ;

– que le fait que l’huissier de justice instrumentaire ait appliqué le taux légal applicable aux particuliers en lieu et place de celui applicable aux professionnels ne peut avoir pour effet la nullité de l’acte de saisie-attribution, faute de grief ;

– que le greffe a apposé la formule exécutoire sur l’ordonnance d’injonction de payer le 7 juillet 2021, sur la demande du créancier ;

– qu’il n’est nul besoin de signifier l’ordonnance d’injonction de payer exécutoire.

Selon déclaration en date du 5 avril 2022, M. [T] a relevé appel de ce jugement.

En ses conclusions notifiées le 31 mai 2022, il expose :

– que selon les dispositions de l’article 1411 du code de procédure civile, devaient lui être signifiées tant l’ordonnance d’injonction de payer que la requête ;

– que tel n’a pas été le cas, l’acte de l’huissier de justice instrumentaire mentionnant qu’il comporte 3 feuilles alors que 5 au minimum étaient nécessaires ;

– que dès lors que la requête ne lui a pas été signifiée, il ne peut pas comprendre la motivation de l’ordonnance qui a suivi ;

– que l’ordonnance est caduque faute d’avoir été signifiée dans les six mois ;

– que le calcul des intérêts est faux, la société Valentine Loeb ayant réclamé des intérêts au taux légal applicable aux particuliers ;

– que l’ordonnance d’injonction de payer ayant été signifiée le 27 avril 2021, la demande d’apposition de la formule exécutoire devait être présentée au plus tard dans les six mois ; que la date de cette demande ne figure pas dans les pièces produites ;

– que l’ordonnance d’injonction de payer est nulle, les frais réclamés n’étant pas justifiés alors qu’il existe une erreur quant aux intérêts réclamés ;

– que l’acte de saisie-attribution est nul, car l’huissier de justice ne pouvait pas exiger de provision sur les frais, alors que les intérêts, qui ne pouvaient être réclamés que sur un mois, ont été calculés à un taux erroné, et qu’il n’est pas justifié des sommes dues en vertu de l’article A 444-31 du code de commerce ;

– qu’il a été victime de manoeuvres déloyales de la part de la société Valentine Loeb si bien qu’il a dû intenter une procédure devant le Tribunal de commerce et déposer une plainte.

M. [T] demande en conséquence à la Cour de :

– infirmer le jugement ;

– ordonner la mainlevée de la saisie-attribution ; enjoindre à la société Valentine Loeb de procéder à celle-ci ;

– condamner la société Valentine Loeb au paiement de la somme de 2 500 euros à titre de dommages et intérêts ;

– la condamner au paiement de la somme de 6 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile ;

– ordonner l’exécution provisoire.

Dans ses conclusions notifiées le 28 juin 2022, la société Valentine Loeb réplique :

– que par application de l’article 1422 du code de procédure civile l’ordonnance d’injonction de payer a acquis les mêmes effets que ceux d’un jugement ;

– que M. [T] n’est plus recevable à contester la régularité de l’acte de signification de ladite ordonnance ;

– que l’acte en cause précise, en ses mentions qui font foi jusqu’à inscription de faux, que tant l’ordonnance que la requête ont été remises à l’appelant ;

– que l’erreur quant au calcul des intérêts ne cause aucun grief, les sommes saisies (4 918,94 euros) étant d’un montant inférieur à celui du principal ;

– qu’en vertu de l’ancien article 1423 du code de procédure civile, la demande d’apposition de la formule exécutoire devait se faire par lettre simple, et les actes n’avaient pas à mentionner la date de ladite demande ;

– que l’acte de signification de l’ordonnance d’injonction de payer exécutoire est régulier quant aux sommes dues ; qu’en outre la délivrance de cet acte n’est pas obligatoire ;

– que l’erreur commise quant aux intérêts dans le décompte de créance figurant à l’acte de saisie-attribution ne peut en entraîner sa nullité ;

– que M. [T] ne justifie d’aucun préjudice.

La société Valentine Loeb demande en conséquence à la Cour de :

– confirmer le jugement ;

– débouter M. [T] de ses prétentions ;

– condamner M. [T] au paiement de la somme de 5 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile ;

– le condamner aux dépens.

MOTIFS

La Cour adopte les motifs du premier juge qui a justement relevé que l’autorité de chose jugée attachée à une ordonnance d’injonction de payer ne porte que sur le montant de la créance, et ne saurait être opposée aux contestations portant sur la régularité de la procédure subséquente.

En vertu de l’article 1411 alinéa 1er du code de procédure civile en sa version applicable au litige, une copie certifiée conforme de la requête et de l’ordonnance est signifiée, à l’initiative du créancier, à chacun des débiteurs. En l’espèce, l’acte mentionne qu’est signifiée et laissée en copie une ordonnance d’injonction de payer en date du 7 avril 2021 ainsi que la requête. Ces mentions font foi jusqu’à inscription de faux. L’acte indique qu’il comporte trois feuilles, lesquelles correspondent d’une part aux deux feuilles de cet acte proprement dit, celle de signification comprise, d’autre part à celle relative à l’ordonnance avec la requête figurant sur la même page.

Il faut donc considérer que tant l’ordonnance que la requête ont été signifiées au débiteur ; cet acte n’étant pas nul, l’ordonnance d’injonction de payer ne saurait être déclarée non avenue faute d’avoir été signifiée dans les six mois de sa date.

S’agissant de la demande d’apposition de la formule exécutoire sur l’ordonnance, l’article 1423 du même code en sa version applicable au litige prévoit qu’elle est formée au secrétariat-greffe ou au greffe, soit par déclaration, soit par lettre simple, et que l’ordonnance est non avenue si la demande du créancier n’a pas été présentée dans le délai d’un mois suivant l’expiration du délai d’opposition ou le désistement du débiteur.

En l’espèce, aucun acte n’ayant été délivré à personne, conformément aux dispositions de l’article 1416 alinéa 2 du code de procédure civile le délai d’opposition a commencé à courir lors du premier acte ayant pour effet de rendre indisponible les biens du débiteur, plus précisément lors de la dénonciation de la saisie-attribution, le 3 août 2021. Or la formule exécutoire a été apposée par le greffe sur l’ordonnance d’injonction de payer le 7 juillet 2021, soit antérieurement à cette date. La créancière a donc nécessairement sollicité l’apposition de cette formule dans les délais impartis.

M. [T] fait valoir à juste titre que le calcul des intérêts est faux, la société Valentine Loeb ayant réclamé des intérêts au taux légal applicable aux particuliers, mais cela ne constitue nullement une cause de nullité de l’acte de signification de l’ordonnance d’injonction de payer. En effet, aucun texte ne prévoit qu’il doive comporter l’indication de la somme réclamée.

S’agissant de l’acte de signification de l’ordonnance d’injonction de payer exécutoire avec commandement à fin de saisie-vente en date du 21 juillet 2021, le premier juge a rappelé à bon droit qu’il est inutile de signifier une ordonnance d’injonction de payer exécutoire, la première signification étant suffisante ; et si l’acte en cause comporte également un commandement à fin de saisie-vente, le jugement n’est pas critiqué en ce qu’il a rejeté la demande d’annulation dudit acte.

L’article 1422 alinéa 2 du code de procédure civile en sa version applicable au litige prévoit qu’en l’absence d’opposition, l’ordonnance produit tous les effets d’un jugement contradictoire. Elle n’est pas susceptible d’appel, même si elle accorde des délais de paiement.

C’est donc en vain que M. [T] critique le contenu de cette ordonnance, sur le dispositif de laquelle la présente juridiction ne peut d’ailleurs pas revenir, l’article R 121-1 alinéa 2 du code des procédures civiles d’exécution prévoyant que le juge de l’exécution ne peut pas modifier le dispositif de la décision de justice qui sert de fondement aux poursuites. Pour le même motif, M. [T] ne saurait être suivi en son argumentation selon laquelle il a été victime de manoeuvres déloyales de la part de la société Valentine Loeb si bien qu’il a dû intenter une procédure devant le Tribunal de commerce et déposer une plainte le 24 août 2021. Il appartenait à l’intéressé de former opposition à l’ordonnance d’injonction de payer, ce qu’il n’a pas fait. La Cour relève d’ailleurs qu’au jour de la délivrance de l’assignation à comparaître devant le juge de l’exécution, le 3 septembre 2021, il était encore dans les délais pour le faire.

Selon les dispositions de l’article R 211-1 du code des procédures civiles d’exécution, le procès-verbal de saisie-attribution doit comporter, à peine de nullité, un certain nombre de mentions obligatoires, notamment le décompte distinct des sommes réclamées en principal, frais et intérêts échus, majorées d’une provision pour les intérêts à échoir dans le délai d’un mois prévu pour élever une contestation. La mention d’une somme erronée -ou contestée- quant au quantum de la créance n’est pas de nature à entraîner l’annulation du procès-verbal de saisie-attribution, seule une absence de mention pouvant avoir cette conséquence. Il s’ensuit que l’erreur quant aux intérêts dont il a été fait état supra ne saurait avoir pour effet la nullité du procès-verbal de saisie-attribution querellé.

En outre, il est exact que des frais à prévoir (pour 90, 89 euros + 78,12 euros + 51,07 euros + 60,26 euros) ont été facturés dans le procès-verbal de saisie attribution du 30 juillet 2021 alors que le texte susvisé ne permet à l’huissier de justice que de réclamer une provision sur les intérêts à échoir. Là encore cette erreur ne peut avoir pour conséquence la nullité de l’acte.

Le premier juge doit en conséquence être approuvé d’avoir :

– rejeté la demande d’annulation des divers actes dont celui de saisie-attribution ;

– cantonné la saisie-attribution à hauteur de 8 652,06 euros au titre du principal, de 229,36 euros au titre des frais, de 117,75 euros au titre du coût du procès-verbal de saisie-attribution, et de 17,62 euros au titre du droit visé à l’article A 444-31 du code de commerce (dit droit de recouvrement et d’encaissement, que l’huissier de justice devenu commissaire de justice peut réclamer lorsqu’il agit, comme ici, en recouvrement de sommes dues en vertu d’un titre exécutoire) ;

– dit que l’huissier de justice devra recalculer les intérêts au taux légal applicable aux professionnels, ainsi que la provision à valoir sur lesdits intérêts, sur une durée d’un mois ;

– ordonné la mainlevée de la saisie-attribution pour le surplus.

Et le rejet des prétentions de M. [T] implique le débouté de sa demande à fin de condamnation de la partie adverse au paiement de dommages et intérêts pour procédure abusive.

Le jugement est confirmé en toutes ses dispositions.

M. [T], qui succombe en son appel, sera condamné au paiement de la somme de 3 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux dépens d’appel.

Le présent arrêt étant rendu contradictoirement et en dernier ressort, la voie de l’appel comme celle de l’opposition est fermée aux parties, si bien que ledit arrêt n’étant susceptible d’aucune voie de recours à effet suspensif, il n’y a pas lieu de statuer sur la demande d’exécution provisoire.

PAR CES MOTIFS

-CONFIRME le jugement en date du 9 février 2022 ;

-CONDAMNE M. [F] [T] à payer à la société Valentine Loeb la somme de 3 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile ;

-CONDAMNE M. [F] [T] aux dépens d’appel ;

-DIT n’y avoir lieu d’ordonner l’exécution provisoire.

Le greffier, Le président,

 


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