Saisie-attribution : décision du 1 février 2024 Cour d’appel de Paris RG n° 22/19938

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Saisie-attribution : décision du 1 février 2024 Cour d’appel de Paris RG n° 22/19938

1 février 2024
Cour d’appel de Paris
RG n°
22/19938

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 1 – Chambre 10

ARRÊT DU 01 FÉVRIER 2024

(n° 47, 4 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général

N° RG 22/19938 – N° Portalis 35L7-V-B7G-CGYD6

Décision déférée à la cour

Jugement du 10 novembre 2022-Juge de l’exécution de Bobigny-RG n° 22/04363

APPELANTE

S.A.S. EOS FRANCE

[Adresse 3]

[Localité 4]

Représentée par Me Cédric KLEIN de la SELAS CREHANGE & KLEIN ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : C1312

INTIMÉ

Monsieur [Z] [B]

[Adresse 2]

[Localité 5]

Représenté par Me Abdoulaye CISSE, avocat au barreau de SEINE-SAINT-DENIS, toque : 191

COMPOSITION DE LA COUR

L’affaire a été débattue le 21 décembre 2023, en audience publique, devant la cour composée de :

Madame Bénédicte PRUVOST, président de chambre

Madame Catherine LEFORT, conseiller

Monsieur Raphaël TRARIEUX, conseiller

qui en ont délibéré, un rapport a été présenté à l’audience par Madame Bénédicte PRUVOST, président de chambre, dans les conditions prévues par l’article 804 du code de procédure civile.

GREFFIER lors des débats : Monsieur Grégoire GROSPELLIER

ARRÊT

-contradictoire

-par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

-signé par Madame Bénédicte PRUVOST, président de chambre et par Monsieur Grégoire GROSPELLIER, greffier présent lors de la mise à disposition.

Par jugement rendu par défaut et en dernier ressort le 2 novembre 2006 et signifié le 18 décembre 2006 par procès-verbal de recherches infructueuses, le tribunal d’instance de Cannes a condamné M. [Z] [B] à payer à la société Atradius Crédit Insurance NV la somme de 2540,17 euros au titre du solde d’un crédit revolving, avec intérêts au taux de 9,90% l’an à compter du 16 septembre 2004, la somme de 203 euros à titre d’indemnité pénale, avec intérêts au taux légal à compter du 24 juillet 2006, et la somme de 200 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile.

En exécution de ce jugement, la SAS Eos France (ci-après la société Eos) a fait pratiquer le 1er février 2022, entre les mains de la société Banque Postale, une saisie-attribution à l’encontre de M. [B] pour avoir paiement de la somme de 2540,17 euros en principal. La saisie, qui a été fructueuse à hauteur de 1873,49 euros, a été dénoncée à M. [B] selon procès-verbal d’huissier remis à étude le 9 février 2022.

Par acte d’huissier du 9 mars 2022, M. [B] a fait assigner la société Eos devant le juge de l’exécution du tribunal judiciaire de Bobigny aux fins d’annulation et mainlevée de la saisie-attribution, et en dommages-intérêts.

Par jugement du 10 novembre 2022, le juge de l’exécution a :

déclaré nulle la saisie-attribution pratiquée par la société Eos à l’encontre de M. [B] ;

ordonné la mainlevée de la saisie-attribution du 10 mars 2022 et la restitution des sommes saisies ;

condamné la société Eos à payer à M. [B] la somme de 950 euros en indemnisation de son préjudice pour saisie abusive ;

condamné la société Eos à payer à M. [B] la somme de 1500 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;

condamné la société Eos aux dépens.

Pour statuer ainsi, le juge de l’exécution a retenu que la société Eos France justifiait de sa qualité pour agir par une cession de créances ; que certes était jointe à la convention de cession la liste des créances cédées visant une créance détenue à l’encontre de M. [B] et identifiée par son numéro de créance ; mais que, si la société Eos justifiait avoir signifié au débiteur la cession d’une créance avec sa référence précise, il ne ressortait pas des pièces produites que cette créance correspondait à celle objet de la condamnation prononcée à l’encontre de M. [B] par le jugement du 2 novembre 2006, de sorte que la société Eos ne justifiait pas de sa qualité de créancière.

Pour allouer à M. [B] des dommages-intérêts pour saisie abusive, il a considéré que la mise en ‘uvre d’une procédure de saisie-attribution par la société Eos, qui ne justifiait pas de sa qualité de créancière, caractérisait une légèreté blâmable, qui avait occasionné au défendeur le blocage infondé de son compte bancaire à hauteur d’une somme de 1873,25 euros.

Par déclaration du 28 novembre 2022, la société Eos a formé appel de ce jugement.

Par conclusions notifiées le 16 décembre 2022, la société Eos demande à la cour d’appel de :

infirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions ;

En conséquence et y réformant,

valider la saisie-attribution pratiquée le 1er février 2022 ;

débouter M. [B] de l’intégralité de ses demandes ;

condamner M. [B] à lui payer la somme de 2000 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;

condamner M. [B] aux dépens, qui seront recouvrés par Me Klein, avocat, conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.

L’appelante entend justifier de sa qualité pour agir par une chaîne de droit et faire la preuve de la cession de créance en ce que cette dernière est parfaitement identifiée et individualisée conformément au droit positif et en ce qu’elle est en possession de la grosse du titre exécutoire. Elle fait valoir que la cession est parfaitement opposable à M. [B], qui en a reçu notification par acte d’huissier remis par dépôt à l’étude et par voie de conclusions, conformément à la jurisprudence.

Enfin elle soutient être titulaire d’un titre exécutoire de pleine vigueur, non prescrit puisqu’elle a multiplié les actes d’interruption de prescription.

Quant aux dommages-intérêts, elle rappelle que l’exécution d’une décision de justice, certes tardive mais dans le délai de prescription, n’est pas constitutive d’une faute.

Par ordonnance du 20 avril 2023, non déférée à la cour, M. [B] a été déclaré irrecevable à conclure en application des dispositions de l’article 905-2 du code de procédure civile.

MOTIFS

La société Eos justifie, par les pièces produites devant la cour, de ce que :

M. [B] a signé, le 4 septembre 2003, une offre préalable de crédit utilisable par fractions que lui avait soumise la société EGG Banking ;

le 1er décembre 2004, la société EGG Banking a cédé son fonds de commerce portant sur les activités de crédit revolving à la société Banque Accord ;

le 22 juin 2006, la société Banque Accord a cédé à la société Atradius Crédit Insurance N.V un ensemble de créances, dont la créance qu’elle détenait à l’encontre de M. [B] ;

la créance détenue à l’encontre de M. [B] a été référencée au sein de la société Atradius sous le n°0606301980, ainsi qu’il ressort d’un relevé de compte arrêté à la date du 18 juillet 2006 (pièce n°5 de l’appelante), faisant état d’un montant en principal de 2540,17 euros au 16 septembre 2004, outre les intérêts échus au 18 juillet 2006 pour 461,30 euros, enfin d’une indemnité contractuelle de 203,21 euros ;

par jugement du 2 novembre 2006, le tribunal d’instance de Cannes, saisi par assignation du 24 juillet 2006, soit six jours après l’établissement du décompte susvisé, a condamné M. [B] à payer à la société Atradius Crédit Insurance, venant aux droits de la SA Banque Accord, la somme de 2540,17 euros, outre les intérêts de retard au taux de 9,90% à compter du 16 septembre 2004, une somme de 203 euros au titre de la clause pénale, assortie des intérêts au taux légal à compter du 24 juillet 2006 et celle de 200 euros en application de l’article 700 du clause pénale, dont il ressort que la société Atradius Crédit Insurance N.V venait aux droits de la société EGG Banking par suite d’une cession de créances que lui avait consentie la SA Banque Accord par acte du 22 juin 2006 ;

entre les 19 février et 22 août 2008, M. [B] a effectué six versements mensuels de 100 euros ;

par acte sous seing privé du 12 décembre 2014, la société Atradius a cédé un lot de créances, dont une créance détenue à l’encontre de M. [Z] [B], né le [Date naissance 1] 1968, à la société Eos Crédirec aujourd’hui dénommée la société Eos France, et dont la référence 0606301980 correspond bien à celle de la créance pour laquelle la société Atradius a obtenu le jugement du 2 novembre 2006 ;

cette cession a été notifiée à M. [B] par lettre du 23 janvier 2015, puis par acte d’huissier du 28 janvier 2019, enfin par les conclusions déposées devant le premier juge.

Il s’ensuit que, par la concordance de la référence de la créance cédée avec celle portée sur le relevé de compte du 18 juillet 2006 et des montants portés sur ledit décompte et sur le jugement du tribunal d’instance de Cannes du 2 novembre 2006 visant lui-même le décompte précité, la société Eos justifie, à hauteur d’appel, être titulaire de la créance constatée par ledit jugement à l’encontre de M. [B]. Le jugement entrepris doit donc être infirmé en ce qu’il a considéré que la société Eos ne justifiait pas de sa qualité de créancière et, par suite, de sa qualité pour agir à l’encontre de M. [B] en vertu du jugement précité.

En conséquence, il y a lieu d’infirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions et de déclarer régulière la saisie-attribution pratiquée à la requête de la société Eos sur les comptes de M. [B] entre les mains de la société Banque Postale le 1er février 2022 et dénoncée le 9 février suivant. L’issue du litige commande d’infirmer les autres dispositions condamnant la société Eos à payer des dommages-intérêts en réparation du préjudice subi par M. [B], l’abus de saisie ne pouvant, par voie de conséquence, être retenu, et la condamnant aux dépens ainsi qu’au paiement d’une indemnité en application de l’article 700 du code de procédure civile.

Sur les demandes accessoires

L’intimé, qui succombe en appel, doit être condamné aux dépens de première instance et d’appel, qui pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.

En revanche, la disparité des situations économiques des parties justifie de n’allouer à l’appelante aucune indemnité en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

Infirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions ;

Statuant à nouveau et y ajoutant,

Déclare régulière la saisie-attribution pratiquée le 1er février 2022 par la société Eos France à l’encontre de M. [Z] [B] entre les mains de la Banque Postale ;

En conséquence,

Dit n’y avoir lieu d’en ordonner la mainlevée ni d’ordonner la restitution des sommes saisies,

Dit n’y avoir lieu à condamnation de la société Eos France à payer à M. [Z] [B] une indemnité pour saisie abusive ;

Déboute la SAS Eos France de sa demande fondée sur l’article 700 du code de procédure civile ;

Condamne M. [Z] [B] aux dépens de première instance et d’appel, qui pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.

Le greffier, Le président,

 


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