Saisie-attribution : décision du 1 février 2024 Cour d’appel de Versailles RG n° 23/05801

·

·

Saisie-attribution : décision du 1 février 2024 Cour d’appel de Versailles RG n° 23/05801

1 février 2024
Cour d’appel de Versailles
RG n°
23/05801

COUR D’APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 78F

Chambre civile 1-6

ARRET N°

CONTRADICTOIRE

DU 01 FEVRIER 2024

N° RG 23/05801 – N° Portalis DBV3-V-B7H-WA7G

AFFAIRE :

[L] [K]

[T] [K]

C/

[Y] [Z]

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 30 Juin 2023 par le Juge de l’exécution de NANTERRE

N° RG : 23/03507

Expéditions exécutoires

Expéditions

Copies

délivrées le : 01.02.2024

à :

Me Moussa issa TRAORE de l’AARPI NOVEMBER AVOCATS, avocat au barreau de PARIS

Me Franck LAFON, avocat au barreau de VERSAILLES

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE UN FEVRIER DEUX MILLE VINGT QUATRE,

La cour d’appel de Versailles a rendu l’arrêt suivant dans l’affaire entre :

Monsieur [L] [K]

né le [Date naissance 1] 1973 à [Localité 12] (Maroc)

de nationalité Française

[Adresse 4]

[Localité 8]

Madame [T] [K]

née le [Date naissance 2] 1976 à [Localité 10] (Maroc)

de nationalité Française

[Adresse 4]

[Localité 8]

Représentant : Me Moussa Issa TRAORE de l’AARPI NOVEMBER AVOCATS, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire  E0638 – N° du dossier MIT/AMRI

APPELANTS

****************

Monsieur [Y] [Z]

né le [Date naissance 3] 1958 à [Localité 9]

de nationalité Française

[Adresse 6]

[Localité 5]

Représentant : Me Didier CAILLAUD de la SCP LE METAYER ET ASSOCIES, Plaidant, avocat au barreau d’ORLEANS, vestiaire : 63 – N° du dossier 219126 – Représentant : Me Franck LAFON, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 618

INTIMÉ

****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l’article 805 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue à l’audience publique du 21 Décembre 2023 les avocats des parties ne s’y étant pas opposés, devant Madame Florence MICHON, Conseiller chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Fabienne PAGES, Président,

Madame Caroline DERYCKERE, Conseiller,

Madame Florence MICHON, Conseiller,

Greffier, lors des débats : Mme Mélanie RIBEIRO,

EXPOSÉ DU LITIGE

Par ordonnance contradictoire rendue le 25 septembre 2020, le juge des référés du tribunal judiciaire d’Orléans a constaté, par l’effet de la clause résolutoire, la résiliation au 3 août 2019 d’un bail commercial consenti le 22 juin 2015 par M. [Z] et Mme [H] épouse [Z] à M. [K] et M. [F], pour des locaux situés [Adresse 7] à [Localité 11], et condamné solidairement M. [K], M. [F] et la SARL Point Conduite [Localité 11] par eux exploitée dans ces locaux au paiement de diverses sommes.

Le 24 octobre 2022, agissant en vertu de cette décision, M. [Z] a fait procéder, entre les mains de la Banque Populaire Rives de Paris, à une saisie attribution des sommes détenues par M. [K], pour avoir paiement d’une somme de 91 706,23 euros en principal, intérêts et frais.

La saisie a permis d’appréhender une somme de 4 377,31 euros, après déduction du SBI, sur un compte joint détenu par M. [K] et son épouse.

Elle a été dénoncée le 31 octobre 2022 à M. [K] et à Mme [K].

Par acte du 30 novembre 2022, M. et Mme [K] ont fait assigner M. [Z] devant le juge de l’exécution de Nanterre aux fins de contestation de cette mesure de saisie.

Par jugement contradictoire rendu le 30 juin 2023, le juge de l’exécution du tribunal judiciaire de Nanterre a :

déclaré M. [K] et Mme [K] recevables en leur action,

débouté M. [K] et Mme [K] de l’ensemble de leurs demandes,

condamné M. [K] et Mme [K] à régler à M. [Z] la somme de 1000 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,

condamné M. [K] et Mme [K] aux dépens,

rappelé que la décision est exécutoire de droit.

Le 2 août 2023, M. [K] et Mme [K] ont relevé appel de cette décision.

La clôture de l’instruction a été ordonnée le 12 décembre 2023, avec fixation de la date des plaidoiries au 21 décembre suivant.

Aux termes de leurs dernières conclusions remises au greffe le 28 novembre 2023, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé de leurs prétentions et moyens, M. [K] et Mme [K], appelants, demandent à la cour de :

les recevoir en leur action et les déclarer bien fondés,

les déclarer recevables et bien fondés en leur appel de la décision rendue le 30 juin 2023 par le juge de l’exécution du tribunal judiciaire de Nanterre,

Y faisant droit,

infirmer le jugement sus énoncé et daté en ce qu’il a : déclaré M. et Mme [K] recevables en leur action // débouté M. et Mme [K] de l’ensemble de leurs demandes // condamné M. et Mme [K] à régler à M. [Z] la somme de 1 000 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile // condamné M. et Mme [K] aux dépens // rappelé que la décision est exécutoire de droit,

Et statuant à nouveau :

In limine litis,

prononcer la nullité de l’acte de dénonciation,

prononcer la caducité de l’acte de saisie-attribution,

Au fond,

dire et juger insaisissable leur compte-joint,

dire et juger insaisissable le compte bancaire personnel de Mme [K],

les décharger intégralement de la dette, pour défaut de déclaration de créance au passif de la SARL Point Conduite,

Par conséquent,

ordonner la mainlevée pleine et entière de la saisie-attribution réalisée le 24 octobre 2022 par Maître [W] [B], Huissier de justice associée, entre les mains de la Banque populaire,

En tout état de cause,

accorder des délais de paiement et dire qu’il s’acquittera de sa condamnation en 36 mensualités égales de 2 126 euros,

dire et juger que les paiements s’imputeront d’abord sur le capital de 76 538 euros,

débouter M. [Z] de sa demande de paiement des intérêts pour la somme de 11 979 euros, comme injustifiés,

condamner M. [Z] à leur payer une somme de 5 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

condamner M. [Z] aux entiers dépens de première instance et d’appel incluant le coût de l’assignation dont distraction au profit de AARPI November Avocats, Avocat au Barreau de Paris, représentée par Maître Moussa Issa Traoré, conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.

Aux termes de ses dernières conclusions remises au greffe le 12 octobre 2023, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé de ses prétentions et moyens, M. [Z], intimé, demande à la cour de :

débouter M. et Mme [K] de l’ensemble de leurs demandes, fins et conclusions,

En conséquence,

confirmer le jugement entrepris dans toutes ses dispositions,

Y ajoutant,

condamner M. et Mme [K] à lui payer la somme de 5 000 euros par application de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens dont distraction au profit de Maître Franck Lafon, avocat, conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.

A l’issue de l’audience, l’affaire a été mise en délibéré au 1er février 2024.

MOTIFS DE LA DÉCISION 

Sur l’étendue de la saisine de la cour

A titre liminaire la cour rappelle qu’en application des dispositions de l’article 954 du code de procédure civile, elle ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif des dernières conclusions, pour autant qu’elles sont soutenues par des moyens développés dans la discussion, et qu’elle ne répond aux moyens que pour autant qu’ils donnent lieu à une prétention correspondante figurant au dispositif des conclusions.

Par ailleurs, elle n’a pas à statuer, dans son dispositif, sur les demandes qui ne constituent pas des prétentions au sens de l’article 4 du code de procédure civile, mais seulement un rappel des moyens invoqués à l’appui des demandes.

A cet égard, si les appelants reprochent au juge de l’exécution d’avoir estimé qu’il n’avait pas à statuer sur ses demandes tendant à ‘dire insaisissable’ ou à ‘décharger de la dette’, au motif qu’elles constituaient des moyens sur lesquels le juge de l’exécution n’est pas tenu de statuer, alors qu’il s’agit bien, selon eux, de prétentions susceptibles d’emporter des conséquences juridiques, il ressort de leurs propres explications qu’ils entendent, en développant ces demandes, faire obstacle à l’exécution de la saisie attribution en cause, et non pas faire trancher, in abstracto, la question de l’insaisissabilité de leur compte joint ou du compte personnel de Mme [K], ni à obtenir l’annulation de la condamnation prononcée par le juge des référés à l’encontre de M. [K], ce qui en toute hypothèse excède les pouvoirs du juge de l’exécution. Dès lors, les demandes susvisées, également énoncées dans le dispositif de leurs conclusions d’appel, constituent bien un rappel des moyens invoqués dans le corps des dites conclusions. En revanche, dès lors que ces moyens sont invoquées à l’appui d’une prétention, en l’occurrence une demande de mainlevée d’une saisie attribution, il appartient au juge d’y répondre.

Sur la nullité de la dénonciation et la caducité subséquente de la saisie-attribution

In limine litis, bien qu’il s’agisse d’un moyen de fond dans le cadre des contestations de mesures d’exécution, les appelants invoquent la nullité de l’acte de dénonciation de la saisie attribution litigieuse, comme ne respectant pas les prescriptions de l’article R. 211-3 du code des procédures civiles d’exécution. Ils soutiennent que l’acte de dénonciation ne comporte pas les mentions obligatoires, et encore moins la copie du procès-verbal de saisie-attribution.

Et que M. [Z] n’apporte pas la preuve, qui lui incombe en vertu de l’article 9 du code de procédure civile, des diligences accomplies. Ils en déduisent que, faute d’avoir été valablement dénoncée au débiteur dans les huit jours, la saisie-attribution pratiquée le 24 octobre 2022 est caduque.

M. [Z] soutient que le commissaire de justice instrumentaire a bien communiqué tous les éléments au tiers saisi, et que contrairement à ce que prétendent les appelants, l’acte de dénonciation indique bien au débiteur, en cas de saisie du compte, le montant de la somme à caractère alimentaire laissée à sa disposition en application de l’article R.162-2 [du code des procédures civiles d’exécution ].

Selon l’article R.211-3 du code des procédures civiles d’exécution :

A peine de caducité, la saisie est dénoncée au débiteur par acte d’huissier de justice dans un délai de huit jours.

Cet acte contient à peine de nullité :

1° Une copie du procès-verbal de saisie et la reproduction des renseignements communiqués par le tiers saisi si l’acte a été signifié par voie électronique ;

2° En caractères très apparents, l’indication que les contestations doivent être soulevées, à peine d’irrecevabilité, dans le délai d’un mois qui suit la signification de l’acte par assignation, et la date à laquelle expire ce délai ainsi que l’indication que l’assignation est dénoncée par lettre recommandée avec demande d’avis de réception le même jour à l’huissier de justice ayant procédé à la saisie ;

3° La désignation de la juridiction devant laquelle les contestations peuvent être portées ;

4° L’indication, en cas de saisie de compte, du montant de la somme à caractère alimentaire laissée à la disposition du débiteur en application de l’article R. 162-2 ainsi que du ou des comptes sur lesquels cette mise à disposition est opérée.

L’acte rappelle au débiteur qu’il peut autoriser par écrit le créancier à se faire remettre sans délai par le tiers saisi les sommes qui lui sont dues.

L’acte de dénonciation du 31 octobre 2022 que produisent les appelants comporte l’indication, en caractère gras, sous la mention ‘très important’, que les contestations relatives à la saisie attribution dénoncée doivent être soulevées à peine d’irrecevabilité dans le délai d’un mois qui suit la signification du présent acte, par assignation, ce délai expirant le 30 novembre 2022. Il précise qu’elles doivent être portées devant le juge de l’exécution du tribunal judiciaire du lieu du domicile du destinataire de la dénonciation, le juge de l’exécution près le tribunal judiciaire de Nanterre, 6 rue Pablo Neruda 92000 Nanterre, ce dernier étant saisi uniquement par voie d’assignation. Il mentionne qu’à peine d’irrecevabilité, la contestation est dénoncée le même jour ou le premier jour ouvrable suivant par lettre commandée avec avis de réception à l’huissier de justice qui a procédé à la saisie, et que l’auteur de la contestation en informe le tiers saisi par lettre simple. Il indique qu’en cas de saisie de compte d’une personne physique, conformément aux dispositions des articles L.162-2 et R.162-2 du code des procédures civiles d’exécution, une somme à caractère alimentaire est laissée à la disposition du destinataire de la dénonciation, par priorité sur son compte courant si saisie de plusieurs comptes, sous réserve de crédit suffisant au moment de la saisie, soit la somme de 575,52 euros. Il rappelle enfin que le destinataire de l’acte peut autoriser le saisissant par écrit à se faire remettre sans délai par le tiers saisi les sommes qui sont dues à son créancier, afin de pouvoir faire cesser les effets de la saisie.

Les mentions prescrites par l’article R.211-3 du code des procédures civiles d’exécution sont donc bien présentes dans l’acte.

Si l’acte de dénonciation produit par les appelants ne comporte pas la copie du procès-verbal de saisie attribution, il reste que cet acte mentionne la remise de cette copie, et que cette mention, comme rappelé par le premier juge, fait foi jusqu’à inscription de faux.

S’y ajoute le fait que l’huissier instrumentaire précise, dans son procès-verbal de signification, que l’acte a été établi en 3 feuillets, et que la copie signifiée a été établie en 8 feuillets, preuve qu’elle comporte bien le procès-verbal de saisie et les renseignements communiqués par le tiers saisi, au vu de ce dernier acte.

En toute hypothèse, la nullité des actes d’huissier et des notifications est régie par les dispositions relatives aux nullités des actes de procédure, et ne peut être prononcée qu’à charge pour celui qui l’invoque de prouver le grief que lui cause l’irrégularité alléguée, et force est de relever que les appelants ne font la preuve d’aucun grief, ni n’indiquent à la cour quel préjudice ils auraient subi.

Il n’y a donc pas lieu de prononcer la nullité de l’acte de dénonciation de la saisie, ni, par voie de conséquence, de constater la caducité de la saisie attribution faute de dénonciation de celle-ci dans le délai de huit jours.

Le jugement est donc confirmé en ce qu’il a rejeté ces demandes.

Sur la demande de mainlevée de la saisie

A l’appui de leur demande de mainlevée, les appelants font valoir :

que la dette de M. [K] étant une dette propre, de nature professionnelle, sans aucun lien avec l’entretien du ménage ou l’éducation des enfants, les articles 1411 et 1414 du code civil ne permettaient pas qu’une saisie soit pratiquée sur le compte joint des époux,

qu’aucune saisie ne pouvait être pratiquée sur le compte personnel de Mme [K], alimenté d’ailleurs exclusivement par ses seuls revenus, le titre exécutoire ne lui étant pas opposable,

que M. [Z] n’ayant pas déclaré sa créance au passif de la liquidation judiciaire de la société Point Conduite [Localité 11], ouverte par jugement du 5 janvier 2021, alors qu’il s’agissait de la débitrice principale, il y a lieu de les décharger intégralement de la dette, d’autant plus qu’ils ont été privés, par l’absence de déclaration de créance, d’un règlement total ou partiel, dans le cadre de la procédure collective de la SARL Point Conduite,

qu’il n’existe aucune circonstance susceptible de menacer le recouvrement d’une quelconque créance ; que M. [K] a toujours tenté de trouver une solution amiable, eu égard à ses difficultés de paiement, montrant qu’il souhaitait bel et bien apurer la dette, qu’il n’a à aucun moment contestée.

M. [Z] rétorque :

que la dette professionnelle de M. [K] étant née pendant le mariage, elle est en vertu de l’article 1409 du code civil incluse dans la communauté des époux [K] ; que de plus, la jurisprudence admet qu’une saisie-attribution puisse porter sur l’ensemble des comptes ouverts au nom du débiteur, y compris un compte joint ;

que la saisie litigieuse a été pratiqué sur un compte joint dont les titulaires sont M. [K] et Mme [K], qui ne constitue en aucun cas un compte personnel de Mme [K] ; que par ailleurs, les époux [K] n’apportent aucun élément de preuve à l’appui de leurs affirmations, que ce soit quant au titulaire du compte ou quant à la provenance des sommes alimentant le compte joint,

que l’ordonnance du 25 octobre 2020 ayant condamné solidairement M. [K], M. [F] et la société Point Conduite [Localité 11], il pouvait s’adresser au débiteur de son choix, en application de l’article 1313 du code civil ; que l’article L.622-24 du code de commerce dont tentent de se prévaloir M. et Mme [K] est inopérant ; qu’en tout état de cause, la seule sanction d’un défaut de déclaration de créance est la forclusion, et non une imaginaire demande au juge de ‘décharger intégralement de la dette’ les créanciers (sic) solidaires,

que contrairement à ce que soutiennent M. et Mme [K], il existe des raisons sérieuses de craindre que la créance ne soit pas recouvrée.

Sur les trois derniers moyens soutenus par les appelants, il est rappelé qu’en vertu de l’article L.111-2 du code des procédures civiles d’exécution, le créancier muni d’un titre exécutoire constatant une créance liquide et exigible peut en poursuivre l’exécution forcée sur les biens de son débiteur, dans les conditions propres à chaque mesure d’exécution.

Il n’est pas utilement contesté que M. [Z], partie saisissante, dispose d’un titre exécutoire, constitué par l’ordonnance de référé du 25 septembre 2020 déjà évoquée.

Le juge des référés, a, par cette décision, condamné solidairement M. [K], M. [F] et la SARL Point Conduite [Localité 11] à payer à M. et Mme [Z] la somme provisionnelle de 38 400 euros correspondant aux loyers et indemnités d’occupation impayés au 24 décembre 2019, ainsi que, à titre de provision à valoir sur l’indemnité d’occupation, une somme égale au montant du loyer mensuel résultant du bail, outre les charges, une somme de 2 000 euros de dommages et intérêts pour résistance abusive, et une somme de 3 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, et a en outre condamné solidairement M. [K] et M. [F] aux dépens, comprenant notamment le coût du commandement de payer.

M. [Z], qui dispose d’un titre exécutoire, est en droit, tout d’abord, de recourir à une mesure d’exécution forcée sans avoir à justifier de l’existence de circonstances de nature à menacer le recouvrement de sa créance. Une telle condition, qui est requise en matière de mesures conservatoires, ne l’est pas en matière d’exécution forcée. Et M. et Mme [K] n’apportent pas la preuve, ni ne font valoir, que la mesure dont ils demandent la mainlevée excéderait ce qui se révèle nécessaire pour obtenir le paiement de l’obligation, ni qu’elle serait inutile ou abusive : le seul refus de M. [Z] de donner une suite favorable à une proposition d’apurement partiel de M. [K], à hauteur de 1 500 euros par mois que déplorent les appelants n’en fait pas la démonstration.

Les condamnations ayant été prononcées solidairement, et le créancier pouvant dans ces conditions, demander le paiement de toute la dette au débiteur de son choix, il est sans incidence, ensuite, sur la validité et sur le bien fondé de la mesure de saisie, que l’un des débiteurs solidaires, en l’occurrence la SARL Point Conduite [Localité 11], fasse l’objet d’une procédure de liquidation judiciaire. Le fait que M. [Z] n’ait pas déclaré sa créance au passif de cette liquidation ne peut en aucun cas avoir pour effet de ‘décharger intégralement de la dette M. et Mme [K]’, étant rappelé, au surplus, que le juge de l’exécution, à qui il est interdit de modifier un titre exécutoire, n’a absolument pas le pouvoir de ‘décharger’ un débiteur d’une condamnation qui résulte d’une décision de justice.

En dernier lieu, il ressort des actes d’exécution produits aux débats que le compte courant sur lequel la saisie attribution s’est avérée fructueuse est un compte joint dont sont titulaires M. [K] et son épouse, et aucune preuve n’est apportée d’une mesure pratiquée sur un compte personnel de Mme [K], en sorte que les développements des appelants sur ce point sont inopérants.

Ces différents moyens, invoqués à l’appui de la demande de mainlevée de la mesure, sont donc écartés.

Sur le premier moyen, il ressort des éléments du débat – notamment les conclusions des appelants, et les énonciations du contrat de bail conclu entre les parties le 22 juin 2015, qui fait mention de ce que M. [K] est marié avec Mme sous le régime de la communauté légale réduite aux acquêts – que la dette dont le recouvrement est poursuivi est née pendant le mariage, de l’exécution d’un contrat de bail commercial, en sorte qu’elle ne relève pas des dispositions de l’article 1411 du code civil, invoqué à tort par les appelants, mais qu’elle est régie par l’article 1409 de ce code, en vertu duquel elle est entrée par principe dans le passif de communauté, à charge le cas échéant de récompense, peu important qu’il s’agisse d’une dette professionnelle de M. [K].

Si en vertu de l’article 1414 du code civil les gains et salaires d’un époux ne peuvent être saisis que par ses propres créanciers, l’alinéa 2 de ce texte renvoie, lorsque les gains et salaires sont versés à un compte courant ou de dépôt, aux dispositions de l’article R.162-9 du code des procédures civiles d’exécution, selon lequel lorsqu’un compte joint alimenté par les gains et salaires d’un époux commun en biens fait l’objet d’une mesure d’exécution pour paiement d’une créance née du chef de son conjoint, il est laissé à la disposition de l’époux une somme équivalant à son choix au montant de son salaire versé au cours du mois précédent la saisie, ou au montant moyen mensuel de ses gains versés dans les douze mois précédant la saisie.

En l’espèce, M. et Mme [K] ne justifient pas que le compte joint qui a été saisi était alimenté par les gains et les salaires de Mme, et ils n’ont pas non plus saisi la banque, ou le juge de l’exécution, ou la cour, d’une demande de mise à disposition de sommes dans les conditions ci-dessus rappelées.

Dans ces conditions, la saisie doit jouer son plein effet, en sorte que la demande de mainlevée soutenue par M. et Mme [K] ne peut pas non plus prospérer sur ce moyen.

Sur le montant de la dette

Considérant que les intérêts dont M. [Z] réclame le paiement pour une somme de 11 979euros ne sont pas justifiés, M. et Mme [K] demandent à la cour de ‘débouter’ M. [Z] de sa demande de paiement des dits intérêts.

Aucune demande en paiement d’intérêts n’étant formulée par M. [Z], et une telle demande ne relevant pas des pouvoirs du juge de l’exécution, et de la cour en appel de ses décisions, cette demande ne peut s’analyser qu’en une demande de cantonnement des effets de la saisie attribution.

Aux termes du procès-verbal du 24 octobre 2022, la saisie attribution a été mise en oeuvre pour obtenir le recouvrement de 11 423, 37 euros d’intérêts échus, arrêtés au 21 octobre 2022, outre 521,91 euros de provision sur les intérêts à échoir ( 1 mois).

L’acte précise selon quelles modalités ces intérêts ont été calculés : point de départ des intérêts, assiette, taux appliqué, majoration de 5 points.

M. et Mme [K], qui se bornent à affirmer que les intérêts ne sont pas justifiés, n’articulent aucun moyen à l’appui de leur contestation, notamment au regard des dispositions des articles 1231-6 et 1231-7 du code civil, L313-3 du code monétaire et financier et R.211-1 du code des procédures civiles d’exécution.

Faute de moyen, aucune contestation ne peut être accueillie s’agissant des intérêts, la saisie n’étant pas utilement critiquée pour le surplus.

Sur la demande de délais

M. et Mme [K] sollicitent que soit accordé à M. [K] un délai de paiement de 36 mois. Ils exposent à l’appui que l’un et l’autre ont un revenu mensuel de 2 500 euros, soit 5 000 euros pour le couple, et qu’ils supportent une dépense mensuelle de 5 271 euros intégralement justifiée, et proposent des versements mensuels de 1 063 euros, dans le corps de leurs écritures, ou 2 126 euros aux termes du dispositif de celles-ci.

M. [Z] objecte que M. [K] ne justifie pas de sa situation financière, que la dette est exigible depuis le mois de septembre 2020, que M. [K] n’est pas de bonne foi contrairement à ce qu’il prétend et notamment n’a effectué aucun paiement à ce jour. Il ajoute qu’il est retraité, et que les loyers attendus de la location du bien immobilier en cause constituent une part importante de ses revenus.

En vertu des articles R.121-1 du code des procédures civiles d’exécution et 1343-5 du code civil, le juge de l’exécution, et la cour en appel de ses décisions, peut octroyer un délai de paiement après signification d’un commandement ou d’un acte de saisie, étant précisé d’une part, qu’en matière de saisie attribution, l’effet attributif immédiat attaché à cette mesure ne permet l’octroi de paiement que sur le solde de la créance, après déduction des sommes saisies, et d’autre part, que la durée des délais ainsi accordés ne peut être supérieure à deux années.

En l’occurrence, alors que l’article 1343-5 du code civil invite le juge à tenir compte, pour l’octroi des délais, de la situation du débiteur, et des besoins du créancier, les appelants ne produisent aucun justificatif de leur situation financière telle qu’ils la décrivent à la cour, tandis que M. [Z] justifie qu’il n’était pas imposable au titre de l’impôt sur le revenu en 2022.

Et en tout état de cause, alors que le dispositif vise à ce que la dette soit réglée à l’issue du délai accordé, il n’apparaît pas que les appelants, avec les revenus et charges qu’ils annoncent, seront effectivement en mesure de régler une somme de 1 063 euros, et a fortiori de 2 126 euros, chaque mois pour l’apurement de la dette en cause.

Il n’y a pas lieu dans ces conditions de faire droit à leur demande de délais, et le jugement qui les en a déboutés sera en conséquence confirmé.

Sur les dépens et les frais irrépétibles

M. et Mme [K] qui succombent doivent supporter les dépens de première instance et d’appel.

Ils devront en outre régler à M. [Z] une somme que l’équité commande de fixer à 4 000 euros au titre des frais irrépétibles que celui-ci a été contraint d’exposer en cause d’appel, et seront concomitamment déboutés de leur propre demande sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement par mise à disposition au greffe, par arrêt contradictoire, en dernier ressort,

CONFIRME le jugement rendu le 30 juin 2023 par le juge de l’exécution du tribunal judiciaire de Nanterre ;

Y ajoutant,

Condamne M. et Mme [K] aux dépens de l’appel, avec faculté de recouvrement direct par le conseil de M. [Z] dans les conditions prévues par l’article 699 du code de procédure civile, et à régler à M. [Z] une somme de 4 000 euros par application de l’article 700 du code de procédure civile.

Arrêt prononcé par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile, signé par Madame Fabienne PAGES, Président et par Madame Mélanie RIBEIRO, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le greffier, Le président,

 


0 0 votes
Évaluation de l'article
S’abonner
Notification pour
guest
0 Commentaires
Le plus ancien
Le plus récent Le plus populaire
Commentaires en ligne
Afficher tous les commentaires
Chat Icon
0
Nous aimerions avoir votre avis, veuillez laisser un commentaire.x