Saisie-attribution : décision du 1 février 2024 Cour d’appel de Paris RG n° 21/14064

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Saisie-attribution : décision du 1 février 2024 Cour d’appel de Paris RG n° 21/14064

1 février 2024
Cour d’appel de Paris
RG n°
21/14064

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 5 – Chambre 3

ARRET DU 01 FEVRIER 2024

(n° , 9 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : 21/14064 – N° Portalis 35L7-V-B7F-CEETQ

Décision déférée à la Cour : Jugement du 15 juin 2021 -Tribunal de commerce de Paris RG n° 2021019125

APPELANTE

S.A.R.L. BOUM

Immatriculée au R.C.S. de Paris sous le n° 813 781 085

Agissant poursuites et diligences de son représentant légal domiciliés en cette qualité audit siège

[Adresse 2]

[Localité 5]

Représentée par Me Sandra OHANA de l’AARPI OHANA ZERHAT CABINET D’AVOCATS, avocat au barreau de Paris, toque : C1050

INTIMEE

S.N.C. 114 OBERKAMPF

Immatriculée au R.C.S. de Paris sous le n° 851 559 559

Prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

[Adresse 3]

[Localité 4]

Représentée par Me Audrey SCHWAB, avocat au barreau de Paris, toque : L0056

COMPOSITION DE LA COUR :

L’affaire a été débattue le 06 décembre 2023, en audience publique, rapport ayant été fait par Mme Sandra Leroy, conseillère, conformément aux articles 804, 805 et 907 du code de procédure civile, les avocats ne s’y étant pas opposés.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Mme Nathalie Recoules, présidente de chambre

Mme Sandra Leroy, conseillère

Mme Emmanuelle Lebée, magistrate à titre honoraire exerçant des

fonctions juridictionnelles

Greffier, lors des débats : Mme Sandrine Stassi-Buscqua

ARRÊT :

– contradictoire

– par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

– signé par Mme Nathalie Recoules, présidente de chambre, et par Mme Sandrine Stassi-Buscqua, greffière, présente lors de la mise à disposition.

FAITS ET PROCÉDURE

 

Par acte sous seing privé du 15 juillet 2019, modifié par avenant du 24 juillet 2019, la SNC 114 Oberkampf a consenti à la SARL Boum un bail dérogatoire pour une durée de deux ans et seize jours à compter de cette même date, portant sur un ensemble immobilier dépendant d’un immeuble collectif situé au [Adresse 1], les locaux comprenant un appartement et un local commercial.

 

Le bail a été consenti pour un loyer annuel de 200.000 € hors taxes et hors charges, augmenté de la TVA, soit 240.000 € TTC et hors charges, étant précisé qu’une franchise de 20.000 € hors taxes, soit 24.000 € TTC, a été consentie par le bailleur au preneur au titre des mois d’août et septembre 2020.

 

Suivant courrier du 19 mars 2020, la SARL Boum a notifié à la SNC 114 Oberkampf la suspension du paiement des loyers et charges dus au titre du bail pour le mois d’avril 2020 en raison de l’épidémie de Covid-19. Des discussions se sont poursuivies entre les parties.

 

Le 16 juillet 2020, la SNC 114 Oberkampf a mis en demeure la SARL Boum de payer l’intégralité des loyers et charges échus, pénalités et intérêts de retard en sus, se portant à la somme totale de 128.290,86 € HT et hors intérêts de retard.

 

Par acte d’huissier du 27 juillet 2020, un commandement de payer visant la clause résolutoire du bail a été délivré à la SARL Boum.

 

Par acte du 10 août 2020, la SARL Boum a assigné la SNC 114 Oberkampf devant le tribunal de commerce de Paris afin de solliciter la nullité de la mise en demeure du 16 juillet 2020 et du commandement de payer en date du 27 juillet 2020.

 

Par jugement en date du 05 juillet 2021, le tribunal de commerce de Paris a :

– débouté la SARL Boum de l’ensemble de ses demandes,

– constaté l’acquisition de la clause résolutoire visée à l’article 12 du bail,

– condamné la SARL Boum au paiement de diverses sommes :

* 122.529,60 € au titre des arriérés de loyers et charges du mois de mars 2020 au mois d’août 2020,

* 23.333,34 € au titre de l’indemnité d’occupation mensuelle à compter du 27 août 2020

– ordonné l’expulsion de la SARL Boum.

Par déclaration d’appel en date du 27 juillet 2021, la SARL Boum a interjeté appel de ce jugement.

Dans ce contexte, la SNC 114 Oberkampf a effectué le 16 septembre 2020 une saisie-attribution sur le compte bancaire de la SARL Boum, le procès-verbal de saisie conservatoire de l’huissier révélant un solde créditeur de 115.083,77 €. Une nouvelle saisie-attribution a été diligentée par la SNC 114 Oberkampf le 20 novembre 2020 pour un montant complémentaire de 34.842,80 €, portant sur les loyers et charges d’octobre et novembre 2020.

La SARL Boum a une nouvelle fois assigné la SNC 114 Oberkampf les 5 octobre et 23 décembre 2020 afin notamment de voir déclarer nulles et de nul effet les saisies conservatoires pratiquées les 16 septembre et 20 novembre 2020 sur son compte bancaire et d’en obtenir la mainlevée.

 

Ces deux procédures devant le juge de l’exécution ont été jointes, l’affaire ayant finalement été radiée lors de l’audience en date du 25 mars 2021.

 

En parallèle, la SARL Boum a saisi par voie de requête le président du tribunal de commerce de Paris sur le fondement des articles L. 611-4 et suivants et R. 611-22 et suivants du code de commerce afin de solliciter l’ouverture d’une procédure de conciliation, laquelle a été décidée par ordonnance en date du 03 novembre 2020.

 

Il a été proposé par la SNC 114 Oberkampf de discuter d’une résiliation anticipée du bail dérogatoire, compte tenu notamment de l’absence d’activité de la SARL Boum en raison des mesures sanitaires, laissant envisager une fermeture sur le long terme.

 

Par courriel en date du 15 décembre 2020, la SNC 114 Oberkampf a accepté de suspendre l’exigibilité de ses créances pour la durée de la conciliation définie par l’ordonnance du 03 novembre 2020.

Analysant cette proposition de résiliation anticipée du bail, de manière abusive, comme une condition de l’accord du bailleur à la suspension de l’exigibilité des créances, la SARL Boum a saisi le président du tribunal de commerce par requête du 03 février 2021.

 

Par ordonnance du 03 avril 2021, le président du tribunal de commerce a notamment :

– dit recevable la requête de la SARL Boum sur le fondement des dispositions de l’article 2 II de l’ordonnance n°2020-596 du 20 mai 2020 déposée près le tribunal de commerce de Paris le 2 février 2021 ;

– interrompu toute action en justice déjà engagée et interdit toute nouvelle action en justice de la part de la SNC 114 Oberkampf tendant à la condamnation de la SARL Boum au paiement de l’arriéré locatif ou à la résolution du contrat de bail pour défaut de paiement ;

– interrompu toute procédure d’exécution déjà engagée et interdit toute nouvelle procédure d’exécution de la part de la SNC 114 Oberkampf tant sur les meubles que sur les immeubles de la SARL Boum, ainsi que toute procédure de distribution n’ayant pas produit un effet attributif avant la demande ;

– suspendu le paiement des sommes dues à la SNC 114 Oberkampf par la SARL Boum pendant toute la durée de la procédure de conciliation ;

– dit que les délais impartis à peine de déchéance ou de résolution des droits afférent au contrat de bail conclu entre la SNC 114 Oberkampf et la SARL Boum sont suspendus pendant la durée de conciliation ;

– dit que les majorations d’intérêts ou les pénalités prévues en cas de retard afférentes au contrat de bail conclu entre la SNC 114 Oberkampf et la SARL Boum ne sont pas encourues pendant la durée de la conciliation.

 

Par acte d’huissier du 23 avril 2021, la SNC 114 Oberkampf a assigné la SARL Boum devant le Président du tribunal de commerce de Paris aux fins de rétractation de son ordonnance.

 

Par jugement du 15 juin 2021, le Président du tribunal de commerce de Paris a :

– dit recevable la SNC 114 Oberkampf en sa demande ;

– rétracté l’ordonnance sur requête en date du 03 février 2021, avec toutes conséquences de droit et de fait ;

– condamné la SARL Boum à payer à la SNC 114 Oberkampf la somme de 2.000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

– rejeté toutes demandes plus amples ou contraires des parties ;

– condamné la SARL Boum aux dépens de l’instance, dont ceux à recouvrer par le greffe liquidés à la somme de 61,50 € dont 10,04 € de TVA ;

– rappelé en tant que de besoin que toutes les parties engagées dans l’instance sont tenue à l’obligation de confidentialité de l’article L. 611-15 du code de commerce ;

– constaté que la décision est de plein droit exécutoire par provision en application de l’article 514 du code de procédure civile.

 

Par déclaration du 20 juillet 2021, la SARL Boum a interjeté appel total de la décision.

L’ordonnance de clôture a été prononcée le 08 novembre 2023.

 

MOYENS ET PRÉTENTIONS

 

Vu les conclusions déposées le 15 octobre 2021, par lesquelles la SARL Boum, appelante, demande à la Cour de :

– infirmer le jugement rendu le 15 juin 2021 en ce qu’il a :

* dit recevable la SNC 114 Oberkampf en sa demande ;

* rétracté l’ordonnance sur requête en date du 03 février 2021, avec toutes conséquences de droit et de fait ;

* condamné la SARL Boum à payer à la SNC 114 Oberkampf la somme de 2.000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

* rejeté toutes demandes plus amples ou contraires des parties ;

* condamné la SARL Boum aux dépens de l’instance, dont ceux à recouvrer par le greffe liquidés à la somme de 61,50 € dont 10,04 € de TVA ;

* rappelé en tant que de besoin que toutes les parties engagées dans l’instance sont tenues à l’obligation de confidentialité de l’article L. 611-15 du code de commerce ;

* constaté que la décision est de plein droit exécutoire par provision en application de l’article 514 du code de procédure civile.

Par conséquent, statuer à nouveau :

– confirmer l’ordonnance du 03 février 2021 rendue par Monsieur le Président du tribunal de commerce de Paris en l’ensemble de ses termes et notamment en ce qu’elle a :

* dit recevable la requête de la SARL Boum sur le fondement des dispositions de l’article 2 II de l’ordonnance n°2020-596 du 20 mai 2020 déposée près le tribunal de commerce de Paris le 02 février 2021 ;

* interrompu toute action en justice déjà engagée et interdit toute nouvelle action en justice de la part de la SNC 114 Oberkampf tendant à la condamnation de la SARL Boum au paiement de l’arriéré locatif ou à la résolution du contrat de bail pour défaut de paiement ;

* interrompu toute procédure d’exécution déjà engagée et interdit toute nouvelle procédure d’exécution de la part de la SNC 114 Oberkampf tant sur les meubles que sur les immeubles de la société Boum, ainsi que toute procédure de distribution n’ayant pas produit un effet attributif avant la demande ;

* suspendu le paiement des sommes dues à la SNC 114 Oberkampf par la SARL Boum pendant toute la durée de la procédure de conciliation ;

* dit que les délais impartis à peine de déchéance ou de résolution des droits afférents au contrat de bail conclu entre la SNC 114 Oberkampf et la SARL Boum sont suspendus pendant la durée de conciliation ;

* dit que les majorations d’intérêts ou les pénalités prévues en cas de retard afférentes au contrat de bail conclu entre la SNC 114 Oberkampf et la SARL Boum ne sont pas encourues pendant la durée de la conciliation.

En tout état de cause :

– condamner la SNC 114 Oberkampf au paiement de la somme de 2.000 € à la SARL Boum sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

 

Vu les conclusions déposées le 18 janvier 2022, par lesquelles la SNC 114 Oberkampf, intimée, demande à la Cour de :

– débouter la SARL Boum de l’ensemble de ses prétentions, moyens et fins ;

– confirmer en toutes ses dispositions, le jugement entrepris RG 2021019125 du tribunal de commerce de Paris du 15 juin 2021 en ce qu’il a :

« – dit recevable la SNC 114 Oberkampf en sa demande ;

– rétracté l’ordonnance sur requête N° 2021006578  en  date du 03 février 2021, avec toutes conséquences de droit et de fait ;

– condamné la SARL Boum à payer à la SNC 114 Oberkampf la somme de 2.000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

– rejeté toutes demandes plus amples ou contraires des parties ;

– condamné la SARL Boum aux dépens de l’instance, dont ceux à recouvrer par le greffe liquides à la somme de 61,50 € dont 10,04 € de TVA ;

– rappelé en tant que de besoin que toutes les parties engagées dans l’instance sont tenue à l’obligation de confidentialité de l’article L. 611-15 du code de commerce ;

– constaté que la décision est de plein droit exécutoire par provision en application de l’article 514 du code de procédure civile ; »

– condamner la SARL Boum à payer à la SNC 114 Oberkampf la somme de 5.000 € en application de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers frais et dépens de première instance et d’appel dont le recouvrement sera poursuivi par la SELARL 2H Avocats, par application des dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.

SUR CE,

1) Sur la recevabilité de la demande en rétractation de l’ordonnance du président du tribunal de commerce de Paris du 03 avril 2021

L’ordonnance n° 2020-596 du 20 mai 2020 dispose que la procédure de l’article 2 relève des dispositions des articles 493 et suivants du code de procédure civile et de celles de l’article R. 661-3 du code de commerce.

Aux termes de l’article 496, al. 2, du code de procédure civile, s’il est fait droit à la requête, tout intéressé peut en référer au juge qui a rendu l’ordonnance.

Aux termes du jugement querellé, le premier juge a considéré la SNC 114 Oberkampf recevable en sa demande de rétractation de l’ordonnance rendue le 03 avril 2021 par le président du tribunal de commerce de Paris, après avoir relevé qu’une ordonnance rendue selon les dispositions même exceptionnelles de l’article 2. ll de l’ordonnance n° 2020-596 du 20 mai 2020 ne saurait échapper à ces dispositions de droit commun relatives à la rétractation, dès lors que le référé aux fins de rétractation d’une ordonnance sur requête s’inscrit dans le nécessaire respect par le juge du principe de la contradiction qui commande qu’une partie à l’insu de laquelle une mesure d’urgence a été ordonnée puisse disposer d’un recours approprié contre la décision qui lui fait grief.

Si la SARL Boum sollicite l’infirmation du jugement querellé de ce chef, elle ne développe aucune argumentation à ce titre, tant en droit qu’en fait.

Or, c’est par des motifs dont la pertinence en cause d’appel n’a pas été altérée et que la cour adopte que le premier juge a ainsi jugé que la demande de rétractation de la SNC 114 Oberkampf était recevable, dès lors que les dispositions exceptionnelles de l’ordonnance du 20 mai 2020 ne sauraient toutefois échapper à l’application des dispositions de droit commun relatives à la rétractation des ordonnances du président du tribunal de commerce, dispositions répondant au nécessaire respect par le juge du principe du contradictoire édicté à l’article 16 du code de procédure civile, commandant qu’une partie à l’insu de laquelle une mesure d’urgence a été ordonnée puisse disposer d’un recours approprié contre la décision lui faisant grief.

En conséquence, le jugement querellé sera confirmé en ce qu’il a déclaré la SNC 114 Oberkampf recevable en sa demande de rétractation.

2) Sur le fond de la demande en rétractation de l’ordonnance du Président du tribunal de commerce de Paris du 03 avril 2021

Aux termes de l’article 2 II de l’ordonnance n° 202-596 en date du 20 mai 2020, applicable lorsqu’est mise en ‘uvre la procédure de conciliation prévue par les articles L. 611-4 et L. 611-5 du code de commerce, lorsqu’un créancier appelé à la conciliation n’accepte pas, dans le délai imparti par le conciliateur, la demande faite par ce dernier de suspendre l’exigibilité de sa créance pendant la durée de la procédure, le débiteur peut demander au président du tribunal ayant ouvert cette procédure, qui statue par ordonnance sur requête :

1o d’interrompre ou d’interdire toute action en justice de la part de ce créancier et tendant à la condamnation du débiteur au paiement d’une somme d’argent ou à la résolution d’un contrat pour défaut de paiement d’une somme d’argent ;

2o d’arrêter ou d’interdire toute procédure d’exécution de la part de ce créancier tant sur les meubles que sur les immeubles ainsi que toute procédure de distribution n’ayant pas produit un effet attributif avant la demande ;

3o de reporter ou d’échelonner le paiement des sommes dues.

Les observations du conciliateur sont jointes à la requête.

Lorsqu’il est fait application du 1o ou du 2o, les délais impartis à peine de déchéance ou de résolution des droits sont suspendus. Lorsqu’il est fait application du 3o, les majorations d’intérêts ou les pénalités prévues en cas de retard ne sont pas encourues pendant le délai fixé par le juge.

Les mesures ordonnées par le président du tribunal ne produisent leur effet que jusqu’au terme de la mission confiée au conciliateur.

Par dérogation au cinquième alinéa de l’article L. 611-7 du code de commerce, le débiteur peut demander au juge qui a ouvert la procédure de conciliation de faire application de l’article 1343-5 du code civil avant toute mise en demeure ou poursuite à l’égard d’un créancier qui n’a pas accepté, dans le délai imparti par le conciliateur, la demande faite par ce dernier de suspendre l’exigibilité de la créance.

Aux termes de la décision querellée, le premier juge a rétracté l’ordonnance sur requête rendue par le président du tribunal de commerce de Paris le 03 avril 2021, après avoir considéré que :

– par courrier en date du 11 décembre 2020, Maitre [T] [B], en qualité de conciliateur de la SARL BOUM, a invité la SNC 114 OBERKAMPF à lui accorder sous un délai de 5 jours, la suspension de l’exigibilité de sa créance pendant la durée de la conciliation, dans l’attente de trouver une solution alternative, qui permettrait la poursuite de l’activité de la société ;

– le conseil de la SNC 114 OBERKAMPF lui a répondu par courriel du 15 décembre 2020, envoyé dans le délai imparti de 5 jours : « Mon mandant accepte de suspendre l’exigibilité de ses créances pour la durée de la conciliation définie par l’ordonnance du 03 novembre dernier, même si constatons en l’état un désaccord. » ;

– cette réponse constitue sans ambiguïté un accord du bailleur de suspension de l’exigibilité de ses créances, quand bien même la seconde partie du courriel comporte des commentaires qui, certes, trahissent des tensions entre les parties impropres à des négociations constructives, mais ne contredisent pas pour autant l’accord de suspension de la première partie du courriel ;

– lors de la requête de la SARL BOUM en date du 28 janvier 2021 en demande de suspension des mesures d’exécution selon les dispositions de l’article 2. ll, le conciliateur a émis des doutes sur la bonne foi de la réponse de la SNC 114 OBERKAMPF à la demande de suspension de l’exigibilité de sa créance ; qu’il a, en effet, indiqué dans son avis qu’ « une telle réponse ne permet cependant pas de sécuriser la situation de la SARL Boum, dans la mesure où d’une part, une saisie-conservatoire a été opérée au cours de la procédure de conciliation, et ce en dépit des discussions initiées dans ce cadre, et d’autre part, que la mainlevée sur les sommes saisies lors des deux saisies effectuées en septembre et novembre 2020 n’a pas encore été donnée.»; et qu’en s’exprimant ainsi il a conduit le président du tribunal de commerce de Paris à penser qu’il n’y avait pas eu d’accord de suspension de l’exigibilité de la créance par la SNC 114 OBERKAMPF permettant à la SARL BOUM de poursuivre les négociations avec son bailleur pendant la durée de la conciliation ;

– il s’agit de toute évidence d’une lecture erronée du courriel du conseil de la SNC 114 OBERKAMPF en date du 15 décembre 2020 adressé à la SARL BOUM, induite par l’avis du conciliateur.

La SARL Boum sollicite l’infirmation de l’ordonnance querellée en faisant valoir pour l’essentiel que les termes de la réponse du bailleur le 15 décembre 2020 au courrier du conciliateur en date du 11 décembre 2020 ne sauraient être considérés comme une acceptation sans condition du bailleur à la proposition du conciliateur.

La SNC 114 Oberkampf, laquelle sollicite la confirmation de l’ordonnance entreprise, s’oppose à cette argumentation en arguant que l’ordonnance du président du tribunal de commerce de Paris aurait été rendue en méconnaissance des dispositions légales applicables et des échanges écrits entre les parties, la SNC 114 Oberkampf ayant dans un premier temps acquiescé à la suspension de l’exigibilité des créances pour la durée de la conciliation, et ce sans aucune condition d’aucune sorte, et ayant seulement invité dans un second temps le conciliateur à envisager la résiliation anticipée du bail dérogatoire, étant évident, compte tenu de la situation sanitaire début décembre et du nouveau confinement fin octobre 2020, que la SARL Boum ne serait pas en mesure d’exercer son activité dans un futur proche et vraisemblablement pas avant le terme du bail.

Au cas d’espèce, il résulte des pièces versées aux débats que le Président du tribunal de commerce de Paris a ouvert une procédure de conciliation à l’égard de la SARL Boum sur le fondement des articles L. 611-4 et suivants et R. 611-22 par ordonnance en date du 03 novembre 2020, et que par courrier en date du 11 décembre 2020, Maitre [T] [B], en qualité de conciliateur de la SARL BOUM, a invité la SNC 114 OBERKAMPF à lui accorder sous un délai de 5 jours, la suspension de l’exigibilité de sa créance pendant la durée de la conciliation, dans l’attente de trouver une solution alternative, qui permettrait la poursuite de l’activité de la société.

Il est tout aussi constant que, par courriel en date du 15 décembre 2020, envoyé dans le délai imparti de 5 jours, le conseil de la SNC 114 Oberkampf a répondu au conciliateur en ces termes :« Mon mandant accepte de suspendre l’exigibilité de ses créances pour la durée de la conciliation définie par l’ordonnance du 03 novembre dernier, même si nous constatons en l’état un désaccord. »

Si le rapport du conciliateur indique qu’ « une telle réponse ne permet cependant pas de sécuriser la situation de la SARL Boum, dans la mesure où d’une part, une saisie-conservatoire a été opérée au cours de la procédure de conciliation, et ce en dépit des discussions initiées dans ce cadre, et d’autre part, que la mainlevée sur les sommes saisies lors des deux saisies effectuées en septembre et novembre 2020 n’a pas encore été donnée », et ce de manière erronée alors même qu’une des saisies est bien antérieure à l’ouverture de la procédure de conciliation, et que l’article 2 II de l’ordonnance du 20 mai 2020 ne saurait permettre d’obtenir la restitution des sommes déjà obtenues, cette appréciation erronée du conciliateur ne saurait éluder celle du Président du tribunal de commerce de Paris, qui a l’obligation de statuer à la lumière de l’ensemble des éléments qui lui sont soumis, dont le mail du 15 décembre 2020, qui marquait pourtant sans ambiguïté l’accord de la SNC 114 Oberkampf à la suspension de l’exigibilité de ses créances.

Ainsi, en rétractant l’ordonnance du 03 avril 2021, la décision querellée a, à bon droit, procédé à une appréciation juste des éléments de la cause.

La décision du 15 juin 2021 soumise à la cour sera par conséquent confirmée en ce qu’elle a rétracté l’ordonnance du 03 avril 2021.

3) Sur les demandes accessoires

Il n’apparaît pas inéquitable de condamner la SARL Boum aux dépens d’appel. Les dépens de première instance resteront répartis ainsi que décidé par le premier juge.

En outre, la SARL Boum sera par ailleurs condamnée au paiement d’une indemnité de 5.000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile, et déboutée de sa demande de ce chef.

PAR CES MOTIFS

LA COUR, statuant publiquement, par mise à disposition au greffe, après débats contradictoire, par arrêt contradictoire rendu en dernier ressort ;

Confirme le jugement rendu par le tribunal de commerce de Paris le 15 juin 2021 sous le n° RG 2021019125 en toutes ses dispositions ;

Déboute la SARL Boum de sa demande sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;

Condamne la SARL Boum à verser à la SNC 114 Oberkampf la somme de 5.000 € sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile en cause d’appel ;

Condamne la SARL Boum aux entiers dépens d’appel.

La greffière, La présidente

 


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