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En matière de cession de droits sur des photographies, l’absence d’écrit peut aussi jouer en la faveur du modèle (mannequin). Le photographe (de mannequins ou autres) en sa qualité de professionnel, a l’obligation d’informer ses clients sur les utilisations prohibées ou non, de ses prises de vue. La cession tacite des droits peut être admise selon les circonstances.
Monsieur [E], photographe professionnel exerce son activité professionnelle dans le cadre de l’EURL OBVIOUSIDEA dont il est gérant associé, il acquis une réputation de portraitiste dans l’exercice de son art auprès d’un studio réputé internationalement depuis 50 ans.
Il propose la réalisation de portrait en studio pour un tarif de 150 € par séance, les photographies étant destinées à un usage privé et non commercial.
Madame [R] [D] lui a commandé une séance de prise de vues pour constitution d’un book qui a été organisée le 12 mai 2016, une soixantaine de clichés ont été réalisés parmi lesquels une dizaine a été commandée.
En 2021 Monsieur [E] a constaté que ses photographies sont diffusées sur le réseau social MYM.
Estimant que ce site avait un caractère commercial et considérant que la publication a été faite sans licence, Monsieur [E] a fait effectuer le constat de la présence de six de ses photographies par huissier de justice puis a mis en demeure Madame [D] de supprimer ces clichés de son site, sans effet.
Le conseil de Monsieur [E] a indiqué que les parties étaient liées par les conditions générales de l’offre de prestations qui figuraient sur son site et dont il produit le contenu en anglais (pièce 5) ainsi qu’une traduction en français.
Il invoque ces dispositions pour considérer que Madame [D] n’ignorait pas quelles étaient ses conditions contractuelles.
Or, il apparaît que des mentions intitulées “mentions légal (sic)” figurant en anglais sur un site sont insuffisantes pour caractériser une adhésion aux conditions contractuelles souscrites.
Il apparaît également, dans un document traduit de 5 pages que la seule mention intéressant le litige figure page 2 sous le sous titre “formule one” pour laquelle il est précisé qu’elle est la moins chère, pour répondre aux demandes des modèles débutantes ou confirmées (…) est réservée à un usage non commercial (pas de PLV, pas de publicité, pas de droits de diffusion média autre que l’usage de promotion individuelle), termes qui s’interprètent comme laissant au modèle la possibilité de diffuser pour sa promotion individuelle.
Or le professionnel reste tenu d’informer son client avec précision sur les conditions de vente de ses prestations et de s’assurer que celui-ci a parfaitement compris ces conditions.
De plus, en matière de photographie il existe une certaine complexité entre les droits du créateur d’une part (le photographe) et ceux du client qui est le sujet disposant par ailleurs d’un droit à son image, d’autre part, justifiant que l’information donnée soit claire, en langue française, et résulte sinon d’un écrit au moins d’un échange formel caractérisant l’adhésion aux conditions contractuelles
Cette complexité se reflète ainsi dans la réponse donnée à la mise en demeure par Madame [D] “à l’issue de la séquence photo, Monsieur [E] ne m’a jamais explicitement fait part d’une interdiction d’utiliser ses photographies et ne m’a jamais fait signer de contrat de cession d’image”.
Le tribunal en déduit que Madame [D] a acquis le droit de faire usage, des photographies qui lui avaient été remises à l’issue de la séance de photographies afin qu’elle puisse, selon les termes du demandeur “constituer un book” pour améliorer sa carrière.
En général, la notion de portfolio (press-book en anglais) renvoie à un dossier comprenant diverses photographies sélectionnées pour effectuer une représentation de la personne sous forme de curriculum vitae en image, en général à destination des mannequins, acteurs, intermittents du spectacle. L’usage des photographies entre donc dans le cadre des prévisions contractuelles invoquées (de diffusion média dans un usage de promotion individuelle), à les supposer effectivement opposables à la défenderesse.
Selon l’article L. 112-2, 9°du Code de la Propriété Intellectuelle « Sont considérés notamment comme œuvres de l’esprit au sens du présent code :
(…) 9° Les œuvres photographiques et celles réalisées à l’aide de techniques analogues à la photographie. ».
La diffusion sur le réseau MYM suppose, selon le procès-verbal de constat un accès par abonnement (9,99 € HT par mois), ce qui permet de constater un usage commercial de six clichés effectués de Madame [D] par Monsieur [E] (“aimés” par une quinzaine à une vingtaine de personnes selon les indications du constat, 197 personnes pour un autre cliché).
Toutefois, il n’est pas justifié que cette publication “privée” selon le réseau MYM soit contraire aux conditions acceptées par Madame [D], la constitution d’un portfolio sous une forme numérique étant la forme modernisée du portfolio papier dont l’usage est nécessairement à titre commercial puisqu’il s’agit de “vendre” son image, de faire sa promotion personnelle (de mannequin, d’acteur) à des producteurs ou des spectateurs.
Si Madame [D] qui disposerait d’environ 115 à 180 abonnés selon les indications du constat, a pu percevoir une rémunération de l’ordre de 8 € net par mois par abonné soit 1.200 € par mois, cette évaluation reste parfaitement hypothétique dès lors que le nombre d’abonnés payants est en réalité inconnu et ne peut se déduire du nombre de “followers”.
Il convient d’observer que les 6 clichés de Monsieur [E] ne constituent en outre qu’une partie du portfolio, il s’agit en conséquence d’une commercialisation avec un gain modéré, sans rapport avec le chiffrage avancé par le demandeur (plus de 100.000 € de chiffre d’affaires) et ses demandes indemnitaires pour un total de 523.000 € ou à titre subsidiaire de 270.000 €.
Il n’est pas constaté d’atteinte à l’oeuvre originale (notamment modification de celle-ci par recadrage, retouches…), ni même au regard de l’absence de précisions contractuelles, que l’usage des photographies acquises ait imposé que le nom du photographe soit associé aux clichés diffusés en reconnaissance de sa paternité sur ces oeuvres, le réseau social MYM n’apparaît pas référencer précisément les auteurs des photographies ou vidéos publiées.
Il est en outre paradoxal d’estimer à la fois que le droit moral est bafoué du fait de l’absence du nom de l’auteur et du fait que des photographies de moindre qualité côtoient les photographies de l’auteur qui pourtant n’est pas identifié.
En application de l’article L 122-4 du Code de la propriété intellectuelle “ « Toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle faite sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause est illicite. Il en est de même pour la traduction, l’adaptation ou la transformation, l’arrangement ou la reproduction par un art ou un procédé quelconque. »
Au total il ne peut être fait droit aux demandes du photographe qui a été débouté de la totalité de ses prétentions.