Location de matériel : décision du 27 février 2024 Cour d’appel de Versailles RG n° 22/05678

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Location de matériel : décision du 27 février 2024 Cour d’appel de Versailles RG n° 22/05678
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27 février 2024
Cour d’appel de Versailles
RG n°
22/05678

COUR D’APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 59B

chambre 1 – 2

ARRET N°

CONTRADICTOIRE

DU 27 FEVRIER 2024

N° RG 22/05678 – N° Portalis DBV3-V-B7G-VM6U

AFFAIRE :

S.A.S. GRENKE LOCATION

C/

S.C.I. DU [Adresse 1]

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 08 Juillet 2022 par le Tribunal de proximité de PUTEAUX

N° RG : 11-20-485

Expéditions exécutoires

Expéditions

Copies

délivrées le : 27/02/24

à :

Me Isabelle PORTET

Me Cindy FOUTEL

Me Anne-laure DUMEAU

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE VINGT SEPT FEVRIER DEUX MILLE VINGT QUATRE,

La cour d’appel de Versailles a rendu l’arrêt suivant dans l’affaire entre :

S.A.S. GRENKE LOCATION

N° SIRET : 428 61 6 7 34 RCS Strasbourg

Ayant son siège

[Adresse 5]

[Adresse 5] -[Localité 6]

[Localité 2]

prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

Représentant : Maître Isabelle PORTET, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 484 –

Représentant : Maitre Morgane GREVELLEC, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : E2122

APPELANTE

****************

SCI DU [Adresse 1]

N° SIRET : 440 62 0 6 23 RCS NANTERRE

Ayant son siège

[Adresse 1]

[Localité 4]

prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

Représentant : Maître Cindy FOUTEL, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 754 – N° du dossier 2022106P –

Représentant : Maître Kahina AMROUNI, Plaidant, avocat au barreau de PARIS

SAS UBIQUE

N° SIRET : 519 395 206 RCS Nanterre

Ayant son siège

[Adresse 3]

[Localité 4]

prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

Représentant : Maître Anne-laure DUMEAU, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 628 – N° du dossier 43038

Représentant : Maître Clotilde NORMAND de l’AARPI LOGELBACH ASSOCIES, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : K0042 –

INTIMEES

****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l’article 805 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue à l’audience publique du 16 Novembre 2023 les avocats des parties ne s’y étant pas opposés, devant Monsieur Jean-Yves PINOY, Conseiller chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Monsieur Philippe JAVELAS, Président,

Monsieur Jean-Yves PINOY, Conseiller,

Madame Anne THIVELLIER, Conseillère,

Greffier, lors des débats : Madame Françoise DUCAMIN,

EXPOSE DU LITIGE

Par contrat du 1er février 2017, la SCI du [Adresse 1] a donné en location à la SAS Ubique des équipements mobiliers tels qu’une caisse enregistreuse dotée d’un logiciel spécifique, moyennant un loyer hors taxes de 161 euros durant 60 mois.

La SAS Grenke Location est partie au contrat du 1er février 2017 sous la qualité de cessionnaire.

Par acte de commissaire de justice du 7 août 2020, la société Grenke Location a assigné la société du [Adresse 1] devant le juge des contentieux de la protection du tribunal de proximité de Puteaux aux fins d’obtenir sa condamnation au paiement de la dette équivalent à l’ensemble des loyers à échoir à la date du terme initialement prévue par le contrat du 1er février 2017.

Par assignation en intervention forcée du 5 novembre 2021, la société du 121 Avenue Georges Clémenceau a fait citer la société Ubique devant la juridiction de céans, dans la procédure pendante entre la société Grenke Location et la société du [Adresse 1], considérant qu’en raison des manquements contractuels de la société Ubique, il y avait lieu qu’elle intervienne dans l’instance afin que sa responsabilité soit reconnue.

Par jugement contradictoire du 8 juillet 2022, le tribunal de proximité de Puteaux a :

– ordonné la jonction entre le dossier RG 11-20-485 Set le dossier RG 11-21-773 sous ce premier

numéro,

– condamné la société du [Adresse 1] à payer à la société Grenke Location la somme de 772,80 euros correspondant au montant des loyers impayés à la date du 16 avril et la somme de 483 euros, au titre de l’indemnité de résiliation, avec intérêts au taux légal majoré de trois points, à compter du 24 avril 2019, date de la réception de la mise en demeure,

– condamné la société du [Adresse 1] à payer à la société Grenke Location la somme de 500 euros an titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– débouté les parties de leurs autres demandes et de leurs demandes contradictoires,

– condamné la société du [Adresse 1] aux entiers dépens,

– rappelé que l’exécution provisoire est de droit,

Par déclaration reçue au greffe en date du 9 septembre 2022, la société Grenke Location a relevé appel de ce jugement. Aux termes de ses conclusions signifiées le 30 mars 2023, elle demande à la cour de :

– infirmer le jugement rendu par tribunal de proximité de Puteaux le 8 juillet 2022 en ce qu’il a:

* débouté la société Grenke Location de sa demande tendant à voir condamner la société du [Adresse 1] à lui payer la somme de 1 052,43 euros toutes charges comprises au titre des loyers échus impayés eu 16 avril 2019 et réduit cette condamnation à la somme de 772,80 euros,

* débouté la société Grenke Location de sa demande tendant à voir condamner la société du [Adresse 1] à lui payer la somme de 5 313 euros hors taxes au titre des loyers à échoir jusqu’au terme du contrat soit le 31 janvier 2022 et réduit cette condamnation à la somme de 483 euros,

* débouté la société Grenke Location de sa demande tendant à voir condamner la société du [Adresse 1] à lui payer une indemnité de 1 000 euros en réparation du préjudice subi du fait de l’indisponibilité des sommes dues et du trouble patent de trésorerie,

* débouté la société Grenke Location de sa demande tendant à voir condamner la société du [Adresse 1] à restituer les matériels objets du Contrat de Location du 1er février 2017, sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter de la notification du jugement,

* débouté la société Grenke Location de sa demande subsidiaire tendant à voir prononcer la résolution judiciaire du contrat de vente conclu entre la société Ubique et la société Grenke Location,

* débouté la société Grenke Location de sa demande subsidiaire tendant à voir condamner la société Ubique à lui payer la somme de 10 168,42 euros correspondant au prix d’achat des matériels acquitté par la société Grenke Location avec intérêts au taux légal à compter du 1er février 2017, date de la facture,

* débouté la société Grenke Location de sa demande subsidiaire tendant à voir condamner la société Ubique à lui payer la somme de 6 365,43 euros en réparation du préjudice subi au titre des loyers qu’elle aurait dû percevoir jusqu’au terme du contrat de location du 1er février 2017.

Et statuant à nouveau,

A titre principal,

– condamner la société du [Adresse 1] à payer à la société Grenke Location la somme de 1 052,43 euros toutes charges comprises au titre des loyers et assurance échus à la date du 16 avril 2019, date de résiliation du contrat de location du 1er février 2017,

– condamner la société du [Adresse 1] à payer à la société Grenke Location la somme de 33 mois x 161 euros hors taxes = 5 313 euros hors taxes, au titre des loyers à échoir jusqu’au terme du contrat soit le 31 janvier 2022,

– condamner la société du [Adresse 1] paiement des intérêts au taux contractuellement défini, égal au taux d’intérêt légal majoré de 3%, sur la somme principale de 6 365,43 euros à compter de la réception de la mise en demeure du 16 avril 2019, soit à compter du 24 avril 2019,

Subsidiairement,

– condamner la société du [Adresse 1] au paiement des intérêts, au taux légal, sur la somme principale de 6 365,43 euros à compter de la présente assignation,

– condamner la société du [Adresse 1] à restituer les matériels objets du contrat de location du 1er février 2017, sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter de la notification de l’Arrêt à intervenir,

– débouter la société du 121 Avenue Georges Clémenceau en ses demandes, fins et conclusions,

A titre subsidiaire, dans l’hypothèse où la cour prononcerait l’anéantissement du contrat de location,

– prononcer la résolution judiciaire du contrat de vente conclu entre la société Ubique et la société Grenke Location,

– condamner la société Ubique au paiement au profit de la société Grenke Location de la somme de 10 168,42 euros correspondant au prix d’achat des matériels acquitté par la société la société Grenke Location avec intérêts au taux légal à compter du 1er février 2017, date de la facture,

– condamner la société Ubique au paiement au profit de la société Grenke Location de la somme de 6 365,43 euros en réparation du préjudice subi au titre des loyers qu’elle aurait dû percevoir jusqu’au terme du contrat de location du 1er février 2017,

– condamner la société Ubique à garantir et relever indemne la société Grenke Location de toutes condamnations qui pourraient être mise à sa charge au profit de la société du [Adresse 1],

En tout état de cause,

– débouter la société du [Adresse 1] et la société Ubique de l’intégralité

de leurs demandes, fins et conclusions à l’encontre de la société Grenke Location,

– condamner la société du [Adresse 1] ou tout succombant au paiement

au profit de la société Grenke Location d’une indemnité de 4 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– condamner la société du [Adresse 1] ou tout succombant aux entiers dépens de l’instance.

Aux termes de ses conclusions signifiées le 3 octobre 2023, la société du 121 Avenue Georges Clémenceau demande à la cour de :

– confirmer le jugement en ce qu’il a :

* jugé que la société du [Adresse 1] a la qualité de non-professionnel au regard du contrat litigieux,

– infirmer le jugement en ce qu’il a :

*condamné la société du [Adresse 1] à payer à la société Grenke Location la somme de 772,80 euros correspondant au montant des loyers impayés à la date du 16 avril et la somme de 483 euros, au titre de l’indemnité de resiliation, avec intérêts au taux légal majoré de trois points, à compter du 24 avril 2019, date de la réception de la mise en demeure,

* condamné la société du [Adresse 1] à payer à la société Grenke Location la somme de 500 euros an titre de l’article 700 du code de procédure civile,

* débouté les parties de leurs autres demandes et de leurs demandes contradictoires,

* condamné la société du [Adresse 1] aux entiers dépens,

Statuant à nouveau, il est demandé à la cour de :

A titre liminaire :

– juger que la société du [Adresse 1] a la qualité de non-professionnel au regard du contrat litigieux,

A titre principal :

– juger que le bailleur-fournisseur, la société Ubique, a manqué à son obligation de délivrance,

– prononcer la nullité du contrat de location,

– condamner in solidum la société Ubique et la société Grenke Location à rembourser à la société du [Adresse 1] la somme de 3 680 euros hors taxes correspondant aux loyers payés au titre du contrat de crédit-bail sans contrepartie,

A titre subsidiaire :

– juger que le bailleur-fournisseur, la Société Ubique, a manqué à son obligation de délivrance,

– juger la résiliation du contrat de location prononcée par la société Grenke Location est la cause des manquements contractuels du bailleur-fournisseur, la société Ubique,

– débouter la société Grenke Location sa demande d’indemnité de résiliation et des demandes annexes,

A titre très subsidiaire :

– juger que la clause de résiliation figurant à l’article 10 du contrat de location est abusive en ce qu’elle est manifestement excessive et disproportionnée ;

En conséquence,

– débouter la société Grenke Location,

A défaut,

– réduire significativement le montant de l’indemnité de résiliation sollicitée au regard de l’absence de préjudice subi de la société Grenke Location, de la restitution du matériel intervenue dès le 8 juillet 2019, et de sa revente,

– limiter le montant de l’indemnité de résiliation au montant des loyers non payés à la date de la résiliation du contrat (16 avril 2019) soit à la somme de 772,80 euros hors taxes, ou à défaut, au montant des loyers non payés jusqu’à la date de récupération du matériel par la société Grenke Location (8 juillet 2019), soit à la somme 1 389,39 euros hors taxes,

– déduire du montant des éventuelles condamnations, les sommes versées au titre de l’exécution provisoire de droit,

– condamner la société Ubique à payer le montant des éventuelles condamnations, à défaut, juger que ces éventuelles condamnations devront être payées conjointement, par moitié, avec la société Ubique,

A titre infiniment subsidiaire :

Si par extraordinaire la cour venait à condamner la société du [Adresse 1] au paiement d’une indemnité de résiliation, il est alors demandé des délais de paiement en application de l’article 1345-5 du code civil,

En tout état de cause

– condamner in solidum la société Ubique et la société Grenke Location à verser à la société du [Adresse 1] la somme 3 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– condamner in solidum la société Ubique et la société Grenke Location aux entiers dépens en application de l’article 699 du Code de procédure civile.

La clôture de l’instruction a été prononcée le 5 octobre 2023.

Conformément à l’article 455 du code de procédure civile, pour plus ample exposé des faits, de la procédure et des moyens soutenus par les parties, la cour se réfère à leurs écritures et à la décision déférée.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la qualité de non-professionnel de la SCI du [Adresse 1]

L’ordonnance n°2016-301 du 14 mars 2016 défini le non-professionnel à l’article liminaire du code de la consommation comme ” toute personne morale qui agit à des fins qui n’entrent pas de le cadre de son activité commerciale, industrielle, artisanale, libérale ou agricole “.

La qualification de non-professionnel a des conséquences juridiques, dès lors qu’elle permet au non-professionnel de pouvoir bénéficier de certaines dispositions du code de la consommation, notamment celles relatives aux clauses abusives ou encore celles ayant trait à la réglementation sur les pratiques commerciales déloyales et trompeuses.

Il est admis qu’une personne morale qui contracte dans un domaine qui ne relève pas de sa spécialité, ne peut avoir la qualité de ” professionnel “, dans la mesure où, elle se trouve placée dans une situation d’ignorance équivalente à celle du consommateur, ce qui justifie qu’il bénéficie d’une protection juridique équivalente.

La qualité de non-professionnel d’une personne morale se déduit de l’absence de rapport direct entre l’objet de son activité et l’objet du contrat en cause.

Une société qui contracte dans le domaine de la réalisation de travaux, a ainsi la qualité de “non-professionnel “, si la nature de l’objet du contrat est différent de l’activité exercée par la société.

Une société non-professionnelle peut se prévaloir de l’article R.212-2 du Code de la consommation, qui exclut la validité de certaines clauses, jugées abusives, entre un professionnel et un consommateur ou non-professionnel.

La qualité de non-professionnel d’une personne morale s’apprécie exclusivement au regard de l’activité de la société contractante.

En l’espèce, il est relevé que la SCI du [Adresse 1] est une société non commerciale, qui a pour objet social la location de terrains et de biens immobiliers. Son activité consiste ainsi exclusivement à louer des locaux immobiliers.

La Société Grenke Location est une société spécialisée dans le secteur de la location-bail de machines de bureau et de matériel informatique.

La Société Ubique est spécialisée dans le secteur de l’édition de logiciels applicatifs des caisses enregistreuses.

La contrat en cause avait pour objet de louer une caisse enregistreuse, dotée d’un logiciel et d’une licence spécifique, permettant au locataire de faciliter l’enregistrement de commandes dont les produits sont préenregistrés.

L’activité exercée par la SCI du [Adresse 1], exclusivement immobilière, est sans lien avec la location de matériel mobilier électronique, tel qu’une caisse enregistreuse ou un logiciel, et il ne peut, dès lors, être retenu sa qualité de professionnel dans le cadre de ce contrat.

Ainsi, les sociétés Ubique et Grenke Location ne peuvent soutenir que la caisse enregistreuse avait vocation à être utilisée dans le cadre de l’activité d’une Sarl l’Acacia, Bar-Restaurant exploité au sein des locaux de la Sci du [Adresse 1] dont elle constitue une entité juridique distincte.

La présence du tampon de ” L’acacia ” ne change en rien l’objet social et l’activité de la SCI du [Adresse 1] spécialisée uniquement dans la location de biens immobiliers, et qui n’exerce aucune autre activité que celle-ci.

Il est, en outre, relevé que la personne signataire du contrat, et la personne morale mise en cause dans l’action intentée par la Société Grenke Location est la SCI du [Adresse 1], locataire du contrat, et non pas la Sarl l’Acacia qui est une entité étrangère au contrat.

La Sarl l’Acacia étant étrangère au contrat, son activité ne peut être prise en compte pour apprécier la qualité de professionnel ou non de la SCI du [Adresse 1] au regard du contrat conclu entre les parties.

Les arrêts invoqués et produits par la Société Grenke Location ne sont pas transposables à la situation de la SCI [Adresse 1], dès lors qu’il s’agit de professions libérales, avocats ou kinésithérapeutes, ou encore d’un épicier, qui, dans le cadre de leurs professions avaient tous conclu un contrat de location.

Le contrat en cause n’a pas été conclu dans le cadre de l’activité professionnelle de la SCI du [Adresse 1] dont l’activité professionnelle se limite à louer des locaux commerciaux et qui exclut la qualité de professionnel, dès lors qu’il n’existe pas de rapport direct entre l’objet de son activité et l’objet du contrat en cause.

C’est donc à bon droit que le premier juge a qualifié la Sci du [Adresse 1], de non-professionnelle, aux motifs que l’objet du contrat est non seulement sans lien avec l’objet social de la SCI du [Adresse 1], mais également avec son activité professionnelle et qu’en outre la Sarl l’Acacia est étrangère au Contrat de location.

Le jugement entrepris mérite confirmation sur ce point.

Sur la demande de nullité du contrat de location du fait du manquement par le bailleur à son obligation de délivrance

La SCI du [Adresse 1] soulève in limine litis la nullité du contrat de location longue durée et partant celui du contrat de fourniture qui lui est indivisible.

La société Ubique conteste avoir failli à ses obligations et demande à la cour de rejeter la demande de nullité subséquente du contrat de location.

La société Grenke location conclut aux mêmes fins.

Sur ce,

Le 1er février 2017, la Société Grenke Location et la SCI du [Adresse 1] ont conclu un contrat de location longue durée, mettant à la disposition de la SCI du [Adresse 1], des équipements mobiliers, essentiellement une caisse enregistreuse dotée d’un logiciel spécifique mis en point par la Société Ubique.

Aux termes du contrat de location longue durée, la Société Grenke Location avait la qualité de “Cessionnaire ” et la Sci du [Adresse 1] avait celle de ” locataire “.

Le contrat de location faisant en outre intervenir la Société Ubique, créatrice du logiciel intégré dans le matériel informatique, laquelle avait pour charge d’assurer la mise en service de l’équipement, et qui se voyait attribuer la qualité de ” Fournisseur/Bailleur “.

Le contrat de location et le contrat de fourniture étaient, dès lors, indivisibles et liés.

La validité du contrat de fourniture et de location est ainsi conditionnée par la délivrance du matériel, objet des contrats, conformes à sa destination.

Le défaut d’une telle délivrance prive le contrat de son objet, de sorte que celui-ci est nul, le bailleur ayant failli à son obligation principale.

L’obligation de délivrance ne s’exécute pas à travers la simple livraison matérielle de la chose, mais par la preuve de l’effectivité de la mise en route du matériel ; preuve qui incombe au bailleur et dont l’obligation de délivrance s’apprécie, dans le cadre d’un contrat de location, à l’issue de plusieurs phases, à savoir : la livraison matérielle du ou des produits, la délivrance des accessoires nécessaires à son fonctionnement, l’installation et la mise en service du matériel, et la formation des futurs utilisateurs du matériel.

En présence d’un matériel informatique, le bailleur est tenu par une obligation de conseil qui constitue ” un accessoire à l’obligation de délivrance ” dont le manquement est susceptible de remettre en cause la validité du contrat, et qui peut alors être sanctionnée par la nullité du contrat, ou à défaut, par la résolution du contrat.

En l’espèce, la Société Ubique, bailleur, a remis, le 1er février 2017 des équipements prévus au contrat, à la SCI du [Adresse 1].

Il est cependant établi par les différentes pièces versées aux débats que les équipements livrés par la Société Ubique le 1er février 2017, n’ont jamais été fonctionnels, ni conformes à leur destination, de sorte que la délivrance du matériel visée par le contrat n’a en réalité jamais été honorée et s’est uniquement limitée à une simple livraison physique du matériel sans mise en route effective.

En effet, il demeure établi que le matériel n’a jamais été mis en service par le bailleur ni conditionné pour être utilisé dans les conditions prévues à cet effet, rendant ainsi le matériel inutilisable et inexploitable, aucune mise au point du matériel, exigée pour retenir l’accomplissement de l’obligation de délivrance par le bailleur, n’ayant été réalisée et ce, en dépit de multiples demandes et relances de la part de la SCI du [Adresse 1], tant auprès de la société Ubique que de la société Grenke Location.

Ce n’est qu’après avoir constaté que les deux sociétés appelantes et intimées n’avaient aucunement l’intention de faire le nécessaire pour mettre en service le matériel livré, que la SCI du [Adresse 1], s’est prévalue du principe de l’inexécution contractuelle en cessant l’exécution de ses propres obligations.

Les paiements antérieurs de la caisse intervenus par prélèvement automatique depuis le 1er février 2017, ne sont pas en soit de nature à établir que les sociétés Ubique et Grenke Location ont répondu à leurs obligations de délivrance conforme de la caisse enregistreuse.

D’autre part, et outre l’absence de délivrance conforme, le bailleur n’a pas respecté son obligation de conseil et d’information à l’égard du preneur.

Ainsi, la société Ubique n’a jamais remis à la SCI du [Adresse 1], un cahier des charges ou un guide d’utilisation, indispensable dans le cadre de l’utilisation d’un logiciel unique, dont les services sont exclusivement proposés par le bailleur.

Ce manquement, s’ajoute à celui relatif à l’absence de mise au point du matériel et permet de relever que le bailleur a manqué à son obligation substantielle de délivrance, inhérente au contrat de location du matériel.

L’examen et la chronologie des divers échanges intervenus entre la Société Ubique et la SCI du [Adresse 1] confirme que le matériel mis à la disposition du locataire n’a jamais été mis en service :

– le 20 mars 2019 : la SCI du [Adresse 1] évoque expressément le fait que le matériel loué en vertu du contrat litigieux est inexploitable.

La SCI du [Adresse 1] sollicite la mise à disposition d’un matériel fonctionnel et entend reprendre naturellement le paiement des loyers, dès lors qu’elle sera en possession d’un matériel fonctionnel.

– le 25 avril 2019 la SCI du [Adresse 1] fait état du fait que le matériel loué n’est pas exploitable et sollicite une nouvelle fois la mise à disposition d’un matériel fonctionnel dans un délai très raisonnable de 2 mois, en contrepartie d’une reprise du paiement des loyers.

– le 7 mai 2019, la SCI du [Adresse 1] prend attache avec la Société Ubique, par courriel, en mentionnant les références du contrat et en précisant que cette caisse n’a jamais été fonctionnelle, et qu’après de très nombreuses relances, un technicien de la société est enfin intervenu la semaine du 15 avril 2019.

Ce dernier a récupéré le matériel afin de pouvoir le mettre en service. Il était ensuite censé le rapporter au sein de la société en fin de semaine, soit le 19 avril 2019, ce qui ne fut jamais le cas.

Le 10 mai 2019, la SCI du [Adresse 1] a pris de nouveau attache avec la société Ubique UBIQUE, et l’a relancée dans les termes suivants :

” Chère Madame,

Je vous ai adressé un courriel le 7 mai dernier, aux termes duquel je vous indiquais qu’un technicien de votre société, intervenu le 15 avril 2019, avait récupéré une caisse enregistreuse au sein de ma Société afin de la réparer. Il devait me la restituer avant le 19 avril 2019. Or, et comme indiqué lors de mon précédent courriel, le matériel ne m’a toujours pas été restitué.

Vous m’avez indiqué avoir transmis ma demande aux personnes concernées.

Je n’ai pas eu de retour à ce jour.

Comme demandé lors de mon précédent courriel, je vous serais reconnaissant de me communiquer l’adresse mail des personnes disposées à traiter ma demande afin que je puisse enfin savoir ce qu’il en est.

Vous remerciant par avance de votre retour ”

A la date du 16 mai 2019, le caractère inexploitable du matériel a été évoqué 4 fois, par courriers recommandés du 20 mars 2019 et du 25 avril 2019, par courriels du 7 et 10 mai 2019 .

Enfin, la SCI du [Adresse 1] a écrit à la société Ubique par courriel daté du 17 mai 2019 :

” Cher Monsieur,

Je me permets néanmoins et au préalable de rebondir sur un point. Vous m’indiquez que la caisse a été ” reprogrammée en totalité “.

Or, et comme indiqué précédemment, elle n’a jamais fonctionné et n’a jamais été mise en service, de sorte qu’outre la mise à jour des prix, je souhaite surtout que le matériel soit enfin fonctionnel et utilisable.

Dans ce contexte, je vous remercie de bien vouloir me confirmer que le matériel et cette fois ci bien fonctionnel afin d’éviter tout déplacement inutile et déconvenue “.

Le matériel ne lui a cependant toujours pas été restitué.

Le 26 juin 2019, la SCI du [Adresse 1] a de nouveau relancé la société Ubique, dans les termes suivants :

” Cher Monsieur,

Plus d’un mois après mon courriel, je reste toujours sans réponse de votre part et le matériel n’a toujours pas été mis à ma disposition.

Cette situation est particulièrement pénible, étant précisé que j’ai honoré mes obligations pour un matériel qui n’a jamais fonctionné du fait de votre société qui n’a jamais effectué les diligences qui lui incombaient “.

Il se déduit de ces nombreux échanges epistolaires, que la société Ubique a manqué à son obligation de délivrance à travers l’absence de mise à disposition d’un matériel fonctionnel résultant de l’absence de mise en service de ce dernier et à son obligation de conseil et d’information sur le matériel livré.

L’absence de mise à disposition du matériel et de respect de l’obligation de conseil qui constitue en soi un accessoire à l’obligation de délivrance, ont pour conséquence de remettre en cause la validité du contrat de location qui n’a pu être exécuté et qui doit être sanctionnée par sa nullité.

La nullité du contrat emporte l’anéantissement rétroactif du contrat. Le contrat de location doit être considéré comme n’ayant jamais existé, de sorte que les parties sont remises dans l’état dans lequel elles se trouvaient avant sa conclusion.

La société Grenke Location et la société Ubique sont condamnées in solidum au remboursement des loyers prélevés à compter du 1er février 2017 jusqu’au 31 décembre 2018, soit la somme de 3 680 euros HT. La SCI du [Adresse 1] est condamnée à restituer le matériel loué aux sociétés Grenke Location et Ubique.

Le jugement entrepris mérite infirmation de ce chef.

Sur les demandes de la société Grenke Location à l’encontre de la société Ubique

La société Grenke Location dont le contrat a été annulé n’est pas fondée à demander à la société Ubique le paiement à son profit de la somme de 10 168,42 euros, correspondant au prix d’achat des matériels acquittés par elle dont elle justifie sur facture, dès lors que la nullité des contrats entraîne pour conséquence la restitution du matériel à son profit.

Le préjudice invoqué par la société Grenke, au titre de la perte des loyers dus jusqu’au terme du contrat constitue un gain manqué et non une perte de chance, laquelle résulte de la disparition actuelle et certaine d’une éventualité favorable, alors que l’exécution d’un contrat ne constitue pas une simple éventualité favorable mais un droit pour le créancier.

La société Ubique sera, par suite, condamnée à payer à la SAS Grenke Location la somme de 6 365, 43 euros en réparation du préjudice subi par cette dernière au titre de la perte d’une chance de percevoir les loyers qu’elle aurait pu percevoir jusqu’au terme du contrat de location du 1er février 2017.

La société Ubique sera, en outre, condamnée à relever et garantir la société Grenke Location du montant des condamnations mises à sa charge au profit de la société du [Adresse 1].

Sur la demande de délais de paiement

La société Ubique sollicite à titre infiniment subsidiaire des délais de paiement mais n’explicite devant la cour comment elle pourrait payer le montant des condamnations mises à sa charge dans un délai de 24 mois, ni même ne justifie de difficultés de trésorerie.

Sa demande de délais de paiement sera dès lors rejetée.

Sur les demandes accessoires

Les sociétés Ubique et Grenke Location qui succombent dans leurs prétentions sont condamnées aux dépens de première instance et de la procédure d’appel.

Le jugement est infirmé en ce qu’il a condamné la SCI du [Adresse 1] à payer à la Sas Grenke Location la somme de 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Parties perdantes, la société Grenke Location et la société Ubique seront déboutées de leur demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile. Il serait inéquitable de laisser à la charge de la SCI du [Adresse 1] les frais irrépétibles qu’ils ont dû exposer et les sociétés Grenke Location et Ubique seront condamnées à leur payer la somme de 3 000 euros à ce titre.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant par arrêt contradictoire, par mise à disposition au greffe,

Infirme partiellement le jugement,

Statuant de nouveau sur les chefs du jugement infirmés :

Prononce la nullité des contrats de location longue durée ainsi que de fourniture et mise en service conclus le 1er février 2017 entre les sociétés Ubique et Grenke Location et la SCI [Adresse 1],

En conséquence, condamne in solidum les sociétés Ubique et Grenke Location à payer à la SCI [Adresse 1] la somme de 3 680 euros HT avec intérêts au taux légal à compter du présent arrêt jusqu’à parfait paiement,

Dit que les sociétés Ubique et Grenke Location devront reprendre à leurs frais le matériel restant entreposé dans les locaux de la SCI [Adresse 1], ou en tout autre lieu où il se trouverait, dans un délai de deux mois à compter de la signification du présent arrêt, passé ce délai elles seront considérées comme y ayant renoncé,

Condamne la société Ubique à payer à la SAS Grenke Location la somme de 6 365, 43 euros à titre de dommages et intérêts,

Condamne la société Ubique à relever et garantir la SAS Grenke Location du montant des condamnations mises à sa charge au profit de la SCI du [Adresse 1].

Rejette toute autre demande plus ample ou contraire,

Condamne in solidum les sociétés Ubique et Grenke Location aux dépens de première instance et de la procédures d’appel,

Condamne in solidum les sociétés Ubique et Grenke Location à payer à la SCI [Adresse 1] la somme de 3 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

– prononcé hors la présence du public par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

– signé par Monsieur Philippe JAVELAS, Président et par Madame Françoise DUCAMIN, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le greffier, Le président,

 


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