Marchand de Biens : décision du 29 novembre 2022 Cour d’appel de Besançon RG n° 20/01785

·

·

Marchand de Biens : décision du 29 novembre 2022 Cour d’appel de Besançon RG n° 20/01785
Ce point juridique est utile ?

ARRÊT N°

CS/FA

COUR D’APPEL DE BESANÇON

– 172 501 116 00013 –

ARRÊT DU 29 NOVEMBRE 2022

PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE ET COMMERCIALE

Contradictoire

Audience publique du 27 septembre 2022

N° de rôle : N° RG 20/01785 – N° Portalis DBVG-V-B7E-EKFF

S/appel d’une décision du TJ HORS JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP DE BESANCON en date du 03 novembre 2020 [RG N° 17/01453]

Code affaire : 50Z Autres demandes relatives à la vente

Compagnie d’assurance ALLIANZ, SOCIETE CIVILE DES MONTBOUCONS C/ [E] [T], S.A. MAAF ASSURANCES, Société CIVILE DES MONTBOUCONS

PARTIES EN CAUSE :

Compagnie d’assurance ALLIANZ

Sise [Adresse 1]

Représentée par Me Benoît MAURIN de la SELARL MAURIN-PILATI ASSOCIES, avocat au barreau de BESANCON

APPELANTE

ET :

Monsieur [E] [T]

de nationalité française, artisan,

demeurant [Adresse 4]

Représenté par Me Julien DICHAMP de la SCP MAYER-BLONDEAU GIACOMONI DICHAMP MARTINVAL, avocat au barreau de BESANCON

S.A. MAAF ASSURANCES

Sise [Adresse 7]

Représentée par Me Ariel LORACH de la SCP LORACH AVOCATS ASSOCIES, avocat au barreau de BESANCON

SOCIETE CIVILE DES MONTBOUCONS, venant aux droits de la SNC DES MONTBOUCONS représentée par ses gérants en exercice Monsieur [R] [S] [M] et Monsieur [W] [U], domiciliés en cette qualité audit siège, immatriculée au RCS de Besançon sous le numéro 491 380 705

Sise [Adresse 3]

Représentée par Me Mohamed AITALI de la SELARL TERRYN – AITALI GROS-CARPI-LE DENMAT, avocat au barreau de BESANCON

INTIMÉS

COMPOSITION DE LA COUR :

Lors des débats :

PRÉSIDENT : Monsieur Michel WACHTER, Président de chambre.

ASSESSEURS : Messieurs Jean-François LEVEQUE et Cédric SAUNIER, Conseillers.

GREFFIER : Madame Fabienne ARNOUX, Greffier.

Lors du délibéré :

PRÉSIDENT : Monsieur Michel WACHTER, Président de chambre

ASSESSEURS : Messieurs Jean-François LEVEQUE conseiller et Cédric SAUNIER, magistrat rédacteur.

L’affaire, plaidée à l’audience du 27 septembre 2022 a été mise en délibéré au 29 novembre 2022. Les parties ont été avisées qu’à cette date l’arrêt serait rendu par mise à disposition au greffe.

* * * * * * * *

Faits, procédure et prétentions des parties

Par acte authentique du 23 décembre 2011, M. [N] [P] et Mme [B] [X] épouse [P] ont acquis auprès de la SNC Des Montboucons, devenue la société civile des Montboucons, les lots n°7 et n°55 correspondant à un volume à aménager en duplex et un emplacement de stationnement intégrés à l’ensemble immobilier situé [Adresse 2] cadastré section AD n°[Cadastre 5] lieudit ‘[Localité 8]’ et section AD n°[Cadastre 6] lieudit ‘[Localité 9], au prix de 94 000 euros.

Dans le cadre de travaux antérieurs à cette vente, il n’est pas contesté que sont intervenus M. [E] [T] exerçant sous l’enseigne ‘Entreprise de charpente couverture’, en charge du lot couverture, ainsi que l’EURL Dadas Maçonnerie en charge du lot maçonnerie.

A la suite de désordres affectant ce bien et après dépôt de son rapport le 26 avril 2016 par M. [L] [J], expert judiciaire, le tribunal de grande instance de Besançon a, par jugement rendu le 4 juin 2019, prononcé la résolution de la vente et a, hors frais irrépétibles et dépens, condamné la société des Montboucons à payer à M. [P] et Mme [X] :

– la somme de 104 474,47 euros au titre de la restitution du prix de vente et des frais notariés;

– la somme de 60 393,72 euros en réparation du préjudice économique et du trouble de jouissance;

– la somme de 4 000 euros en réparation de leur préjudice moral.

Dans le cadre de l’instance distincte d’appel en garantie introduite par la société des Montboucons à l’encontre de la SA CAMBTP, son assureur, de M. [T] et de la SA Maaf en qualité d’assureur de ce dernier ainsi que de la SA Allianz en qualité d’assureur de la société Dadas Maçonnerie, le tribunal judiciaire de Besançon a, par jugement du 3 novembre 2020 :

– débouté la société des Montboucons de ses demandes dirigées à l’encontre de la CAMBTP ;

– débouté la société des Montboucons de ses demandes formées à l’encontre de M. [T] et

de la société MAAF ;

– condamné la société Allianz à payer à la société des Montboucons la somme de 54 787,73 euros, ainsi que les dépens dus par cette dernière, en ce compris les frais d’expertise judiciaire, à hauteur de 70 % de leur montant ;

– condamné la société Allianz à payer à la société des Montboucons la somme de 1 500 euros au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;

– condamné la société des Montboucons à payer à la CAMBTP, à M. [T] et à la société MAAF, chacun, la somme de 800 euros au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;

– condamné la société Allianz aux dépens de l’instance ;

– ordonné l’exécution provisoire de la décision ;

– débouté les parties du surplus de leurs demandes.

Pour parvenir à cette décision, le juge de première instance a considéré :

– que le contrat souscrit par la société des Montboucons auprès de la CAMBTP avec effet au 1er juin 2008 ne couvre que sa responsabilité civile professionnelle dans le cadre de l’activité de marchand de biens et comporte au surplus une exclusion technique concernant les dommages subis par les ouvrages faisant partie des opérations de construction de l’assuré, de sorte qu’il ne comporte pas une assurance dommage-ouvrage et ne peut être valablement invoqué en l’espèce;

– que les moyens invoqués par M. [T] aux termes desquels la société des Montboucons serait dépourvue d’intérêt à agir aux motifs que la demande initiale des époux [P] portait sur une résolution de vente qu’il ne peut être appelé à garantir, que la réception de l’ouvrage a été effectuée sans réserves alors que les désordres étaient apparents et que l’appel en garantie serait dépourvu de fondement juridique constituent une défense au fond et non une fin de non-recevoir;

– qu’en considération de la réception tacite sans réserve de l’ouvrage alors même qu’une partie des désordres étaient apparents aux termes du rapport d’expertise, la responsabilité de M. [T] ne peut être recherchée sur le fondement de la garantie décennale ;

– que la société des Montboucons ne peut non plus rechercher sa responsabilité contractuelle au regard de son choix de ne pas réserver lesdits vices apparents et du fait qu’elle n’a elle-même, en qualité de donneur d’ordre du chantier, pas respecté les règles parasismiques, n’a effectué aucun calcul de conception de la structure et a failli à l’élaboration d’un encadrement technique des exécutants ;

– que l’expert ayant relevé un défaut de résistance des poutres supportant la chape et la fissuration du mur séparatif, ayant pour cause à proportion de 30 % l’absence de plan et d’encadrement d’exécution de chantier imputable à la société des Montboucons et à proportion de 70 % des fautes techniques commises au cours de la réalisation de la maçonnerie, ces désordres portant atteinte à la solidité de l’ouvrage et pouvant ne pas être apparents lors de la réception des travaux, la responsabilité décennale de la société Dadas Maçonnerie et la garantie de son assureur sont engagées ;

– que la société Allianz doit donc être condamnée à payer à la société des Montboucons une somme correspondant à 70 % du montant de son préjudice ainsi que, dans les mêmes proportions, les dépens dus par cette dernière en ce compris les frais d’expertise ;

– que la CAMBTP n’établit aucune faute imputable à la société des Montboucons de nature à conférer à son action judiciaire un caractère abusif.

Par déclaration du 22 décembre 2020, la société Allianz a interjeté appel en de ce jugement, intimant la société civile les Montboucons, en sollicitant son annulation et son infirmation en ce qu’elle a été condamnée à payer à cette dernière la somme de 54 787,73 euros, ainsi que les dépens dus par elle en ce compris les frais d’expertise judiciaire à hauteur de 70 % de leur montant, la somme de 1 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile outre les dépens de l’instance, et en ce qu’elle a été déboutée du surplus de ses demandes.

Par déclaration du 18 février 2021, la société des Montboucons a interjeté appel de ce jugement, intimant la société Maaf et M. [T], en ce qu’il l’a déboutée de ses demandes formées à leur encontre, l’a condamnée à leur payer la somme de 800 euros chacun au titre de l’article 700 du code de procédure civile et a débouté les parties du surplus de leurs demandes.

Les deux procédures d’appel ont été jointes par ordonnance du 7 septembre 2022.

Selon ses dernières conclusions transmises le 13 septembre 2022, la société Allianz, ajoutant à ses précédentes écritures, a sollicité ‘la nullité de la procédure pour non respect du contradictoire’ au motif de la jonction intervenue alors que la société des Montboucons ne lui a pas communiqué ses écritures et pièces déposées dans le cadre de la procédure d’appel que cette dernière a initiée.

Elle conclut par ailleurs à l’infirmation des chefs du jugement visés dans sa déclaration d’appel et demande à la cour statuant à nouveau :

– de débouter la société des Montboucons de sa demande de garantie, en ce qu’elle n’a pas à garantir une résolution de vente et subsidiairement en l’absence de réception du lot maçonnerie et alors que les désordres affectant la charpente étaient visibles à réception ;

– subsidiairement, de condamner la société des Montboucons à la garantir de toute condamnation en sa qualité de maître d’ouvrage et de maître d’oeuvre ayant accepté les modifications de la charpente impliquant une surcharge ;

– de condamner la société des Montboucons à lui payer la somme de 6 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile en première instance et de 5 000 euros en appel, outre les dépens avec distraction au profit de son conseil.

Elle fait valoir :

– qu’elle n’a pas été avisée de la jonction intervenue entre les deux procédures d’appel ;

– que la société des Montboucons ne sollicite pas la réparation de désordres mais l’indemnisation de son préjudice suite à l’annulation de la vente intervenue au profit de M. [P] et de Mme [X], laquelle ne relève pas de la garantie d’un assureur ;

– que le débat relatif à la nature des désordres, aux responsabilités et à leur indemnisation relève de l’instance enregistrée sous la référence 16/02278 devant le tribunal judiciaire ;

– que le remboursement d’un prix de vente et des frais de notaire ne relève pas de la garantie décennale ;

– qu’en tout état de cause :

. la société des Montboucons n’établit pas la réalité d’une réception tacite concernant le lot maçonnerie, et de l’absence ou non de réserve ;

. les désordres affectant la charpente étaient visibles à réception ;

. comme le relève l’expert, c’est la surcharge de la charpente qui a généré la fissuration du mur de sorte que la responsabilité relève du lot charpente ;

. la société des Montboucons, en ne s’adjoignant pas un maître d’oeuvre ou un bureau d’étude, s’est comporté comme tel et a engagé sa responsabilité.

Selon ses dernières conclusions transmises le 17 mai 2021 dans le cadre de la procédure résultant de son appel principal, la société des Montboucons conclut à son infirmation des chefs visés dans le cadre de sa déclaration d’appel et demande à la cour statuant à nouveau de :

– condamner in solidum M. [T] et la société Maaf à la garantir du paiement de la somme totale de 78 268,19 euros outre intérêts correspondant aux postes suivants :

. 10 474,47 euros au titre des frais de notaire ;

. 60 393,72 euros au titre du réjudice économique et du trouble de jouissance ;

. 4 000 euros au titre du préjudice moral ;

. 2 500 euros au titre de la somme octroyée à M. [P] et Mme [X] en application de l’article 700 du code de procédure civile ;

. 900 euros au titre de la somme octroyée au syndicat des copropriétaires de l’immeuble La Chapelle en application de l’article 700 du code de procédure civile ;

. la garantie de l’ensemble des dépens relatifs au jugement rendu le 4 juin 2019, en ce compris les frais d’expertise judiciaire ;

– condamner in solidum M. [T] et la société Maaf à lui payer une somme de 4 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile s’agissant de la procédure de première instance et de 4 000 euros s’agissant de la procédure d’appel ;

– condamner in solidum M. [T] et la société Maaf aux entiers dépens de la procédure, avec distraction.

Dans le cadre de la procédure d’appel initiée par la société Allianz, la société des Montboucons a formé appel incident par conclusions transmises le 18 juin 2021 et a sollicité l’infirmation du jugement critiqué en ce qu’il a condamné la société Allianz à lui payer la somme de 54 787,73 euros, ainsi que les dépens dus par elle, en ce compris les frais d’expertise judiciaire, à hauteur de 70 % de leur montant et, statuant à nouveau, la condamnation de cette dernière à lui payer la somme de 78 268,19 euros, ainsi que les dépens dus par elle en ce compris les frais d’expertise judiciaire.

Elles fait valoir, aux termes de ses ultimes écritures présentées dans chacune de ces procédures:

– concernant son appel principal contre M. [T] ainsi que la société Maaf :

. que l’expert a relevé quatre désordres imputables au charpentier, lesquels n’étaient pas apparents à réception tacite, dans leurs causes et leurs conséquences dommageables, en considération de sa qualité de profane liée à sa simple activité de marchand de biens, de sorte qu’ils engagent sa responsabilité décennale ;

. qu’à défaut, M. [T] a engagé sa responsabilité contractuelle en n’exécutant pas les travaux conformément aux règles de l’art ;

– concernant son appel incident contre la société Allianz :

. que l’expert a retenu la responsabilité de la société Dadas Maçonnerie dans le cadre de l’exécution des travaux de maçonnerie pour des désordres relevant de la garantie décennale, et qui n’étaient pas apparents à réception tacite dans leurs causes et leurs conséquences dommageables, lors de l’entrée en jouissance correspondant à l’acte de vente des lots à M. [P] et Mme [X] soit le 23 décembre 2011 ;

– qu’elle-même n’a commis aucune faute en ne recourant pas aux services d’un maître d’oeuvre spécialisé dans la mesure où seuls deux prestataires intervenaient au titre des travaux de réfection de la toiture, alors même que la société Dadas Maçonnerie s’était engagée sans la moindre réserve à exécuter les travaux, de sorte que l’expert a retenu à tort un partage de responsabilité.

M. [T] a répliqué en dernier lieu par conclusions transmises le 13 août 2021 pour demander à la cour de confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions, et :

– subsidiairement de condamner en tant que de besoin la société Maaf à le garantir selon les clauses et conditions du contrat d’assurance responsabilité civile professionnelle et décennale conclu entre eux ;

– en tout état de cause, de condamner la société des Montboucons à lui payer la somme de 5 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile outre les dépens avec distraction.

Il expose :

– que sa responsabilité décennale ne peut être retenue dans la mesure où :

. l’expert précise que les désordres étaient apparents à réception et n’ont pas fait l’objet de réserve ;

. la réception tacite sans réserve se déduit de la prise de possession de l’ouvrage et du paiement de la facture du solde des travaux ;

. la société des Montboucons était à l’époque des travaux une société commerciale, dont les deux cogérants dirigent par ailleurs chacun une autre société civile immobilière, ce dont il résulte que la société des Montboucons n’était pas profane et a volontairement conservé la maîtrise d’oeuvre du chantier ;

. cette dernière a accepté les termes du jugement du 4 juin 2019 la condamnant à indemniser M. [P] et Mme [X], au motif de sa parfaite connaissance des vices affectant l’immeuble antérieurement à la vente ;

– que sa responsabilité contractuelle ne peut être engagée en ce que :

. l’expert a relevé que la société des Montboucons a agi en tant que maître d”uvre en conception et suivi et en maîtrise d’ouvrage en réduisant par mesure d’économie le champ de mission d’un maître d”uvre professionnel au seul établissement des plans de permis de construire lesquels n’ont au surplus pas été suivis ;

. le maître de l’ouvrage ne peut rechercher la responsabilité contractuelle du constructeur qu’au seul titre de ‘la levée des vices apparents réservés à la réception’, seules les dispositions prévues aux articles 1792 et suivants du code civil étant applicables dans les autres cas ;

– que la société des Montboucons ne peut solliciter sa condamnation à lui payer la totalité des sommes réglées à M. [P] et Mme [X] alors même que la société Allianz a été condamnée à lui verser la somme de 54 787,73 euros, cette condamnation étant ‘définitive’ en raison du caractère limité de son appel ;

– en tout état de cause, il n’est susceptible d’être condamné que sur le fondement de la responsabilité décennale au titre de laquelle il est valablement assuré auprès de la société Maaf qui lui devrait donc sa pleine et entière garantie.

La société Maaf a répliqué en dernier lieu par conclusions transmises le 28 juillet 2021 pour demander à la cour de confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions et de condamner la société des Montboucons à lui verser la somme de 3 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile outre les entiers dépens distraits au profit de son conseil.

A titre subsidiaire, elle sollicite, conformément aux dispositions contractuelles, l’application de la franchise égale à 10 % du montant des désordres avec un minimum de 1 058 euros et un maximum de 2 124 euros.

Elle expose :

– que les désordres étaient apparents à la réception et ont été acceptés par le maître d’ouvrage qui avait la qualité de professionnel conduisant une opération immobilière conséquente incluant sept lots ;

– que son courrier du 8 août 2008 témoigne de son acceptation expresse des désordres ;

– qu’au surplus, il résulte du contrat d’assurance que les dommages survenus avant la réception des travaux ne sont pas couverts ;

– en tant que de besoin, que l’article 6-2 en page 8 des conventions spéciales prévoit une déchéance de garantie en cas d’inobservation inexcusable des règles de l’art telles qu ‘elles sont définies par les réglementations en vigueur, les documents techniques unifiés ou les normes établies par les organismes compétents à caractère officiel ou dans le marché de travaux.

Pour l’exposé complet des moyens des parties, la cour se réfère à leurs dernières conclusions susvisées, conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile.

Par ordonnance d’incident du 25 mai 2021, le conseiller de la mise en état a constaté le désistement de la société des Montboucons de sa demande de radiation de l’appel pour défaut d’exécution du jugement critiqué.

Après report ordonné par le conseiller de la mise en état le 7 septembre 2022 afin de permettre à la société Allianz de conclure, l’ordonnance de clôture est intervenue le 26 septembre suivant.

L’affaire a été appelée à l’audience du 27 septembre 2022 et mise en délibéré au 29 novembre suivant.

En application de l’article 467 du code de procédure civile, le présent arrêt est contradictoire.

Motifs de la décision

A titre liminaire, la cour constate que la demande aux fins d’annulation formée par la société Allianz dans sa déclaration d’appel n’est suivie d’aucun moyen ni demande dans ses conclusions ultérieures, de sorte qu’elle n’est pas soutenue.

Par ailleurs, la cour rappelle qu’elle n’est pas tenue de statuer sur les demandes de «’donner acte’», «’constatations’» ou de «’dire et juger’» qui ne sont pas, hors les cas prévus par la loi, des prétentions en ce qu’elles ne sont pas susceptibles d’emporter des conséquences juridiques mais constituent, en réalité, les moyens invoqués par les parties au soutien de leurs demandes.

– Sur la demande tendant à la nullité de la procédure formée par la société Allianz,

En application de l’article 16 du code de procédure civile, le juge doit, en toutes circonstances, faire observer et observer lui-même le principe de la contradiction et ne peut retenir, dans sa décision, les moyens, les explications et les documents invoqués ou produits par les parties que si celles-ci ont été à même d’en débattre contradictoirement.

Au soutien de sa demande tendant à la nullité de la procédure, la société Allianz invoque le fait qu’elle n’a découvert que très tardivement la jonction des deux procédures d’appel ordonnée le 7 septembre 2022 par le conseiller de la mise en état et que la société des Montboucons ne lui a communiqué ni ses écritures ni ses pièces.

Néanmoins, étant relevé que la société Allianz s’est explicitement opposée dès ses conclusions transmises le 28 juillet 2022, soit plus d’un mois avant que celle-ci soit ordonnée, à la demande de jonction formée par la société des Montboucons par conclusions lui ayant été transmises via le système RPVA le 18 juillet précédent, la cour observe que la société Allianz avait libre accès au dossier de la procédure d’appel initiée par la société des Montboucons suite à ladite jonction et a obtenu un report de l’ordonnance de clôture afin de lui permettre de répondre à l’ensemble des écritures déposées par les parties dans le cadre des deux procédures jointes.

Dès lors, la société Allianz n’établit aucune violation du principe du contradictoire et sa demande tendant à la nullité de la procédure sera rejetée.

– Sur le principe de l’appel en garantie formé par la société des Montboucons à l’encontre de la société Allianz,

Aux termes de l’articles 1792 du code civil, tout constructeur d’un ouvrage est responsable de plein droit, envers le maître ou l’acquéreur de l’ouvrage, des dommages, même résultant d’un vice du sol, qui compromettent la solidité de l’ouvrage ou qui, l’affectant dans l’un de ses éléments constitutifs ou l’un de ses éléments d’équipement, le rendent impropre à sa destination.

Par ailleurs, et en application de l’article 1147 devenu 1231-1 du code précité applicable au litige, le débiteur est condamné, s’il y a lieu, au paiement de dommages et intérêts, soit à raison de l’inexécution de l’obligation, soit à raison du retard dans l’exécution, toutes les fois qu’il ne justifie pas que l’inexécution provient d’une cause étrangère qui ne peut lui être imputée, encore qu’il n’y ait aucune mauvaise foi de sa part.

Ces dispositions autorisent la société des Montboucons, qui a contractualisé des marchés de travaux de construction, à solliciter l’indemnisation du préjudice qu’elle estime avoir subi du fait d’une mauvaise exécution des travaux dont elle estime qu’elle engage la responsabilité de ses cocontractants.

Au soutien de sa demande de rejet des demandes formées par la société des Montboucons, la société Allianz invoque le fait que la demande indemnitaire formée par la société des Montboucons, suite à l’annulation de la vente conclue avec M. [P] et Mme [X], ne relève pas de la garantie d’un assureur, de sorte que le débat relatif à la nature des désordres, aux responsabilités et à leur indemnisation ne concerne pas la présente instance et que le remboursement du prix de vente et des frais de notaire est étranger à la garantie décennale.

Cependant, il résulte des dispositions susvisées que ces contestations relèvent des discussions relatives d’une part à l’existence ou non d’un lien de causalité entre les faits reprochés aux intervenants sur le chantier et le préjudice invoqué par la société des Montboucons et d’autre part au montant du préjudice indemnisable.

Ces moyens seront donc écartés en ce qu’ils sont invoqués au soutien de l’inapplicabilité des articles 1147 devenu 1231-1 et 1792 du code civil au cas d’espèce.

– Sur la demande en paiement formée par la société des Montboucons à l’encontre de M. [T],

L’article 1792-6 du code civil définit la réception comme l’acte par lequel le maître de l’ouvrage déclare accepter l’ouvrage avec ou sans réserves. Elle intervient à la demande de la partie la plus diligente, soit à l’amiable, soit à défaut judiciairement. Elle est, en tout état de cause, prononcée contradictoirement.

En l’absence de production tant d’un procès-verbal de réception signé par les parties que de toute pièce de nature à établir la date de règlement du solde du marché contractualisé entre les parties et objet des factures établies le 6 juillet 2008, la date de réception tacite, sans réserve, doit être fixée à la date de l’acte authentique de cession des lots concernés à M. [P] et Mme [X] soit le 23 décembre 2011.

M. [J] indique dans son rapport d’expertise du 29 octobre 2020 avoir constaté les désordres suivants, en totalité non réservés à réception :

– la modification des fermes de la charpente des combles, constituant une malfaçon technique majeure portant atteinte à la solidité de l’ouvrage et apparente à réception des travaux ;

– un affaissement du sol, portant atteinte à la solidité de l’ouvrage et potentiellement non apparent à réception ;

– une surcharge des poutres sommières sur les albalétriers, apparente à réception ;

– une assise de poutre incertaine, apparente à réception ;

– une hauteur non réglementaire du garde-corps de la toiture terrasse, portant atteinte à la sécurité des personne et apparente à réception ;

– une fissure du mur séparatif du logement, potentiellement non apparente à réception ;

– des infiltrations d’eau sous le crépi, non apparentes à réception ;

– des infiltrations d’eau sous les toits, potentiellement non apparentes à réception ;

– des fissures dans le crépi, non apparentes à réception ;

– une grande fissure sur la façade avant, apparente à réception ;

– une déformation d’un mur extérieur, d’aspect bombé, dont l’expert n’est pas en mesure de préciser le caractère apparent ou non à réception ;

– un défaut de pieds en fer au niveau des scellements des abris à garage dont l’ossature est cintrée, le premier apparent à réception pour un professionnel et le second dont l’expert n’est pas en mesure de préciser s’il était apparent ou non ;

– des remontées d’eau par le sol sur le crépi, non apparentes à réception ;

– deux grandes fissures de chaque côté du porche, dont l’expert n’est pas en mesure de préciser le caractère apparent ou non à réception ;

– une irrégularité des marches menant au premier étage, apparente à réception ;

– une infiltration d’eau dans l’appartement numéro 2 provenant de la terrasse de l’appartement numéro 7, potentiellement non apparente à réception ;

– un ruissellement sur le palier de l’étage, potentiellement non apparent à réception ;

– une absence de protection sur la couvertine béton, apparent à réception.

Or, il résulte du courrier daté du 8 août 2008 par lequel la société des Montboucons suggérait à M. [T] d’effectuer une déclaration à son assureur que le maître d’oeuvre faisait état de ‘désordres qui pourraient s’avérer graves et fragiliser la structure du bâtiment’ en lien avec la suppression des grands tirants sans pose de renforts préalables, à savoir le ripage de la sablière côté nord ayant entraîné un déplacement de la partie supérieure du mur en pierres au droit de chaque tirant, ainsi que des fissures.

Il en résulte que les désordres liés à la charpente invoqués par la société des Montboucons au soutien de sa demande indemnitaire formée à l’encontre de M. [T] étaient non seulement apparents mais aussi parfaitement connus et appréhendés y compris dans leurs conséquences possibles par le maître d’oeuvre antérieurement à la cession immobilière du 23 décembre 2011.

Dès lors, comme relevé par le juge de première instance, la société des Montboucons ne peut valablement invoquer la responsabilité de M. [T] au titre de la garantie décennale.

Pour autant, si la société des Montboucons ne peut faire état de sa bonne foi en ce qu’elle a choisi en toute connaissance de cause de procéder à la revente des lots pourtant affectés de désordres majeurs affectants la charpente, l’expert impute :

– d’une part à proportion de 70 % aux fautes techniques commises par M. [T] la modification des fermes de la charpente des combles, la surcharge des poutres sommières sur les albalétriers, la grande fissure sur la façade avant, la déformation d’un mur extérieur, d’aspect bombé ainsi les deux grandes fissures de chaque côté du porche ;

– d’autre part en totalité aux fautes techniques commises par M. [T] l’assise de poutre incertaine, les infiltrations d’eau sous les toits en l’absence de réalisation de la couverture ainsi que les fissures dans le crépi.

Néanmoins, étant rappelé que la société des Montboucons ne sollicite à titre indemnitaire que le remboursement des frais liés aux condamnations prononcées à son encontre après résolution de la vente immobilière par le tribunal de grande instance de Besançon le 4 juin 2019 au profit de M. [P] et Mme [X], la cour observe que les frais notariés, la restitution du prix de vente, les indemnités au titre des préjudices économique, de jouissance et moral ainsi que les frais de procédure mis à la charge de la société des Montboucons sont exclusivement liés à sa décision de céder en toute connaissance de cause les lots n°7 et n°55, qu’elle savait viciés.

Il en résulte qu’elle échoue à démontrer le lien de causalité entre les fautes qu’elle impute à M. [T] durant la réalisation des travaux et le préjudice lié exclusivement à la condamnation civile dont elle sollicite réparation.

Le jugement dont appel sera donc confirmé en ce qu’il a débouté la société des Montboucons de ses demandes dirigées contre M. [T] et son assureur la société Maaf.

– Sur la demande en paiement formée par la société des Montboucons à l’encontre de la société Allianz et qualité d’assureur de la société Dadas Maçonnerie,

Aux termes du rapport d’expertise susvisé, l’expert impute à la société Dadas Maçonnerie, en raison de ses fautes techniques :

– en premier lieu à proportion de 70 % l’affaissement du sol lié à un sous-dimensionnement de la poutre en béton séparative des appartements numéros 6 et 7, le défaut de résistance des poutres supportant la chape et la fissure du mur séparatif du logement ;

– en second lieu à proportion de 30 % le ruissellement sur le palier de l’étage en l’absence de conception d’un seuil de porte ;

– en troisième lieu en totalité l’irrégularité des marches menant au premier étage ainsi que l’absence de protection de l’enduit du mur à défaut de réalisation de la goutte d’eau de la couvertine.

A l’exception de l’irrégularité des marches menant au premier étage, nécessairement apparent à réception, l’expert a indiqué ne pas être en mesure de se prononcer sur le caractère apparent ou non de ces désordres au jour de celle-ci.

Cependant, alors même que l’expert n’a pas répondu au chef de mission relatif à la fixation de la date de réception des travaux, il convient de relever que la société des Montboucons agissait en qualité de professionnelle du secteur de l’immobilier, qu’elle n’avait pas estimé utile de s’adjoindre un maître d’oeuvre alors même que les travaux de réhabilitation d’une ancienne ferme en plusieurs appartements revendus par lot revêtait une ampleur certaine et qu’il résulte du courrier adressé le 8 août 2008 que ses animateurs possèdent de réelles connaissances en bâtiment puisqu’ils pointaient des désordres affectant la charpente, liés au défaut de suivi de leurs préconisations par M. [T], dont la teneur a été confirmée ensuite par l’expert judiciaire.

Au surplus, ledit courrier, bien qu’adressé au charpentier, faisait état de désordres affectant la maçonnerie à savoir le déplacement de la partie supérieure du mur en pierre au droit de chaque tirant ainsi que des fissures, relevés par l’expert.

Dès lors, alors même que la société des Montboucons supporte la charge de la preuve de la causalité des désordres et de leur caractère non apparent à réception dans le cadre de son action fondée sur la garantie décennale, l’ensemble des éléments produits tendent à établir le caractère apparent des désordres de maçonnerie à la date de réception soit le 23 décembre 2011, étant rappelé que les factures de travaux adressées par la société Dadas Maçonnerie ont été établies entre le 3 octobre et le 19 décembre 2007, soit plus de quatre ans auparavant.

Au surplus et pour les motifs ci-avant évoqués, la société des Montboucons échoue à démontrer, sur le fondement de la responsabilité contractuelle, le lien de causalité entre le préjudice dont elle sollicite réparation et les fautes imputées à la société Dadas Maçonnerie, assurée tant au titre de la responsabilité décennale que civile auprès de la société Allianz selon contrat souscrit le 28 mars 2007.

Le jugement dont appel sera donc infirmé en ce qu’il a condamné la société Allianz à payer à la société des Montboucons la somme de 54 787,73 euros, outre les dépens dus par cette dernière en exécution du jugement du 4 juin 2019, en ce compris les frais d’expertise à hauteur de 70 % de leur montant.

La société des Montboucons sera déboutée de l’intégralité de ses demandes formées à l’encontre de la société Allianz.

Par ces motifs,

La cour, statuant contradictoirement, après débats en audience publique et en avoir délibéré conformément à la loi :

Rappelle qu’en application de l’article 954 du code de procédure civile, la cour ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif des conclusions ;

Constate que la demande d’annulation du jugement rendu le 3 novembre 2020 entre les parties par le tribunal judiciaire formée par la SA Allianz n’est pas soutenue ;

Rejette la demande de nullité de la procédure formée en appel par la SA Allianz ;

Infirme, dans les limites de l’appel, ledit jugement sauf en qu’il a débouté la SC des Montboucons de ses demandes dirigées à l’encontre de M. [E] [T] et de la SA Maaf, a condamné le SC des Montboucons à payer à la CAMBTP, à M. [E] [T] et à la SA Maaf la somme de 800 euros chacun sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile et a débouté les parties du surplus de leurs demandes ;

Statuant sur les chefs infirmés et y ajoutant :

Déboute la SC des Montboucons de l’intégralité de ses demandes dirigées à l’encontre de la SA Allianz ;

La condamne aux dépens de première instance et d’appel ;

Accorde aux avocats de la cause qui l’ont sollicité, le droit de se prévaloir des dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.

Et, vu l’article 700 du code de procédure civile, déboute la SC des Montboucons de sa demande et la condamne à payer :

– à la SA Allianz la somme de 2 500 euros au titre de la procédure de première instance et la somme de 2 500 euros au titre de la procédure d’appel ;

– à M. [E] [T] la somme de 2 500 euros ;

– à la SA Maaf la somme de 2 500 euros.

Ledit arrêt a été signé par M. Michel Wachter, président de chambre, magistrat ayant participé au délibéré, et par Mme Fabienne Arnoux, greffier.

Le greffier, Le président de chambre,

 


0 0 votes
Évaluation de l'article
S’abonner
Notification pour
guest
0 Commentaires
Le plus ancien
Le plus récent Le plus populaire
Commentaires en ligne
Afficher tous les commentaires
Chat Icon
0
Nous aimerions avoir votre avis, veuillez laisser un commentaire.x