Marchand de Biens : décision du 8 décembre 2022 Cour d’appel de Chambéry RG n° 22/00142

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Marchand de Biens : décision du 8 décembre 2022 Cour d’appel de Chambéry RG n° 22/00142
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COUR D’APPEL de CHAMBÉRY

2ème Chambre

Arrêt du Jeudi 08 Décembre 2022

N° RG 22/00142 – N° Portalis DBVY-V-B7G-G4Y3

Décision déférée à la Cour : Jugement du Tribunal de Grande Instance de BONNEVILLE en date du 14 Mars 2019, RG 13/00855

Appelante

S.A.R.L. LE RICHMOND, dont le siège social est sis [Adresse 2] prise en la personne de son représentant légal

Représentée par Me François Philippe GARNIER, avocat au barreau de BONNEVILLE

Intimées

Société OCM EMRU DEBTCO DESIGNATED ACTIVITY COMPAGNY, dont le siège social est sis [Adresse 1] prise en la personne de son représentant légal

Société NATIONAL ASSET LOAN MANAGEMENT LIMITED, devenue NATIONAL ASSET LOAN MANAGEMENT DESIGNATED ACTIVITY COMPANY dont le siège social est sis [Adresse 5] – IRLANDE prise en la personne de son représentant légal

Représentées par la SELARL LEXAVOUE GRENOBLE – CHAMBERY, avocat postulant au barreau de CHAMBERY et la SELAS MAYER BROWN, avocat plaidant au barreau de PARIS

-=-=-=-=-=-=-=-=-

COMPOSITION DE LA COUR :

Lors de l’audience publique des débats, tenue le 11 octobre 2022 avec l’assistance de Madame Sylvie DURAND, Greffière,

Et lors du délibéré, par :

– Madame Alyette FOUCHARD, Conseillère faisant fonction de Présidente, à ces fins désignée par ordonnance de Madame la Première Présidente

– Monsieur Edouard THEROLLE, Conseiller,

– Monsieur Fabrice GAUVIN, Conseiller,

-=-=-=-=-=-=-=-=-=-

EXPOSÉ DU LITIGE

La SARL Le Richmond, société de droit français exerçant une activité de marchand de biens, a entrepris en 2006 une opération immobilière d’envergure à [Localité 4] (Haute-Savoie) consistant en l’achat de 43 appartements situés dans trois ensembles immobiliers distincts, en vue de les rénover et de les revendre.

Pour financer cette opération, elle s’est rapprochée de la banque Irish Nationwide Building Society (INBS), société de droit irlandais.

Cette banque a émis une offre en date du 26 octobre 2006, pour un montant en principal de 12.000.000 euros, remboursable à terme de deux ans.

Après acceptation de l’offre par la société le Richmond, le prêt a été conclu par acte authentique du 6 décembre 2006, les parties convenant expressément de le soumettre au droit français. En garantie, la société INBS a fait inscrire sur les biens immobiliers un privilège de prêteur de deniers de premier rang pour sûreté de la somme de 7.800.000 euros. Une promesse d’hypothèque conventionnelle est également prévue pour le surplus, ainsi que des engagements de caution de diverses personnes physiques intéressées.

La réalisation de l’opération immobilière s’est heurtée à diverses difficultés qui en ont retardé l’aboutissement et le remboursement du prêt précité n’a pas été effectué à son terme.

Dans les suites de la crise financière de 2008, la société INBS a bénéficié du dispositif mis en place par le gouvernement irlandais, dit «loi NAMA». Ainsi, le 1er juillet 2011, la High Court d’Irlande a rendu une ordonnance transférant notamment l’ensemble des contrats de la société INBS à la société Anglo Irish Bank Corporation (Anglo).

Cette dernière structure a changé de dénomination pour devenir, en octobre 2011, la société Irish Bank Resolution Corporation Limited (IBRC).

Par acte authentique du 10 juin 2013, la société IBRC, placée en liquidation spéciale en Irlande, a cédé la créance détenue à l’encontre de la société le Richmond à la société National Asset Loan Management Limited (NALM).

C’est dans ces conditions que, par acte délivré le 14 juin 2013, la société NALM a fait assigner la société Le Richmond devant le tribunal de grande instance de Bonneville aux fins de paiement des sommes dues au titre du prêt du 6 décembre 2006.

Par jugement rendu le 7 décembre 2015, le tribunal de grande instance de Bonneville a :

dit que le tribunal de grande instance de Bonneville est territorialement compétent,

dit que la société NALM est recevable en son action,

avant dire droit, ordonné la réouverture des débats afin de permettre aux parties de présenter leurs observations sur les éventuels fondements juridiques non encore invoqués et susceptibles d’entraîner la nullité du contrat de crédit du 6 décembre 2006 ou de ses stipulations relatives à la fixation du taux d’intérêts,

sursis à statuer sur le surplus des demandes.

Ce jugement a été frappé d’appel par la société le Richmond. Par une ordonnance rendue le 7 décembre 2017, le conseiller de la mise en état de la cour d’appel de Chambéry a essentiellement déclaré caduque la déclaration d’appel pour signification tardive de la déclaration d’appel, et condamné la société le Richmond aux dépens.

Parallèlement, le 21 juillet 2016, la créance détenue sur la société le Richmond a été transférée de la société NALM à la société OCM Emru Debtco Designated Activity company (OCM).

La procédure au fond a alors repris devant le tribunal de grande instance de Bonneville, la société OCM étant intervenue volontairement comme venant aux droits de la société NALM.

La société le Richmond a opposé diverses contestations, notamment quant à la recevabilité de l’intervention volontaire de la société OCM, la validité des cessions successives de créance étant discutée, mais également au fond quant à la nullité de l’acte de prêt, l’exigibilité de la créance, la nullité de la stipulation d’intérêts, et, subsidiairement, a sollicité des délais de paiement en faisant valoir un projet de vente de l’ensemble des immeubles.

La société OCM a repris les prétentions initiales de la société NALM et a sollicité que les immeubles hypothéqués lui soient attribués à titre de paiement.

Par jugement contradictoire rendu le 14 mars 2019, le tribunal de grande instance de Bonneville a:

rejeté la demande de la société le Richmond aux fins de communication de pièces,

déclaré recevables les demandes de la société OCM,

déclaré le contrat de prêt conclu entre la société INBS et la société le Richmond le 6 décembre 2006 valable,

déclaré la clause d’intérêts du contrat de crédit conclu entre les parties le 6 décembre 2006 nulle,

dit qu’en conséquence, le taux d’intérêt légal se substitue au taux d’intérêt conventionnel,

dit que les sommes dues en exécution du contrat de crédit conclu entre les parties le 6 décembre 2006 sont exigibles,

condamné la société le Richmond à verser à la société OCM la somme de 12.000.000 euros augmentée des intérêts au taux de 2,11 % à compter du 4 décembre 2008,

rejeté la demande de la société Le Richmond aux fins de voir engager la responsabilité de l’établissement de crédit pour manquement à son devoir de conseil,

rejeté la demande de la société le Richmond aux fins de voire engager la responsabilité de la société OCM pour avoir fait état de son intention de demander judiciairement l’attribution des biens hypothéqués à son profit,

avant dire droit, ordonné une mesure d’expertise confiée à Mme [S] [O] avec pour mission d’évaluer la valeur des biens objets de l’hypothèque enregistrée le 9 janvier 2007 à la conservation des hypothèques (devenue le service de la publicité foncière) de [Localité 3] sous la référence 2007 D n° 379 – Volume 2007 V n° 96 en vertu du contrat de prêt conclu le 6 décembre 2006 entre la société INBS et la société le Richmond, le tout aux frais avancés de la société OCM (provision de 1.500 euros), le rapport devant être déposé dans le délai de six mois de la saisine de l’expert,

sursis à statuer sur la demande d’attribution des biens hypothéqués et les demandes en découlant,

sursis à statuer sur les demandes formulées au titre des dépens, de l’article 700 du code de procédure civile et sur la demande d’exécution provisoire,

renvoyé la cause et les parties à l’audience de mise en état qui suivra le dépôt du rapport d’expertise.

Par déclaration du 15 mai 2019, la société Le Richmond a interjeté appel de ce jugement.

Les parties ayant fait savoir que des pourparlers transactionnels étaient en cours, l’affaire a été radiée du rôle de la cour le 11 février 2021. Ces pourparlers ayant échoué, la société le Richmond a sollicité la réinscription par conclusions notifiées le 12 janvier 2022. L’affaire a été réinscrite par simple mention au dossier.

En cours d’instance d’appel, la société OCM a fait assigner la société le Richmond devant le tribunal de commerce d’Annecy aux fins de voir prononcer la liquidation judiciaire de celle-ci. Par jugement rendu le 24 août 2022, le tribunal de commerce a sursis à statuer sur cette demande en considération de la procédure d’appel en cours.

Par conclusions notifiées le 13 septembre 2022, auxquelles il est expressément renvoyé pour l’exposé des moyens, la société le Richmond demande en dernier lieu à la cour de :

ordonner la réinscription de la présente procédure au rôle des affaires en cours,

Vu les articles 1109 et suivants anciens du code Civil,

Concernant la société National Asset Loan Management Limited. actuellement dénommée National Asset Loan Management Limited designated activity company (NALM),

constater que la société NALM est dénuée d’intérêt et de qualité à agir ; en conséquence, dire et juger irrecevables les demandes de la société NALM.

Concernant la société OCM Emru Debt Co designated activity company (OCM),

Vu l’intervention volontaire de la société OCM,

au principal, constater l’absence de production aux débats des montants des prix de cession successifs de la prétendue créance sur la société le Richmond au titre des prétendus endossements et cessions légales ; dire et juger que la société OCM ne justifie pas de la qualité de créancier de la société le Richmond ; en conséquence, dire et juger irrecevables les demandes de la société OCM,

subsidiairement, dire et juger inexistant et à défaut nul l’acte du 06 décembre 2006 ; en conséquence, débouter purement et simplement la société OCM de l’intégralité de ses demandes,

plus subsidiairement dire et juger que le prêt du 06 décembre 2006 n’est pas exigible.

toujours plus subsidiairement, constater le règlement d’un acompte en principal à hauteur de 850.000 euros versé à la société OCM en suite de l’acte des 23 et 28 décembre 2020 intervenu entre la société le Richmond, la société Fiducim et la société OCM

Encore plus subsidiairement,

confirmer le jugement en ce qu’il déclare la clause d’intérêts du contrat de crédit conclu entre les parties le 06 décembre 2006 nul,

réformer le jugement entrepris en ce qu’il substitue les intérêts au taux légal aux intérêts au taux conventionnel et en ce qu’il fixe le point de départ des intérêts au taux légal à compter du 04 décembre 2008 ; dire et juger au principal irrecevable et à défaut mal fondée la demande d’intérêts rétroactifs au taux légal de la société OCM; subsidiairement, dire et juger que les intérêts éventuellement dus au taux légal ne pourraient courir qu’à compter du 09 mai 2011 compte tenu de la prescription de cinq ans applicable en la matière,

en tout état de cause, rejeter la demande d’attribution en nature des biens de la société le Richmond formulée par la société OCM,

dire et juger en conséquence n’y avoir lieu à ordonner une mesure d’expertise,

Reconventionnellement,

vu les manquements à l’obligation de conseil et d’information, et de vérification de la faisabilité de l’opération par la société INBS, vu la reconnaissance de la nature toxique de l’opération, vu l’attitude dilatoire et préjudiciable de la société OCM, vu la turpitude de la société OCM dans le cadre des négociations afin de parvenir à une solution amiable de résolution du litige, la condamner à verser à la société le Richmond un montant de dommages et intérêts égal aux sommes mises à la charge de la société le Richmond et ordonner la compensation à due concurrence ; à tout le moins retenir que la société le Richmond est victime d’une perte de chance et condamner de plus fort la société OCM à verser à la société le Richmond un montant de dommages et intérêts égal aux sommes mises à la charge de la société le Richmond et ordonner la compensation à due concurrence,

A titre infiniment subsidiaire,

dans l’hypothèse où un quelconque montant resterait à la charge de la société le Richmond, allouer à cette dernière un délai de deux ans pour procéder au règlement dudit montant et suspendre toute mesure d’exécution pendant le délai précité,

dire et juger irrecevable et à défaut mal fondée l’intégralité des demandes incidentes de la société NALM ou de la société OCM,

Y ajoutant,

condamner la société NALM, solidairement avec la société OCM à verser à la société le Richmond la somme de 8.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

condamner la société NALM et la société OCM in solidum aux dépens de première instance et d’appel avec distraction au profit de Maître Garnier, avocat, conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.

Par conclusions notifiées le 13 septembre 2022, auxquelles il est expressément renvoyé pour l’exposé des moyens, la société NALM et la société OCM demandent en dernier lieu à la cour de :

Vu les articles 1170 et suivants du code civil, 1907 et suivants, 1244-1, 2458 et suivants du code civil,

Vu la loi n°76-519 du 15 juin 1976 relative à certains modes de cession de créances,

Vu l’article L.613-31-3 du code monétaire et financier,

Vu les articles 1330 du code civil et L.123-23 du code de commerce,

Vu le jugement rendu par le tribunal de grande instance de Bonneville le 7 décembre 2015,

Vu le jugement dont appel,

Vu l’ensemble des pièces versées aux débats par NALM, qu’OCM a fait siennes

Vu l’article 383 du code de procédure civile,

Vu l’ordonnance de radiation en date du 11 février 2021,

1/ Concernant la société NALM

constater que la société OCM vient aux droits et actions de National Asset Loan Management Limited devenue depuis le 31 août 2016 National Asset Loan Management Limited designated activity company (NALM),

En conséquence,

constater l’absence de bien fondé de l’appel formé par le Richmond à l’encontre de la société NALM,

débouter le Richmond de l’ensemble de ses demandes, fins et prétentions à l’encontre de la société NALM;

2/ Concernant la société OCM

déclarer la société OCM recevable et bien fondée en son appel incident,

confirmer le jugement déféré en ce qu’il a :

– rejeté la demande de la société le Richmond aux fins de communication de pièces ;

– déclaré recevables les demandes de la société OCM,

– déclaré le contrat de prêt conclu entre les sociétés INBS et le Richmond le 6 décembre 2006 valable,

– dit que les sommes dues en exécution du contrat de crédit conclu entre les parties le 6 décembre 2006 sont exigibles ;

– condamné la société le Richmond à payer à la société OCM une somme d’un montant de 12.000.000 euros augmentée des intérêts à compter du 4 décembre 2008 ;

– rejeté la demande de la société le Richmond aux fins de voir engager la responsabilité de l’établissement de crédit pour manquement à son devoir de conseil ;

– rejeté la demande de la société le Richmond aux fins de voir engager la responsabilité de la société OCM pour avoir fait état de son intention de demander judiciairement l’attribution de biens hypothéqués à son profit ;

Pour le surplus,

3/ Sur la clause d’intérêt stipulée au contrat de prêt du 6 décembre 2006

A titre principal,

constater qu’un commencement d’exécution de remboursement du contrat de prêt a été effectué par la société le Richmond la privant de facto de la possibilité de se prévaloir d’une exception de nullité ;

constater que la société le Richmond est irrecevable à demander une telle nullité ;

En conséquence,

infirmer le jugement déféré en ce qu’il a implicitement déclaré la société le Richmond recevable en son exception de nullité portant sur la clause d’intérêts ;

et, statuant à nouveau déclarer la société le Richmond irrecevable en son exception de nullité portant sur la clause d’intérêts conventionnel stipulé au contrat de prêt du 6 décembre 2006 ;

A titre subsidiaire, si par extraordinaire la cour devait considérer le Richmond recevable à soulever l’exception de nullité,

constater que la clause d’intérêt conventionnel est bien fixée par écrit et que son mécanisme de mesure a été connu et accepté par la société le Richmond, professionnel averti ;

En conséquence,

infirmer le jugement déféré en ce qu’il a déclaré nulle la clause d’intérêts stipulée au contrat de prêt du 6 décembre 2006 ;

et statuant à nouveau, déclarer valable la clause d’intérêt conventionnel stipulé au contrat de prêt du 6 décembre 2006 ;

A titre plus subsidiaire, si par extraordinaire, la cour devait considérer la clause d’intérêt conventionnel nulle et substituer le taux d’intérêt légal au taux d’intérêt conventionnel,

réformer le jugement entrepris en ce qu’il a dit que le taux d’intérêt légal applicable au 4 décembre 2008 s’élevait à 2,11% alors qu’il s’élevait à 3,99 % à cette date ;

et, statuant à nouveau , condamner la société le Richmond au paiement de la somme de douze (12) millions d’euros augmentée des intérêts au taux légal de 3,99 % à compter du 4 décembre 2008 ;

4/ Sur la demande d’expertise judiciaire et l’attribution judiciaire des immeubles hypothéqués par le Richmond en garantie du remboursement du contrat de prêt et le rejet du sursis à statuer

confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a ordonné une mesure d’expertise judiciaire pour procéder à l’évaluation des biens hypothéqués et désigné l’expert Mme [S] [O],

réformer jugement entrepris en ce qu’il a dit que « l’expert devra déposer un rapport définitif de ses opérations au greffe du tribunal de grande instance de Bonneville dans le délai de six mois à compter de la consignation de la provision » ;

infirmer le jugement entrepris en ce qu’il a ordonné le sursis à statuer sur la demande d’attribution judiciaire des biens hypothéqués (alors qu’il a, dans le même temps, ordonné une expertise judiciaire aux fins d’évaluer les biens hypothéqués dans le cadre d’une attribution judiciaire) ;

et statuant à nouveau, déclarer recevable et bien fondée en son principe la demande d’attribution judiciaire des biens hypothéqués formulée par la société OCM,

dire et juger que l’attribution judiciaire des immeubles en pleine propriété à OCM entraînera les mêmes effets qu’un jugement d’adjudication et notamment la purge automatique de toutes les inscriptions ;

prendre acte du paiement de la provision de 1.500 euros réglée par la société OCM,

dire que l’expert judiciaire devra déposer un rapport définitif de ses opérations au greffe de la cour d’appel de Chambéry dans un nouveau délai qu’il lui plaira de fixer à compter de la décision à intervenir ;

surseoir à statuer sur les modalités de l’attribution judiciaire qui ne pourront être déterminées qu’après le dépôt du rapport d’expertise définitif à l’issue duquel la valeur des biens hypothéqués sera établie ;

5/ En tout état de cause

infirmer le jugement entrepris en ce qu’il a sursis à statuer sur les frais irrépétibles de première instance de la société OCM;

en conséquence, statuant à nouveau, condamner la société le Richmond à payer à la société OCM une somme d’un montant de 60.000 euros au titre des frais irrépétibles de première instance sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;

rejeter la demande de délai de paiement formée par la société le Richmond sur le fondement de l’article 1244-1 du code civil ;

réserver les dépens ;

condamner la société le Richmond à payer à la société OCM la somme de 60.000 euros au titre des frais irrépétibles d’appel sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

L’affaire a été clôturée à la date du 26 septembre 2022 et renvoyée à l’audience du 11 octobre 2022, à laquelle elle a été retenue et mise en délibéré à la date du 1er décembre 2022, prorogé à ce jour.

MOTIFS ET DÉCISION

Sur la réinscription

La société le Richmond sollicite encore la réinscription de l’affaire alors qu’elle a d’ores et déjà été réinscrite par simple mention au dossier ensuite de ses conclusions de reprise d’instance notifiées le 12 janvier 2022.

Au demeurant, l’affaire n’aurait pas pu être appelée à l’audience si elle n’avait pas été réinscrite au rôle.

Cette demande est donc sans objet.

Sur les demandes formées par et contre la société NALM

En application de l’article 31 du code de procédure civile, l’action est ouverte à tous ceux qui ont un intérêt légitime au succès ou au rejet d’une prétention, sous réserve des cas dans lesquels la loi attribue le droit d’agir aux seules personnes qu’elle qualifie pour élever ou combattre une prétention, ou pour défendre un intérêt déterminé.

La société le Richmond soutient que la société NALM n’est pas recevable en sa demande dès lors que la créance a été cédée à la société OCM.

De son côté la société NALM soutient que l’appel formé contre elle est irrecevable dès lors que, ensuite de la cession de sa créance à la société OCM, elle n’a plus formé aucune demande contre la société le Richmond.

La cour relève ainsi que les parties sont d’accord sur le fait que la société NALM n’a plus d’intérêt au litige, étant rappelé que le jugement déféré n’a prononcé aucune condamnation contre ou au profit de la société NALM. La société NALM ne forme en appel aucune demande de condamnation contre la société le Richmond.

Il est également constant qu’à la date de l’assignation en justice, soit en juin 2013, la société NALM était bien titulaire de la créance objet du litige. Par jugement aujourd’hui définitif, rendu le 7 décembre 2015, son action a été jugée recevable, de sorte que la société le Richmond est mal fondée à soulever aujourd’hui encore une telle irrecevabilité.

La société le Richmond n’a pas répondu à l’irrecevabilité de son appel à l’égard de la société NALM, soulevée par les intimées.

Or, il résulte de l’historique de l’affaire rappelé ci-dessus que la société OCM a entièrement repris l’instance à son compte comme venant aux droits de la société NALM, cette dernière ayant abandonné, tant en première instance qu’en appel, toute demande à l’encontre de la société le Richmond.

Aussi, cette dernière ne justifie pas de l’intérêt qu’elle a de former appel à l’encontre de la société NALM et cet appel sera déclaré irrecevable.

Sur la recevabilité des demandes de la société OCM

La société le Richmond conclut encore à l’irrecevabilité de l’intervention volontaire de la société OCM en se fondant sur la prétendue irrégularité du transfert de créance opéré par ordonnance de la High Court d’Irlande en date du 1er juillet 2011, sans critiquer le jugement déféré qui a retenu que le jugement du 7 décembre 2015, définitif, a d’ores et déjà tranché la question de la validité de ce transfert.

Or la lecture du jugement mixte rendu, dans la même instance, par le tribunal de grande instance de Bonneville le 7 décembre 2015, révèle que le tribunal, qui a déclaré la société NALM recevable en son action, s’est précisément prononcé sur la régularité du transfert aujourd’hui critiqué, de sorte que la société le Richmond n’est plus recevable à la contester.

Pas plus qu’en première instance la société le Richmond ne remet en cause la validité des transferts de créances postérieurs opérés par actes authentiques des 10 juin 2013 et 21 juillet 2016 en eux-mêmes, mais seulement en ce que leur irrégularité résulterait de celle du premier transfert de créance. La fin de non-recevoir n’est donc pas établie.

Ainsi le tribunal ne peut qu’être approuvé d’avoir déclaré recevables les demandes de la société OCM.

Sur la validité du contrat de prêt du 6 décembre 2006

En application de l’article 1110 du code civil, dans sa rédaction antérieure à l’entrée en vigueur de l’ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, applicable en l’espèce, l’erreur n’est une cause de nullité de la convention que lorsqu’elle tombe sur la substance même de la chose qui en est l’objet. Elle n’est point une cause de nullité, lorsqu’elle ne tombe que sur la personne avec laquelle on a l’intention de contracter, à moins que la considération de cette personne ne soit la cause principale de la convention.

La société le Richmond, sans développer de critique des motifs du jugement déféré, reprend à l’identique les moyens qu’elle a développés devant le premier juge en invoquant l’article 1110 précité pour conclure à la nullité du contrat.

En l’absence d’éléments nouveaux, c’est par des motifs pertinents que la cour adopte expressément que le tribunal a retenu que l’offre de crédit du 26 octobre 2006 prévoit un taux variable de 6,15 %, tandis que le contrat de prêt du 6 décembre 2006 stipule un taux de «6,15 % par an, à taux variable indexé sur le taux de base Prime Rate de la banque, soit 3,90 % l’an variable plus une marge de 2,25 %. Le Prime Rate peut varier aussi bien à la hausse qu’à la baisse chaque fois que le taux de la Banque Centrale Européenne change de 0,25 % ou plus», de sorte qu’il n’y a pas de discordance entre les deux actes. Il sera sur ce point ajouté que le contrat du 6 décembre 2006 n’a pas modifié le taux d’intérêt mais en a précisé le calcul puisqu’il a été stipulé variable dès l’offre.

Quant aux actes de caution, dont l’appelante soutient qu’elle aurait dû être mise en mesure d’en vérifier la teneur, c’est encore à juste titre que le premier juge a retenu qu’ils ne sauraient être considérés comme relevant de la substance même du contrat. Il importe donc peu qu’ils aient été conclus séparément du contrat de prêt étant rappelé qu’ils sont pris en garantie au seul profit du prêteur, et non à celui du débiteur principal qui n’est pas recevable à en contester la validité, ni à se plaindre, le cas échéant, de leur inexistence.

Aucune erreur ayant vicié le consentement de la société le Richmond lorsqu’elle a signé le contrat de prêt n’est ainsi démontrée.

La société le Richmond se fonde encore sur les articles 1109 et 1134 anciens du code civil pour soutenir la nullité du contrat, toujours sans formuler la moindre critique des motifs du jugement.

Toutefois, en l’absence d’éléments nouveaux, c’est par des motifs pertinents que la cour adopte expressément que le tribunal a retenu que:

– une violation des dispositions de l’article 1134 ancien du code civil n’aurait pas pour effet d’entraîner la nullité de la convention, mais permettrait seulement l’engagement de la responsabilité contractuelle du cocontractant,

– la société le Richmond n’explique pas en quoi le prétendu défaut d’information préalable sur les conditions et modalités de variation du taux d’intérêt, et l’absence de production d’un tableau d’amortissement auraient vicié son consentement, étant ajouté que la variation du taux est précisée dans l’acte authentique, que l’obligation prévue par l’article L. 312-3 du code de la consommation ne s’applique pas à la société le Richmond qui agit en professionnel comme marchand de biens, et qu’enfin, s’agissant d’un prêt remboursable à terme, il n’y a pas d’amortissement du capital.

Enfin, l’appelante soutient que l’acte serait inexistant et à tout le moins nul en raison d’une clause qu’elle soutient être potestative dans l’offre du 26 octobre 2006 qui permettrait au prêteur de modifier unilatéralement et à tout moment les conditions du contrat.

Toutefois, le caractère éventuellement potestatif de la clause en question ne peut entraîner la nullité du contrat dans son entier, mais seulement celle de la clause elle-même, contrairement à ce qui est prétendu, sans être étayé, par l’appelante.

Le même raisonnement doit être appliqué concernant la clause de stipulation d’intérêts et le tribunal doit être approuvé en ce qu’il a retenu que l’article 1129 ancien du code civil n’était pas applicable au prix.

Le jugement déféré sera donc confirmé en ce qu’il a rejeté la demande en nullité du contrat sur ces fondements.

Sur l’exigibilité du prêt

La société le Richmond soutient à nouveau devant la cour que le prêt ne serait pas exigible puisque le paiement devait en être fait par l’affectation du prix de vente des appartements, et que, le déblocage du prêt étant prévu par tranches en fonction des acquisitions et des travaux réalisés, il s’agirait d’une opération d’intérêt commun avec la banque prêteuse et le remboursement n’aurait été exigible qu’au fur et à mesure des ventes.

Toutefois, l’acte authentique de prêt, qui prévoit qu’il est d’une durée de deux années à compter du premier tirage du prêt, stipule par ailleurs que (page 4 modalités de remboursement):

«L’emprunt est remboursable sur demande, laquelle peut être notifiée à tout moment par le prêteur à sa seule discrétion et sans être tenue de fournir des raisons pour ladite demande.

S’il n’a pas été demandé plus tôt par le prêteur, l’emprunt ainsi que tous les autres montants (en ce compris de manière non limitative tout intérêt accumulé et non payé) payables par l’emprunteur en vertu des présentes ou en vertu de n’importe lequel des documents de garantie (définis dans la clause 8 de la lettre d’offre), seront remboursés totalement avant ou à la date de remboursement finale.

Le droit du prêteur de faire une demande de remboursement de l’emprunt ne sera pas préjudicié ou limité de quelque manière que ce soit par une ou des autres dispositions des présentes ou de la lettre d’offre.

Sans préjudice de ce qui précède, le prêteur accepte un moratoire sur les paiements de capitaux pour la durée du prêt.

L’emprunteur paiera les intérêts qui courent sur le compte d’une base trimestrielle.

L’emprunteur versera au prêteur, le produit net de la vente des 43 appartements dont l’achat est l’objet du prêt, et les sommes versées viendront en réduction permanente du montant de l’emprunt.

Tout principal, intérêt ou d’autres montants payables en vertu de la lettre d’offre ci-annexée et qui sont en souffrance à la date de remboursement finale seront acquittés immédiatement par l’emprunteur.

Toute partie du prêt remboursée ne sera pas disponible pour un nouveau retrait.

– date de la première trimestrialité en intérêts: 10 février 2007.

– date de la dernière trimestrialité en intérêts: 10 novembre 2008.

– le remboursement de la totalité du capital, devra intervenir au plus tard le 4 décembre 2008.»

Ainsi, et contrairement à ce qui est prétendu par l’appelante, l’exigibilité du prêt n’est pas soumise à la réalisation effective des ventes, mais bien aux demandes du prêteur, les sommes prêtées étant en tout état de cause exigibles au terme du contrat, soit au plus tard le 4 décembre 2008. L’emprunteur s’est, de son côté engagé à affecter le prix net de vente des appartements au remboursement du prêt, ce qui n’est qu’une modalité de paiement et non une condition d’exigibilité.

Quant à la prétendue opération d’intérêt commun, l’appelante ne produit aucune pièce de nature à retenir une telle analyse, s’agissant seulement d’un prêt d’argent destiné au financement d’une opération immobilière menée par la société le Richmond, et non par la banque.

Il est constant que la société le Richmond, qui ne prétend pas le contraire, n’a jamais remboursé le capital emprunté, de sorte que celui-ci est parfaitement exigible et le jugement déféré sera encore confirmé de ce chef.

Sur la validité de la clause d’intérêts

La société OCM fait grief au jugement déféré d’avoir jugé implicitement recevable la demande de la société le Richmond en nullité de la clause d’intérêts conventionnel et d’avoir fait droit à cette demande en ramenant le taux d’intérêt au taux légal.

Toutefois, conformément à l’article 954 du code de procédure civile, la cour ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif des conclusions des parties et n’examine les moyens au soutien de ces prétentions que s’ils sont invoqués dans la discussion.

La cour relève que, dans le dispositif de ses conclusions, la société OCM ne tire aucune conséquence des moyens qu’elle développe, puisqu’elle ne demande aucune condamnation de la société le Richmond au paiement des intérêts conventionnels, dont le taux n’est d’ailleurs pas même précisé.

Aussi, il n’y a pas lieu d’examiner ces moyens qui ne viennent à l’appui d’aucune prétention, et le jugement ne peut qu’être confirmé en ce qu’il a écarté l’application du taux d’intérêt conventionnel au profit du taux d’intérêt légal.

La société OCM soutient ensuite que c’est à tort que le tribunal a appliqué au capital emprunté par la société le Richmond le taux d’intérêt légal au jour du contrat, alors qu’il convient de retenir celui applicable au jour de l’exigibilité, soit le 4 décembre 2008.

Toutefois, c’est à juste titre que le tribunal, substituant le taux légal au taux conventionnel, a retenu qu’il convenait de retenir celui applicable au jour du contrat, soit le 6 décembre 2006. Le taux de 2,11 % sera donc confirmé.

La société le Richmond soutient que la demande au titre des intérêts serait prescrite pour tous ceux courus antérieurement au 9 mai 2011, la demande n’ayant été faite, au titre des intérêts légaux, que par conclusions du 9 mai 2016.

Toutefois, il s’agit d’une demande subsidiaire, étant rappelé qu’à titre principal la société OCM demandait, devant le tribunal, la condamnation de la société le Richmond au paiement de sommes très supérieures incluant des intérêts conventionnels, aujourd’hui remplacés par des intérêts légaux. Il convient donc de se placer à la date de l’assignation initiale, en date du 14 juin 2013, pour apprécier la prescription de la demande au titre des intérêts, qu’ils soient conventionnels ou légaux.

Cette assignation ayant été délivrée moins de cinq ans après la date d’exigibilité du prêt, la prescription alléguée n’est pas encourue.

Sur le montant de la créance

La société le Richmond fait valoir que le montant du principal de la créance devrait être réduit en considération du paiement effectué par la société Fiducim, signataire d’un acte de vente à son profit des immeubles de la société le Richmond, directement à la société OCM, de la somme de 850.000 euros suite à l’échec de cette vente.

La société OCM soutient que la somme de 850.000 euros est une indemnité d’immobilisation qui lui est contractuellement due par Fiducim, sans aucun lien avec le remboursement du prêt.

Il résulte de la pièce n° 4 produite par la société le Richmond qu’un acte authentique de vente des immeubles de la société le Richmond a été signé les 23 et 28 décembre 2020, entre la venderesse, de première part, la société Fiducim, acquéreur de deuxième part, et la société OCM, créancier hypothécaire de troisième part. Cet acte contient une transaction (non exécutée) entre la société le Richmond et la société OCM destinée à mettre fin au litige les opposant et à permettre la réalisation effective de la vente. Il y est ainsi convenu que la société le Richmond délègue irrévocablement son acquéreur Fiducim, qui l’a accepté, au bénéfice de la société OCM dans le paiement du remboursement de la créance fixé par transaction à 10.000.000 euros de la manière suivante :

«à hauteur (i) du montant versé à OCM à la date de signature à prélever sur la partie payée comptant du prix de vente […] (soit 850.000 €) et (ii) de la portion de la partie payable à terme du prix de vente […] égale au remboursement restant dû (soit 9.150.000 €)».

Cet acte contient en page 8 une clause vi «conditions résolutoires» qui stipule que:

«Il est toutefois convenu par les parties que cet accord transactionnel est conclu sous la condition résolutoire (stipulée au seul bénéfice de la société OCM) de n’avoir pas versé intégralement la partie payable à terme du prix de vente de l’immeuble par l’acquéreur dans la comptabilité du notaire soussigné au plus tard le 30 avril2021 à16h00; étant précisé néanmoins que la résolution sera sans effet sur la délégation et qu’en cas de résolution, les sommes versées à la société OCM au titre de ladite délégation lui seront définitivement acquises, en ce compris le montant versé à OCM à la date de signature à prélever sur la partie payée comptant du prix de vente (soit 850.000 €).»

Par deux avenants du 4 mai et du 1er novembre 2021, la date de paiement du prix payable à terme a été prorogée à deux reprises au 31 octobre 2021, puis au 14 décembre 2021.

Le solde du prix de vente n’a pas été payé par Fiducim dans le délai fixé, de sorte que la vente s’est trouvée résolue et la somme de 850.000 euros est restée acquise à la société OCM.

Il résulte des clauses sus-énoncées que la somme de 850.000 euros payée directement par Fiducim à la société OCM, qui lui reste acquise après résolution de la vente, ne pouvait constituer une partie du remboursement dû par la société le Richmond qu’à la condition que la totalité de la somme transigée (soit 10.000.000 euros) soit effectivement payée par l’acquéreur au créancier hypothécaire. Dès lors que ce paiement n’est pas intervenu, la partie payée au jour de l’acte reste acquise au créancier inscrit, comme sanction à l’égard de l’acquéreur défaillant, et non à titre de paiement effectué par son débiteur la société le Richmond.

En conséquence, le montant dû par la société le Richmond, qui n’a jamais contesté n’avoir pas remboursé le capital emprunté, est bien de 12.000.000 euros.

Le jugement déféré sera donc confirmé en ce qu’il a condamné la société le Richmond à payer à la société OCM la somme de 12.000.000 euros outre intérêts au taux de 2,11 % à compter du 4 décembre 2008.

Sur l’attribution judiciaire des immeubles en paiement

La société OCM fait grief au jugement d’avoir sursis à statuer sur l’attribution judiciaire des immeubles à titre de paiement, alors que les conditions d’une telle attribution sont remplies. Elle s’oppose à tous délais de paiement sollicités par la société le Richmond.

La société le Richmond conclut pour sa part au rejet de la demande d’attribution judiciaire des immeubles à la société OCM qui ne disposerait pas d’une créance certaine, liquide et exigible, ni de la garantie lui permettant une telle attribution. Elle sollicite en outre des délais de paiement.

Concernant les délais de paiement, la cour ne peut que constater que la société le Richmond, dont la dette est échue depuis 14 ans, n’a toujours pas commencé à désintéresser le créancier. Elle affirme, sans en rapporter la preuve, que des projets de vente auraient échoué du fait du créancier, alors qu’il résulte des motifs précédents que la société OCM avait consenti à une vente et à une transaction sur le montant dû, ce qui exclut toute obstruction de sa part. Concernant les autres projets de vente inaboutis, aucune pièce n’établit les motifs des échecs successifs, et rien ne permet de les imputer au créancier.

Enfin, la société le Richmond, qui a pourtant déjà disposé de très larges délais de paiement, n’explique pas de quelle manière elle pourra payer la somme due dans le délai de deux ans prévu par l’article 1224-1 ancien du code civil (devenu 1343-5), alors qu’elle ne produit aucun élément comptable justifiant de sa situation, et ne justifie pas être en mesure de vendre les biens immobiliers dans un délai raisonnable. En effet, l’offre du groupe Vallat (pièce n° 11 de l’appelante) n’est en rien contraignante à l’égard de cet acquéreur potentiel et il n’est justifié de la signature d’aucun acte.

Il n’y a donc pas lieu d’octroyer de délais de paiement à la société le Richmond.

Concernant l’attribution judiciaire des immeuble, l’article 2458 du code civil dispose que, à moins qu’il ne poursuive la vente du bien hypothéqué selon les modalités prévues par les lois sur les procédures civiles d’exécution, auxquelles la convention d’hypothèque ne peut déroger, le créancier hypothécaire impayé peut demander en justice que l’immeuble lui demeure en paiement. Cette faculté ne lui est toutefois pas offerte si l’immeuble constitue la résidence principale du débiteur.

En l’espèce, la société OCM justifie d’une créance certaine, liquide et exigible à l’encontre de la société le Richmond, ce qui résulte de l’ensemble des motifs précédents.

Par ailleurs, la société OCM, qui justifie de la cession de créance à son profit avec toutes les garanties hypothécaires qui y sont attachées (pièce n° 35 de l’intimée), produit le bordereau d’inscription initiale du privilège de prêteur de deniers (pour 9.360.000 euros) et de l’hypothèque conventionnelle (pour 4.200.000euros) enregistré le 9 janvier 2007 à la conservation des hypothèques de [Localité 3], volume 2007 V n° 96, valable jusqu’au 4 novembre 2009 (pièce n° 3 de la société OCM). Ces garanties ont été renouvelées le 20 octobre 2009, volume 2009 V n° 2859, avec effet jusqu’au 20 octobre 2019.

La société OCM soutient qu’elle a de nouveau renouvelé cette inscription le 22 août 2019. Toutefois, la pièce n° 44 produite à l’appui n’est que le bordereau des actes déposés et non le bordereau d’inscription, de sorte que la cour ne peut vérifier la validité de l’inscription au jour du présent arrêt. Il convient d’ajouter que l’acte authentique de vente au profit de Fiducim (pièce n° 4 de l’appelante) indique sur ce point que le renouvellement en date du 31 août 2019, est en cours de publication.

Aussi, la deuxième condition posée par l’article 2458 du code civil ne pouvant être vérifiée, l’attribution judiciaire ne peut être prononcée et le jugement déféré sera confirmé en ce qu’il a sursis à statuer de ce chef, avec cette précision qu’il appartiendra à la société OCM de justifier du renouvellement effectif de l’inscription de ses privilèges.

Sur l’expertise

L’article 2460 du code civil dispose que, dans le cas de l’article 2458, l’immeuble doit être estimé par l’expert désigné à l’amiable ou judiciairement. Si la valeur excède le montant de la dette garantie, le créancier doit au débiteur une somme égale à la différence; s’il existe d’autres créanciers hypothécaires, il la consigne.

L’expertise ordonnée par le tribunal doit donc être confirmée et ce dernier, qui reste saisi de la demande d’attribution judiciaire, statuera en considération tout à la fois de l’existence du renouvellement des inscriptions hypothécaires, et de la valeur des immeuble pour en fixer les conditions.

Sur les demandes reconventionnelles de la société le Richmond

La société le Richmond réitère en appel ses demandes reconventionnelles en dommages et intérêts contre la société OCM en se prévalant de la faute commise par la société INBS qui n’a pas rempli, à l’égard de l’emprunteur, son devoir de mise en garde, et a manqué à ses obligations en ne s’assurant pas de la faisabilité de l’opération et de sa viabilité économique.

Toutefois, c’est par des motifs pertinents que la cour adopte expressément, et auxquels l’appelante ne répond pas, que le tribunal a retenu que:

– la société le Richmond, qui a agi en qualité de professionnel de l’immobilier comme marchand de biens, est un emprunteur averti qui ne peut faire grief à la banque de lui avoir accordé un prêt qu’il a lui-même sollicité, dès lors qu’il ne prétend pas que celle-ci aurait eu sur sa situation financière des renseignements que lui-même aurait ignorés,

– le simple fait que la créance ait été transférée en application de la loi dite NAMA du 21 décembre 2009 ne peut suffire à caractériser une faute de la part de la banque,

– ainsi aucun manquement au devoir de conseil du prêteur ne peut être invoqué par la société le Richmond.

Il sera ajouté que la prétendue opération d’intérêt commun alléguée par l’appelante ne ressort d’aucun des documents produits aux débats, comme il a été dit ci-dessus, et, contrairement aux explications confuses de l’appelante, les termes du contrat de prêt invoqués par elle mettent toutes les obligations de renseignements dont elle fait état à sa propre charge et non à celle de son prêteur, lequel avait la faculté d’exiger de l’emprunteur la fourniture de ces informations. L’absence de ces vérifications par le prêteur, à la supposer établie, n’est donc pas fautive.

En appel, la société le Richmond soutient encore que la société OCM, cessionnaire de la créance, aurait elle-même commis des fautes en faisant échouer plusieurs projets de vente des immeubles, et invoque la turpitude de la société OCM.

Toutefois, aucune preuve d’une quelconque obstruction de la part de la société OCM n’est rapportée, alors qu’il a été rappelé ci-dessus qu’elle avait même consenti à une transaction dont l’exécution a échoué sans que son attitude puisse être mise en cause d’une quelconque manière (étant souligné qu’elle a même accepté deux reports de la date d’échéance de paiement du prix par Fiducim).

Le fait que, à l’occasion d’une nième tentative de vente, la société OCM ait fait état de la présente procédure et de sa demande d’attribution judiciaires des immeubles n’a strictement rien de fautif.

Enfin, le fait que la société OCM, dont la créance est impayée depuis 14 ans, ait fait assigner la société le Richmond en liquidation judiciaire devant le tribunal de commerce d’Annecy n’est pas non plus constitutif d’une faute. Au demeurant, par jugement du 24 août 2022 le tribunal de commerce a sursis à statuer sur la demande de liquidation judiciaire formée par la société OCM.

Aucune faute n’est donc établie et le jugement déféré sera confirmé en ce qu’il a rejeté la demande de dommages et intérêts de la société le Richmond.

Sur les demandes accessoires

Il serait inéquitable de laisser à la charge de la société OCM la totalité des frais exposés en appel, et non compris dans les dépens. Il convient en conséquence de lui allouer la somme de 10.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

La société le Richmond supportera les entiers dépens de l’appel.

PAR CES MOTIFS

La cour, après en avoir délibéré conformément à la loi, statuant publiquement, par arrêt contradictoire,

Déclare irrecevable l’appel interjeté par la société le Richmond en ce qu’il est dirigé à l’encontre de la société National Asset Loan Management Limited, devenue National Asset Loan Management Designated Activity Company ,

Confirme le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Bonneville en toutes ses dispositions,

Y ajoutant,

Dit que le sursis à statuer prononcé par le jugement déféré sur la demande d’attribution judiciaire des biens hypothéqués par la société OCM Emru Debtco Designated Activity Compagny pourra être levé sur justification par celle-ci du renouvellement effectif des inscriptions de privilège de prêteur de deniers et d’hypothèque conventionnelle sur les biens en litige,

Déboute la société le Richmond de toutes ses demandes,

Condamne la société le Richmond à payer à la société OCM Emru Debtco Designated Activity Compagny la somme de 10.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile au titre des frais exposés en appel,

Condamne la société le Richmond aux entiers dépens de l’appel,

Renvoie l’affaire devant le tribunal judiciaire de Bonneville pour la suite de la procédure.

Ainsi prononcé publiquement le 08 décembre 2022 par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de Procédure Civile, et signé par Madame Alyette FOUCHARD, Conseillère faisant fonction de Présidente et Madame Sylvie DURAND, Greffière.

La Greffière La Présidente

 


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