Marchand de Biens : décision du 23 février 2023 Cour d’appel de Bordeaux RG n° 20/02296

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Marchand de Biens : décision du 23 février 2023 Cour d’appel de Bordeaux RG n° 20/02296
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COUR D’APPEL DE BORDEAUX

PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE

————————–

ARRÊT DU : 23 FEVRIER 2023

N° RG 20/02296 – N° Portalis DBVJ-V-B7E-LS4A

S.A. BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE

c/

[K] [G]

[N] [O] épouse [G]

Nature de la décision : AU FOND

Grosse délivrée le :23 février 2023

aux avocats

Décision déférée à la cour : jugement rendu le 17 mars 2020 par le Tribunal judiciaire de PERIGUEUX ( RG : 18/01521) suivant déclaration d’appel du 03 juillet 2020

APPELANTE :

S.A. BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE agissant en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social [Adresse 2]

Représentée par Me Carolina CUTURI-ORTEGA de la SCP JOLY – CUTURI ‘ WOJAS AVOCATS DYNAMIS EUROPE (ADE), avocat au barreau de BORDEAUX

INTIMÉ S :

[K] [G]

né le [Date naissance 3] 1941 à [Localité 5]

de nationalité Française, demeurant [Adresse 7]

[N] [O] épouse [G]

née le [Date naissance 1] 1941 à [Localité 4]

de nationalité Française, demeurant [Adresse 7]

Représentés par Me Claudia TIERNEY-HANCOCK de la SELARL VESUNNA AVOCATS, avocat au barreau de PERIGUEUX

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 912 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 12 janvier 2023 en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Bérengère VALLEE, conseiller, chargé du rapport,

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Roland POTEE, président,

Bérengère VALLEE, conseiller,

Emmanuel BREARD, conseiller,

Greffier lors des débats : Séléna BONNET

ARRÊT :

– contradictoire

– prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l’article 450 alinéa 2 du code de procédure civile.

* * *

EXPOSE DU LITIGE ET DE LA PROCÉDURE

La société S.A BNP Paribas Personal Finance a proposé le 31 mars 2011 à Mme [N] [G] et à M. [K] [G], âgés tous deux de 70 ans, la souscription d’un prêt d’un montant de 384 128,77 euros, remboursable en 19 annuités, destiné à l’acquisition d’une maison à usage de résidence principale à [Localité 8].

Il était alors convenu que les emprunteurs s’engageaient à rembourser la somme de 320.000 euros dès que serait intervenue la vente d’un bien immobilier dont ils étaient propriétaires à [Localité 6] (Loire-Atlantique) et au plus tard, le 24ème mois suivant le 1er versement du crédit.

Il était prévu que les 24 premières échéances mensuelles de remboursement seraient d’un montant de 300 euros et qu’après remboursement de la somme de 320 000 euros, elles s’élèveraient à 477,39 euros.

Pour déterminer le montant du prêt relais de 384 128,77 euros, la banque avait confié à la société BNP [Localité 4] Real Estate une mission d’évaluation de la maison située à [Localité 6]. Aux termes d’un rapport en date du 11 mars 2011, cette société évaluait ladite maison à hauteur de 400.000 euros.

Après l’établissement de ce rapport, la maison a été mise en vente au prix de 410 000 euros.

Toutefois, la maison sise à [Localité 6] n’ayant pas été vendue dans le délai de deux ans, la société BNP Paribas a accepté, le 15 mai 2013, de proroger de douze mois le délai convenu, moyennant une hausse des échéances de remboursement qui passaient à 600 euros par mois.

Le 7 mai 2014, la banque octroyait un ultime délai de six mois aux époux [G] afin de leur permettre de vendre au moins un des deux biens immobiliers dont ils étaient propriétaires.

Le bien n’étant toujours pas vendu fin 2014, les époux [G] sollicitaient en référé devant le juge d’instance de Périgueux, un rééchelonnement de leur dette moyennant un délai de grâce de deux ans avec suspension des intérêts pendant cette période.

Par ordonnance rendue le 10 février 2015, le juge d’instance autorisait les époux [G] à suspendre le remboursement de l’échéance de 320 300 euros pendant un délai de deux ans et disait que pendant le cours de ce délai, la somme due ne produirait pas d’intérêt.

Après avoir mis en demeure les époux [G] de payer la somme de 320.300 euros par lettre du 27 février 2018, la BNP Paribas a informé les débiteurs du prononcé de la déchéance du terme du crédit par courrier du 20 avril 2018.

Le 17 juillet 2018, les époux [G] ont vendu la maison située à [Localité 6], moyennant le prix de 235 000 euros.

La société BNP Paribas, créancier hypothécaire et détenteur d’un privilège de prêteur de deniers, indiquait le 13 juillet 2018 au notaire chargé de la vente, qu’elle entendait ne donner mainlevée totale et définitive sans quitus que contre réception de la totalité du prix de vente.

Par acte du 5 octobre 2018, les époux [G] ont assigné la société BNP Paribas Personal Finance devant le tribunal de grande instance de Périgueux, pour manquement à son obligation de conseil et de mise en garde, afin d’obtenir le paiement de la somme de 120.000 euros à titre de dommages et intérêts et la réduction de la clause pénale.

Par jugement contradictoire du 17 mars 2020, le tribunal judiciaire de Périgueux a :

– déclaré irrecevables les conclusions et pièces signifiées par voie électronique le 10 décembre 2019,

– écarté en conséquence des débats les dites conclusions ainsi que les pièces des demandeurs numérotées 14 et 15,

– rejeté la fin de non-recevoir tirée de la prescription de l’action,

– déclaré en conséquence recevable l’action en responsabilité contractuelle engagée par les époux [G],

– dit que la société BNP [Localité 4] Personal Finance a commis une faute qui engage sa responsabilité contractuelle envers ses clients, les époux [G], dans le cadre de la souscription du contrat de prêt en date du 31 mars 2011,

– condamné la société BNP Paribas à payer aux époux [G] la somme de 120 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi pour perte de chance,

– dit que l’indemnité de 7% prévue au contrat de prêt s’analyse en une clause pénale,

– ordonné la réduction de la clause pénale à la somme de 300 euros,

– condamné la société BNP Paribas à payer aux époux [G] la somme de 2 500 euros à titre d’indemnité sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,

– débouté les époux [G] du surplus de leurs demandes,

– débouté la société BNP Paribas de sa demande fondée sur les dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,

– condamné la société BNP Paribas aux dépens de l’instance,

– autorisé maître Emma Barret, avocat au Barreau de Périgueux, à recouvrer directement ceux des dépens dont elle aurait fait l’avance sans avoir reçu provision,

– ordonné l’exécution provisoire.

La société BNP Paribas Personal Finance a relevé appel de ce jugement par déclaration du 3 juillet 2020.

Par conclusions déposées le 23 décembre 2022, la société BNP Paribas Personal Finance demande à la cour de :

– la déclarer recevable et bien fondée en son appel,

– infirmer le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Périgueux du 17 mars 2020,

Et statuant à nouveau,

In limine litis,

– déclarer les époux [G] irrecevables en leur action en responsabilité à l’égard de BNP Paribas Pesonal Finance, pour cause de prescription,

Au fond,

– débouter les époux [G] de l’intégralité de leurs demandes,

En tout état de cause,

– condamner solidairement les époux [G] au paiement à BNP [Localité 4] Personal Finance d’une indemnité de 3 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– condamner solidairement les époux [G] aux entiers dépens.

Par conclusions déposées le 20 décembre 2022, les époux [G] demandent à la cour de:

– déclarer recevable et bien fondée leur action,

– confirmer le jugement du tribunal judiciaire de Périgueux en ce qu’il a :

* rejeté la fin de non-recevoir tirée de la prescription de l’action

* déclaré recevable l’action en responsabilité contractuelle engagée par les époux [G],

* dit que la BNP Paribas Personal Finance a commis une faute qui engage sa responsabilité contractuelle envers ses clients, les époux [G], dans le cadre de la souscription du prêt n°65 194 344 en date du 31 mars 2011,

* condamné la société BNP Paribas Personnal Finance à payer aux époux [G] la somme de 2500 euros à titre d’indemnité sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

Et statuant à nouveau,

– condamner la société BNP Paribas Personal Finance, sous astreinte de 50 euros par jour de retard à compter de la signification de l’arrêt, à payer aux époux [G] les sommes suivantes :

* 175 850 euros de dommages et intérêts

* 2 500 euros à chacun des époux pour leur préjudice moral

* 4 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile

Subsidiairement, et dans les cas où la cour qualifierait M. [G] d’emprunteur averti,

– condamner la société BNP Paribas Personal Finance, à payer sous astreinte de 50 euros par jour de retard à compter de la signification de l’arrêt, à Mme [G] les sommes suivantes :

* 175 850 euros de dommages et intérêts

* 2 500 euros à chacun des époux pour leur préjudice moral

* 4 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile

En tout état de cause,

– réduire l’indemnité de 7% du solde rendu exigible à la somme de 0 euro,

– suspendre les intérêts du prêt à compter de la première saisine suite à ces difficultés de paiement soit le 7 novembre 2014, date de l’ordonnance de référé procédant à l’arrêt des intérêts pendant deux ans, ce qui équivaut à les réduire à la somme de 14 314,01 euros,

– débouter la BNP Paribas Personal Finance de l’intégralité de ses demandes,

– condamner la société BNP Paribas Personnal Finance aux entiers dépens, dont les frais éventuels d’exécution.

L’affaire a été fixée à l’audience rapporteur du 12 janvier 2023.

L’instruction a été clôturée par ordonnance du 29 décembre 2022.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la prescription de l’action des époux [G]

La BNP Paribas soutient que, contrairement à ce qu’a retenu le tribunal, l’action des époux [G] est prescrite. Elle expose que le point de départ du délai de prescription doit être fixé au jour de l’octroi du prêt relais et, subsidiairement, à compter du jour où les emprunteurs ont rencontré des difficultés pour procéder à la vente du bien, soit au plus tard le 15 mai 2013, date à laquelle la banque a accepté de proroger la période de différé de 12 mois.

Les époux [G] sollicitent la confirmation du jugement en ce qu’il a retenu que la prescription quinquennale a commencé à courir le 17 juillet 2018, date de la vente de l’immeuble qu’ils possédaient en Loire-Atlantique au prix de 235.000 euros alors qu’il avait été évalué en 2011 par le banquier à la somme de 410.000 euros, la réalisation de cette vente à un prix très inférieur au prix de vente tel qu’évalué lors de la souscription du contrat de prêt caractérisant ainsi la connaissance du dommage.

En application de l’article 2224 du code civil, les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d’un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l’exercer.

Le manquement d’une banque à son obligation de mettre en garde un emprunteur non averti sur le risque d’endettement excessif né de l’octroi d’un prêt prive cet emprunteur d’une chance de ne pas contracter.

La perte de chance, qui est indépendante de la question de savoir si le risque contre lequel la mise en garde était due s’est ou non produit, se réalise donc au jour de la conclusion du contrat, mais n’est pas forcément perceptible de l’emprunteur.

Il en résulte que le point de départ du délai de prescription de l’action en responsabilité, qui court à compter du jour où se manifeste cette perte de chance envers l’emprunteur, court en principe dès l’octroi du crédit (v. par ex. Com. 25 octobre 2017, no 16-15.116), sauf à ce que l’emprunteur établisse n’avoir pu connaître les faits lui permettant d’exercer son action au jour de la conclusion du contrat de prêt (v. par ex. in fine Civ. 1, 28 septembre 2016, 15-21.291; Com. 17 mai 2017, no 15-21.260).

C’est ainsi que dans le cas d’un prêt relais, l’emprunteur ne peut connaître le manquement du prêteur à son devoir de mise en garde qu’à compter du jour où il se trouve en situation de devoir rembourser l’emprunt sans avoir vendu son bien.

A cet égard, il apparaît, au vu des pièces produites, que :

– la date prévue de remboursement de la somme de 320.000 euros correspondait au 24ème mois suivant le premier versement du crédit, délai qui avait été fixé pour procéder à la vente du bien immobilier,

– le bien litigieux initialement mis en vente au prix de 410.000 euros, a vu son prix réduit à 380.000 euros, soit un prix net vendeur de 365.000 euros en mars 2013, pour finalement ne pas trouver acquéreur à la date contractuellement prévue comme étant la limite pour le remboursement de la somme de 320.000 euros,

– les emprunteurs ont obtenu de la banque une prorogation du crédit d’un an, soit jusqu’au 10 avril 2014, moyennant le paiement d’une échéance mensuelle de 600 euros au lieu de 300 euros et ont diminué le prix de vente à la somme de 340.000 euros,

– l’immeuble n’étant toujours pas vendu, la banque a, le 7 mai 2014, accordé aux époux [G] un délai supplémentaire de 6 mois, soit jusqu’en novembre 2014, pour rembourser la somme de 320.000 euros, le prix de vente étant alors réduit à la somme de 320.000 euros,

– au terme de ce délai, la transaction n’a pas été réalisée.

Au regard de ces éléments, ce n’est qu’en novembre 2014, soit à l’issue du délai supplémentaire octroyé par la banque pour rembourser la somme de 320.000 euros, que les époux [G], constatant leur impossibilité de vendre le bien au prix convenu destiné à leur permettre de rembourser les fonds prêtés, ont donc connu les faits leur permettant d’exercer leur action en responsabilité à l’encontre de l’organisme prêteur.

Compte tenu de la date qui doit ainsi être retenue, la prescription quinquennale, au jour de l’assignation délivrée par les emprunteurs le 5 octobre 2018, n’était pas acquise.

Par motifs substitués, le jugement sera par conséquent confirmé en ce qu’il a rejeté la fin de non-recevoir tirée de la prescription de l’action et déclaré recevable l’action engagée par les époux [G].

Sur la responsabilité du prêteur

La BNP Paribas soutient qu’elle n’était tenue à aucun devoir de mise en garde dès lors que le prêt était adapté aux capacités financières des emprunteurs et que ces derniers étaient avertis.

Affirmant qu’en matière de prêt relais, l’évaluation du caractère excessif d’un tel crédit doit se réaliser en fonction de la valeur du bien, la banque rappelle que le principe de non-ingérence lui interdit de s’immiscer dans les affaires des emprunteurs, notamment dans le choix du prix de vente, et que la difficulté de vendre la maison ne peut lui être imputée. Elle ajoute qu’il n’est pas justifié d’une surévaluation de la maison de [Localité 6], l’estimation réalisée par le service expertise immobilière de la banque étant venue corroborée un mandat de vente communiqué par les époux [G] avant l’octroi du crédit. Elle affirme avoir fait preuve de prudence lors de l’octroi du prêt puisque le prix de vente retenu correspond à 80% de l’estimation du bien immobilier par la société BNP Paribas Real Estate et à 76,19% de l’estimation figurant dans le mandat de vente signé par les époux [G]. Elle souligne que les remboursements mensuels de 300 euros puis 600 euros étaient raisonnables au regard des revenus mensuels des époux [G] à hauteur de 3.236,75 euros. Enfin, elle affirme que M. [G] était, au jour de la conclusion du prêt, un emprunteur averti.

Les époux [G] contestent leur qualité d’emprunteur averti et font valoir que la banque a manqué à son obligation de mise en garde. Affirmant que celle-ci a fait réaliser une estimation erronée du bien immobilier qui ne leur a pas été communiquée, ils indiquent que s’ils avaient su que le délai de vente estimé était compris entre 9 et 18 mois, ils n’auraient pas conclu le prêt relais. Ils soutiennent que l’offre de prêt date du 3 novembre 2010 et qu’elle mentionne déjà un prix de revente pour le bien immobilier à un montant de 400.000 euros, alors que le mandat de vente dont se prévaut la banque est postérieur à cette offre. Ils exposent que sur une retraite mensuelle de 3.200 euros, ils avaient des charges fixes de 2.614,43 euros, de sorte qu’il était déraisonnable de leur proposer un prêt de 384.128,77 euros sur 19 ans, dont 320.000 euros à rembourser en deux ans alors qu’ils étaient tous deux âgés de 70 ans et retraités. Ils ajoutent qu’en inscrivant à la fois une hypothèque à hauteur de 184.128 euros et un privilège de prêteur de deniers à hauteur de 200.000 euros, la banque a mis en péril l’intégralité de leur patrimoine et que malgré la vente du bien de [Localité 6], ils restent redevables envers la banque de la somme de 194.383,28 euros, ce qui va les contraindre à mettre en vente leur maison pour solder le prêt.

Il est constant que l’obligation de mise en garde à laquelle peut être tenu le banquier dispensateur de crédit envers l’emprunteur est subordonnée à deux conditions, la qualité d’emprunteur non averti et l’existence, au regard des capacités financières de celui-ci, d’un risque d’endettement né de l’octroi du prêt.

Des pièces versées aux débats par la BNP Paribas, il résulte qu’à la date de souscription du contrat de prêt litigieux le 31 mars 2011, M. [G] disposait d’une compétence et d’une expérience en matière immobilière puisqu’il apparaît, selon les pièces 11 et 12 produites par l’appelante, qu’il exerçait depuis 2006 les fonctions de gérant de la SARL Anfred ayant pour objet social une activité de marchand de biens immobiliers. Comme le souligne justement la banque, la circonstance selon laquelle la société n’aurait généré aucun chiffre d’affaires postérieurement à la nomination de M. [G] n’a aucune influence quant à la réalité de ses fonctions, étant au surplus observé que contrairement à ce que soutiennent les intimés, le relevé produit par la banque mentionne que la SARL Anfred a réalisé un chiffre d’affaires de 237.000 euros sur l’année 2010. Au regard de ces éléments, M. [G] ne peut être considéré comme un emprunteur non averti.

En revanche, le caractère averti de Mme [G] n’est pas démontré, le simple fait qu’elle exploite le bien immobilier objet du crédit litigieux sous la forme d’un gite avec piscine ne permettant pas d’établir qu’elle disposait de capacités financières lui permettant d’apprécier la pertinence du prêt sollicité et l’expérience professionnelle de son époux co-emprunteur ne dispensant pas le banquier de son obligation de mise en garde à l’égard de l’autre emprunteur.

S’agissant du risque d’endettement né de l’octroi du crédit, il s’apprécie, dans le cas particulier d’un prêt relais, accordé dans l’attente de la réalisation de la vente d’un bien immobilier, au regard de la valeur de l’immeuble destiné à être vendu dont sont propriétaires les emprunteurs.

En l’espèce, les époux [G] soutiennent que l’estimation réalisée par la société d’expertise BNP Real Estate Evaluation le 11 mars 2011, fixant la valeur du bien immobilier situé à [Localité 6] à 400.000 euros, a été surévaluée au regard du prix de vente obtenu le 17 juillet 2018 pour un montant de 235.000 euros.

La BNP Paribas rappelle toutefois justement que le simple fait que la vente du bien immobilier soit intervenue le 17 juillet 2018 au prix de 235.000 euros ne suffit pas à démontrer que l’évaluation du bien sept ans auparavant était excessive.

En outre, elle justifie que l’estimation faite à 400.000 euros par la société BNP Real Estate le 11 mars 2011 n’a fait que corroborer l’évaluation établie par la société Laforêt Immobilier, agence immobilière, selon mandat de vente du 10 novembre 2010 indiquant un prix de cession de 445.000 euros (frais d’agence inclus) soit un prix net vendeur de 420.000 euros, ce mandat ayant été communiqué à la banque par les appelants eux-mêmes avant l’octroi du crédit.

Si les intimés contestent ce point et affirment que le mandat de vente du 10 novembre 2010 serait postérieur à l’offre de prêt mentionnant déjà un prix de revente pour le bien immobilier de 400.000 euros, il sera observé que contrairement à ce qu’ils affirment, l’offre de prêt est datée du 31 mars 2011, que le document daté du 3 novembre 2010 improprement nommé par les appelants ‘offre de prêt’ est en réalité une fiche ‘projet’ sans valeur contractuelle, enfin, qu’avant même que la banque remette cette fiche aux futurs emprunteurs, les époux [G] avaient d’ores et déjà signé trois mandats de vente avec les sociétés Entre Particuliers.com, JCB Immobilier et Square Habitat en date des 17 octobre 2010, 29 octobre 2010 et 2 novembre 2010 pour un prix de vente de 420.000 euros, ainsi que cela ressort du tableau récapitulatif des mandats de vente signés par les emprunteurs, versé par les époux [G] eux-mêmes.

Dans ces conditions, les emprunteurs ne sont pas fondés à soutenir que la banque ne s’était pas renseignée sur la valeur du bien ni que le crédit relais qu’elle leur a accordé à hauteur de 320.000 euros était inapproprié à cette valeur.

Par ailleurs, les échéances de remboursement, qui s’élevaient à 300 euros de la première à la 24ème échéance et de 477,39 euros de la 25ème à la 228ème échéance apparaissent proportionnées aux capacités de remboursement des emprunteurs qui déclaraient alors des revenus mensuels de 3.236,75 euros.

Enfin, s’il n’est pas contesté que la crise immobilière était déjà active depuis 2010 au moment de la conclusion du contrat, la banque ne saurait être tenue pour responsable de la baisse intervenue, ni de l’absence d’acquéreur, alors que la différence entre la valeur annoncée et le montant du prêt relais ménageait une marge de sécurité.

Sans qu’il y ait lieu de rentrer plus avant dans le détail de l’argumentation des parties, il résulte de l’ensemble des éléments qui précèdent qu’à la date de son octroi, le prêt relais était adapté aux capacités financières des emprunteurs et ne comportait pas de risque d’endettement, de sorte qu’aucun manquement au devoir de mise en garde ne peut être retenu.

Les époux [G] doivent par conséquent être déboutés de leur action en responsabilité et de toutes leurs demandes à ce titre. Le jugement sera infirmé en ce sens.

Sur la réduction de la clause pénale

Aux termes de l’article 1152 devenu 1231-5 du code civil, lorsque le contrat stipule que celui qui manquera de l’exécuter paiera une certaine somme à titre de dommages et intérêts, il ne peut être alloué à l’autre partie une somme plus forte ni moindre. Néanmoins, le juge peut, même d’office, modérer ou augmenter la pénalité ainsi convenue si elle est manifestement excessive ou dérisoire.

En l’espèce, le contrat de prêt liant les parties prévoit au paragraphe ‘Définition et conséquences de la défaillance’ que ‘le prêteur peut exiger le remboursement immédiat du solde du compte, à l’issue d’un préavis de 15 jours, après une notification faite à l’emprunteur par lettre recommandée avec accusé de réception. Jusqu’à la date du règlement effectif, ce solde produit des intérêts de retard au taux du crédit alors en vigueur hors bonification de votre banque lors de la défaillace ; en outre, le prêteur perçoit une indemnité de 7% calculée sur le montant du solde rendu exigible.’

Il n’est pas contesté que cette pénalité de 7% des sommes restant dues s’analyse comme une clause pénale et que la BNP Paribas se prévaut de la défaillance de l’emprunteur pour exiger le remboursement immédiat du solde du prêt ainsi que le paiement de l’indemnité de 7%.

En l’espèce, cette clause se révèle manifestement excessive eu égard aux montants comparés du capital emprunté, des sommes déjà payées par les emprunteurs et de la dette résiduelle devenue exigible et productive d’intérêts contractuels. Le jugement sera par conséquent confirmé en ce qu’il l’a réduit à la somme de 300 euros.

Sur les dépens et les frais irrépétibles

Aux termes de l’article 696, alinéa premier, du code de procédure civile, la partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n’en mette la totalité ou une fraction à la charge d’une autre partie. Les époux [G] en supporteront in solidum la charge.

En application de l’article 700 du code de procédure civile, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou qui perd son procès à payer à l’autre partie la somme qu’il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Eu égard à l’équité et à la situation respective des parties, il n’y a pas lieu en l’espèce à condamnation à ce titre.

PAR CES MOTIFS

La Cour,

– Infirme partiellement le jugement déféré en ce qu’il a :

* dit que la société BNP [Localité 4] Personal Finance a commis une faute qui engage sa responsabilité contractuelle envers ses clients, les époux [G], dans le cadre de la souscription du contrat de prêt en date du 31 mars 2011,

* condamné la société BNP Paribas à payer aux époux [G] la somme de 120 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi pour perte de chance,

* condamné la société BNP Paribas à payer aux époux [G] la somme de 2 500 euros à titre d’indemnité sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,

* condamné la société BNP Paribas aux dépens de l’instance,

* autorisé maître Emma Barret, avocat au Barreau de Périgueux, à recouvrer directement ceux des dépens dont elle aurait fait l’avance sans avoir reçu provision,

Statuant à nouveau dans cette limite,

– Déboute les époux [G] de leur action en responsabilité formée contre la BNP Paribas et, partant, de leurs demandes de dommages et intérêts et de déchéance du droit aux intérêts,

– Condamne in solidum les époux [G] aux dépens de première instance,

– Confirme toutes les autres dispositions du jugement non contraires,

Y ajoutant, 

– Dit n’y avoir lieu à condamnation au titre des frais irrépétibles d’appel,

– Condamne in solidum les époux [G] aux dépens d’appel.

Le présent arrêt a été signé par Monsieur Roland POTEE, président, et par Madame Séléna BONNET, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le Greffier, Le Président,

 


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