Marchand de Biens : décision du 2 mars 2023 Cour d’appel de Douai RG n° 21/03395

·

·

Marchand de Biens : décision du 2 mars 2023 Cour d’appel de Douai RG n° 21/03395
Ce point juridique est utile ?

République Française

Au nom du Peuple Français

COUR D’APPEL DE DOUAI

CHAMBRE 1 SECTION 1

ARRÊT DU 02/03/2023

****

N° de MINUTE :

N° RG 21/03395 – N° Portalis DBVT-V-B7F-TWMN

Jugement (N° 20/00465)

rendu le 04 mars 2021 par le tribunal judiciaire de Béthune

APPELANT

Monsieur [B] [W]

né le [Date naissance 5] 1951 à [Localité 9]

demeurant [Adresse 2]

[Localité 1] (Luxembourg)

représenté par Me Patrick Delahay, avocat au barreau de Douai, avocat constitué,

assisté de Me Joëlle Choucroun, avocat au barreau du Luxembourg, avocat plaidant, substitué à l’audience par Me Yves-Marie Cramez, avocat

INTIMÉE

Madame [U] [I]

née le [Date naissance 3] 1964 à [Localité 10]

demeurant [Adresse 8]

[Localité 7]

représentée par Me Jean-Roch Parichet, avocat au barreau de Lille, avocat constitué

assistée de Me Yveline Le Guen, avocat au barreau d’Aix-en-Provence, avocat plaidant

DÉBATS à l’audience publique du 1er décembre 2022 tenue par Céline Miller magistrat chargé d’instruire le dossier qui, après rapport oral de l’affaire, a entendu seule les plaidoiries, les conseils des parties ne s’y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la cour dans son délibéré (article 805 du code de procédure civile).

Les parties ont été avisées à l’issue des débats que l’arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe.

GREFFIER LORS DES DÉBATS : Delphine Verhaeghe

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ

Bruno Poupet, président de chambre

Céline Miller, conseiller

Camille Colonna, conseiller

ARRÊT CONTRADICTOIRE prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 02 mars 2023 (date indiquée à l’issue des débats) et signé par Bruno Poupet, président et Delphine Verhaeghe, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

ORDONNANCE DE CLÔTURE DU : 10 novembre 2022

****

Mme [U] [I] et M. [B] [W] se sont mariés le [Date mariage 4] 2006 devant l’officier d’état-civil de [Localité 11] après signature préalable d’un contrat de mariage sous le régime de la communauté universelle.

Ils ont divorcé à l’amiable suivant jugement du tribunal d’arrondissement de Luxembourg du 27 octobre 2020 après dix années de séparation de fait, l’époux s’étant installé au Luxembourg.

Entre temps, M. [W] y avait constitué une société unipersonnelle dénommée ‘SA JCM Real estate’ le 19 juillet 2016, ayant pour objet ‘toutes opérations se rapportant à toutes opérations immobilières’, puis une société ‘Immobilière du Grand-Duché’ le 26 février 2018, avec comme associés la SA JCM Real estate et la SARL Ideal lux immo.

Ayant reçu, le 22 août 2018, un avis d’imposition luxembourgeois sur le revenu de 2016 lui demandant de régler la somme de 10 812 euros, Mme [I] a fait assigner M. [W] devant le tribunal de grande instance de Béthune aux fins d’obtenir, au visa des articles 1427 des codes luxembourgeois et français, la nullité de la SA JCM Real estate et de la SARL Immobilière du Grand-Duché ainsi que de tous les actes de dispositions qui en font suite.

Par jugement du 4 mars 2021, assorti de l’exécution provisoire de plein droit, le tribunal judiciaire de Béthune a :

– Dit que le droit français était applicable au litige, avec compétences d’attribution et territoriale du juge français, en l’occurrence le tribunal judiciaire de Béthune ;

– Annulé la création par M. [B] [W] au Grand-Duché du Luxembourg des deux sociétés SA JCM Real estate le 19 juillet 2016 et la Sarl Immobilière du Grand-Duché le 26 février 2018, ainsi que tous actes de dispositions qui en découlent ;

– Condamné M. [B] [W] aux entiers dépens et à payer à Mme [U] [I]-[W] la somme de 2 000 euros au titre de ses frais irrépétibles.

M. [B] [W] a interjeté appel de cette décision par déclaration du 26 juin 2021 et a saisi le premier président de la cour d’appel afin de voir stopper l’exécution provisoire du jugement dont appel.

Par ordonnance du 21 février 2022, M. le premier président de la cour d’appel a :

– ordonné l’arrêt de l’exécution provisoire assortissant le jugement entrepris,

– débouté Mme [U] [I] de sa demande de radiation de l’appel ;

– l’a condamnée au dépens et à payer à M. [W] la somme de 1 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

Par dernières conclusions déposées le 7 novembre 2022, M. [B] [W] demande à la cour, au visa des articles 28 et 41 du nouveau code de procédure civile luxembourgeois, 42 al.1 et 43 du code de procédure civile et 1833 du code civil français, de’:

– Réformer le jugement du 4 mars 2021 rendu par le tribunal judiciaire de Béthune ;

– Débouter Mme [I] de l’ensemble de ses prétentions ;

– La condamner aux entiers dépens et à lui payer la somme de 1 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Il fait essentiellement valoir que le droit luxembourgeois est applicable au litige et que la juridiction luxembourgeoise est compétente.

Il ajoute que Mme [I] a ratifié, au moins tacitement, la constitution des deux sociétés dès lors, d’une part, qu’il est avéré qu’elle avait connaissance de leur existence au plus tard en janvier 2017, ainsi qu’il ressort du courriel daté du 10 janvier 2017 adressé à son époux, et d’autre part, qu’elle a donné procuration au notaire chargé de la vente d’un immeuble commun en mentionnant clairement dans ladite procuration que celle-ci concernait la ratification de tout acte.

Il fait valoir par ailleurs que par la signature de la convention de divorce par consentement mutuel du 30 septembre 2020, acceptant la compétence de la juridiction luxembourgeoise et ayant pour objet de régler les effets du divorce de manière complète et définitive, y compris concernant le partage de la communauté ayant existé entre les parties et les éventuelles actions antérieures à la date de dépôt de la requête, Mme [I], qui n’a pas signalé vouloir poursuivre la procédure en dissolution des sociétés constituées pendant la durée du mariage mais après la séparation des époux et a accepté, sans aucune contrepartie et sans signaler qu’elles auraient été constituées sans son accord, que les parts desdites sociétés soient attribuées à son ex-époux, alors qu’elle ne pouvait ignorer, compte tenu de sa profession d’avocate, les conséquences juridiques d’un tel acte, a renoncé définitivement et irrévocablement à toute revendication dans le cadre du partage autre que celles qui sont indiquées à l’acte, lequel a été entériné par le juge luxembourgeois. Il conclut qu’en signant ce acte qui a mis fin de manière définitive au régime matrimonial entre les parties, Mme [I] a de toute évidence ratifié ex post la constitution et l’existence des deux sociétés et qu’elle n’est donc plus fondée à en demander l’annulation.

Il soutient par ailleurs que le jugement attaqué, qui fait abstraction de l’accord au moins tacite de Mme [I], ne tient pas compte des conséquences excessives et extrêmement dommageables que pourraient avoir sur des tiers les annulations sollicitées, plusieurs opérations immobilières ayant été réalisées par ces sociétés dans le cadre de leurs activités de marchand de biens.

Par dernières conclusions déposées le 7 novembre 2021, Mme [U] [I] demande à la cour, au visa des articles 1427 et 1855-15 du code civil, L526-11 du code de commerce, 542 et 954 du code de procédure civile et de l’arrêt rendu par la 2ème chambre civile de Cour de cassation dans son arrêt n°18-23626 du 17 septembre 2020, de :

– Débouter l’appelant de toutes ses demandes ;

– Confirmer le jugement entrepris de plein droit ;

– Le confirmer quant au fond,

Y ajoutant,

– Condamner M. [W] aux entiers dépens et à lui verser la somme de 3 000 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

Elle soutient tout d’abord que le jugement entrepris doit être confirmé de plein droit dès lors que l’appelant ne mentionne pas, au dispositif de ses premières conclusions d’appelant notifiées dans le délai prévu à l’article 908 du code de procédure civile, l’énumération des chefs du jugement entrepris qu’il conteste.

Elle conteste par ailleurs avoir eu connaissance de la constitution des deux sociétés litigieuses et ajoute que la simple connaissance de l’existence des actes, si elle était avérée, ne vaut pas confirmation ou ratification selon les termes de l’article 1182 du code civil. Elle fait valoir que l’appelant produit au soutien de ses prétentions deux faux courriels datés du 10 janvier 2017 qu’elle lui aurait adressés, aux termes desquels elle l’informe que Me Riffaud, avocat de M. [W] à [Localité 12], lui aurait appris que son client ‘a fait une société de marchand de biens sans mon accord’, et précise qu’il a produit ces mails en les remaniant pour les faire apparaître comme un seul courriel devant le premier président de la cour d’appel statuant en référé sur l’arrêt de l’exécution provisoire. Elle ajoute que ces prétendus courriels ne comportant aucune précision sur l’identité de la société en question, ils n’établissent pas la preuve de ce qu’elle aurait eu une connaissance précise, réelle et identifiable de la création d’une société à son insu.

Elle soutient en outre que la procuration qu’elle a donnée à un clerc de notaire le 12 juillet 2016, soit antérieurement à la création des sociétés litigieuses, pour permettre au couple d’acquérir un immeuble situé à Helmsanje, ne saurait ratifier les actes de création des sociétés qui n’avaient pas encore eu lieu ; que la transaction aux termes de laquelle elle a perçu la somme de 20 000 euros au titre de l’achat/revente par le couple de cet immeuble ne saurait pas plus valoir ratification de la création des sociétés, pour les mêmes raisons ; que l’annulation des sociétés ne saurait avoir de conséquences excessives dès lors qu’en application de l’article 1844-15 du code civil, l’annulation en justice d’une société n’est pas rétroactive et produit les effet d’une dissolution.

Elle prétend enfin que la convention de divorce signée entre les époux [W] ne vaut pas ratification par ses soins de la création des sociétés litigieuses dès lors que c’est la loi qui veut que l’époux qui a la qualité d’associé conserve les parts sociales au moment de la liquidation de la communauté du mariage, car si la valeur des parts sociales entre en communauté (finance), la qualité d’associé (titre) reste propre à l’époux concerné. Elle ajoute que M. [W] ne pourrait invoquer la ratification de son épouse que dans l’hypothèse où ils auraient convenu du partage de la valeur de ces parts sociales et de l’attribution à l’épouse d’une partie de cette valeur, ce qui n’a pas été le cas en l’espèce, précisément parce qu’elle contestait en justice la validité des sociétés.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur la saisine de la cour

* Aux termes de l’article 542 du code de procédure civile, l’appel tend, par la critique du jugement rendu par une juridiction du premier degré, à sa réformation ou à son annulation par la cour d’appel.

Selon l’article 954, alinéa 1er dudit code, les conclusions d’appel contiennent, en en-tête, les indications prévues à l’article 961. Elles doivent formuler expressément les prétentions des parties et les moyens de fait et de droit sur lesquels chacune de ces prétentions est fondée avec indication pour chaque prétention des pièces invoquées et de leur numérotation. Un bordereau récapitulatif des pièces est annexé. Aux termes des alinéas 2 et 3, les conclusions comprennent distinctement un exposé des faits et de la procédure, l’énoncé des chefs de jugement critiqués, une discussion des prétentions et des moyens ainsi qu’un dispositif récapitulant les prétentions. Si, dans la discussion, des moyens nouveaux par rapport aux précédentes écritures sont invoqués au soutien des prétentions, ils sont présentés de manière formellement distincte. La cour ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif et n’examine les moyens au soutien de ces prétentions que s’ils sont invoqués dans la discussion.

Il résulte des dispositions combinées des articles 542 et 954 précités que lorsque l’appelant ne demande, dans le dispositif de ses conclusions, ni l’infirmation ni l’annulation du jugement, la cour d’appel ne peut que confirmer le jugement (2e Civ., 17 septembre 2020, pourvoi n° 18-23.626, publié au Bulletin).

Récapituler expressément dans le dispositif des conclusions les prétentions que la partie entend voir juger par la cour d’appel répond à une exigence qui participe de la substance même des alinéas 2 et 3 de l’article 954 du code de procédure civile.

Pour autant, il ne saurait, sans excéder ces prescriptions, être exigé de l’appelant qu’il reprenne formellement, dans le dispositif de ses conclusions, chacun des chefs de jugement dont il sollicite la réformation.

Dès lors, l’absence dans le dispositif des conclusions d’une partie appelante de l’énumération des chefs de dispositif dont elle demande l’infirmation ne saurait entraîner l’absence de saisine de la cour de ces demandes, ne l’autorisant pas à infirmer le jugement (2e Civ., 3 mars 2022, pourvoi n°20-20.017, publié au Bulletin),

En l’espèce, par déclaration du 26 juin 2021, M. [W] a interjeté appel du jugement entrepris en ce que celui-ci a annulé la création par lui-même, au Grand-Duché du Luxembourg, de deux sociétés, la SA JCM Real estate et la Sarl Immobilière du Grand-Duché, et tous les actes de dispositions qui en résultent, et en ce qu’il l’a condamné aux dépens et au paiement de la somme de 2 000 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

Aux termes du dispositif de ses premières conclusions d’appelant notifiées par la voie électronique le 27 septembre 2021, soit dans le délai prévu à l’article 908 du code de procédure civile, M. [W] demande à la cour de :

‘- Réformer le jugement du 4 mars 2021 rendu par le tribunal judiciaire de Béthune ;

– Débouter Mme [I] de l’ensemble de ses prétentions ;

– Condamner Mme [I] à payer à M. [W] la somme de 1 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

-Condamner Mme [I] aux entiers dépens.’

Ce dispositif, qui demande à la cour la réformation du jugement entrepris sans qu’il y ait lieu à détailler les chefs du jugement contesté, suivi des prétentions de l’appelant aux fins de débouté de l’intimée de ses demandes et de condamnation de celle-ci au titre des dépens et frais irrépétibles, est conforme aux exigences de l’article 954 susvisé.

Il convient de débouter Mme [I] de sa demande tendant à obtenir la confirmation de droit de la décision entreprise pour absence de mention, au dispositif des conclusions d’appelant, de l’énumération des chefs de jugement contestés.

* Par ailleurs, aux termes de l’article 562 du code de procédure civile,l ‘appel défère à la cour la connaissance des chefs de jugement qu’il critique expressément et de ceux qui en dépendent. La dévolution ne s’opère pour le tout que lorsque l’appel tend à l’annulation du jugement ou si l’objet du litige est indivisible.

En l’espèce, la cour relève que si M. [W] conteste, dans le corps de ses conclusions sans du reste reprendre cette prétention dans son dispositif, la compétence de la juridiction française et l’application du droit français au litige, il n’a pas interjeté appel du jugement entrepris en ce que celui-ci a ‘dit que le droit français est applicable au présent litige avec compétence d’attribution et territoriale du juge français, en l’occurrence le tribunal judiciaire de Béthune.’

La cour n’est donc pas saisie de cette question et le jugement entrepris est définitif sur ce point.

Il ne sera donc pas statué sur la juridiction compétente et le droit applicable.

Sur le fond

En vertu de l’article 1832-2 du code civil, un époux ne peut, sous la sanction prévue à l’article 1427, employer des biens communs pour faire un apport à une société ou acquérir des parts sociales non négociables sans que son conjoint en ait été averti et sans qu’il en soit justifié dans l’acte. La qualité d’associé est reconnue à celui des époux qui fait l’apport ou réalise l’acquisition. (…)

Les dispositions du présent article ne sont applicables que dans les sociétés dont les parts ne sont pas négociables et seulement jusqu’à la dissolution de la communauté.

L’article 1427 dudit code dispose que si l’un des époux a outrepassé ses pouvoirs sur les biens communs, l’autre, à moins qu’il n’ait ratifié l’acte, peut en demander l’annulation. L’action en nullité est ouverte au conjoint pendant deux années à partir du jour où il a eu connaissance de l’acte, sans pouvoir jamais être intentée plus de deux ans après la dissolution de la communauté.

Aux termes de l’article 1182 dudit code, la confirmation est l’acte par lequel celui qui pourrait se prévaloir de la nullité y renonce. Cet acte mentionne l’objet de l’obligation et le vice affectant le contrat. La confirmation ne peut intervenir qu’après la conclusion du contrat. L’exécution volontaire du contrat, en connaissance de la cause de nullité, vaut confirmation. (…) La confirmation emporte renonciation aux moyens et exceptions qui pouvaient être opposés, sans préjudice néanmoins des droits des tiers.

En l’espèce, le contrat de mariage adoptant le régime de la communauté universelle entre les époux conclu le 31 mars 2006 dispose, en sa page 2, que la communauté comprendra tous les biens meubles et immeubles que les futurs époux possèderont au jour du mariage, ou qu’ils acquerront par la suite ensemble ou séparément, ou qui leur adviendront à quelque titre que ce soit, notamment par suite de donation, succession, legs ou autrement, y compris les biens que l’article 1404 du code civil déclare propres par leur nature, seuls étant exclus de la communauté et restant propres à chaque époux, sauf récompenses s’il y a lieu, les biens donnés ou légués sous la condition expresse qu’ils n’entreront pas dans la communauté, et ceux acquis à titre d’emploi ou de remploi de ces biens propres.

Il précise également que la communauté sera tenue de supporter toutes les dettes des époux présentes et futures, sauf à tenir compte des dispositions impératives de l’article 1415 du code civil, lequel dispose que ‘Chacun des époux ne peut engager que ses biens propres et ses revenus, par un cautionnement ou un emprunt, à moins que ceux-ci n’aient été contractés avec le consentement exprès de l’autre conjoint qui, dans ce cas, n’engage pas ses biens propres.’

Il est constant qu’alors que les époux [W] étaient toujours mariés sous le régime de la communauté universelle, mais séparés de fait, M. [B] [W] a créé au Luxembourg deux sociétés : la SA JCM Real estate le 19 juillet 2016 et la Sarl immobilière du Grand-Duché le 26 février 2018.

Il résulte du recueil électronique des sociétés et associations du Grand-Duché du Luxembourg que la première de ces entités a pour administrateur unique M. [B] [W], et que la seconde a pour associés, d’une part la Sarl Ideal Lux immo, dont le gérant est M. [J] [H], et d’autre part, la SA JCM Real estate, MM. [H] et [W] étant nommés cogérants de cette seconde entité pour une durée indéterminée.

Les statuts de ces sociétés ne mentionnent pas le statut personnel de M. [B] [W] (marié ou célibataire), et il n’est pas contesté que Mme [I] épouse [W] n’a pas été informée de la constitution de ces deux sociétés, alors que le capital social de la première de ces sociétés, nécessairement apporté par l’associé unique, M. [W], est d’un montant de 31 000 euros.

Or, M. [W] ne justifiant pas dans la procédure de l’origine de ces fonds, ils sont présumés provenir de la communauté.

S’agissant du capital social de la société Immobilière du Grand-Duché, d’un montant de 12 000 euros réparti en 100 parts de 120 euros, réparties par moitié entre les deux associées, la Sarl Ideal Lux Immo et la SA JCM Real Estate, il provient pour partie des fonds de la SA JCM Real Estate et non pas des fonds de la communauté. M. [W] n’avait donc pas à avertir Mme [I] de la création de cette société.

Mme [I] allègue qu’elle a eu connaissance de l’existence de ces deux sociétés lorsque lui a été adressé l’avis d’imposition luxembourgeois du 22 août 2018 portant sur les revenus 2016 et conteste l’authenticité des mails produits par M. [W], en date du 10 janvier 2017 à 22h04 et 22h10, aux termes desquels, dans le premier, elle le remercie pour une affaire apportée par Me Riffaud sur [Localité 12] et dans le second lui indique ‘il m’a expliqué que tu avais fait une société de marchand de biens sans mon accord – trop bien – sauf que je me suis renseignée’.

Or ce deuxième courriel parait en effet tronqué pour partie, la formulation semblant indiquer une suite qui n’y figure pas, pas plus que la signature de l’expéditeur, alors que le premier mail était signé des initiales MCB. Par ailleurs, il résulte des pièces versées par Mme [I] que M.'[W] a produit, dans le cadre de sa demande de suspension de l’exécution provisoire introduite devant le premier président de la cour d’appel de céans, une version remaniée de ces deux courriels en les présentant sous la forme d’un courriel unique.

Par ailleurs, les termes de ce courriel sont trop flous pour permettre de considérer que Mme'[I] avait connaissance de la création des deux sociétés litigieuses à la date où il a été envoyé, l’une d’entre elles n’existant d’ailleurs pas encore à cette date, et encore moins pour caractériser une ratification des actes de création de ces sociétés par Mme [I].

Il doit donc être considéré qu’elle a eu connaissance de la création de ces sociétés à compter de la réception de l’avis d’imposition du 22 août 2018 et que son action aux fins de nullité des sociétés litigieuses, introduite par acte d’huissier du 2 janvier 2020, est intervenue dans le délai de deux ans prévu à l’article 1427 précité, de sorte qu’elle n’est pas prescrite.

En revanche, il résulte de la convention de divorce par consentement mutuel signée entre les parties le 30 septembre 2020 et homologuée par le juge aux affaires familiales luxembourgeois ayant prononcé le divorce des époux par jugement du 27 octobre 2020 désormais définitif, que les parties se sont accordées sur la liquidation et le partage de leur communauté, dans les termes suivants :

‘ Actif :

Les meubles meublants l’ancien domicile conjugal ont été partagés aux droits des parties.

M. [W] a constitué depuis la séparation des époux deux sociétés (JCM Real Estate SA – Immobilière du Grand-Duché de Luxembourg Sarl) dont il est associé unique.

Les parts de ces deux sociétés – actuellement déficitaires – sont attribuées à M. [W].

Passif :

(…) Impôts luxembourgeois : Concernant les impôts luxembourgeois au titre de la copropriété [W]-[I], se rapportant à l’immeuble [Adresse 6], M.'[B] [W] se fera fort de régler la situation fiscale liée à ce bien, afin que Mme [U] [I] ne soit plus inquiétée.’

Or par la signature de cet acte, lequel a été homologué par le juge luxembourgeois aux termes d’un jugement devenu définitif, Mme [I] a ratifié l’existence des deux sociétés créées par M. [W], acceptant l’attribution des parts à celui-ci, certes conformément à la loi, mais sans indiquer qu’elle souhaitait en revendiquer la nullité alors qu’elle en connaissait la cause pour avoir déjà introduit son action en justice, et sans pour autant solliciter la réintégration de la contre-valeur monétaire des parts de ces sociétés dans l’actif de la communauté à partager.

Elle n’est donc plus fondée à se prévaloir de la nullité de la création de ces sociétés et des actes subséquents.

Elle sera donc déboutée de l’ensemble de ses demandes, la décision entreprise étant infirmée.

Sur les demandes accessoires

Mme [I], partie succombante, sera condamnée aux entiers dépens de première instance et d’appel.

Elle sera par ailleurs condamnée à payer à M. [W] la somme de 1 500 euros au titre de ses frais irrépétibles.

PAR CES MOTIFS

La cour

Statuant dans les limites de l’appel,

Infirme la décision entreprise,

Statuant à nouveau,

Déboute Mme [U] [I] de ses demandes aux fins de nullité de la création par M. [B] [W] au Grand-Duché du Luxembourg des deux sociétés S.A. JCM Real estate le 19 juillet 2016 et Sarl Immobilière du Grand-Duché le 26 février 2018, ainsi que de tous les actes de disposition en découlant ;

Condamne Mme [U] [I] aux entiers dépens et à payer à M. [B] [W] la somme de 1 500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

Le greffier

Delphine Verhaeghe

Le président

Bruno Poupet

 


0 0 votes
Évaluation de l'article
S’abonner
Notification pour
guest
0 Commentaires
Le plus ancien
Le plus récent Le plus populaire
Commentaires en ligne
Afficher tous les commentaires
Chat Icon
0
Nous aimerions avoir votre avis, veuillez laisser un commentaire.x