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Copies exécutoires République française
délivrées aux parties le : Au nom du peuple français
COUR D’APPEL DE PARIS
Pôle 1 – Chambre 5
ORDONNANCE DU 15 MARS 2023
(n° /2023)
Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 23/00144 – N° Portalis 35L7-V-B7H-CG3RG
Décision déférée à la Cour : Jugement du 21 Novembre 2022 Tribunal de Commerce de PARIS – RG n° 2022012640
Nature de la décision : Contradictoire
NOUS, Rachel LE COTTY, Conseillère, agissant par délégation du Premier Président de cette Cour, assistée de Cécilie MARTEL, Greffière.
Vu l’assignation en référé délivrée le à la requête de :
DEMANDEUR
S.A.S. GROUPE TOREL
[Adresse 1]
[Localité 3]
Représentée par la SELARL INGOLD & THOMAS – AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, toque : B1055
Et assistée de Me Anais KARAPETIAN collaboratrice de Me José Michel GARCIA, avocat plaidant au barreau de PARIS, toque : G0056
à
DEFENDEUR
S.A.S. RESIDSERVICE
[Adresse 2]
[Localité 3]
Représentée par Me Olivier BERNABE, avocat au barreau de PARIS, toque : B0753
Et assistée de Me Thomas CASSAGNE, avocat plaidant au barreau de PARIS
Et après avoir appelé les parties lors des débats de l’audience publique du 15 Février 2023 :
Le 9 juillet 2021, les sociétés Groupe Torel et Residservice ont signé un protocole de cession de la totalité des actions de la société Pax Hôtel par la société Groupe Torel à la société Residservice. Ce protocole prévoyait une garantie d’actif et de passif et diverses conditions suspensives, avec une date limite de réalisation au 31 décembre 2021. Le prix de cession était fixé à 3.000.000 euros corrigé du montant des cessions et des créances existantes à la date de réalisation. Les modalités de paiement prévoyaient le règlement d’une somme provisionnelle de 2.700.000 euros complétée postérieurement d’un ajustement résultant des corrections prévues à partir d’un bilan établi à la date de cession effective.
La société Groupe Torel ne s’est pas présentée à la date fixée pour la réitération de l’acte de cession.
Par acte du 4 mars 2022, la société Residservice l’a assignée devant le tribunal de commerce de Paris aux fins d’exécution forcée du protocole de cession.
Par jugement du 21 novembre 2022, le tribunal de commerce a, notamment, débouté la société Groupe Torel de ses demandes de nullité et de caducité du protocole du 9 juillet 2021, ordonné à la société Groupe Torel de signer l’ordre de mouvement des titres représentatifs de 100 % de Pax Hôtel au bénéfice de la société Residservice, sous astreinte de 1.500 euros par jour de retard passé un délai de dix jours et pendant une durée d’un mois, à l’issue duquel le jugement vaudra ordre de mouvement des titres, ordonné à la société Residservice de verser le prix provisionnel de 2.700.000 euros entre les mains de la Caisse des dépôts et consignations dans un délai de dix jours, désigné un expert chargé de donner son avis sur le prix définitif de cession et sur le préjudice éventuellement subi par la société Residservice du fait d’une réalisation tardive de la cession des titres de Pax Hôtel et condamné la société Groupe Torel à payer à la société Residservice la somme de 10.000 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.
Par déclaration du 2 décembre 2022, la société Groupe Torel a interjeté appel de cette décision et, par acte du 20 décembre 2022, elle a assigné la société Residservice en référé devant le premier président de cette cour aux fins d’arrêt de l’exécution provisoire du jugement.
Aux termes de ses conclusions, déposées et développées oralement à l’audience du 15 février 2023, elle demande à la juridiction du premier président de :
– arrêter l’exécution provisoire du jugement ;
– condamner la société Residservice aux entiers dépens et au paiement de la somme de 7.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
Elle fait valoir, pour l’essentiel, qu’il existe des moyens sérieux d’annulation ou de réformation de la décision de première instance car, contrairement à ce qu’a retenu le tribunal de commerce, le protocole de cession a été signé par une personne n’ayant pas le pouvoir d’engager la société Residservice, cessionnaire, et par une personne n’ayant pas le pouvoir de l’engager en qualité de cédante.
Elle soutient également, d’une part, que l’une des conditions suspensives du protocole tenant à l’absence de tout contrat de travail à la date de réalisation est contraire aux dispositions d’ordre public de l’article L. 1224-2 du code du travail visant à protéger les salariés en cas de cession des actions de la société, d’autre part, que le prix de cession était indéterminé et indéterminable, le cabinet d’expertise comptable du cédant chargé d’établir une situation intermédiaire n’étant pas partie à l’acte, de sorte que le protocole est nul.
S’agissant des conséquences manifestement excessives de l’exécution, elle argue du caractère irréversible de l’exécution du protocole et de la cession des titres, le jugement valant ordre de mouvement des titres. Elle dit craindre la cession des titres par la société Residservice à une société tierce, l’empêchant de les récupérer en cas d’infirmation de la décision par la cour d’appel, et fait valoir qu’en cas d’exécution provisoire, la société Residservice sera en charge de l’activité de la société Pax Hôtel, avec toutes les décisions que cette activité implique.
Elle estime ne disposer d’aucune visibilité sur le patrimoine de la société Residservice et, en conséquence, sur la possibilité de récupérer les titres et les fruits qu’ils génèrent en cas d’infirmation, et affirme que l’exécution provisoire la priverait du double degré de juridiction en raison de la possible disparition des titres de la société qu’elle détient.
Aux termes de ses conclusions déposées et soutenues oralement à l’audience, la société Residservice demande à la présente juridiction de :
à titre principal,
– juger que les conditions d’application de l’article 514-3 du code de procédure civile ne sont pas réunies ;
– en conséquence, rejeter la demande d’arrêt de l’exécution provisoire ;
– subsidiairement, prononcer une mesure d’aménagement de l’exécution provisoire dans les termes suivants :
‘ ordonner la mise sous séquestre, jusqu’à règlement définitif au fond du litige, des actions de la société Pax Hôtel détenues par elle en application du jugement du 21 novembre 2022 ;
‘ désigner un expert financier avec mission de conserver à titre de séquestre les actions de la société Pax Hôtel, d’en percevoir les fruits et de les verser sur un compte spécial ouvert à cet effet auprès de la Caisse des dépôts et consignations ;
‘ dire que le droit de vote attaché aux actions sera exercé par elle pendant toute la durée du séquestre et ce, en présence et sous la surveillance de l’expert désigné, qui disposera du pouvoir de faire consigner au procès-verbal des assemblées toutes les difficultés qui pourraient survenir pour qu’il en soit, en tant que de besoin, tiré toutes conséquences ;
‘ dire que les frais de séquestre seront avancés par la société Residservice ;
‘ dire que la mention du séquestre et celle de sa mission seront portées sur le registre des mouvements de titre de Pax Hôtel et sur son compte d’actionnaire ;
à titre subsidiaire, si par extraordinaire il était fait droit à la demande de suspension de l’exécution provisoire,
– ordonner à la Caisse des dépôts et consignations de lui restituer la somme de 2.700.000 euros ;
– ordonner le séquestre des actions de la société Pax Hôtel dans les conditions suivantes :
‘ ordonner la mise sous séquestre, jusqu’à règlement définitif au fond du litige, des actions de la société Pax Hôtel détenues par la société Groupe Torel ;
‘ désigner un expert financier avec mission de conserver à titre de séquestre les actions de la société Pax Hôtel, d’en percevoir les fruits et de les verser sur un compte spécial ouvert à cet effet auprès de la Caisse des dépôts et consignations ;
‘ dire que le droit de vote attaché aux actions sera exercé par la société Groupe Torel pendant toute la durée du séquestre et ce, en présence et sous la surveillance de l’expert désigné, qui disposera du pouvoir de faire consigner au procès-verbal des assemblées toutes les difficultés qui pourraient survenir pour qu’il en soit, en tant que de besoin, tiré toutes conséquences ;
‘ dire que les frais de séquestre seront avancés par la société Groupe Torel, à défaut par elle ;
‘ dire que la mention du séquestre et celle de sa mission seront portées sur le registre des mouvements de titre de Pax Hôtel et sur le compte d’actionnaire de la société Groupe Torel ;
– ordonner la fixation de l’affaire à jour fixe en cause d’appel dans les conditions de l’article 917, alinéa 2, du code de procédure civile ;
en tout état de cause,
– condamner la société Groupe Torel aux dépens et au paiement de la somme de 15.000 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.
Elle soutient qu’il n’existe aucun moyen sérieux de réformation de la décision de première instance et que les moyens juridiques soulevés par la société Groupe Torel ont été construits pour les besoins de la cause, afin de revenir sur son engagement de vente.
Elle expose que le protocole de cession a bien été signé par son représentant légal, M. [I], et que l’argutie soulevée par la société Groupe Torel consiste à relever une erreur purement matérielle dans la clause de présentation de l’acquéreur, laquelle est sans incidence sur la validité dudit protocole. Elle ajoute que, s’agissant du représentant de la société Groupe Torel, ses arguments se heurtent au principe énoncé à l’article L. 227-6 du code de commerce aux termes duquel le président de la société par actions représente la société vis-à-vis des tiers.
Elle fait également valoir que l’article L. 1224-1 du code du travail n’a pas vocation à s’appliquer en l’espèce dès lors que la société Pax Hôtel reste l’employeur des salariés, l’opération ne portant que sur son capital. Elle ajoute qu’à supposer que les articles L. 1224-1 et L. 1224-2 du code du travail soient applicables, la sanction de la violation de ces dispositions ne serait pas la nullité de l’acte de cession mais une irrégularité des licenciements qui interviendraient et la possibilité, pour les salariés, de les contester.
Elle soutient encore que le prix de cession n’est pas indéterminé et que l’intervention du cabinet d’expertise comptable du cédant à l’acte n’était pas nécessaire.
S’agissant des conséquences manifestement excessives alléguées, elle affirme qu’elle n’exerce pas une activité de marchand de biens et fait l’acquisition d’hôtels dans le seul but de les exploiter en hébergement social, de sorte qu’exploitant neuf fonds de commerce, elle n’en a jamais revendu un seul. L’hypothèse d’une revente des titres de la société Pax Hôtel au cours de la procédure d’appel n’aurait donc selon elle aucun sens.
Elle ajoute qu’elle a procédé au versement de la somme de 2.700.000 euros entre les mains de la Caisse des dépôts et consignations et que ce montant, vraisemblablement supérieur au prix qui sera in fine versé à la société Groupe Torel, après détermination du prix définitif par l’expert, constitue une garantie pour l’appelante de ne subir aucun préjudice au titre de l’exécution provisoire.
A l’audience, les conseils des parties ont été entendus en leurs observations au soutien de leurs écritures.
Le délégataire du premier président ayant sollicité les explications des parties sur l’existence d’observations sur l’exécution provisoire en première instance et, par suite, la recevabilité de la demande d’arrêt de l’exécution provisoire en application de l’article 514-3 du code de procédure civile, la société Groupe Torel a demandé l’autorisation de produire ses conclusions de première instance en cours de délibéré. Elle a été autorisée à produire une note en délibéré sur ce point, la société Residservice étant autorisée à répliquer le cas échéant.
Par note en délibéré du 15 février 2023, la société Groupe Torel a produit ses conclusions de première instance devant le tribunal de commerce de Paris et indiqué que celles-ci comportaient bien des observations sur l’exécution provisoire. La société Residservice n’a pas produit de note en délibéré en réplique.
SUR CE,
Sur la demande d’arrêt de l’exécution provisoire
Il résulte de l’article 514-3 du code de procédure civile qu’en cas d’appel, le premier président peut être saisi afin d’arrêter l’exécution provisoire de la décision lorsqu’il existe un moyen sérieux d’annulation ou de réformation et que l’exécution risque d’entraîner des conséquences manifestement excessives. La demande de la partie qui a comparu en première instance sans faire valoir d’observations sur l’exécution provisoire n’est recevable que si, outre l’existence d’un moyen sérieux d’annulation ou de réformation, l’exécution provisoire risque d’entraîner des conséquences manifestement excessives qui se sont révélées postérieurement à la décision de première instance.
Il résulte des conclusions de la société Groupe Torel devant le tribunal de commerce de Paris, produites en cours de délibéré, qu’elle a fait valoir des observations sur l’exécution provisoire en demandant aux premiers juges de l’écarter « compte tenu des conséquences irréversibles et nuisibles pour l’exploitant de l’hôtel qu’emporterait le transfert des actions avec exécution provisoire ».
Elle est en conséquence recevable en sa demande.
Sur le fond, il est rappelé que les deux conditions posées par le texte précité sont cumulatives et que le risque de conséquences manifestement excessives suppose un préjudice irréparable et une situation irréversible en cas d’infirmation.
La société Groupe Torel invoque un risque de disparition des titres de la société Pax Hôtel au cours de la procédure d’appel ainsi qu’un risque de décisions irréversibles qui pourraient être prises par la société Residservice, outre le risque de non recouvrement des sommes dues en cas d’infirmation.
Mais la crainte d’une cession des titres à une société tierce n’est pas fondée dès lors que la société Residservice n’a aucune vocation à vendre les actions de la société Pax Hôtel à un tiers, n’étant pas un marchand de biens, ainsi qu’elle l’expose, mais une société à vocation sociale, qui acquiert des hôtels en vue de leur exploitation pour l’hébergement social. Elle détient neuf hôtels à vocation sociale à [Localité 3] et en proche banlieue, exploités sous l’enseigne « Residsocial ».
Le risque de revente immédiate des titres, au cours de l’instance d’appel, n’est donc pas avéré.
En outre, la société Residservice a procédé à la consignation de la somme de 2.700.000 euros auprès de la Caisse des dépôts et consignations, en exécution du jugement du tribunal de commerce frappé d’appel, somme qui représente une garantie suffisante pour la société Groupe Torel s’agissant du règlement du prix de cession.
La société Residservice fait également valoir, sans être contredite sur ce point, qu’outre les neuf hôtels qu’elle détient et qui constituent une garantie importante, elle est soutenue dans son développement par des investisseurs institutionnels de premier plan, tels qu’Amundi ou la Macif.
Elle dispose en conséquence d’un patrimoine important et d’une solvabilité qui lui permettront, le cas échéant, de dédommager la société Groupe Torel d’un éventuel gain manqué pendant la période d’exploitation de l’hôtel, en cas d’infirmation de la décision.
De même, elle présente des garanties de solvabilité suffisantes pour indemniser, le cas échéant, la société Groupe Torel des éventuelles conséquences préjudiciables des décisions de gestion qui pourraient être prises pendant le cours de la procédure d’appel.
Enfin, l’exécution provisoire n’est pas de nature à priver la société Groupe Torel d’un double degré de juridiction puisque celle-ci a interjeté appel et pourra faire valoir ses moyens d’infirmation et de réformation devant la cour.
En conséquence, il n’est pas rapporté la preuve de conséquences manifestement excessives de l’exécution de la décision, de sorte que la demande d’arrêt de l’exécution provisoire sera rejetée, sans qu’il soit nécessaire d’examiner les moyens sérieux de réformation invoqués.
Sur les frais et dépens
La société Groupe Torel sera tenue aux dépens de la présente instance et, par suite, condamnée à indemniser la société Residservice, sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile, des frais qu’elle a de nouveau été contrainte d’exposer, à hauteur de la somme de 2.000 euros.
PAR CES MOTIFS
Rejetons la demande d’arrêt de l’exécution provisoire formée par la société Groupe Torel ;
Condamnons la société Groupe Torel aux dépens de la présente instance ;
La condamnons à payer à la société Residservice la somme de 2.000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile.
ORDONNANCE rendue par Mme Rachel LE COTTY, Conseillère, assistée de Mme Cécilie MARTEL, greffière présente lors de la mise à disposition de l’ordonnance au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
La Greffière, La Conseillère