Marchand de Biens : décision du 29 mars 2023 Cour d’appel de Paris RG n° 21/16613

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Marchand de Biens : décision du 29 mars 2023 Cour d’appel de Paris RG n° 21/16613
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Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 5 – Chambre 6

ARRET DU 29 MARS 2023

(n° ,10 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 21/16613 – N° Portalis 35L7-V-B7F-CELLV

Décision déférée à la Cour : Jugement du 05 Janvier 2021 -TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de PARIS – RG n° 18/05990

APPELANT

Monsieur [U] [B]

Né le [Date naissance 1] 1972 à [Localité 7] (Syrie) de nationalité française

[Adresse 5]

[Localité 6]

Représenté par Me Marie-pierre MATHIEU, avocat au barreau de PARIS, toque : B0295

(bénéficie d’une aide juridictionnelle Totale numéro 2021/037755 du 19/08/2021 accordée par le bureau d’aide juridictionnelle de PARIS)

INTIMEE

CAISSE REGIONALE DE CREDIT AGRICOLE MUTUEL D’ILLE ET VILAINE

immatriculée au Registre des Intermédiaires en Assurance sous le n° 07 023 057

immatriculée au RCS de RENNES sous le n° 775 590 847,agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux, domiciliés en cette qualité audit siège

[Adresse 4]

[Localité 2]

Représentée par Me Hervé REGOLI, avocat au barreau de PARIS, toque : A0564

Ayant pour avocat plaidant : Maître Alexandre TESSIER, SELARL BAZILLE TESSIER PRENEUX ,avocat au Barreau de RENNES

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 16 Février 2023, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant M. Vincent BRAUD,Président, chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, entendu en son rapport, composée de :

M. Marc BAILLY, Président de chambre,

M. Vincent BRAUD, Président,

MME Pascale SAPPEY-GUESDON, Conseillère,

Greffier, lors des débats : Madame Anaïs DECEBAL

ARRET :

– CONTRADICTOIRE

– par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

– signé par Vincent BRAUD,Président et par Anaïs DECEBAL,Greffier, présent lors de la mise à disposition.

*

* *

[U] [B] était titulaire d’un compte de dépôt no [XXXXXXXXXX03] dans les livres de la Caisse régionale de crédit agricole mutuel d’Ille-et-Vilaine.

Suivant offre préalable acceptée le 14 avril 2007, la Caisse régionale de crédit agricole mutuel d’Ille-et-Vi1aine a consenti à [U] [B] un prêt immobilier d’un montant de

90 000 euros, au taux initial de 4,34 % l’an, et remboursable en 239 échéances de 561,64 euros, outre une dernière de 562,10 euros.

La déchéance du terme a été prononcée le 23 février 2018.

Suivant exploit en date du 2 mai 2018, la Caisse régionale de crédit agricole mutuel d’Ille-et-Vilaine a assigné [U] [B] devant le tribunal de grande instance de Paris aux fins de l’entendre condamné, avec exécution provisoire, à lui payer les sommes lui restant dues au titre de ce prêt.

Par jugement contradictoire en date du 5 janvier 2021, le tribunal judiciaire de Paris a :

‘ Condamné [U] [B] à payer à la Caisse régionale de crédit agricole mutuel d’Ille-et-Vilaine les sommes suivantes :

– 56 446,45 euros en principal, outre les intérêts au taux contractuel de 4,34 % à compter du 23 février 2018 conformément aux décomptes,

– 3 951,25 euros au titre de l’indemnité de résiliation, outre les intérêts au taux légal à compter du 4 décembre 2017, date de la première présentation à son destinataire de la mise en demeure du 30 novembre 2017 ;

‘ Dit que les intérêts échus pour une année entière se capitaliseront dans les conditions prévues à l’article 1154 ancien du code civil ;

‘ Condamné [U] [B] à supporter les dépens ;

‘ Condamné [U] [B] à payer à la Caisse régionale de crédit agricole mutuel d’Ille-et-Vilaine la somme de 800 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;

‘ Ordonné l’exécution provisoire ;

‘ Rejeté les demandes pour le surplus.

Par déclaration du 17 septembre 2021, [U] [B] a interjeté appel du jugement.

Par ordonnance en date du 22 mars 2022, le magistrat chargé de la mise en état a :

Déclaré recevables les conclusions d’incident notifiées les 14 et 15 décembre 2021 par la Caisse régionale de crédit agricole mutuel d’Ille-et-Vilaine ;

‘ Rejeté la demande de la Caisse régionale de crédit agricole mutuel d’Ille-et-Vilaine tendant à voir déclarer irrecevable la déclaration d’appel du 17 septembre 2021 ;

‘ Condamné la Caisse régionale de crédit agricole mutuel d’Ille-et-Vilaine aux dépens de l’incident ;

‘ Dit n’y avoir lieu à application de l’article 700 du code de procédure civile.

Aux termes de ses dernières conclusions déposées le 15 décembre 2021, [U] [B] demande à la cour de :

INFIRMER le jugement du Tribunal judiciaire de PARIS du 5 janvier 2021 en ce qu’il a condamné Monsieur [B] au paiement de la somme de 56.446,45 € en principal augmentée des intérêts au taux de 4,34 % à compter du 23 février 2018, 3.951,25 € au titre de l’indemnité de résiliation augmentée des intérêts au taux légal à compter du 4 décembre 2017, en ce qu’il a ordonné la capitalisation des intérêts, et en ce qu’il a condamné Monsieur [B] au paiement de la somme de 800 € sur le fondement de l’article 700 du Code de Procédure civile ainsi qu’aux dépens.

CONFIRMER le jugement en ce qu’il a débouté la CAISSE REGIONALE DE CREDIT AGRICOLE MUTUEL D’ILE ET VILAINE de sa demande de paiement des sommes au titre d’intérêts de 102,43 € et 159,37 €

Y ajoutant,

A titre principal :

REJETER la demande en paiement de la CAISSE REGIONALE DE CREDIT AGRICOLE MUTUEL D’ILE ET VILAINE à défaut de production d’historique complet de fonctionnement du prêt retraçant les modalités d’imputation des paiements effectués par les emprunteurs depuis le début d’exécution du contrat,

A titre subsidiaire :

PRONONCER la déchéance des intérêts au visa des articles L 312-10 et R-313-1, L 312-10 et L 312-33 du Code de la Consommation

ORDONNER à la CAISSE REGIONALE DE CREDIT AGRICOLE MUTUEL D’ILE ET VILAINE de présenter un nouveau décompte après déchéance des intérêts, et de produire les relevés de compte du mai et juin 2017

DIRE n’y avoir lieu à application de la règle de l’anatocisme

Vu l’absence de déchéance du terme régulière :

JUGER que la CAISSE REGIONALE DE CREDIT AGRICOLE MUTUEL D’ILE ET VILAINE ne peut solliciter que le paiement des échéances dues et non prescrites jusqu’au mois de décembre 2021 inclus.

DIRE que le contrat doit continuer de produire ses effets jusqu’en avril 2027 et qu’il n’a pas été résilié

JUGER que les intérêts n’ont pu commencer à courir,

JUGER n’y avoir davantage lieu au paiement de l’indemnité de résiliation de 7 %

A titre subsidiaire sur l’indemnité de résiliation :

JUGER le montant réclamé au titre de l’indemnité de résiliation excessif au regard des sommes payées par Monsieur [B] et de la prise en charge des échéances par l’assurance et

FIXER l’indemnité de résiliation à un euro

DEDUIRE du montant réclamé par la CAISSE REGIONALE DE CREDIT AGRICOLE MUTUEL D’ILE ET VILAINE la somme de 16.137 € payée par l’assurance du prêt

ORDONNER à la CAISSE REGIONALE DE CREDIT AGRICOLE MUTUEL D’ILE ET VILAINE de produire un nouveau décompte en tenant compte de ces paiements

A titre infiniment subsidiaire :

ACCORDER à Monsieur [B] 24 mois de délais pour toutes sommes qu’il resterait devoir au titre du prêt

En tout état de cause :

CONDAMNER la CAISSE REGIONALE DE CREDIT AGRICOLE MUTUEL D’ILE ET VILAINE au paiement de la somme de 2.500 € sur le fondement de l’article 700-2° du Code de procédure civile ainsi qu’aux dépens.

Aux termes de ses dernières conclusions déposées le 2 juin 2022, la société coopérative à capital variable Caisse régionale de crédit agricole mutuel d’Ille-et-Vilaine demande à la cour de :

‘ Déclarer irrecevables, et à tout le moins prescrites les demandes de Mr [B]

‘ Débouter Mr [B] de l’intégralité de ses demandes, fins et conclusions,

‘ Confirmer le jugement déféré, sauf en ce en ce qu’il a débouté la CRCAM D’ILLE ET VILAINE de sa demande de remboursement du compte chèque n° [XXXXXXXXXX03]

En conséquence,

Condamner Mr [B] à payer à la CRCAM D’ILLE ET VILAINE les sommes suivantes,

Suivant décompte actualisé au 15 mars 2022,

. 48 682,82 € en principal, outre les intérêts au taux contractuel de 4,34% à compter du 23 février 2018 conformément aux décomptes,

. 4 061,87 € au titre de l’indemnité de résiliation, outre les intérêts au taux légal à compter du 4 décembre 2017, date de la première présentation à son destinataire de la mise en demeure du 30 novembre 2017,

– dit que les intérêts échus pour une année entière se capitaliseront dans les conditions

prévues à l’article 1154 ancien du code civil,

– Condamné Mr [B] à supporter les dépens,

– Condamné Mr [B] à payer à la CRCAM D’ILLE ET VIALINE la somme de 800 € sur le fondement de l’article 700 du CPC,

Y additant,

‘ Condamner Monsieur [B] à verser la somme de 2 180,49 € en remboursement du solde débiteur du compte chèque n° [XXXXXXXXXX03] arrêté au 7 mars 2022, assorti des intérêts au taux légal à compter du 30 novembre 2017, et ce jusqu’à parfait paiement.

‘ Condamner Mr [B] à payer à la CRCAM D’ILLE ET VILAINE la somme de 2500€ au titre des frais irrépétibles d’appel, sur le fondement l’article 700 du Code de Procédure Civile,

‘ Condamner Mr [B] aux entiers dépens tant de première instance que d’appel.

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure, des moyens et des prétentions des parties, il est expressément renvoyé au jugement déféré et aux dernières conclusions écrites déposées en application de l’article 455 du code de procédure civile.

L’ordonnance de clôture a été rendue le 15 novembre 2022 et l’audience fixée au 16 février 2023.

CELA EXPOSÉ,

Sur la recevabilité des prétentions de l’appelant :

Sur la recevabilité des prétentions nouvelles en cause d’appel :

Aux termes de l’article 564 du code de procédure civile, à peine d’irrecevabilité relevée d’office, les parties ne peuvent soumettre à la cour de nouvelles prétentions si ce n’est pour opposer compensation, faire écarter les prétentions adverses ou faire juger les questions nées de l’intervention d’un tiers, ou de la survenance ou de la révélation d’un fait.

La Caisse régionale de crédit agricole mutuel d’Ille-et-Vilaine conteste sur ce fondement la recevabilité de la demande de déchéance du droit aux intérêts contractuels présentée par l’appelant aux motifs suivants :

‘ non-respect des dispositions de l’article L. 312-10 du code de la consommation ;

‘ absence d’indication du taux de période et de sa durée ;

‘ absence d’anatocisme ;

‘ absence de déchéance du terme.

Aux termes de l’article 563 du code de procédure civile, pour justifier en appel les prétentions qu’elles avaient soumises au premier juge, les parties peuvent invoquer des moyens nouveaux, produire de nouvelles pièces ou proposer de nouvelles preuves.

Aux termes de l’article 567 du même code, les demandes reconventionnelles sont également recevables en appel.

Aux termes de l’article 64 du code de procédure civile, constitue une demande reconventionnelle celle par laquelle le défendeur originaire prétend obtenir un avantage autre que le simple rejet de la prétention de son adversaire. Selon l’article 71 du même code, constitue une défense au fond tout moyen qui tend à faire rejeter comme non justifiée, après examen au fond du droit, la prétention de l’adversaire.

En ce qu’il tend à faire rejeter comme non justifiée la demande en paiement du prêteur ayant consenti un crédit, le moyen tiré de la déchéance du droit aux intérêts opposé par l’emprunteur constitue une défense au fond.

Toutefois, si l’invocation de la déchéance du droit aux intérêts tend à la restitution d’intérêts trop perçus, elle s’analyse en une demande reconventionnelle, en ce qu’elle procure à l’emprunteur un avantage autre que le simple rejet de la prétention de son adversaire (avis de la Cour de cassation, 18 sept. 2019, no 19-70.013).

En l’espèce, l’invocation par [U] [B] de la déchéance du droit aux intérêts, ainsi que des moyens sus-rappelés par la Caisse régionale de crédit agricole mutuel d’Ille-et-Vilaine, tend à faire rejeter comme non justifiée la demande en payement du prêteur ayant consenti un crédit. Ces moyens constituent une défense au fond. [U] [B] est ainsi recevable en ses demandes.

Sur la prescription :

La Caisse régionale de crédit agricole mutuel d’Ille-et-Vilaine soutient que les demandes de l’appelant relatives à la déchéance du droit aux intérêts sont prescrites.

Il a toutefois été jugé que les prétentions de [U] [B] , lesquelles tendent seulement au rejet des demandes formées contre lui, constituent un simple moyen de défense au fond, sur lequel la prescription est sans incidence (Com., 21 oct. 2014, no 13-21.341).

[U] [B] est ainsi recevable en ses prétentions.

Sur le montant des créances de la Caisse régionale de crédit agricole mutuel d’Ille-et-Vilaine :

a) À titre principal, [U] [B] conteste le montant de la créance au titre du prêt au motif que la Caisse régionale de crédit agricole mutuel d’Ille-et-Vilaine ne produisait pas d’historique de compte permettant de vérifier la date et le montant des prélèvements opérés en remboursement de l’emprunt.

Devant la cour, la Caisse régionale de crédit agricole mutuel d’Ille-et-Vilaine verse aux débats le tableau d’amortissement théorique annexé au contrat de prêt (sa pièce no 2), des décomptes au 1er février 2018, au 29 mars 2018 et au 12 juin 2019 (ses pièces nos 6, 7 et 9), un décompte actualisé au 15 mars 2022 (sa pièce no 11), ainsi que les relevés du compte no [XXXXXXXXXX03] (sa pièce no 13). Elle justifie de la sorte que [U] [B] reste lui devoir, suivant le décompte actualisé, les sommes de :

‘ 47 882,82 euros correspondant aux sommes restant dues en principal, hors frais irrépétibles alloués en première instance,

‘ 4 061,87 euros au titre de l’indemnité forfaitaire contractuelle.

La somme de 47 882,82 euros porte intérêts au taux contractuel de 4,34 % à compter du 15 mars 2022, date d’arrêté du décompte ; celle de 4 061,87 euros portera intérêts au taux légal à compter du 2 mai 2018, date de l’assignation valant mise en demeure de payer l’indemnité forfaitaire contractuelle.

b) La Caisse régionale de crédit agricole mutuel d’Ille-et-Vilaine conclut à l’infirmation du jugement en ce qu’il la déboute de sa demande de remboursement du solde du compte chèque no [XXXXXXXXXX03], la seule synthèse produite devant le tribunal ayant été jugée insuffisante à établir le bien-fondé de la demande de la banque.

Devant la cour, la Caisse régionale de crédit agricole mutuel d’Ille-et-Vilaine verse aux débats les relevés de compte (sa pièce no 13) faisant apparaître au 7 mars 2022 un découvert de 2 180,49 euros. [U] [B] sera condamné en conséquence à payer la somme de 2 180,49 euros, assortie des intérêts au taux légal à compter du 7 mars 2022.

Sur la déchéance du droit aux intérêts contractuels :

À titre subsidiaire, [U] [B] demande à la cour de prononcer la déchéance des intérêts au visa des articles L. 312-10 et R. 313-1, L. 312-10 et L. 312-33 du code de la consommation.

Selon l’article L. 312-10 ancien, alinéa 2, du code de la consommation, dans sa rédaction applicable à l’espèce, l’acceptation de l’offre d’un prêt immobilier, qui doit intervenir à l’expiration du délai de dix jours après sa réception, doit être donnée par lettre, le cachet de la poste faisant foi. En application de l’article L. 312-33 ancien, alinéas 2 et 4, du même code, la seule sanction civile de l’inobservation de cette règle de forme est la perte, en totalité ou en partie, du droit aux intérêts dans la proportion prévue par le juge.

[U] [B] reproche à la banque de ne pas produire l’enveloppe portant le cachet de la poste faisant foi.

La Caisse régionale de crédit agricole mutuel d’Ille-et-Vilaine fait valoir que le délai de dix jours a été respecté puisque [U] [B] a paraphé et signé l’offre de crédit, aux termes de laquelle il reconnaît l’avoir reçue par voie postale le 2 avril 2007 et l’avoir acceptée le 14 avril 2007 (pièce no 2 de l’intimée : contrat de prêt).

L’acceptation de l’emprunteur n’a toutefois pas été donnée dans la forme prescrite par l’article L. 312-10 du code de la consommation, de sorte que l’acte invoqué ne fait pas foi de la date de l’acceptation et que la déchéance du droit aux intérêts est encourue par le prêteur (1re Civ., 29 oct. 2002, no 99-17.333), sans qu’il soit besoin au surplus d’examiner le moyen pris de l’absence d’indication du taux de période et de la durée de période.

Aussi la Caisse régionale de crédit agricole mutuel d’Ille-et-Vilaine sera-t-elle déchue de son droit aux intérêts conventionnels dans la proportion de 1 000 euros qui viendront en déduction du principal restant dû, ramené par suite à 46 882,82 euros.

Sur l’anatocisme :

Aux termes de l’article 1154 ancien du code civil, dans sa rédaction applicable à l’espèce, les intérêts échus des capitaux peuvent produire des intérêts, ou par une demande judiciaire, ou par une convention spéciale, pourvu que, soit dans la demande, soit dans la convention, il s’agisse d’intérêts dus au moins pour une année entière.

L’appelant critique le jugement en ce qu’il ordonne la capitalisation des intérêts courus après la déchéance du terme.

L’intimée réplique que l’anatocisme des intérêts de retard est expressément prévu au contrat de prêt (page 4).

La règle édictée par l’article L. 312-23 ancien du code de la consommation, dans sa rédaction applicable à l’espèce, selon lequel aucune indemnité ni aucun coût autres que ceux qui sont mentionnés aux articles L. 312-21 et L. 312-22 du même code ne peuvent être mis à la charge de l’emprunteur dans les cas de remboursement par anticipation ou de défaillance prévus par ces articles, fait obstacle à l’application de la capitalisation des intérêts prévue par l’article 1154 du code civil (Civ. 1re, 17 juin 2015, no 14-11.807 ; 20 avr. 2022, no 20-23.617).

Aussi bien le contrat de prêt prévoit-il la capitalisation des seuls intérêts de retard échus au cours du prêt. En revanche, il reprend les termes de la loi au paragraphe Défaillance de l’emprunteur avec déchéance du terme (page 6) : « En cas de déchéance du terme, le prêteur pourra exiger le remboursement immédiat du capital restant dû majoré des intérêts échus mais non payés. Jusqu’à la date du règlement effectif, les sommes restant dues produiront un intérêt de retard à un taux égal à celui du prêt. En outre, une indemnité égale à 7 % des sommes dues (en capital et en intérêts échus) sera demandée par le prêteur à l’emprunteur. Aucune somme autre que celles mentionnées dans les deux cas ci-dessus ne pourra être réclamée par le prêteur à l’emprunteur, à l’exception cependant des frais taxables entraînés par cette défaillance. »

Le jugement attaqué sera donc infirmé de ce chef.

Sur la déchéance du terme :

[U] [B] conteste la régularité de la déchéance du terme prononcée le 23 février 2018 par la Caisse régionale de crédit agricole mutuel d’Ille-et-Vilaine, faute de courrier prononçant cette déchéance et en avisant l’emprunteur.

Si le contrat de prêt d’une somme d’argent peut prévoir que la défaillance de l’emprunteur non commerçant entraînera la déchéance du terme, celle-ci ne peut, sauf disposition expresse et non équivoque, être déclarée acquise au créancier sans la délivrance d’une mise en demeure restée sans effet, précisant le délai dont dispose le débiteur pour y faire obstacle (1re Civ., 3 juin 2015, no 14-15.655).

Il est constant en l’espèce que [U] [B] a été mis en demeure à deux reprises, le 30 novembre 2017 et le 1er février 2018, de régulariser sa situation dans un délai de quinze jours, à défaut de quoi la déchéance du terme serait appliquée (pièces nos 3 et 4 de l’intimée). Faute de règlement dans le délai de quinze jours imparti par la banque, la Caisse régionale de crédit agricole mutuel d’Ille-et-Vilaine a pu régulièrement prononcer la déchéance du terme le 23 février suivant, sans être tenue d’en notifier le prononcé (1re Civ., 10 nov. 2021, no 19-24.386).

Sur l’indemnité de résiliation :

L’article 1152 ancien du code civil, dans sa rédaction applicable à l’espèce, dispose :

« Lorsque la convention porte que celui qui manquera de l’exécuter payera une certaine somme à titre de dommages-intérêts, il ne peut être alloué à l’autre partie une somme plus forte, ni moindre.

« Néanmoins, le juge peut, même d’office, modérer ou augmenter la peine qui avait été convenue, si elle est manifestement excessive ou dérisoire. Toute stipulation contraire sera réputée non écrite. »

Compte tenu du préjudice réellement subi par le prêteur du fait de la carence de l’emprunteur, lequel a remboursé le prêt pendant dix ans, l’indemnité de résiliation sera réduite à la somme de 1 000 euros, en application du texte précité.

Sur la prise en charge par l’assurance :

[U] [B] expose qu’il a été victime d’un accident du travail le 12 mars 2018 ; que son assureur a pris en charge le prêt à concurrence de 16 137 euros (pièce no 12 de l’appelant: lettre de l’assureur du 19 novembre 2021 ; pièce no 13 : décompte des sommes versées) ; qu’il y a lieu de déduire ces payements des sommes réclamées par la Caisse régionale de crédit agricole mutuel d’Ille-et-Vilaine.

Il ressort du décompte actualisé au 15 mars 2022 (pièce no 11 de l’intimée) que le versement de CNP Assurances pour un montant de 16 137,79 euros a bien été déduit par imputation du 29 septembre 2021.

Sur la procédure de surendettement :

[U] [B] expose qu’il a déposé un dossier de surendettement déclaré recevable le 8 février 2021. Il sollicite en conséquence le bénéfice des dispositions de l’article L. 722-14 du code de la consommation suivant lesquelles les créances figurant dans l’état d’endettement du débiteur dressé par la commission ne peuvent produire d’intérêts ou générer de pénalités de retard à compter de la date de recevabilité et jusqu’à la mise en ‘uvre des mesures prévues aux 1o et 2o de l’article L. 724-1 et aux articles L. 732-1, L. 733-1, L. 733-4 et L. 733-7.

Outre que cette prétention n’est pas énoncée au dispositif de ses écritures, le décompte actualisé au 15 mars 2022 (pièce no 11 de l’intimée) mentionne bien un taux d’intérêts à 0 %, appliqué depuis la date de recevabilité du dossier de surendettement, soit le 8 février 2021.

Sur la demande de délais de payement :

[U] [B] sollicite 24 mois de délais pour les sommes qu’il reste devoir au titre du prêt. Il expose que :

‘ il est de bonne foi, ses défauts de payement faisant suite à la séparation de son épouse en 2017 et à un accident du travail en 2018 ;

‘ il a entrepris les démarches pour faire valoir ses droits tant auprès de son employeur que de son assureur ;

‘ il perçoit le revenu de solidarité active, soit 565,34 euros.

L’article 1343-5 du code civil dispose :

« Le juge peut, compte tenu de la situation du débiteur et en considération des besoins du créancier, reporter ou échelonner, dans la limite de deux années, le paiement des sommes dues.

« Par décision spéciale et motivée, il peut ordonner que les sommes correspondant aux échéances reportées porteront intérêt à un taux réduit au moins égal au taux légal, ou que les paiements s’imputeront d’abord sur le capital.

« Il peut subordonner ces mesures à l’accomplissement par le débiteur d’actes propres à faciliter ou à garantir le paiement de la dette.

« La décision du juge suspend les procédures d’exécution qui auraient été engagées par le créancier. Les majorations d’intérêts ou les pénalités prévues en cas de retard ne sont pas encourues pendant le délai fixé par le juge.

« Toute stipulation contraire est réputée non écrite.

« Les dispositions du présent article ne sont pas applicables aux dettes d’aliment. »

La Caisse régionale de crédit agricole mutuel d’Ille-et-Vilaine verse aux débats un jugement du tribunal d’instance du XIXe arrondissement de Paris en date du 24 janvier 2018, ayant statué sur la demande de [U] [B] déposée le 25 avril 2017 tendant au traitement de sa situation de surendettement (pièce no 8 de l’intimée). Comme l’a relevé le tribunal, le juge du surendettement a caractérisé la mauvaise foi du débiteur, lequel avait dissimulé ses biens et revenus. En effet, [U] [B] n’avait pas déclaré à la commission de surendettement être propriétaire d’un bien immobilier à [Localité 6], ni sa qualité de gérant de la société à responsabilité limitée Les Étoiles (activité de marchand de biens, restauration) et de la société à responsabilité limitée Les Étoiles Bobillot (activité de restauration).

Dans ces circonstances, au regard de l’absence de perspective d’apurement de la dette par l’emprunteur, et du délai de plus de cinq ans dont il a bénéficié de facto depuis la mise en demeure, il n’y a pas lieu de faire droit à sa demande.

Sur les dépens et les frais irrépétibles :

Aux termes de l’article 696, alinéa premier, du code de procédure civile, la partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n’en mette la totalité ou une fraction à la charge d’une autre partie. En considération de la réforme partielle du jugement entrepris, chaque partie supportera la charge des dépens par elle exposés devant la cour.

En application de l’article 700 du code de procédure civile, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou qui perd son procès à payer :

1o À l’autre partie la somme qu’il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;

2o Et, le cas échéant, à l’avocat du bénéficiaire de l’aide juridictionnelle partielle ou totale une somme au titre des honoraires et frais, non compris dans les dépens, que le bénéficiaire de l’aide aurait exposés s’il n’avait pas eu cette aide. Dans ce cas, il est procédé comme il est dit aux alinéas 3 et 4 de l’article 37 de la loi no 91-647 du 10 juillet 1991 .

Dans tous les cas, le juge tient compte de l’équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d’office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu’il n’y a pas lieu à ces condamnations.

Les parties peuvent produire les justificatifs des sommes qu’elles demandent.

La somme allouée au titre du secundo ne peut être inférieure à la part contributive de l’État majorée de 50 %.

En équité, et en considération de la situation économique de [U] [B], il n’y a pas lieu à condamnation sur ce fondement.

LA COUR, PAR CES MOTIFS,

DIT ET JUGE [U] [B] recevable en ses prétentions ;

INFIRME PARTIELLEMENT le jugement en ce qu’il :

‘ Condamne [U] [B] à payer à la Caisse régionale de crédit agricole mutuel d’Ille-et-Vilaine les sommes suivantes :

– 56 446,45 euros en principal, outre les intérêts au taux contractuel de 4,34 % à compter du 23 février 2018 conformément aux décomptes,

– 3 951,25 euros au titre de l’indemnité de résiliation, outre les intérêts au taux légal à compter du 4 décembre 2017, date de la première présentation à son destinataire de la mise en demeure du 30 novembre 2017 ;

‘ Dit que les intérêts échus pour une année entière se capitaliseront dans les conditions prévues à l’article 1154 ancien du code civil ;

‘ Rejette les demandes pour le surplus ;

Statuant à nouveau dans cette limite,

PRONONCE la déchéance partielle de la Caisse régionale de crédit agricole mutuel d’Ille-et-Vilaine de son droit aux intérêts contractuels dus au titre du prêt ;

CONDAMNE [U] [B] à payer à la Caisse régionale de crédit agricole mutuel d’Ille-et-Vilaine les sommes suivantes :

‘ 46 882,82 euros en principal, outre les intérêts au taux contractuel de 4,34 pour cent l’an à compter du 15 mars 2022,

‘ 1 000 euros au titre de l’indemnité de résiliation, outre les intérêts au taux légal à compter du 2 mai 2018,

‘ 2 180,49 euros au titre du solde débiteur du compte numéro [XXXXXXXXXX03], outre les intérêts au taux légal à compter du 7 mars 2022 ;

DÉBOUTE la Caisse régionale de crédit agricole mutuel d’Ille-et-Vilaine de sa demande de capitalisation des intérêts échus au titre du prêt et de l’indemnité de résiliation ;

DIT que les intérêts échus au titre du solde débiteur du compte numéro [XXXXXXXXXX03] pour une année entière se capitaliseront dans les conditions prévues à l’article 1154 ancien du code civil ;

DÉBOUTE [U] [B] de sa demande de délai de payement ;

CONFIRME toutes les autres dispositions non contraires ;

Y ajoutant,

DIT n’y avoir lieu à condamnation sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;

LAISSE à la charge de chaque partie les dépens par elle exposés en appel ;

REJETTE toute autre demande plus ample ou contraire.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT

 


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