Marchand de Biens : décision du 28 septembre 2022 Cour d’appel de Paris RG n° 20/16481

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Marchand de Biens : décision du 28 septembre 2022 Cour d’appel de Paris RG n° 20/16481
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REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 5 – Chambre 6

ARRET DU 28 SEPTEMBRE 2022

(n° ,17pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 20/16481 – N° Portalis 35L7-V-B7E-CCU3X

Décision déférée à la Cour : Jugement du 13 Novembre 2020 -TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de PARIS RG n° 18/13356

APPELANTS

Monsieur [S] [L]

[Adresse 2]

[Localité 9]

Madame [E] [P]

[Adresse 2]

[Localité 9]

Représentée par Me Taftan SANJABI, avocat au barreau de MELUN, toque : M94

INTIMEES

Société BRED BANQUE POPULAIRE

[Adresse 4]

[Localité 7]

N° SIRET : 552 09 1 7 95

Représentée par Me Fanny DESCLOZEAUX de la SELARL CARBONNIER LAMAZE RASLE, avocat au barreau de PARIS, toque : P0298

S.A. BNP PARIBAS

[Adresse 3]

[Localité 6]

N° SIRET : 662 04 2 4 49

Représentée par Me Brigitte GUIZARD, avocat au barreau de PARIS, toque : L0020

Société HSBC Continental Europe,

Anciennement dénommé HSBC FRANCE prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

[Adresse 5]

[Localité 8]

N° SIRET : 775 67 0 2 84

Représentée par Me Didier SALLIN, avocat au barreau de PARIS, toque : C0924

COMPOSITION DE LA COUR :

L’affaire a été débattue le 28 Juin 2022, en audience publique, devant la Cour composée de :

M. Marc BAILLY, Président de chambre

Madame Pascale SAPPEY-GUESDON, Conseillère

Mme Florence BUTIN, Conseillère

qui en ont délibéré, un rapport a été présenté à l’audience par Mme Florence BUTIN, Conseillère dans les conditions prévues par l’article 804 du code de procédure civile.

Greffier, lors des débats : Madame Anaïs DECEBAL

ARRET :

– CONTRADICTOIRE

– par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

– signé par Marc BAILLY, Président de chambre et par Anaïs DECEBAL, Greffière, présente lors de la mise à disposition.

*

* *

La SA VETRA exerçait les activités de réalisation de travaux publics et de marchand de biens. Par acte sous seing privé en date du 3 juillet 2002, [S] [L] a souscrit un engagement de caution solidaire à concurrence de 270 000 euros pour garantir le remboursement de l’ensemble des sommes dues par celle-ci dont il était le directeur général, au profit de la SA BRED BANQUE POPULAIRE – ci après la BRED – dans les livres de laquelle elle disposait d’un compte courant n°[XXXXXXXXXX010].

Ce cautionnement a été renouvelé suivant acte du 27 novembre 2009 pour un montant porté à 684 000 euros et une durée de 120 mois, avec la contresignature de [E] [P] épouse [L] selon laquelle celle-ci « déclare expressément donner [son] accord à l’engagement de caution ‘ et avoir connaissance que c’est l’ensemble de [leurs] biens qui répond à cet engagement ».

Par acte d’huissier en date du 22 avril 2010, les époux [L] ont fait assigner la BRED aux fins notamment de voir ordonner une expertise financière avec l’objet de déterminer les sommes dues par la BRED sur le compte courant de la société VETRA, prononcer la déchéance du droit de la banque à la perception des intérêts conventionnels en raison d’un manquement par celle-ci à son devoir d’information annuelle de la caution et constater la nullité de la stipulation d’intérêts en raison d’une erreur affectant le taux effectif global.

La BRED ayant suivant acte du 26 novembre 2010 fait assigner [S] [L] en paiement de la somme de 628 661,35 euros outre les intérêts au taux légal à compter du 20 septembre 2010 jusqu’à parfait paiement au titre de l’engagement de caution précité, les deux procédures ont été jointes et par jugement du 5 décembre 2011 confirmé par la cour d’appel de PARIS selon un arrêt du 13 février 2014, le tribunal de commerce de MELUN a notamment déclaré [E] [L] irrecevable en ses demandes, débouté [S] [L] de ses prétentions et condamné celui-ci à régler à la BRED la somme de 628 661,35 euros avec intérêts au taux légal à compter du 20 septembre 2010.

LA SA VETRA disposant également d’un compte n°000220030546 dans les livres de la SA BNP PARIBAS, celle-ci a recueilli par actes des 8 septembre 1989, 25 janvier 1997 et 4 juillet 2008 l’engagement de caution solidaire de [S] [L] en garantie de ses concours – consistant dans des facilités de caisse, un prêt en deux tranches d’un montant de 29 000 euros consenti le 21 juin 2007, une autorisation de découvert de 300 000 euros accordée le 20 février 2008 et un prêt de 75 000 euros consenti le 26 mars 2008 – à hauteur d’une somme principale de 76 224,51 euros portée ensuite à 121 959,21 euros, [E] [L] ayant pareillement contresigné ces actes avec la mention qu’elle « déclare donner [son] consentement exprès au présent cautionnement ». [S] [L] s’est enfin porté avaliste d’un billet à ordre de 110 000 euros.

Les mises en demeure de la banque faites à la société débitrice d’avoir à honorer ses engagements étant restées vaines, c’est dans ce contexte que la SA VETRA et les cautions ont par exploit du 22 avril 2010, fait assigner la SA BNP PARIBAS en contestation des sommes réclamées devant le tribunal de commerce de MELUN qui par jugement du 5 septembre 2011, a notamment déclaré [E] [L] irrecevable en ses demandes, débouté [S] [L] de l’ensemble de ses prétentions et reconventionnellement, condamné celui-ci en sa qualité de caution, à régler :

-23 836 euros au titre du cautionnement consenti le 22 mars 2005 ;

-2 588,14 euros au titre du crédit de 3 ans consenti par acte sous seing privé en date du 21 juin 2007;

-26 522,42 euros au titre du crédit consenti par acte sous seing privé en date du 26 mars 2008 ;

-110 000 euros au titre du crédit de trésorerie d’une durée d’un mois utilisable par escompte de billets à ordre échu au 30 avril 2010 ;

-302 469,25 euros au titre du solde du compte courant ayant fait l’objet des différentes facilités de caisse et ce, avec intérêts au taux conventionnel applicable à chacun de ces concours et ce à compter du 3 juin 2010, date de la mise en demeure.

Par arrêt du 19 juin 2014, la cour d’appel de PARIS a notamment déclaré irrecevable la demande de [S] [L] tendant à voir fixer le point de départ de la prescription au 22 mars 2010 et la demande de la BNP PARIBAS tendant à voir déclarer l’appel irrecevable, confirmant par ailleurs le jugement déféré en toutes ses dispositions.

La société VETRA disposait enfin d’un compte n°[XXXXXXXXXX01] ouvert dans les livres de la société HSBC FRANCE (devenue HSBC CONTINENTAL EUROPE, ci-après HSBC). Par acte du 2 novembre 2009, [S] [L] s’est porté caution solidaire des engagements de la société VETRA au profit de HSBC à concurrence de 180 000 euros avec la contresignature portant consentement exprès de [E] [L] à ce cautionnement. Suivant aval du 6 avril 2010, [S] [L] a en outre garanti le paiement par la société VETRA d’un billet à ordre de 150 000 euros souscrit par cette dernière à l’ordre de HSBC dans le cadre d’un crédit de trésorerie du même montant.

La SA VETRA a été placée en redressement judiciaire le 12 mai 2010 puis en liquidation le 15 juillet 2010, et la banque HSBC a déclaré sa créance pour la somme de 302 808,68 euros.

Par acte délivré le 22 avril 2010, la SA VETRA et les époux [L] ont fait assigner la société HSBC d’une part, pour contester les intérêts du compte courant sur la période du 1er janvier 2000 au 30 mars 2010 et obtenir à ce titre une expertise judiciaire, et d’autre part, pour solliciter la déchéance de tous les accessoires de la dette, frais et pénalités y afférentes, ce motif pris d’un défaut d’information au visa de l’article 2293 du code civil.

La SA HSBC ayant parallèlement par acte du 5 octobre 2010 fait assigner [S] [L] afin d’obtenir sa condamnation à lui payer la somme de 302 808,68 euros avec intérêts au taux légal à compter du 14 juin 2020, les deux procédures ont été jointes et par jugement du 5 septembre 2011, le tribunal de commerce de MELUN a notamment débouté les époux [L] de leurs demandes et condamné [S] [L] à payer à la banque HSBC la somme de 292 844,86 euros avec intérêts au taux légal à compter du 14 juin 2010.

Par arrêt rendu le 18 avril 2013, la cour d’appel de PARIS a jugé que faute de fixation par écrit du taux effectif global, la clause de stipulation d’intérêts encourait la nullité et a renvoyé les parties à la mise en état en invitant la banque à recalculer sa créance sur la base des intérêts au taux légal. HSBC a formé un pourvoi en cassation à l’encontre de cette décision. Le jugement du tribunal de commerce de MELUN en date du 5 septembre 2011 a été infirmé par arrêt de la cour d’appel de PARIS du 13 février 2014 suivant lequel [S] [L] a été condamné en qualité de caution et avaliste, à payer à la société HSBC la somme de 201 953,97 euros avec intérêts au taux légal à compter du 14 juin 2010.

L’arrêt rendu le 18 avril 2013 a cependant été cassé par arrêt du 23 septembre 2014 aux termes duquel les parties ont été renvoyées devant la cour d’appel de PARIS autrement composée qui n’a pas été saisie dans les conditions de l’article 1032 du code de procédure civile.

La société HSBC a, sur le fondement du jugement du 5 septembre 2011, engagé une procédure de saisie immobilière à laquelle est intervenue volontairement la BRED en qualité de créancier inscrit, ce aux fins de vente forcée d’un bien immobilier appartenant aux époux [L] situé à [Localité 12] qui par décision du juge de l’exécution du tribunal de grande instance de GAP du 21 septembre 2017, a été adjugé à un prix de 60 000 euros distribué à HSBC en tant que créancier poursuivant. Faute d’être complètement désintéressée, la banque a également présenté une requête aux fins de saisie des rémunérations de [S] [L] devant le tribunal d’instance de MELUN qui a fait droit à ses demandes.

Par acte d’huissier en date du 23 août 2018, la BRED a également fait délivrer aux époux [L] un commandement de payer valant saisie immobilière du bien situé à [Localité 9] constituant leur résidence principale puis selon exploit du 4 décembre 2018, les a fait assigner devant le juge de l’exécution du tribunal de grande instance de MELUN.

La société BNP PARIBAS a reçu paiement de la somme de 102 414,81 euros en août 2017 suite à la vente d’un autre bien immobilier que possédaient les époux [L] à [Localité 11]. Elle a ensuite fait procéder à une saisie-attribution entre les mains de la SA SOCIETE GENERALE à hauteur de 469 806,72 euros, qui a été dénoncée à [S] [L] le 14 septembre 2018.

Le 12 octobre 2018, [S] [L] a saisi le juge de l’exécution du tribunal de grande instance de MELUN en vue d’obtenir à titre principal la mainlevée de la saisie-attribution et subsidiairement la suspension de ses effets, ce en invoquant une exception de compensation au motif qu’il serait titulaire à l’égard de la BNP PARIBAS d’une créance indemnitaire.

Par acte d’huissier en date du 25 octobre 2018, [S] [L] et [E] [L] ont fait assigner la BRED BANQUE POPULAIRE, la SA BNP-PARIBAS et la SA HSBC CONTINENTAL EUROPE devant le tribunal de grande instance de PARIS pour voir juger que leur responsabilité se trouvait engagée et obtenir la réparation de leurs préjudice résultant des actions en paiement et des différentes mesures d’exécution entreprises sur leurs biens immobiliers, invoquant en substance que le contexte et l’étendue de leurs engagements de caution caractérisait un manquement par les établissements bancaires précités à leur devoir de mise en garde.

Par jugement contradictoire en date du 13 novembre 2020, le tribunal judiciaire de PARIS a :

– dit [E] [L] irrecevable en ses demandes formées contre la BRED BANQUE POPULAIRE ;

– rejeté la fin de non-recevoir soulevée par la BRED BANQUE POPULAIRE tirée de l’autorité de chose jugée ;

– débouté [S] [L] de ses demandes de dommages-intérêts formées contre la BRED BANQUE POPULAIRE ;

– débouté la BRED BANQUE POPULAIRE de sa demande de dommages-intérêts pour procédure abusive ;

– déclaré les époux [L] irrecevables en leurs demandes de dommages-intérêts formées contre la BNP-PARIBAS ;

– déclaré les époux [L] irrecevables en leurs demandes de dommages-intérêts formées contre la société HSBC ;

– condamné les époux [L] in solidum à payer à chacune des sociétés défenderesses la somme de 2 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile

– condamné les époux [L] in solidum aux dépens avec autorisation de recouvrement direct par le conseil de la banque HSBC.

Ce, aux motifs que :

– sur la qualité à agir de la demanderesse, [E] [L] ne s’étant pas engagée en qualité de caution à son égard mais ayant seulement donné son consentement au cautionnement souscrit par son époux afin d’étendre l’assiette du gage du créancier aux biens communs en application des dispositions de l’article 1415 du code civil, ce qui n’a pas pour effet de lui conférer la qualité de partie à l’acte, elle est dès lors irrecevable à agir en responsabilité contre la société BRED BANQUE POPULAIRE pour manquement à ses obligations d’information ou de mise en garde ;

– sur l’autorité invoquée de la chose jugée prévue à l’article 1351 devenu 1255 du code civil, le demandeur doit présenter dès l’instance relative à la première demande l’ensemble des moyens qu’il estime de nature à fonder celle-ci mais il n’est pas tenu de présenter dans la même instance toutes les demandes fondées sur les mêmes faits, or si une action en justice a déjà été engagée devant le tribunal de commerce de Melun à l’encontre de la BRED aux fins de contester l’exécution par la banque de son obligation d’information annuelle de la caution et de critiquer la liquidation des intérêts contractuels imputés à la société VETRA, [S] [L] ne se prévaut pas dans la présente instance de l’inopposabilité de l’engagement de caution souscrit, dont il n’invoque la disproportion qu’au soutien d’une demande de dommages-intérêts fondée sur la responsabilité de la banque pour manquement à une obligation pré-contractuelle générale d’information et de conseil ;

– sur la responsabilité de la BRED, le prêteur de deniers est débiteur d’un devoir de mise en garde au cas d’un crédit excessif, et il appartient à la caution qui en invoque l’existence de démontrer soit l’inadaptation de son engagement à ses capacités financières soit abstraction faite de celles-ci, l’existence d’un risque d’endettement né de l’octroi du prêt qui s’apprécie à travers le débiteur principal et qui conduirait en réalité à transférer le risque sur la caution, en l’espèce le demandeur n’allègue ni ne démontre l’existence d’un risque d’endettement né de l’octroi des concours financiers à la société VETRA mais soutient que la BRED a manqué à son obligation d’information en acceptant un cautionnement manifestement disproportionné alors qu’elle savait qu’elle ne pourrait pas faire face à ses engagements, cependant il ne fournit aucune pièce contemporaine de l’acte du 27 novembre 2009 et au regard des éléments contenus dans la fiche d’information fournie à la banque – faisant état de ressources de l’ordre de 60 000 euros par an, de trois biens immobiliers d’une valeur totale de 1 300 000 euros et de parts sociales de la société BBLC d’une valeur de 1 500 000 euros outre les titres de la société VETRA estimés à 800 000 euros, en présence d’autres engagements de caution auprès de la société BNP PARIBAS et de la société HSBC pour un montant total de 700 000 euros – et que celle-ci n’avait pas de motif de mettre en doute, ses patrimoine et revenus lui permettaient de faire face à l’engagement souscrit de 684 000 euros ;

– sur la prescription des demandes dirigées contre la BNP PARIBAS, l’action en indemnisation exercée par la caution pour manquements de la banque à ses obligations pré-contractuelles relève du régime de la prescription de l’article L. 110-4 du code de commerce, le délai de cinq ans édicté par ce texte commençant à courir à compter du jour où la caution a eu connaissance de ce que les obligations résultant de son engagement de caution étaient mises à exécution par le créancier, il ressort du jugement rendu par le tribunal de commerce de MELUN le 5 septembre 2011 confirmé par arrêt d’appel du 19 juin 2014 que [S] [L] a été destinataire d’une mise en demeure le 3 mai 2010, la société BNP PARIBAS sollicitant alors la mise à exécution de l’acte de cautionnement, le délai de prescription a donc commencé à courir à compter de cette date de sorte que la demande d’indemnisation formée par assignation du 25 octobre 2018 est irrecevable ;

– sur la prescription des demandes de dommages-intérêts formées contre la société HSBC, celle-ci produit la lettre de mise en demeure en date du 14 juin 2010 réceptionnée le 21 juin 2010 aux termes de laquelle elle réclame à [S] [L] le paiement de sa créance en sa qualité de caution solidaire, le délai de prescription a donc commencé à courir à cette date – à laquelle il a ainsi eu connaissance de ce que les obligations résultant de son engagement de caution étaient mises à exécution par la société HSBC – et a expiré le 21 juin 2015.

****

Par déclaration en date du 16 novembre 2020, [S] [L] et [E] [L] ont interjeté appel de ce jugement en critiquant l’ensemble de ses dispositions sauf celles écartant les fins de non recevoir opposées en défense et les prétentions indemnitaires dirigées contre les demandeurs au titre de la procédure abusive.

Aux termes de leurs dernières conclusions notifiées le 20 mai 2022, auxquelles il est renvoyé pour l’exposé détaillé des prétentions et moyens, ils demandent à la cour de :

Vu les articles 1382 et 1383 (anciens) du code civil

Vu les articles L. 313-10 et 314-4 du code de la consommation,

DECLARER recevables et bien fondés [E] [L] et [S] [L] en leur appel;

INFIRMER le jugement entrepris en ce qu’il a :

– Déclaré [E] [L] irrecevable en ses demandes formées contre la société anonyme BRED Banque populaire,

– Débouté [S] [L] de ses demandes de dommages-intérêts formées contre la société anonyme BRED BANQUE POPULAIRE,

– Déclaré [E] [L] et [S] [L] irrecevables en leurs demandes de dommages-intérêts formées contre la société anonyme BNP PARIBAS,

– Déclaré [E] [L] et [S] [L] irrecevables en leurs demandes de dommages-intérêts formées contre la société anonyme HSBC FRANCE ;

– Condamné [E] [L] et [S] [L] in solidum à payer à la société anonyme BRED Banque populaire la somme de 2 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– Condamné [E] [L] et [S] [L] in solidum à payer à la société anonyme HSBC FRANCE la somme de 2 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– Condamné [E] [L] et [S] [L] in solidum à payer à la société anonyme BNP PARIBAS la somme de 1 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– Condamné [E] [L] et [S] [L] in solidum aux dépens,

Statuant à nouveau,

JUGER que les responsabilités de la BRED, BNP ‘PARIBAS et HSBC FRANCE sont engagées au titre des conséquences financières des condamnations prononcées à l’encontre des époux [L] en leur qualité de cautions de la SA VETRA pour un montant total de 1 329 187,79 euros ;

CONDAMNER la BRED à verser à [E] [L] et [S] [L] la somme de 657 427,28 euros à titre de dommages et intérêts,

CONDAMNER la BNP PARIBAS à verser à [E] [L] et [S] [L] la somme de 469 806,72 euros à titre de dommages et intérêts ;

CONDAMNER HSBC à verser à [E] [L] et [S] [L] la somme de 201 953,79 euros à titre de dommages et intérêts,

JUGER que ces sommes viendront en compensation des sommes dues par les époux [L] suivant arrêts rendus par la cour d’appel de Paris le 13 février 2014 et le 19 juin 2014,

En conséquence,

CONDAMNER solidairement LA BRED et HSBC FRANCE à verser à [E] [L] et [S] [L] la somme de 60 000 euros représentant la différence entre la valeur réelle du bien sis à [Localité 12] et le prix d’adjudication retenu suivant jugement du 27 septembre 2017,

CONDAMNER la BNP PARIBAS à verser à [E] [L] et [S] [L] la somme de 28 000 euros représentant la différence entre la valeur réelle du bien sis à [Localité 11] et le prix auquel il a été cédé suivant acte de cession du 25 juillet 2017,

CONDAMNER solidairement LA BRED, BNP-PARIBAS et HSBC à payer aux époux [L] la somme de 60 000 euros au titre du préjudice moral,

CONDAMNER solidairement la BRED, BNP-PARIBAS et HSBC FRANCE à payer aux époux [L] la somme de 8 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens de première instance et d’appel.

faisant valoir pour l’essentiel que :

– sur la prescription alléguée, le délai court dès lors que les créances sont devenues exigibles, or les actions visant à contester la mise en ‘uvre du cautionnement n’ont été définitivement jugées que le 19 juin 2014 pour la BNP et le 23 septembre 2014 pour HSBC de sorte que l’exigibilité des sommes à payer aux deux établissements bancaires n’a été définitivement consacrée qu’à chacune de ces deux dates, ainsi la Cour de cassation énonce que la contestation opposée par une caution sur le fondement de la disproportion manifeste de son engagement à ses biens et revenus lors d’une mesure d’exécution forcée engagée par le créancier échappe à la prescription, en ce cas la «’défense au fond’» n’est plus le critère de l’absence de prescription ;

– l’appréciation de la disproportion manifeste s’effectue en comparant entre le patrimoine de la caution et le montant de l’engagement, puisqu’il faut entendre par la notion « disproportionné » une insuffisance ou une inadéquation entre deux éléments, autrement dit l’engagement de la caution par rapport à sa situation économique, en l’occurrence ses revenus et son patrimoine, la Cour de cassation a imposé le respect d’un principe de proportionnalité entre le montant du cautionnement souscrit et le patrimoine de la caution en définissant les conditions de mise en cause de la responsabilité civile du banquier en cas d’obtention d’engagement de cautions disproportionnés, il est tenu compte de l’endettement global à la date de l’engagement, ici la disproportion est caractérisée lorsque les cautions sont appelées en paiement de la dette ;

– sur la situation des cautions indépendamment de la liquidation judiciaire, [S] [L] a souscrit des engagements pour une somme de 684 000 euros à l’égard de la BRED, pour une somme de 300 000 euros à l’égard de BNP PARIBAS, pour la somme de 330 000 euros (découvert en compte et aval) à l’égard de HSBC France soit un total d’engagements de caution de 1 314 000 euros, ils disposaient d’un patrimoine immobilier de 860 000 euros, [S] [L] bénéficiait d’une pension de retraite procurant au couple un revenu annuel de l’ordre de 35 000 euros, le patrimoine immobilier a été surévalué et s’agissant des valeurs mobilières, LA BRED fait état d’un patrimoine de

2 300 000 euros constitué d’une assurance BBLC d’une valeur de 1 500 000 euros et des titres et actions au sein de la société VETRA d’une valeur estimé à 800 000 euros, or ces affirmations ne sont absolument pas étayées et ne peuvent en tout état de cause plus être prises en compte, BBLC était une holding familiale dont les parts ont été cédées au fils des appelants pour une valeur de 124 011 euros, désormais les cautions ne possèdent que leur résidence principale ;

il apparaît que les banques ont d’une manière évidente failli à leur devoir d’information et de conseil en acceptant des époux [L] des engagements de caution qui étaient manifestement disproportionnés par rapport à leur situation financière et patrimoniale,

– le préjudice des appelants est constitué par l’obligation impérative qui leur est faite de faire face à l’ensemble des condamnations financières auxquelles ils sont aujourd’hui tenus et qui sont devenues définitives, ayant mis à leurs charge les sommes suivantes :

-pour la BRED : la somme totale de 657 427,28 euros

-pour BNP-PARIBAS : la somme de 469 806,72 euros

-pour HSBC FRANCE : la somme de 201 953,79 euros

soit la somme totale de 1 329 187,79 euros, à laquelle s’ajoutent 60 000 euros au titre de la différence entre la valeur réelle de l’appartement sis à [Localité 12] estimée à 120 000 euros et celui du produit de la vente forcée dudit bien pour un montant de 60 000 euros, et 26 000 euros représentant la différence entre la valeur réelle du bien sis à [Localité 11] qui est de 140 000 euros et celle du prix de la vente effectuée le 25 juillet 2017 pour la somme de 114 000 euros.

Aux termes de ses dernières conclusions notifiées le 7 mai 2021, auxquelles il est renvoyé pour l’exposé détaillé des prétentions et moyens, la SA BRED BANQUE POPULAIRE demande à la cour de :

Vu les articles 1382 et 1383, devenus 1240 et suivants, 1315 devenu 1353, 1347-1, 1351 devenu 1355 du code civil,

Vu les articles 6, 9, 32, 32-1, 64 et 122 du code de procédure civile,

Vu les articles L.313-10, devenu L.314-18 et L.314-4, L.341-4 devenu L.332-1 et L.343-4, du code de la consommation,

A titre principal,

DONNER ACTE à la BRED de ce que les époux [L] contestent uniquement l’engagement de caution solidaire de [S] [L] en date du 27 novembre 2009 ;

DIRE ET JUGER que [E] [L] n’a pas intérêt à agir ;

DIRE ET JUGER que le jugement rendu par le tribunal de commerce de MELUN le 5 décembre 2011 et l’arrêt rendu par la cour d’appel de PARIS en date du 13 février 2014, aujourd’hui devenu définitif, ayant condamné [S] [L] en sa qualité de caution solidaire et déclaré [E] [L] irrecevable ont autorité de chose jugée et ne peuvent pas être remis en cause ;

A titre subsidiaire,

DIRE ET JUGER que l’engagement de caution solidaire en date du 27 novembre 2009 de [S] [L] était proportionné à ses biens et revenus au jour de la souscription du cautionnement ;

DIRE ET JUGER que l’engagement de caution solidaire en date du 27 novembre 2009 de [S] [L] est proportionnel à ses biens et revenus au regard de sa situation actuelle, [S] [L] ne rapportant pas la preuve que ses revenus et son patrimoine ne lui permettraient pas de faire face à son engagement de caution ;

En conséquence,

CONFIRMER le jugement déféré en ce qu’il a déclaré irrecevable [E] [L] en toutes ses demandes contre la BRED ;

INFIRMER le jugement déféré ce qu’il a rejeté la fin de non-recevoir soulevée par la BRED tirée de l’autorité de la chose jugée ;

CONFIRMER le jugement déféré en ce qu’il débouté [S] [L] de ses demandes de dommages et intérêts formées contre la BRED ;

INFIRMER le jugement déféré en ce qu’il a débouté la BRED de sa demande en dommages et intérêts pour procédure abusive ;

Ce faisant,

DECLARER les époux [L] irrecevables en toutes leurs demandes ;

DEBOUTER les époux [L] de leur appel et de l’ensemble de leurs demandes, fins et conclusions ;

CONDAMNER solidairement les époux [L] à payer à la BRED la somme de 10 000 euros pour abus de leur droit à agir en justice ;

CONDAMNER solidairement les époux [L] à payer à la BRED la somme de 8 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, outre les dépens.

faisant valoir pour l’essentiel que :

– sur l’irrecevabilité des demandes [E] [L] n’a aucun intérêt à agir dès lors qu’elle ne s’est pas portée caution solidaire des engagements de la société VETRA, en outre les demandes des époux [L] ne sauraient remettre en cause l’autorité de chose jugée des décisions définitives condamnant l’appelant, en effet la caution soulève un moyen nouveau en invoquant une créance de compensation résultant de la responsabilité de la banque, ce qui revient à remettre en cause la décision qui a écarté la disproportion, c’est donc à tort que le tribunal a rejeté la fin de non-recevoir tirée de l’autorité de chose jugée ;

– sur le caractère proportionné de l’engagement de caution de [S] [L], celui-ci – qui a rempli une fiche de renseignements dont il a certifié l’exactitude du contenu – disposait d’un revenu annuel de 57 000 euros, était propriétaire d’un patrimoine immobilier d’une valeur vénale de 1 300 000 euros et d’un patrimoine mobilier de 2 300 000 euros, ainsi même en déduisant le montant de ses engagements de caution auprès de la BNP PARIBAS et de HSBC FRANCE pour 700 000 euros, le patrimoine immobilier et mobilier déclaré par [S] [L] était d’une valeur de 2 900 000 euros (3 600 000 euros ‘ 700 000 euros), soit plus de quatre fois l’engagement de caution consenti à la BRED et ce, sans même tenir compte des revenus annuels qu’il percevait à hauteur de 57 000 euros, l’appelant ne peut invoquer des éléments ne correspondant pas à ses propres déclarations, au jour de l’appel en garantie il ne démontre pas plus que sa situation financière ne lui permettrait pas d’y faire face ;

– le préjudice invoqué n’est pas démontré, il ne saurait représenter le montant de la condamnation au paiement et la BRED n’a perçu aucune somme sur la vente du bien situé à [Localité 12] qui a permis de désintéresser partiellement HSBC ;

– sur la procédure abusive, l’action des époux [L] se heurte à l’autorité de la chose jugée, en outre ils sont défaillants dans l’administration de la preuve de leurs prétentions.

Aux termes de ses dernières conclusions notifiées le 3 mai 2022, auxquelles il est renvoyé pour l’exposé détaillé des prétentions et moyens, la SA BNP-PARIBAS demande à la cour de :

Vu

Les dispositions des articles L 213-6 du code des procédures civiles d’exécution, de l’article R 211-11 du CPCE,

Les dispositions de l’article R 121- 1 du code des procédures civiles d’exécution alinéa 2,

Les dispositions de l’article L. 110-4 du code de commerce,

Les dispositions de l’article 1347 du code civil,

Les dispositions des articles 695 et suivants du CPC,

ACCUEILLIR la BNP PARIBAS en ses conclusions, et les déclarer recevables et bien fondées,

STATUER CE QUE DE DROIT sur le litige opposant les époux [L] et la BRED BANQUE POPULAIRE et HSBC FRANCE,

CONFIRMER le jugement du tribunal judiciaire de PARIS du 13 novembre 2020 en toute ses dispositions, à tout le moins en ce qui concerne BNP PARIBAS,

SUBSIDIAIREMENT et dans l’hypothèse où la cour jugerait recevables les demandes de [E] [L] et/ou ne jugerait pas prescrite l’action menée par les époux [L],

DEBOUTER [E] [L] et [S] [L] de l’intégralité de leur argumentation et de leurs demandes et plus généralement de leur appel comme étant irrecevables et mal fondées et plus généralement de toutes leurs demandes, fins et prétentions,

En tout état de cause,

CONDAMNER in solidum [E] [L] et [S] [L] à payer à la S.A BNP PARIBAS la somme supplémentaire de 3 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, qui s’ajoutera à l’indemnité accordée par le tribunal,

CONDAMNER in solidum [E] [L] et [S] [L] aux entiers dépens de procédure, tant de première instance que d’appel, conformément à l’article 699 du code de procédure civile.

Exposant pour l’essentiel que :

– sur la fin de non recevoir, [E] [L] ne s’est pas portée elle-même caution de la SA BNP-PARIBAS, ses demandes sont irrecevables, les appelants ne critiquent pas utilement cette analyse ;

– sur la prescription, la date d’exigibilité dont se prévaut [S] [L] est nécessairement antérieure à la mise en demeure intervenue le 3 mai 2010, les époux [L] veulent faire valoir, au visa d’un arrêt de la Cour de cassation du 8 avril 2021 (pourvoi n° 19-12741), que leur action ne serait pas prescrite, mais cette décision dit seulement que le point de départ de l’action en responsabilité qui était soumise à son appréciation était non pas la date du cautionnement mais celle de sa mise en jeu, ce qui est précisément la position soutenue par la banque ;

– les demandes de [S] [L] formées dans le cadre de la présente procédure se heurtent à l’autorité de la chose jugée par le jugement du 5 décembre 2011 et l’arrêt du 19 juin 2014, signifié le 10 juillet 2014 et qui l’ont condamné à l’égard de la BNP PARIBAS en sa qualité de caution ;

– il appartenait à l’appelant de faire valoir, dès l’instance engagée devant le tribunal de commerce en 2010, l’ensemble des moyens qu’il entendait faire valoir pour contester le montant qui lui était réclamé par la BNP PARIBAS au titre de ses engagements ;

– sur la disproportion, celle-ci ne s’apprécie pas globalement mais pour chaque engagement, en ce qui concerne la BNP PARIBAS, le dernier cautionnement de [S] [L] est en date du 4 juillet 2008, les autres engagements souscrits sont postérieurs et il ne peut être opposé à BNP PARIBAS une prétendue disproportion que l’appelant aurait créée du fait d’engagements qu’il aurait ultérieurement souscrits, en outre il intègre dans sa contestation un acte de 2010 qui ne correspond pas à un engagement de caution mais à l’aval d’un billet à ordre qui échappe aux règles régissant la proportionnalité du cautionnement prévue par le code de la consommation, ainsi à l’égard de BNP PARIBAS les engagements de caution cumulés de [S] [L] s’élevaient à 480 000 euros, dès lors le simple rapprochement de ces chiffres permet de démontrer qu’il n’établit pas l’existence d’une quelconque disproportion en ce qui concerne ses engagements cumulés en 2008 à 480 000 euros à l’égard de BNP PARIBAS par rapport à son patrimoine déclaré à hauteur de la somme globale de 1 875 000 euros.

Aux termes de ses dernières conclusions notifiées le 21 mai 2022, auxquelles il est renvoyé pour l’exposé détaillé des prétentions et moyens, la SA HSBC CONTINENTAL EUROPE demande à la cour de :

Vu notamment l’article L. 110-4 du code de commerce, et les articles 122 et suivants du code de procédure civile, ainsi que l’article 1355 du code civil,

Vu les articles L. 213-6 du code de l’organisation judiciaire et R. 311-5 du code des procédures civiles d’exécution ;

CONFIRMER le jugement rendu le 13 novembre 2020 par le tribunal judiciaire de PARIS en toutes ses dispositions ;

DEBOUTER les époux [L] de toutes leurs demandes, fins et conclusions ;

CONDAMNER solidairement les époux [L] à payer à HSBC FRANCE la somme de 5 000 euros sur le fondement de l’article 700 du CPC ;

CONDAMNER les époux [L] solidairement en tous les dépens dont le recouvrement direct pourra être poursuivi par Maître Didier SALLIN, avocat, conformément aux dispositions de l’article 699 du CPC.

Exposant pour l’essentiel que :

– sur la prescription alléguée, l’exigibilité est le caractère d’une dette qui est venue à son terme notamment en cas de non-paiement et dont le créancier est en droit d’obtenir le recouvrement, or la liquidation judiciaire de la société VETRA du 10 juillet 2010 a eu pour effet de rendre exigible les créances antérieures à cette date ;

– sur l’autorité de la chose jugée, suivant arrêt de principe du 7 juillet 2006, la Cour de cassation a jugé qu’il incombe au demandeur de présenter dès l’instance relative à la première demande l’ensemble des moyens qu’il estime de nature à fonder celle-ci, or HSBC FRANCE a fait assigner en paiement [S] [L] par exploit du 5 octobre 2010 et dans le cadre de cette procédure après jonction des deux instances, il appartenait également aux époux [L] de présenter l’ensemble des moyens qu’ils estimaient de nature à justifier le rejet total ou partiel des demandes de la banque, à cet égard sous couvert d’une demande en dommages et intérêts et en compensation, l’action de la caution tend à remettre en cause par un moyen nouveau la condamnation irrévocablement prononcée, cette demande se heurte ainsi à l’autorité de la chose jugée (Cass. Com. 25.10.2011 n° 10-21383), en conséquence le jugement du 5 septembre 2011 étant définitif, les époux [L] sont irrecevables à engager une nouvelle procédure leur permettant de présenter des moyens qu’ils estiment de nature à justifier le rejet total ou partiel de la demande d’HSBC FRANCE et qu’ils n’avaient pas fait valoir au cours du premier procès, en outre une mesure d’exécution a été entreprise et une fois saisi, le juge de l’exécution statuant en matière de saisie immobilière est exclusivement compétent pour statuer sur les contestations qui s’élèvent à l’occasion de cette procédure même si elles portent sur le fond du droit à peine d’irrecevabilité soulevée d’office, en application des articles L. 213-6 du code de l’organisation judiciaire et R. 311-5 du code des procédures civiles d’exécution, le jugement d’orientation a été rendu le 12 octobre 2021 et il a été confirmé par arrêt rendu le 12 mai 2022 ;

– sur les manquements allégués et la preuve de la disproportion, les époux [L] ne démontrent pas le caractère manifestement disproportionné de leurs engagements, en effet ils ne versent aux débats que des avis d’imposition incomplets qui ne permettent pas de vérifier l’année de référence à savoir 2009, en outre aucune évaluation de leurs biens immobiliers n’est fournie ;

– sur la situation financière des cautions, il ressort de la fiche patrimoniale régularisée par [S] [L] le 2 novembre 2009, qu’il disposait à l’époque d’un montant annuel de revenus net de 72 000 euros (pensions 47 000 € et dividendes 25 000 €), et disposait d’un patrimoine immobilier évalué à un montant net de 1 480 000 euros, l’appelant indiquant en outre que le pourcentage de sa participation dans la société VETRA était de 40% qu’il évaluait à une valeur approximative de 1 000 000 d’euros, précisant n’avoir comme autre engagement que celui auprès de la BNP pour un montant de 200 000 euros.

– sur le préjudice allégué du fait de l’engagement de procédures d’exécution, les appelants ne communiquent aucune estimation des biens immobiliers en cause et n’ont pas réclamé la modification du montant de la mise à prix.

L’ordonnance de clôture a été rendue le 3 mai 2022.

MOTIFS DE LA DECISION :

Il est rappelé à titre liminaire que la cour n’est pas tenue de statuer sur les demandes de voir « dire et juger » qui ne sont pas, hors les cas prévus par la loi, des prétentions en ce qu’elles ne sont pas susceptibles d’emporter des conséquences juridiques mais constituent les moyens invoqués par les parties au soutien de leurs demandes.

1- sur l’autorité de la chose jugée et la concentration des moyens :

En application de l’article 122 du code de procédure civile, constitue une fin de non-recevoir tout moyen qui tend à faire déclarer l’adversaire irrecevable en sa demande, sans examen au fond, pour « défaut de droit d’agir, tel le défaut de qualité, le défaut d’intérêt, la prescription, le délai préfix, la chose jugée ».

L’article 480 du même code dispose encore que « le jugement qui tranche dans son dispositif tout ou partie du principal, ou celui qui statue sur une exception de procédure, une fin de non-recevoir ou tout autre incident a, dès son prononcé, l’autorité de la chose jugée relativement à la contestation qu’il tranche ».

Enfin selon l’article 1355 du code civil « l’autorité de la chose jugée n’a lieu qu’à l’égard de ce qui a fait l’objet du jugement. Il faut que la chose demandée soit la même ; que la demande soit fondée sur la même cause ; que la demande soit entre les mêmes parties, et formée par elles et contre elles en la même qualité ».

De ce texte est issu un principe jurisprudentiel dit de concentration des moyens en application duquel il incombe au demandeur de présenter, dès l’instance relative à la première demande, l’ensemble des moyens qu’il estime de nature à fonder celle-ci.

Il est par ailleurs constant que l’autorité de chose jugée n’a lieu qu’à l’égard de ce qui fait l’objet d’un jugement et a été tranché dans son dispositif.

Les banques intimées développent la même position consistant à soutenir qu’en poursuivant leur responsabilité au motif que l’engagement de caution serait disproportionné au regard de leur situation patrimoniale et de revenus, les époux [L] tendent à remettre en cause, par un nouveau moyen qu’ils n’ont pas soulevé en temps utile, les condamnations devenues définitives prononcées à leur encontre.

Il est cependant observé d’une part, que la disproportion alléguée n’a auparavant pas été examinée par les décisions de première instance et d’appel – les moyens de défense portant alors sur l’information annuelle et les intérêts réclamés – et d’autre part, que la défense à l’action en exécution du contrat de cautionnement engagée par la banque n’avait pas le même objet que celle en paiement de dommages et intérêts en réparation d’un manquement de celle-ci à son devoir de mise en garde, de telle sorte qu’il n’existe ni atteinte aux principes cités plus haut, ni même un risque de contrariété de décision (Cass 2e civ. 10 nov 2016 ‘ 15-22.862). La société HSBC y ajoute qu’à l’occasion des mesures d’exécution entreprises à leur encontre, « les époux [L] n’ont pas soulevé la prescription de la créance » ce qui est un argument inopérant dans le cadre de la présente instance.

Les fins de non-recevoir invoquées de ce chef ne peuvent donc être accueillies.

2- sur la recevabilité des demandes présentées par [E] [L] :

En application de l’article 1415 du code civil, chacun des époux ne peut engager que ses biens propres et ses revenus, par un cautionnement ou un emprunt, à moins que ceux-ci n’aient été contractés avec le consentement exprès de l’autre conjoint qui dans ce cas, n’engage pas ses biens propres.

[E] [L] – qui ne consacre aucun développement à ce moyen de défense dans ses conclusions d’appel – ayant contresigné les actes de cautionnement de son époux et ainsi permis l’engagement des biens communs du couple, elle ne peut se voir opposer une fin de non-recevoir en ce qu’elle a un intérêt à voir engager la responsabilité du créancier susceptible d’entreprendre des mesures d’exécution. Sa demande doit en revanche être dite mal fondée pour les motifs énoncés par le tribunal, en ce que la banque n’est pas tenue à un devoir de mise en garde à son égard dès lors qu’elle n’est ni emprunteur, ni caution en garantie des engagements souscrits.

3- sur le moyen tiré de la prescription des demandes au titre d’une responsabilité de la banque (BNP-PARIBAS et HSBC) :

En application de l’article L. 110-4 du code de commerce, les obligations nées à l’occasion de leur commerce entre commerçants ou entre commerçants et non-commerçants se prescrivent par cinq ans si elles ne sont pas soumises à des prescriptions spéciales plus courtes.

Le point de départ de ce délai s’apprécie par référence aux dispositions de l’article 2224 du code civil selon lequel « les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d’un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l’exercer ».

En application de ces principes, l’action en responsabilité de la caution à l’encontre du créancier qui se voit reprocher un manquement à son devoir de mise en garde se prescrit dans un délai de 5 années courant non pas à compter de l’épuisement des voies de recours contre les décisions rendues sur les principe et quantum de la dette, ainsi que le soutiennent les appelants qui définissent ainsi de façon erronée « l’exigibilité » des sommes réclamées à supposer ce critère opérant, mais à partir de la connaissance acquise par celle-ci de ce que les obligations résultant de son engagement seraient mises à exécution, autrement dit lorsqu’elle est appelée en paiement par le créancier, ce qui fonde en effet l’existence de son dommage (Cass. 1e Civ, 27 juin 2018 – 17-21.157).

La jurisprudence invoquée par les appelants au soutien de leur raisonnement fondé sur la notion d’exigibilité de la dette – n°17-16.282 – n’est pas transposable au cas d’espèce, en ce qu’il est question du délai imparti au créancier pour réclamer le règlement d’une facture dont le défaut de paiement à son terme révèle le dommage. Dans l’hypothèse du présent litige d’une part, l’exigibilité de la dette intervient à la date de la mise en redressement judiciaire de la société débitrice, et d’autre part, c’est la révélation des poursuites engagées contre la caution – indépendamment même de cette exigibilité – qui matérialise le dommage et met celle-ci en connaissance des faits de nature à fonder son action. De même, la décision n°17-20.819 ne sert pas plus l’argumentation des appelants en ce qu’elle concerne l’action en responsabilité contre la banque non pas d’une caution mais d’un emprunteur, dont le dommage est objectivé – dans le cas d’un prêt in fine assorti du nantissement de contrats d’assurance-vie – lorsqu’il doit rembourser le capital à son échéance. Il n’est enfin pas plus utilement renvoyé à un exemple – n°19-12.741 – dans lequel la disproportion est invoquée par la caution à l’effet de contester le bien-fondé de mesures d’exécution alors que le commandement de saisie-vente était le premier acte porté à sa connaissance, ce qui diffère du cas où une action en responsabilité est initiée en vue d’obtenir réparation d’un dommage dont l’existence parvenue à la conscience du demandeur conditionne le point de départ du délai de prescription.

Or dans le cas d’espèce, il ressort des pièces produites que :

– par courrier du 14 juin 2010 reçu le 21 suivant, la SA HSBC FRANCE a écrit à [S] [L] en lui rappelant son engagement de caution du 2 novembre 2009 à concurrence de 180 000 euros et en lui faisant part de sa déclaration de créance au passif de la SA VETRA, lui demandant alors de lui « faire connaître les dispositions qu'[ il comptait] prendre afin d’honorer [son] engagement de caution » (pièce HSBC 5) ;

– il est énoncé aux termes du jugement du tribunal de commerce de MELUN rendu le 5 décembre 2011 et non contesté par [S] [L] – lequel évoque lui-même cette date comme un fait constant dans ses écritures – qu’il a été mis en demeure d’avoir à s’acquitter des sommes dues au titre de ses engagements de caution par lettre de la SA BNP-PARIBAS en date du 3 juin 2010 (pièce BNP 1).

A compter de ces dates auxquelles il a été enjoint d’exécuter son obligation à la dette en sa qualité de caution, [S] [L] était donc en connaissance des faits lui permettant d’initier une action en responsabilité contre les banques fondée sur leur obligation de mise en garde pour l’avoir conduit à souscrire des engagements qu’il jugeait disproportionnés au regard de sa situation financière.

C’est en conséquence à juste titre que les demandes formées à l’encontre des sociétés BNP-PARIBAS et HSBC ont été dites prescrites pour avoir été introduites par assignation délivrée le 25 octobre 2018.

4- sur le bien -fondé des demandes (manquement au devoir de mise en garde, disproportion des engagements souscrits) dirigées contre la BRED BANQUE POPULAIRE :

La banque dispensatrice de crédit est tenue, à l’égard d’une caution non avertie, à une obligation de mise en garde qui est constituée si l’engagement de celle-ci n’est pas adapté à ses capacités financières ou s’il existe d’emblée un risque d’endettement né de l’octroi du prêt qui s’analyse au regard du risque de défaillance caractérisé du débiteur principal. Lorsque la caution est avertie, ce qu’il appartient à la banque de démontrer en présence de l’une des hypothèses précitées, l’établissement de crédit n’est débiteur d’une telle obligation que si au moment de l’octroi du prêt, il a sur les revenus et le patrimoine de la caution ou sur ses facultés de remboursement raisonnablement prévisibles des informations que celle-ci ignorait.

La caution avertie est celle disposant des compétences nécessaires lui permettant de mesurer le contenu, la portée et les risques liés à son engagement, lesquelles ne dépendent pas forcément de sa qualité de professionnel et sont appréciées notamment au regard de ses capacités de discernement, de son expérience dans le secteur considéré et de son habitude des affaires. Il est également tenu compte des caractéristiques de l’opération.

Il appartient à la caution poursuivie de démontrer la disproportion qu’elle invoque, laquelle s’interprète restrictivement comme impliquant l’impossibilité manifeste de faire face à l’engagement en cause à la date de sa souscription compte tenu de ses revenus et patrimoine ainsi que de son endettement global incluant les engagements antérieurs ou concomitants.

La banque n’est pas tenue de vérifier les déclarations qui lui sont faites à sa demande par les personnes se proposant d’apporter leur cautionnement, sauf s’il en résulte des anomalies apparentes. En revanche, la caution n’ayant pas renseigné de fiche d’information à l’occasion de son engagement est libre de démontrer la réalité de sa situation financière à cette date de référence.

[S] [L] – dont la banque ne soutient pas qu’il serait une caution avertie – a notamment souscrit au bénéfice des établissements bancaires précités les engagements suivants, étant rappelé que ces garanties doivent être considérées chronologiquement – et non dans leur globalité comme le fait l’appelant se prévalant indifféremment d’actes postérieurs – pour apprécier la disproportion :

– cautionnement à hauteur de 86 250 + 240 000 euros à l’égard de la BNP PARIBAS en mars et juillet 2008 (les cautionnements en francs de 1989 et 1997 représentant 75 000 et 121 000 euros, étant sans limitation de durée) ;

– cautionnement à hauteur de 180 000 euros au bénéfice de la société HSBC FRANCE le 2 novembre 2009 ;

– cautionnement à hauteur de 684 000 euros à l’égard de la BRED le 27 novembre 2009.

Aux termes de la fiche de renseignements communiqués à la banque signée par [S] [L] le même jour, celui-ci déclare :

– disposer de ressources annuelles s’élevant à 60 000 euros et supporter un total de charges de 3 000 euros ;

– posséder un patrimoine – l’ensemble dépendant de la communauté formée entre les époux – constitué de trois biens immobiliers dont la valeur estimative globale est de 1 300 000 euros, et de valeurs mobilières détenues au sein des sociétés BBLC (49%) et VETRA (40%) représentant respectivement 1 500 000 euros et 800 000 euros ;

– avoir souscrit de précédents engagements de caution pour un montant global de 700 000 euros.

Ainsi selon ces informations que la banque n’avait pas de raison objective de mettre en doute en l’absence d’anomalies apparentes, [S] [L] disposait d’un patrimoine d’une valeur de 3 600 000 euros et était engagé à concurrence de 1 400 000 euros en tenant compte du cautionnement litigieux, abstraction faite de ses revenus annuels déclarés.

Dans ces conditions, il ne peut pertinemment soutenir que son engagement était disproportionné aux motifs que ses biens immobiliers étaient surévalués comme ne pouvant excéder 860 000 euros, que son revenu annuel était en réalité de l’ordre de 41 300 euros et enfin que les valeurs mobilières déclarées étaient « hypothétiques » – notamment au regard d’un acte de cession au profit de [V] [L] – ce qui à les supposer exactes, sont autant de circonstances qui n’étaient pas portées à la connaissance de la banque qui comme il est dit plus haut, n’est pas tenue de contrôler la sincérité des déclarations qu’elle recueille si les éléments communiqués ne l’incitent pas à le faire.

Il s’ensuit que [S] [L], qui n’invoque pas l’existence d’un risque d’endettement né de l’octroi du prêt soit de risque inéluctable de défaillance de la société cautionnée, échoue à démontrer que son engagement n’était pas adapté à ses capacités financières à la date de sa souscription.

Ses demandes fondées sur un manquement de la banque à son devoir de mise en garde ne peuvent donc prospérer.

5- sur la demande de la BRED BANQUE POPULAIRE au titre de la procédure abusive :

La faculté d’agir en justice est un droit ne pouvant être limité que s’il s’avère avoir uniquement été exercé dans une intention de nuire, ou sur la base d’une erreur grossière d’appréciation du demandeur dont il est manifeste qu’il ne pouvait se méprendre sur le bien-fondé de ses prétentions.

Ces circonstances ne pouvant toutefois se déduire de l’usage fait par les appelants de voies de recours qui leur sont légalement offertes en l’absence d’autorité de la chose jugée, c’est encore à juste titre que la demande indemnitaire présentée de ce chef par la BRED a été rejetée.

Il résulte de l’ensemble de ce qui précède que la décision entreprise doit être confirmée en toutes ses dispositions, sauf en ce qu’elle a déclaré [E] [L] irrecevable en ses demandes qui sont plus exactement mal fondées.

6- dépens et frais irrépétibles :

[S] [L] et [E] [L] qui succombent supporteront la charge des dépens qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile par les conseils en ayant fait la demande.

Ils seront également condamné à payer à chacune des sociétés intimées ayant dû exposer des frais irrépétibles, une somme au titre de l’article 700 du code de procédure civile qu’il est équitable de fixer à 2 000 euros.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Statuant publiquement et contradictoirement,

CONFIRME le jugement déféré en toutes ses dispositions, sauf en ce qu’il a dit [E] [L] irrecevable en ses demandes ;

Statuant à nouveau de ce chef,

DIT [E] [L] recevable mais mal fondée en ses demandes dirigées contre la SA BRED-BANQUE POPULAIRE, la SA BNP-PARIBAS et la SA HSBC CONTINENTAL EUROPE au titre du manquement par celles-ci à leur devoir de mise en garde ;

Y ajoutant,

CONDAMNE [S] [L] et [E] [L] in solidum aux dépens d’appel qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile par les avocats en ayant fait la demande,

CONDAMNE [S] [L] et [E] [L] à payer à chacune des sociétés intimées la SA BRED-BANQUE POPULAIRE, la SA BNP-PARIBAS et la SA HSBC CONTINENTAL EUROPE, la somme de 2 000 en application de l’article 700 du code de procédure civile.

LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,

 


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